Archives par étiquette : La Silicon Valley et l’Europe

Pourquoi la Silicon Valley est toujours la capitale de l’innovation

J’ai entendu si souvent que la Silicon Valley n’est plus l’endroit où il faut être ou aller en matière d’innovation que lorsque j’ai relu les courriels que j’ai échangé récemment avec un étudiant, je lui ai demandé de me laisser publier certains de ses mots.

silicon-valley

2 avril – Cher Hervé,
Je voulais juste vous tenir informé de mes dernières découvertes dans la Silicon Valley. Tout d’abord, cet endroit est incroyable! C’est la première fois de ma vie où je me sens accepté. Les événements et le style de ces événements est tout simplement incroyable. C’est tellement amusant!
J’ai rencontré tellement de gens inspirants. J’ai passé le week-end à découvrir les personnes avec qui je vis. Je ne vous avais sans doute pas dit que je vis dans une maison pour les entrepreneurs. C’est comme une auberge de jeunesse de long terme pour les entrepreneurs et gérée par des entrepreneurs. Je suis tellement marqué par toutes leurs histoires !
J’ai également visité une institution européenne jeudi. Et en parlant juste entre vous et moi, j’ai été vraiment déçu. Les gens étaient très gentils en surface, mais cela ne m’a pas beaucoup aidé. Juste la nuit précédente nous parlions avec des entrepreneurs du fait que beaucoup de problèmes en Europe viennent du manque de coopération et d’objectifs communs entre les gouvernements.

8 avril – Hervé,
J’ai vraiment envie de retourner dans la Silicon Valley plus tard. Voici un résumé de ma semaine : j’ai participé à une autre conférence extraordinaire! Tellement d’énergie et d’enthousiasme inspirant. Je suis aussi allé à un Meetup sur le thème des big data. Il était vraiment excellent. J’ai également eu l’occasion de participer à un événement organisé par le gouvernement écossais – un événement de très haut niveau. C’est ce que j’aime dans la Silicon Valley – cela demanderait beaucoup plus d’efforts pour pouvoir participer à des choses de la même qualité en Europe.
Cordialement,

18 avril
J’aime vraiment cet endroit ! 🙂 [ … ] Je vais vous donner un bref résumé de ce que j’ai fait lors de ma 3ème semaine ici. Je suis très fier du fait que j’ai visité Google deux fois ! C’est un endroit incroyable ! Je suis aussi passé devant quelques célèbres géants de la Silicon Valley comme Cisco, Intel, IBM, Oracle (j’ai adoré le style Oracle !). Je suis aussi allé à l’endroit de Shockley Semiconductors et Fairchild Semiconductors.
Je suis allé à quelques événements au Plug and Play – très bel endroit. Les gens ont de bonnes connexions là-bas. Ai visité un événement à l’accélérateur Rocketspace. Ambiance complètement différente. Participation à un autre événement de l’IESE (école de commerce européenne) à l’accélérateur Runway. Vu des Allemands, aimé le style. Un autre événement au SRI. Un lieu tellement protégé, comme si l’avenir militaire de décidait là. L’événement traitait de robotique – je me sentais stupide parce que je ne sais rien à propos des robots, mais appris beaucoup de choses.
Enfin, comme je l’ai mentionné plus tôt – ai eu la chance de rencontrer […]. J’aime ses discours. Cependant, il était un peu décevant parce que le matériel n’est pas vraiment nouveau. Il a dit les mêmes choses que ce qui est sur ​​youtube. Mais de manière générale, j’adore mon séjour ici. Je n’ai presque pas de temps de répondre aux courriels (comme vous pouvez le voir), mais je rencontre beaucoup de gens et visite de nombreux endroits !

6 mai
En ce qui concerne les deux dernières semaines de mon séjour – ouah – c’était fou. J’ai participé à beaucoup d’événements. J’ai rencontré des Européens qui vivent dans la région de San Francisco. En fait, ils était un peu décevants car ils n’avaient pas vraiment l’esprit d’entreprise, plus comme bénéficiant de l’atmosphère locale.
J’ai été à une autre session de pitching à San Francisco – totalement confirmé mon opinion que tout le monde a une chance de se lancer et beaucoup de gens profitent de l’occasion, même quand les technologies ne sont pas vraiment exceptionnelles. J’ai passé Pâques à Stanford. Il y avait la journée de démonstration et les pitches finaux des participants de E-Bootcamp. Stanford m’a laissé une très bonne impression – la qualité des pitches et l’organisation sont différentes du reste de la Silicon Valley. La semaine suivante, je suis allé à l’événement des leaders d’opinion entrepreneuriaux à Stanford – un entretien avec Morris Chang. Très bonne idée d’avoir de tels événements.
Pour résumer brièvement mon voyage dans la vallée c’était vraiment une expérience incroyable ! J’ai tant appris et j’ai vu tant de choses. Je me sens comme si j’avais fait un semestre de plus à l’EPFL ! Je pense que l’esprit d’entreprise à travers le monde est très différent. Il est toujours possible de faire quelque chose de différent de la Silicon Valley et de l’adapter à l’atmosphère locale, mais dans de nombreux cas, certains traits de la culture besoin d’être changés. Et c’est probablement la chose la plus difficile à changer. Il faudra plus que les injections d’argent. Je suis très content de mon choix d’aller dans la SV et je pense que cela a eu un impact énorme pour moi en tant que futur entrepreneur.

Il y a quelques années, j’avais participé à une table ronde à Grenoble. J’avais tenté d’expliquer mon point de vue sur les différences entre ici, en Europe, et là-bas, la SV. Je m’étais senti très critiqué par beaucoup pour « mon point de vue biaisé et unilatéral » des choses jusqu’à ce que une jeune entrepreneur réagisse. Elle venait de rentrer d’un voyage en SV et c’était la première fois qu’elle y éatit allé. « J’ai rencontré plus de gens et j’ai appris plus de choses en 10 jours que je l’aurais fait en 6 mois ici à Grenoble ». C’était en 2011. Je crois que c’est encore vrai en 2014. Je crois toujours que la SV est l’endroit où être ou au moins aller si vous voulez accélérer votre apprentissage sur l’innovation et l’esprit d’entreprise high-tech.

Le rêve de la Silicon Valley

Je viens de lire le même excellent article dans La Tribune de Genève (pdf ici) et 24 heures (pdf ici). Je n’ai pas les droits pour en faire la copie brute, je vous encourage donc à les lire en pdf ou à en lire ma (rapide) traduction sur The Dream of Silicon Valley.

SV-24h

Il y est question des similitudes entre la Silicon Valley et l’arc lémanique (talents, coût, traffic) mais surtout des différences démographiques, culturelles et financières. Deux extraits:

« Certains expliquent l’effervescence qui règne ici par l’urgence, raconte Christian Simm. Il faut aller vite, les gens savent qu’ils ne peuvent pas travailler 80 heures par semaine pendant vingt ans. »

« Vous voulez connaître le secret de la Silicon Valley? demande Fadi Bishara, responsable de l’incubateur Blackbox. L’échec n’est pas un problème. Il est complètement admis. On le considère même comme un apprentissage. »

Tout est dit!

PS: j’en profite pour mentionner l’excellente interview de Cédric Villani, « L’Europe des sciences, comme l’Europe tout court, a besoin de leaders. » En voici le début: Vous enseignez à Berkeley ce semestre. Comment vous paraît l’Europe, vue de Californie ?
Cédric Villani – La Californie du Nord fait rêver tout le monde, à raison d’ailleurs. C’est le pays des start-up qui deviennent grandes, de la créativité érigée en art de vivre, du high-tech et de la réussite individuelle – je suis allé voir la maison de Steve Jobs, c’est fascinant. Mais je ne me vois pas m’y installer. La Silicon Valley et ses universités prestigieuses ne doivent pas faire oublier que la Californie affronte de graves problèmes structurels : les infrastructures – routes, ponts mais aussi les administrations – sont dans un état déplorable ; l’éducation primaire, secondaire et technique n’est pas à la hauteur, sans parler de la sécurité sociale. J’y suis venu en famille avec deux jeunes enfants : c’est passionnant d’y être, mais je peux vous assurer que vues d’ici, la qualité de vie et celle des services publics en Europe sont incomparables.

L’innovation aux USA (selon la Radio Suisse)

Excellente série de chroniques dans l’émission Les Temps Modernes de la RTS sur l’innovation aux USA.

En tout 10 chroniques sur 2 semaines. La première semaine fut consacrée à la Silicon Valley:
A la conquête de l’app-économie (22 octobre)
Le poids des géants américains de l’informatique (23 octobre)
L’écosystème des réseaux sociaux (24 octobre)
La culture start-up dès l’adolescence (25 octobre)
l’éducation en ligne, next big thing? (26 octobre)

De cette première semaine, j’ai noté les points suivants:
1- La app-économie (la combinaison du smart-phone et des réseaux sociaux) draine financements et talents (des salaires avec 2ans d’expérience de $110-120k). Une vraie ruée vers l’or. avec des perdants (Nokia-Sony-Ericsson voire Motorola), et un monde devenu américano-centrique (Apple-Android-Facebook)
2- Alain Chuard, un suisse alémanique qui a vendu sa start-up californienne à Google avec 400 employés. Créée en 2008, avec $14M de VC et apparemment rachetée $250M. Google est mûre, Facebook arrive à maturité donc fin d’un cycle. Quelle suite? D’où le point suivant!
3- La prédiction de fin de la SIlicon Valley (SV). Vieux serpent de mer discuté à nouveau. L’un des interviewés pense en effet qu^à un horizon de 15 ans, la SV aura perdu de son importance. Jean Louis Gassée éatit lui moins convaincu, il décrit la région comme un système très propice à la destruction et à la reconstruction, avec des cycles qui entremêlent, avec un progrès continu depuis HP en passant Intel, Apple, Cisco, Google, jsuque Facebook Le PC n’est plus le centre des activités, mais ceci ne veut pas dire la fin de la vallée. J’aime rappeler la citation de AnnaLee Saxenian, experte de l’innovation et des clusters technologiques: “In 1979, I was a graduate student at Berkeley and I was one of the first scholars to study Silicon Valley. I culminated my master’s program by writing a thesis in which I confidently predicted that Silicon Valley would stop growing.” Elle reconnut plus tard son erreur.
4- La culture de la SV: il est facile de rencontrer des gens, même pour un adolescent. Une question de mentalité. Un VC préfère quelqu’un qui a échoué. La prise de risque est encouragée dès le plus jeune âge. « Il faut essayer d’importer cela en Europe, quitter les schémas classiques de carrière, l’innovation est freinée sans cela. »

La deuxième semaine fut consacrée à la côte Est:
Internet au secours de l’emploi, le pari de Chicago
la révolution du marketing digital
le data-mining, ou la ruée vers l’or des données
le lobby des géants du net
les serial-entrepreneurs de la biotech

Je note le dernier article qui quitte l’IT pour la Biotech, ce qui pourrait laisser croire que Boston est la capitale du secteur. Partiellement vrai de mon point de vue, je crois que San Francisco a concentré tous les dommaines de l’innovation américaine…

Le héros et le soldat des start-up

Je viens de découvrir un article de Techcrunch. Il est intitulé Is the search for the Startup Hero holding back startup teams?

Il contient des choses très intéressantes (même si elles ne sont pas forcément originales). Si vous avez le temps, écoutez la table ronde. C’est une bonne synthèse de la situation européenne (en comparaison à la Silicon Valley). Je ne suis pas d’accord avec tous les arguments, par exemple ceux qui sont liés au fait que l’Europe serait faible par trop de régulations. Je pense que la faiblesse est culturelle. Mais il est possible que les régulations changent la culture sur le long terme.

J’y ai entendu les arguments habituels (mais corrects!):
– Nous avons besoin d’une culture de compétition.
– Nous avons besoin d’argent, c’est à dire de capital intelligent (« smart money »).
– Nous avons besoin d’une éducation plus bâtie sur le faire que sur le penser (faire des produits, créer des sociétés)
– Nous avons besoin que nos start-up ait une vision internationale dès le début. Elles ne doivent être ni trop locales ni trop modestes. La perception du multilingue européen y est présentée autant comme un atout qu’une faiblesse.

Esther Dyson y fut plutôt convaincante sur le manque de compétences nécessaires à la croissance des entreprises. « En Europe, votre mère vous dira d’aller travailler pour SAP ou Coca Cola. » puis elles ajouta qu’il est relativement simple de créer une sociétés avec 5 employés mais qu’il est difficile de la faire grandir à 1000 personnes. Vous pouvez aussi lire les commentaires d’Esther Dyson dans son propre blog The Dangerous Myth of the Hero Entrepreneur. Elle y montre bien la complexité de la problématique.

Comme elle l’écrit joliment:
« Mais il y a au moins deux avantages pour un pays à avoir des entrepreneurs héros. Tout d’abord il sert de modèle. Il (rarement elle) encourage les gens à rêver – et aussi à prendre des risques, à être tenace face aux évènements souvent contraires, et à générer de l’activité économique.
(…)
Pourtant parfois, je me demande si le mythe du héros-entrepreneur n’est pas dangereux. Dans une économie comme celle des Etats Unis, où les start-up sont vénérées, les gens qui feraient de parfaits chefs de projet ou d’excellents vendeurs préfèrent créer leur entreprise, créant une pénurie de cadres dans l’écosystème. Des milliers de gens intelligents et hautement nécessaires se sentent inutiles parce que ce ne sont pas des héros. Nombreux sont ceux qui font les mauvais choix en quête de gloire.
(…)
Dans les cultures où les start-up sont jugées risquées et même assez peu respectables, il est aussi difficile pour les entrepreneurs de trouver les troupes qui ne vont pas jouer les rôles phares. La plupart des gens préféreront travailler pour une société établie ou pour le service public.
Alors, plutôt que de se focaliser sur le trop petit nombre d’entrepreneurs, considérez un instant la pénurie très réelle de gens qualifiés et prêts à travailler pour les entrepreneurs et les start-up. »