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Une start-up est un bébé

J’ai souvent utilisé cette analogie dans mes présentations et cours. Fred Wilson l’emploie aussi dans un post récent, The Expanding Birthrate Of Web Startups.

Dans mes présensations, la slide est la suivante (vous pouvez lire la slide 61 du pdf en anglais que j’ai posté dans Start-Up, le livre: un résumé visuel):

Les voici à nouveau en texte plein:
– Les parents sont-ils des professionnels de l’éducation des enfants? alors pourquoi demande-t-on aux futurs entrepreneurs d’acquérir d’abord de l’expérience?
– Les parents vont-ils éternellement contrôler la destinée de leurs enfants? alors pourquoi les fondateurs ont-ils souvent l’angoisse de perdre le contrôle?
– Demande-t-on aux parents de céder le pouvoir de décision aux professionnels que sont les enseignants, les médecins? alors les fondateurs ne doivent-ils pas simplement s’entourer des meilleurs professionnels pour augmenter leurs chances de succès?
Une start-up est un bébé qui doit grandir et ses parents doivent l’aider à devenir adulte et bien sûr votre start-up est la plus belle au monde!

J’ajoute en général, je suis peut-être un peu vieux jeu, que je crois que les familles/entreprises monoparentales sont plus difficiles à vivre pour la progéniture alors trouvez-vous un partenaire, ne vous lancez pas seul dans l’aventure entrepreneuriale.

Wilson voit l’investisseur, et non pas l’entrepreneur, comme le parent. Poiur moi l’investisseur est un8e) ami(e), un mentor, un parrain/marraine. Mais voici des extraits des commentaires de son post.

– « I am committing to the care and feeding of the company until cash flow breakeven (the startup equivalent of adulthood) » (Wilson himself)
– « I worry like a parent with too many kids. Who is going to take care of all of these kids? » (Wilson again)
– « Parenting is a good way to put it. Unsure about the « pulling the plug » comparison though, doesn’t go very well with parenting! » (Loic Lemeur)
– « The super-angels and the angels, don’t try to play « parent ». They play friend. It’s a mutual benefit relationship, but the ultimate control is to the entrepreneur. Usually the friends and family who are excited about your seed round (when you leave their company), are not thinking about follow-on. » (Prasanna Sankaranarayanan)
-« do you think the « orphaned startups » will suffer because their « parent investors » remove themselves » (Adam Wexler)
-« an environment not unlike pre- or emerging-industrial third world nations. High infant mortality, the necessity of conserving scarce resources for those infants with provable indications that they CAN survive the initial impediments. It doesn’t mean that the parents love or value the survivors more, but rather that as a practical matter there are few options. […] if a ‘gifted child’ is to be sustained through the vagaries of infancy, then it’s important for both the company and the investor(s) to consider this up front. […] When, at the outset, it becomes clear that substantial investment in capital equipment, research and development, or extended operation at a loss is required if a ‘gifted child’ is to be sustained through the vagaries of infancy, then it’s important for both the company and the investor(s) to consider this up front.  » (Rich Miller)
– « We make fun of parents today who enroll their kids in the right kindegarden so they can get into Princeton, Yale, Harvard, but perhaps they aren’t so wrong if we applied that logic to startups….what do you need to do as an early stage company to ‘get into the right school’ when you come of age? » (Dave Hendricks)
– « But that’s not good parenting… if you want your child/portfolio company to succeed long term, you’ve got to consider where the road will take you, because the easy road/early exit isn’t a lock and is usually a lot harder than you think » (Reece Pacheco)
– « History: birthrate without control produces malnourished kids. » (Agilandam)
– « Short answer: A lower % of these « kids » will make it to their 3rd birthday. » (Andy Swan)
– « I thought you were going to make a separate point, that there aren’t enough acquirers — Google is active, Microsoft, Yahoo and others much less so — to adopt all the kids who don’t go public. » (Glen Kelman)
– « If programs like Y Combinator are getting our smartest kids to start companies instead of going to law school, McKinsey etc then that’s going to lead to good things for our industry and our economy. » (Chris Dixon)
– « Also… you say that entrepreneurs should find a one or 2 VCs and have a long term relationship with them. Isn’t this true for VCs too? Doesn’t it make sense to have the same investors lead the company from birth to adulthood and not one VC for the « toddler » period, one of the « child », one of for the teen? If we take that analogy a little bit further, we know that foster kids who are taken from foster family to foster family usually don’t end up as « well » as the ones who get the same frame all along? » (Julien)

L’analogie a, je crois, pas mal de sens. Je vous laisse réagir….

Give back to the community

Sixième contribution au magazine Créateurs: Swissquote. Je quitte progressivement la Silicon Valley, après avoir abordé des histoires purement américaines (Adobe, Genentech) puis des Européens dans la Silicon Valley (Synopsys, VMware) pour aborder une pur succès Suisse.

Mark Bürki et Paulo Buzzi sont les fondateurs d’une des plus belles success stories suisse, voire européenne : Swissquote. Pas de lien avec la Silicon Valley, pas de capital-risque comme j’ai coutume de le signaler. Non, une banque en ligne bâtie en 1997 comme l’excroissance d’une société de services informatiques, Marvel, fondée, elle, en 1990. Bürki et Buzzi n’ont pas commencé dans un garage comme les Apple, HP et Google californiens ; pire, c’est d’une cave que la société a décollé ! Les débuts sont difficiles, les salaires pas toujours assurés.

Les Etats Unis auront tout de même joué un rôle. Lors d’une conférence à Boston, les fondateurs découvrent un domaine prometteur : l’Internet. A une petite table est assis le fondateur d’une startup alors inconnue, Amazon. Un peu plus tard, c’est un contrat de conception du site web du Comité International Olympique qui va garantir la pérennité de la société. Marvel s’est aussi spécialisée dans des applications financières et Bürki entrevoit le potentiel de cet internet pour le consommateur d’informations boursières.

Avec pour partenaire une banque zurichoise, Swissquote est lancée en 1997. Les débuts sont encourageants et les banquiers d’investissement à l’affut de start-up en croissance promettent monts et merveilles aux fondateurs. Swissquote entre en bourse, en 2001 avec moins de 20 millions de revenus et encore de lourdes pertes. Les lendemains seront moins brillants et l’explosion de la bulle internet menace l’existence même de la start-up. Mais Bürki et Buzzi ne font pas partie de la masse d’aventuriers qui disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus et ils veulent montrer que Swissquote n’est pas une étoile filante. Les décisions sont difficiles, les licenciements conséquents, et la société survit à la tempête. En 2009, Swissquote a un chiffre d’affaires de près de 100 millions pour un bénéfice net de 35 millions et une capitalisation de plus de 600 millions de francs.

En août, puis novembre 2006, j’avais invité les fondateurs à partager leur expérience entrepreneuriale lors de rencontres sur le campus de l’EPFL. Ils avaient expliqué l’importance d’un environnement qui vibre, comme ils l’avaient vécu à Lausanne lorsqu’ils étudiaient l’informatique. Bürki nota que la soixantaine d’étudiants de son département représentait une vingtaine de nationalités, variété que l’on retrouve dans nombre de clusters technologiques. Sans formation particulière, si ce n’est celle d’ingénieur informatique, ils ont appris à gérer une entreprise de deux cents personnes. Sur le tas ; car les deux fondateurs sont persuadés que l’expérience s’acquiert dans l’action. Deux fondateurs, autre sujet d’importance car le partenaire peut poser les bonnes questions qu’un fondateur solitaire n’abordera pas toujours aisément.

Bürki y ajouta aussi l’importance du rêve en citant paradoxalement Che Guevara : « Soyez réaliste. Exigez l’impossible. » En souvenir de ces belles années et pour montrer l’importance croissante de son activité, Marc Bürki et Paolo Buzzi ont pris une décision typiquement américaine en remerciant leur école par la création d’une chaire en mathématique financière en 2008.

Qu’est-ce qui fait d’une entreprise de technologie un succès? Un mélange de peur et d’envie

Je viens de lire un article qui correspond assez bien à un aspect de l’entrepreneuriat high-tech qui est assez rarement discuté. Je le traduis directement de l’anglais et c’est son sous-titre qui m’a frappé: « qu’est-ce qui fait d’une entreprise de technologie un succès? Un mélange de peur et d’envie ».

Vous trouverez l’article en anglais sur Is Elon Musk the Bill Gates of Green? Pour ceux qui l’ignorent, Elon Musk est le patron de Tesla Motors, société dont j’ai parlé dans un post récent (en anglais seulement, mea culpa!). En effet, l’histoire d’amour entre fondateurs s’est mal terminée… Voici donc l’article de Michael Kanellos publié le 28 mai 2010 traduit de l’anglais.

Elon Musk est-il le Bill Gates du vert?
Qu’est-ce qui fait d’une entreprise de technologie un succès? Un mélange de peur et d’envie.

Tesla Motors aurait pu être un de ces deux types de société, Microsoft ou MicroUnity. Vous connaissez bien sûr l’histoire de Microsoft. Bill Gates et Paul Allen ont créé la société pour vendre des applications logicielles. Quand IBM décida de faire le PC, Microsoft gagna le contrat de fourniture d’un système d’exploitation qu’elle ne possédait pas alors. Les copieurs du PC comme Compaq – et la célébrité mondiale – suivirent.

MicroUnity vous est sans doute moins familière. Créée en 1988 par Rhodes Scholar et le génie des puces, John Moussouris, la société développa des circuits intégrés multimédia pour la télévision, le téléphone, et un jour, même pour le PC. Des millions de capital risque vinrent de Microsoft, Hewlett-Packard, TCI (aujourd’hui AT&T Broadband), Time Warner, Cox Communications, Motorola et Comcast, entre autres. Au début des années 2000, MicroUnity n’avait plus que 8 employés environ. MicroUnity gagna toutefois un procès en contrefaçon contre Intel en 2005.

Où est la différence? MicroUnity croyait pouvoir gagner avec sa technologie. En fabriquant le meilleur produit possible, les dirigeants de la société pensaient que le monde se rallierait à son point de vue. D’une certaine manière d’autres échecs tels que Segway, General Magic, Transmeta ou Be ont toutes souffert du même syndrome.

En comparaison, Microsoft n’a jamais été une société de technologie. Elle a plutôt émergé en utilisant la théorie des jeux, c’est à dire en négociant des accords et des situations dans lesquels des tiers ont trouvé plus bénéfique de coopérer avec le leader de l’informatique mondial plutôt que de le défier. Je vous l’accorde, on ne reçoit pas le prix Nobel en manipulant, mais cela peut marcher à merveille. Demandez à Otto von Bismarck.

Un des plus grands distributeurs des produit Microsoft qualifia les contrats de la société « d’usines à gaz de génie ». Vous signiez un contrat, expliquait-il, pour vous rendre compte trois semaines plus tard que toutes les contingences croisées et les programmes de bonus créaient une situation telle que vous n’aviez plus qu’à allouer toutes vos ressources à la vente des produits Microsoft au détriment des autres produits. Vous deviendrez riche en nous enrichissant, telle était l’offre de Microsoft. Et le monde de l’informatique approuva.

Tesla a toujours vanté sa technologie en ajoutant que sa mission était de sevrer l’industrie automobile de carburants fossiles, mais en réalité, elle a avancé en exploitant les leviers émotionnels des fabricants et des consommateurs automobiles à son avantage, tout comme Microsoft. Les contrats et les perceptions, plus que la gestion des batteries, ont été la clé du succès. Quand elle a levé le voile sur son prototype en 2006, Tesla invita la crème de la crème d’Hollywood à un événement à Santa Monica pour créer la sensation. Mike Eisner, ressemblant à Andre the Giant en pull-over, était présent au milieu d’un vrai parterre de célébrités.

De plus, les fondateurs ne sont pas des défenseurs conventionnels de la voiture électrique. Ils ne brandissaient pas de théories de la conspiration des constructeurs automobiles ni de discours enflammés contre les producteurs de pétrole. Le typique « vous pouvez transformer votre tondeuse à gazon en hydrofoil’ qui a longtemps entouré le monde du tout électrique a disparu. Au contraire, Tesla a promis que leurs clients feraient l’envie de leurs voisins.

Avec un sentiment de jalousie devant les succès de Tesla, General Motors a lancé l’initiative Volt. Daimler, très en retard sur le sujet du véhicule électrique, a investi dans Tesla en 2008. Aux salons automobiles, la start-up est constamment prise d’assaut. Plus tôt ce mois-ci [mai 2010], le dernier succès en date de Tesla fut l’annonce par Toyota d’un accord pour investir $50M dans la société et la société japonaise annonça que Tesla fournirait la technologie pour ses propres véhicules électriques. Les documents de la SEC [l’autorité de régulation de la bourse aux Etats Unis – Tesla envisage prochainement une IPO] montrent que Tesla a payé $42M pour l’usine NUMMI. Autrement dit, Tesla a été payée $8M pour prendre le contrôle d’un centre de production apprécié. L’accord a été rendu possible par le fait que Musk contacta Akio Toyoda, le président du conseil d’administration de Toyota, et lui fit tester un roadster Tesla, tout électrique. « J’ai senti le souffle — le souffle du futur » a déclaré Toyoda en descendant du véhicule.

Aucun doute que Nissan, le lointain numéro trois du cercle fermé des constructeurs japonais, qui était devenue la société dont l’on parle avec la Nissan Leaf a aussi traversé l’esprit de Toyoda! Est-ce que l’image et le buzz autour de la Prius seraient déjà dépassés? Avec un petit coup de pouce, Toyota va-t-elle entrer dans une deuxième décennie de leadership?

Souvenez-vous. Il n’y a pas si longtemps, Toyota avait exprimé un certain scepticisme avec les batteries au lithium et le véhicule électrique. Regardez cette photo d’une présentation de Toyota. La technologie sur la partie gauche du graphique montre celle à faible densité énergétique, les batteries lithium-ion. « Les batteries lithium-ion seront probablement utilisées dans les véhicules, mais nous avons toujours des problèmes, » déclarait Masatami Takimoto, qui coordonne la technologie chez Toyota, en montrant cette image. « Nous devons considérer que l’électricité et les pile à combustible seront nécessaires. »

Il y a cinq ans, les biocarburants semblaient représenter une alternative plus réaliste. Les journaux faisaient leur une de ces gens qui remplissaient leur réservoir d’huile de friture. Aujourd’hui, le consommateur est tombé sous le charme de l’électrique et les fabricants de biocarburant parlent plus de fournir aviation et poids lourds. Le vent a tourné, pour autant les batteries n’ont pas fait de progrès étourdissants en si peu de temps. Il faut à peu près dix ans pour doubler les performances des batteries. Cette image de Toyota semblait donner l’avantage aux piles à combustible. Elle date de l’automne 2008, il y a environ un an et demi.

Tesla va-t-elle réussir? peut-être pas. Mais la start-up a déjà eu un impact historique et a convaincu une industrie toute entière de changer de vitesse. Et elle l’a fait en jouant des égos, de la peur et de l’intérêt.

Un Suisse dans la Silicon Valley

Voici ma cinquième contribution à Créateurs, la newsletter genevoise, qui m’a demandé d’écrire une série de courts articles sur des start-up célèbres et leurs fondateurs. Après Synopsys, Femmes Entrepreneurs, Adobe et Genentech, voici donc un article sur un Suisse dans la Silicon Valley.

Connaissez-vous Edouard Bugnion ? Je ne suis pas sûr que la Suisse Romande connaisse cet expatrié, qui a grandi à Genève et Neuchâtel avant d’obtenir son diplôme à l’ETHZ en 1994 et de s’exiler en Californie où il obtint son Master à l’Université de Stanford en 1996. Il est pourtant le fondateur de VMware et de Nuova Systems, deux des récentes success stories de la Silicon Valley.


Edouard Bugnion en compagnie de l’auteur au milieu des « cubicles » de Nuova en mai 2006 (Photo : Mehdi Aminian).

Lors d’un voyage à San Francisco, il m’avait été conseillé de rencontrer ce Suisse dont je n’avais jamais entendu parler. Rendez-vous pris et arrivée devant une porte avec un logo rapidement imprimé sur une feuille de papier : Nuova Systems. La surface est par contre gigantesque pour une start-up qui n’a pas fêté son premier anniversaire. Mais Nuova commence à recruter à tour de bras. Il faut dire que Cisco ne tarda pas à investir $50M. Pourquoi autant d’argent ? Parce que les fondateurs de Nuova sont exceptionnels. Mario Mazzola vient de quitter Cisco et avait auparavant fondé Crescendo, première start-up acquise par Cisco (en 1991). Quant à Edouard, il est un des cinq co-fondateurs en 1998 de VMware, acquise en 2004 par BMC pour $625M. Devant le succès des outils de virtualisation de VMware, BMC redonne son indépendance à la start-up qui est aujourd’hui cotée en bourse (sa capitalisation dépassait les $10B fin 2009) et compte plus de 6 000 employés et $1.8B de ventes. (Nuova a, elle, été acquise par Cisco en 2008 pour $600M.)

Devant ma surprise de voir de tels locaux, Edouard raconta que lorsque VMware avait atteint une taille trop grande pour les locaux qu’elle occupait à l’époque, les dirigeants proposèrent à une petite start-up la reprise des bureaux. Les fondateurs de la start-up visitèrent les lieux et déclinèrent. « Trop petits ! ». Pourtant la start-up est inconnue, les fondateurs tout autant et Edouard fut surpris de cette ambition, faut-il employer le mot arrogance ? La start-up s’appelait Google et les deux fondateurs, Page et Brin, étaient sans aucun doute visionnaires !


L’entrée des bureaux de Nuova en mai 2006.

Edouard pourrait presqu’être qualifié de « school dropout ». Avec dans ces bagages des diplômes de EHTZ et Stanford, il n’est certes pas à plaindre, mais il a tout de même interrompu sa thèse de doctorat en 1998 pour fonder VMware avec son professeur. $20M de capital-risque suivis d’une acquisition six ans après la création. En 2000, il avait donné une interview à SwissInfo. Avec 120 employés, VMware avait à peine deux ans. « En Suisse, les jeunes entrepreneurs n’osent même pas rêver de ce genre de scénario: vous avez une bonne idée, on vous avance quelques millions et votre produit se retrouve rapidement sur le marché, pour le meilleur ou pour le pire» écrivait alors l’auteur de l’interview, Pierre Godet. L’auteur s’inquiète de cette fuite des cerveaux, mais Bugnion relativise : « les Suisses qui sont à Silicon Valley développent une expérience très particulière, des contacts aussi. Et la plupart retournent en Suisse à un certain stade de leur carrière ». C’est une des thèses que je défends dans mon livre Start-Up. Peut-être faut-il aller vivre dans cette région où tout va très vite, où les ambitions peuvent exprimer leur pleine mesure, au risque de l’échec qui est accepté. J’espère qu’un jour Edouard reviendra en Suisse Romande raconter son aventure et partager son expérience et son savoir-faire….

A123, Boston et Atlas

Je viens de rencontrer Fred Destin dans le très beau Rolex Learning Center de EPFL. Nous avons tous les deux une passion pour les entrepreneurs et l’architecture!

Fred m’a dit qu’il aimait mes tables de capitalisation (pour mémoire skype, mysql, Kelkoo, Synospsys, Genentech, Adobe ou le document général.

Voici donc un petit cadeau pour Fred qui quitte l’Europe pour le bureau d’Atlas à Boston: la capitalisation de A123 Systems, spin-off du MIT, qui a fait son entrée au Nasdaq en Septembre dernier.

J’ai conscience que les images ne sont pas de super qualité mais vous pouvez cliquer dessus et aussi me demande le fichier excel.

Fondateur isolé, fondateur sans expérience

Deux posts récents reviennent sur le sujet du fondateur. Kevin Vogelsand décrit son expérience d’entrepreneur sans expérience, directement à la fin de ses études dans On Founding a Company Fresh Out of College. Olivier Ezratty s’intéresse, lui, au cas difficile de l’entrepreneur isolé. Les deux sujets me tiennent bien sûr à cœur et je vous invite à les lire.

J’en profite aussi pour soumettre à votre réflexion le tableau suivant:

Ezratty aborde aussi le sujet important du partage d’equity entre fondateurs que j’avais abordé dans un post passé. Il y est mentionné un article de Paul Graham que je ne connaissais pas: The Equity Equation.

Femmes et Entrepreneuriat High-Tech

Voici ma troisième contribution à Créateurs, la newsletter genevoise, qui m’a demandé d’écrire une série de courts articles sur des start-up célèbres et leurs fondateurs. Après Adobe et Genentech, voici donc un article sur les femmes et l’entrepreneuriat high-tech.

Femmes Entrepreneurs ? Carol Bartz, Sandy Kurtzig…

… mais aussi Ann Winblad, Catarina Fake, Kim Polese, Candice Carpenter, Mena Trott. La liste pourrait continuer, mais elle ne serait pas très longue. Pourquoi aussi peu de femmes dans l’entrepreneuriat high-tech. Et peut-être pire encore, pourquoi si méconnues ? La réponse est simple : la situation n’est que le reflet de leur présence minoritaire dans les sciences et les techniques ou aux postes de responsabilité à tous les niveaux de la société. Quelques anecdotes toutefois montrent bien qu’elles n’ont rien à envier à leurs congénères masculins. En voici l’illustration.

Sandy Kurtzig est une school dropout. Elle abandonne le programme de doctorat qu’elle a entamé à Stanford pour rejoindre General Electric. Elle y découvre que l’informatique doit pouvoir apporter quelque chose à la production des biens (inventaire, logistique) et fonde Ask Computer en 1972 avec $2000 en poche. « Aucun capital-risqueur ne m’aurait donné de l’argent au début. D’abord un produit logiciel était considéré comme sans valeur et ensuite j’étais une femme. » Elle refuse une offre d’acquisition faite par HP en 1976, puis réussit une entrée en bourse en 1981 (pour mémoire Apple est entrée en bourse en décembre 1980 et Logitech fondée en janvier 1981). Quand elle quitte Ask en 1989, la société réalise $189M de ventes. Ses conseils ? Croyez-en vous, entourez vous des bonnes personnes et partagez le succès avec elles, n’ayez pas peur de faire des erreurs.

Carol Bartz commence aussi sa carrière dans une grande entreprise, 3M (l’inventeur du post-it). Elle y entend : « vous êtes une femme, qu’est-ce que vous faites ici ? ». Elle quitte 3M quand elle comprend que elle ne sera pas promue parce qu’elle est une femme. Elle se retrouve quelques années plus tard dans la Silicon Valley, mais elle ajoute « même dans cette région, être une femme, c’était appartenir à une minorité. » Ce qui ne l’empêchera pas d’arriver à la tête d’Autodesk en 1992. Autodesk est leader mondial des logiciels 3D pour l’architecture, l’automobile et le multimédia avec deux milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2009. La même semaine, on lui diagnostique un cancer. Elle va suivre une chimiothérapie tout en gérant la société. Double succès. « Entre vie familiale et travail, vous n’avez pas le temps de vous demander si vous vous sentez bien le matin. » Le travail était une distraction et son exemple a sans doute amplifié la motivation de ses collègues. Son autre combat est la situation des femmes dans la science : « je crois sincèrement qu’on les dissuade [de faire de la science]. On leur dit que ça n’est pas important. »

Une autre femme entrepreneur, Ann Winblad, ajoute : “Une fille de mes amies s’inquiète de l’image qu’elle va donner d’elles si elle s’investit dans la science. Pourtant des femmes comme Carol Bartz ou moi-même avons réussi et avons vécu une adolescence et une vie d’adulte magnifiques. Le problème est qu’il faut plus de sources d’inspiration comme peut l’être Steve Jobs et son iPod. Ca n’est pas qu’un problème de sexe mais le problème plus général de la science et de la technique dans la société. Quelque chose a été perdu puisque rares sont ceux qui se disent, je veux être comme eux. »

En janvier 2009, Carol Bartz a été nommée à la tête de Yahoo. La tâche n’est pas mince. Faut-il suivre la remarque de Caratina Fake, fondatrice de Flickr: « il y a beaucoup de sexisme institutionnalisé dans le monde des affaires et je crois qu’on ne se rend même pas compte de son ampleur. » Cet article est malheureusement trop court pour rendre un véritable hommage aux femmes entrepreneurs. Celles qui ont réussi ont dû être tout à fait exceptionnelles et celles qui se lancent le sont aussi, sans aucun doute, tant les barrières auxquelles fait face l’entrepreneur sont amplifiées par celle du genre. Je me permettrai toutefois d’espérer comme le poète, que dans le monde des start-up high-tech aussi « la femme est l’avenir de l’homme. »

Pour en savoir plus:
Carol Bartz dans “Betting It All” de Michael Malone (Wiley, 2002).
Sandy Kurtzig dans “In the Company of Giants” de R. Dev Jager and R. Ortiz (McGraw Hill, 1997)

Prochain article: Un européen dans la Silicon Valley, Aart de Geus.

Bob Swanson et Herbert Boyer: Genentech

Voici ma deuxième contribution à Créateurs, la newsletter genevoise, qui m’a demandé d’écrire une série de courts articles sur des start-up célèbres et leurs fondateurs. Après Adobe et ses fondateurs, John Warnock et Charles Geschke, voici Bob Swanson, Herbert Boyer, fondateurs de Genentech.

Bob Swanson et Herbert Boyer: Genentech

Les biotechnologies semblent être un continent à part sur la planète start-up. Elles donnent parfois l’impression d’être réservées à des scientifiques de pointe que les investisseurs financeraient pour le potentiel de leurs idées. Et l’entrepreneur dans tout cela ?

L’histoire des débuts de Genentech est la plus belle illustration que l’entrepreneur visionnaire est aussi nécessaire dans les biotechnologies. Plus qu’une entreprise, c’est une industrie que Bob Swanson a créée.

La légende veut que Bob Swanson capital-risqueur de 29 ans ait rencontré Herbert Boyer, professeur à l’université de Californie à San Francisco (UCSF). L’argent du premier et les idées du second ont permis la création de Genentech en 1976, suivie d’une entrée en bourse en 1980. L’histoire mérite approfondissement : Bob Swanson n’est pas un vrai investisseur, c’est un entrepreneur. Il a été embauché par Kleiner et Perkins (KP) qui ont compris que la vraie valeur d’un fonds de capital-risque est dans la création de sociétés et pas seulement dans le soutien financier. Ils l’ont compris avec le succès de Tandem et de Jimmy Treybig qu’ils ont financés dès le premier jour, en 1974. (Voir aussi les posts sur le premier fonds de KP.) Bob Swanson est passionné par le potentiel de la biologie et de la génétique (il a une licence de chimie du MIT en plus d’un MBA). Après avoir aidé KP pour une de leurs sociétés, il quitte le fonds pour se consacrer à sa passion. Il rencontre professeur après professeur qui tous, lui font comprendre que tout cela est science de haut niveau, mais bien loin d’applications commerciales.

Herbert Boyer n’est pas un professeur typique. Il est avec Stanley Cohen, le co-inventeur d’un brevet, chose assez rare dans le monde académique des années septante. Ce brevet appelé plus tard « Cohen Boyer » décrit le principe des manipulations d’ADN si bien que toutes les nouvelles technologies dans ce secteur nécessitaient l’utilisation de ce brevet et donc le paiement de royalties à leurs propriétaires : les universités de Stanford et UCSF se sont ainsi partagés plus de $250M en licences de la technologie à de nombreux industriels. Sur les débuts de Genentech, l’histoire et la légende se mêlent. Swanson appelle Boyer qui lui dit être très occupé mais qu’il pourrait lui consacrer dix minutes le vendredi après-midi suivant. Swanson n’a qu’une obsession : les applications de la recherche. Boyer lui répond qu’il y a évidemment un potentiel mais qu’il faudra encore dix ans de recherche fondamentale. « Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? » ne cesse de demander Swanson, au point que Boyer en arrive à penser : « Pourquoi pas? Peut-être peut-on aller plus vite ». Les dix minutes deviennent trois heures.

Genentech est née, du moins dans les deux têtes bien arrosées de bière. Il faut alors  convaincre les sceptiques, les investisseurs n’étant pas les moindres.  Une semaine plus tard Tom Perkins rencontre les deux hommes et se souvient : « le risque technique était énorme. J’étais très sceptique. Je ne connaissais rien à la biologie. » Très impressionné par l’énergie de Swanson et la compétence de Boyer, il se décide à avancer petit à petit, pour diminuer les risques à chaque nouvelle étape et en minimisant l’investissement. Kleiner investit $100’000 qui durent neuf mois.

La suite  fait partie de l’Histoire. Genentech clone l’insuline en 1978 et l’hormone de croissance en 1979. Genentech aura levé $10M auprès d’investisseurs privés avant une entrée en bourse au Nasdaq en octobre 1980. Une première : une société de biotechnologies séduit les marchés alors que son premier produit ne sera approuvé qu’en 1985. En 1990, Roche et Genentech signent un accord stratégique qui fait de Roche l’actionaire majoritaire de la start-up. L’histoire se conclut en 2009 lorsque Roche acquiert l’intégralité des actions de Genentech.

Swanson n’était pas un investisseur, mais un entrepreneur visionnaire. Boyer n’était pas un universitaire dans sa tour d’ivoire. Ils ont eu aussi la chance d’avoir le meilleur des mentors, Tom Perkins. De l’énergie, des idées, un peu d’argent. C’est à une conversation presqu’accidentelle que l’ont doit l’émergence d’une industrie qui vaut des dizaines de milliards de dollars.

Cerise sur le gateau, la table de capitalisation de Genentech à l’IPO:

Pour en savoir plus:

Internet Archive:
http://www.archive.org/search.php?query=genentech

Le site web de Genentech:
http://www.gene.com

Prochain article: Des femmes entrepreneurs, Carol Batz et Sandy Kurtzig

La brève histoire d’Adobe, de John Warnock et Charles Geschke

Créateurs, une newsletter genevoise m’a demandé d’écrire une série de courts articles sur des start-up célèbres et leurs fondateurs. J’ai décidé de commencer par Adobe et ses fondateurs, John Warnock et Charles Geschke. Vous trouverez l’article plus bas, mais aussi les données habituelles que j’aime fournir sur les start-up: leur capitalisation à l’IPO et l’évolution de l’actionnariat de la création à l’entrée en bourse.

John Warnock et Charles Geschke: Adobe

Les start-up sont très souvent associées à leurs créateurs. Les noms de Steve Jobs ou Bill Gates sont inséparables de leur entreprise. Moins connus John Warnock et Charles Geschke ont pourtant un parcours des plus édifiants.

Sans avoir le profil de l’entrepreneur typique (ce ne sont pas des «school dropouts» qui se lancent dans l’aventure entrepreneuriale avant leur 30 ans), John Warnock et Charles Geschke fondent en 1982, à quarante ans passés, Adobe Systems, l’entreprise à l’origine d’Acrobat et Photoshop, deux des logiciels informatiques les plus utilisés au monde.

De l’imprimante au programme d’imprimante
Tout commence dans les années 70, au célèbre Palo Alto Research Parc de Xerox, le fabricant de photocopieuses. Les deux ingénieurs ressentent une frustration de plus en plus grande car, si la recherche de Xerox a permis le développement de la souris, du traitement de texte, de l’email ou du protocole Ethernet, la société est incapable d’en faire des réussites commerciales. Warnock et Geschke ne parviennent pas à convaincre Xerox du potentiel de leurs travaux. «Par peur ou par incompréhension de leur direction » pensent-ils, mais aussi en raison de : «leur naïveté de chercheurs devant la difficulté à passer d’un concept ou d’un prototype à un projet commercial».

Ils quittent donc Xerox en 82 et lèvent 2,5 millions de dollars pour développer leur projet: des imprimantes de haute qualité et un système qui permet de les connecter à des réseaux d’ordinateurs.

En rencontrant leurs clients potentiels (DEC, Apple), ils découvrent que personne ne veut de leur machine. Steve Jobs leur explique qu’il a besoin de leur protocole d’impression, PostScript, pour le Macintosh qu’il développe. Ils changent immédiatement leur business plan. Adobe devient alors une société de logiciel avec la réussite qu’on lui connaît.

De bons conseils
Leur vision de l’entrepreneur est toute aussi passionnante. S’ils le sont plus devenus par accident que par destin, ils peuvent aujourd’hui conseiller les futurs créateurs.

Il faut être toujours flexible essayer, explorer de multiples solutions, les confronter aux clients, abandonner rapidement les fausses pistes. Constat qu’ils appliquent également à la personnalité du chef d’entreprise: «99% des fondateurs échouent car ils ne savent pas évoluer et veulent plutôt contrôler.»

Passion, prise de risque et confiance en soi, semblent les ingrédients majeurs tout comme l’intelligence et le travail: «mais cela n’est pas suffisant. La chance joue aussi un très grand rôle.» ajoutent-ils.

Quand il aborde son «grand» âge lors de la fondation d’Adobe, Geschke dit: «Je ne crois pas que diriger une société soit mystérieux. Le fait d’avoir plus de quarante ans a sans doute aidé du point de vue de l’expérience, mais l’essentiel est la vision.» Il faudrait toujours en avoir une, ce qui permet d’avoir un temps d’avance sur le marché, élément nécessaire à la réussite, selon lui: «Je ne suis pas un chasseur mais l’on m’a dit que pour viser un canard, il faut tirer là où il sera, pas où il est. C’est la même chose avec la technologie. Si l’on reste focalisé sur le marché actuel, la solution ne sera pas adaptée aux problèmes au moment de son lancement et la compétition sera très grande».

Les ingrédients du succès
De la frustration originelle, cause de leur départ de Xerox au succès d’Adobe, les leçons à tirer sont variées: ne jamais devenir une «one-product» compagnie, la technologie n’est pas simplement transférable il faut lui ajouter de la matière grise, engager de bons professionnels et en tant que fondateurs avoir «le potentiel intellectuel, l’honnêteté, l’éthique et les principes qui gouvernent aussi bien vie privée que vie professionnelle».
Quelques lignes pour résumer les ingrédients du succès qui sont multiples, complexes tout en étant simples mais certainement communs à tous les grands entrepreneurs.

Pour en savoir plus:
The Revolutionaries: www.thetech.org/exhibits/online/revolution
Adobe Systems, Computer History Museum: www.computerhistory.org
Founders at Work, J. Livingston, Apress (2007)
In the company of Giants, R. Jager and R. Ortiz, Mcgraw-Hill (1997)

Prochain article: Bob Swanson: Genentech

Voici la capitalisazion d’Adobe en 1896,

et l’évolution de l’actionnariat de 1982 à 1986:

Partager la richesse dans une start-up: combien d’actions suffisent?

Un post intéressant publié sur un site intéressant: Xconomy.

Robert Beyster donne son point de vue sur ce qu’un fondateur doit garder comme parts dans sa société et la réponse est…

« 8 à 10 pourcent de sa start-up ».

Voici un point de vue assez inhabituel car souvent, le débat se focalise sur la maximisation du pourcentage. Beyster met l’accent sur la création de valeur et les incitations pour tous les acteurs de la start-up.

Ceci est par contre consistant avec ce que j’enseigne sur le partage d’equity (voir le post répartition des actions dans les start-up en date du 30 octobre 2008).