Les ingrédients d’un écosystème entrepreneurial selon Nicolas Colin

Analyse passionnante de Nicolas Colin (The Family) dans son article What makes an entrepreneurial ecosystem? Si le sujet vous intéresse, c’est à lire absolument.

Colin-Ecosystems

En résumé, les écosystèmes entrepreneuriaux ont besoin de 3 ingrédients – je cite:
– Du capital: par définition, aucune nouvelle entreprise ne peut être lancée sans argent et infrastructures pertinentes (du capital engagé dans des actifs tangibles);
– Du savoir-faire: vous avez besoin d’ingénieurs, de développeurs, de designers, de vendeurs: tous ceux dont les compétences sont nécessaires pour le lancement et la croissance des entreprises innovantes;
– De la rébellion: un entrepreneur conteste toujours le statu quo. Sinon, ils innoveraient au sein de grandes entreprises établies, où ils seraient mieux payés et auraient accès à plus de ressources.

Cela me rappelle deux « recettes » que je cite souvent. D’abord « les 5 ingrédients nécessaires aux clusters high-tech: »
1. des universités et les centres de de la recherche de très haut biveau;
2. une industrie du capital-risque (institutions financières et investisseurs privés);
3. des professionnels expérimentés de la haute technologie;
4. des fournisseurs de services tels que avocats, chasseurs de têtes, spécialistes des relations publiques et du marketing, auditeurs, etc.
5. Enfin et surtout, un composant critique mais immatériel: un esprit de pionnier qui encourage une culture entrepreneuriale.
“Understanding Silicon Valley, the Anatomy of an Entrepreneurial Region”, par M. Kenney, plus précisément dans le chapitre: “A Flexible Recycling” par S. Evans et H. Bahrami

Deuxièmement, Paul Graham dans How to be Silicon Valley?? «Peu de start-up se créent à Miami, par exemple, parce que même s’il y a beaucoup de gens riches, il a peu de nerds. Ce n’est pas un endroit pour les nerds. Alors que Pittsburgh a le problème inverse: beaucoup de nerds, mais peu de gens riches. » Il ajoute également à propos des échecs des écosystèmes: « Je lis parfois des tentatives pour mettre en place des «parcs technologiques» dans d’autres endroits, comme si l’ingrédient actif de la Silicon Valley étaient l’espace de bureau. Un article sur Sophia Antipolis se vantait que des entreprises comme Cisco, Compaq, IBM, NCR, et Nortel s’y étaient établi. Est-ce que les Français n’ont pas réalisé que ce ne sont pas des start-up? »

Beaucoup d’amis toxiques des écosystèmes entrepreneuriaux n’ont pas compris tout cela. Mais pour ceux qui ont compris, la construction d’écosystèmes vivants reste un véritable défi: amener la rébellion, la culture, en diminuant la peur de la prise de risque sans stigmatiser (pas récompenser – ici, je suis en désaccord avec Colin) l’échec reste très difficile à faire alors que le savoir-faire et le capital ne sont pas non plus faciles à amener mais c’est faisable en y travaillant.

Enfin, je copie ses diagrammes qui montrent les combinaisons idéales et moins idéales du capital, du savoir-faire et de la rébellion, en ajoutant mon exercice pour la Suisse.

NicolasColin-NationalEcoCompar

La Suisse est probablement 80% Allemagne et 20% France… Un récent article du journal Le Temps aborde cette difficulté de l’animation des espaces entrepreneuriaux: Les start-up se multiplientau cœur des villes (journal au format pdf, en accès peut-être limité).

SwissNationalEcoCompar

(Un bref ajout le 29 octobre 2015) – La meilleure description de la Suisse a été donnée par Orson Welles. Cela explique beaucoup de choses…

« L’Italie sous les Borgia a connu 30 ans de terreur, de meurtres, de carnage… Mais ça a donné Michel-Ange, de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et de paix. Et ça a donné quoi ? … Le coucou! » dans Le troisième homme, dit par Holly Martins à Harry Lime.

Les Innovateurs de Walter Isaacson (suite) : Silicon (Valley)

Ce que je lis à la suite de mon post récent La complexité et la beauté de l’innovation selon Walter Isaacson est probablement beaucoup plus connu: l’innovation dans la Silicon Valley, aux débuts du Silicium – Fairchild, Intel et les autres « Fairchildren ». J’ai ma propre archive, de belles affiches de cette période, l’une à propos de la généalogie des start-up et entrepreneurs, avec un zoom sur Fairchild et un sur Intel et une autre sur la généalogie des investisseurs.

Des entrepreneurs…

SiliconValleyGenealogy-All

SiliconValleyGenealogy-Fairchild

SiliconValleyGenealogy-Intel

« Il y avait des problèmes internes à Palo Alto. Les ingénieurs ont commencé à faire défection, ensemençant ainsi la vallée avec ce qui est devenu connu sous le nom Fairchildren: des entreprises qui ont germé à partir de spores émanant de Fairchild. » [Page 184] « L’artère principale de la vallée, une route animée nommée El Camino Real, était autrefois la route royale qui reliait vingt et une des églises de la Mission de la Californie. Au début des années 1970 – grâce à Hewlett-Packard, au Stanford Industrial Park de Fred Terman, à William Shockley, à Fairchild et aux « Fairchildren » – elle a connecté un couloir animé de sociétés de haute technologie. En 1971, la région a obtenu un nouveau surnom. Don Hoefler, un chroniqueur pour le journal hebdomadaire Electronic News, a commencé à écrire une série de colonnes intitulées « Silicon Valley Etats-Unis » et le nom est resté. » [Page 198]

…Et des investisseurs

WCVCGenealogy-All

WCVCGenealogy-Beginnning

« Dans les onze ans qui avaient suivi l’aide fournie aux huit traîtres pour former Fairchild Semiconductors, Arthur Rocck avait aidé à construire quelque chose qui était destiné à être presque aussi important à l’ère du numérique que la puce: le capital-risque. » [Page 185 ] « Quand il avait cherché un soutien pour les huit traîtres en 1957, il avait sorti un seule feuille de papier et avait écrit une liste numérotée de noms, puis méthodiquement téléphoné à chacun, barrant les noms comme il descendait la liste. Onze ans plus tard, il prit une autre feuille de papier pour y écrire le nom personnes qui seraient invitées à investir et combien des 500’000 actions disponibles à 5$ il offrirait à chacun. […] Il leur a fallu moins de deux jours pour réunir l’argent. […] « Tout ce que je devais dire aux gens était que c’était Noyce et Moore. Ils n’avaient pas besoin de savoir grand chose d’autre. » [Pages 187-88]

Rock_List

La culture Intel

« Il y eut à Intel une innovation qui eut presque autant d’impact sur l’ère du numérique que toute [autre]. Cela aura été l’invention d’une culture d’entreprise et d’un style de gestion qui était l’antithèse de l’organisation hiérarchique des entreprises de la cote Est. » [[Page 189] « La culture Intel, qui imprégna la culture de la Silicon Valley, est un produit de ces trois hommes. [Noyce, Moore et Grove]. […] Elle était dépourvue de caractères hiérarchiques. Il n’y avait pas de places de stationnement réservées. Tout le monde y compris Noyce et Moore travaillait dans des « cubicles » semblables. […] « Il n’y avait pas de privilèges », a rappelé Ann Bowers, qui était le directeur du personnel et épousa plus tard Noyce, [elle deviendrait alors le premier directeur des ressources humaines de Steve Jobs] « Nous avons commencé une forme de culture d’entreprise qui était complètement différente de tout ce qui avait existé auparavant. C’était une culture de la méritocratie.
Ce fut aussi une culture de l’innovation. Noyce avait une théorie qu’il a développé après avoir été bridé par la hiérarchie rigide à Philco. Plus le lieu de travail est ouvert et non structuré, croyait-il, plus rapidement surgissaient de nouvelles idées qui seraient ensuite diffusées, raffinées et appliquées. » [Pages 192-193]

L’humour suisse et les start-up

Voici un rappel rafraichissant sur le monde des start-up. La réalité n’est pas aussi rose, mais je ne me souviens pas d’un message aussi drôle. A apprécier sans modération…

L’émission 26 minutes plus tôt: Les start-up vaudoises ont le vent en poupee rebondissait sur le nouveau top 100 des start-up suisses, où les start-up vaudoises et en particulier celles issues de l’EPFL excellaient… évidemment la définition de l’excellence pour 26 minutes est très particulière.

Reid Hoffmann sur le succès de la Silicon Valley : pas les startup, mais le scaleup

Dans son article d’introduction sur le cours qu’il donne à Stanford, Reid Hoffman explique de manière convaincante pourquoi la Silicon Valley est toujours en tête dans l’innovation high-tech: la Silicon Valley n’est plus unique dans sa capacité à lancer des start-up. Aujourd’hui, de nombreuses régions du monde possèdent tous les ingrédients nécessaires. Il y a à travers le monde de jeunes et brillants diplômés des universités techniques. Le capital risque est devenu global. Et les entreprises technologiques ont des centres R&D dans de nombreuses régions du monde. Il y a même eu une expansion globale de certains des éléments les plus subtils comme une acceptation de la culture de l’échec des entreprises risquées. Et la croyance en l’esprit d’entreprise se répand partout dans le monde – la création d’une culture réceptive dans de nombreuses villes. Alors, pourquoi la Silicon Valley continue-t-elle à produire autant d’entreprises capables de transformer les industries ? Le secret est passé des start-up au « scaleup ».

L’article complet est CS183C: Technology-enabled Blitzscaling: The Visible Secret of Silicon Valley’s Success. J’ai regardé la 1ère session. La voici avec les diapositives:

Et en voici quelques unes que je aimées:

CS183C-1-fig1

CS183C-1-fig2

La complexité et la beauté de l’innovation selon Walter Isaacson

Les Innovateurs de Walter Isaacson est un grand livre en raison de sa description équilibrée du rôle des génies ou des innovateurs de rupture autant que du travail d’équipe dans l’innovation incrémentale. « La prise en compte de leur travail d’équipe est importante parce que nous ne nous focalisons pas souvent sur le rôle central de leur compétence dans l’innovation. […] Mais nous avons beaucoup moins d’histoires de créativité collaborative, qui est en fait plus importante à comprendre pour l’évolution de la technologie aujourd’hui. » [Page 1] Il va aussi plus loin: « J’explore aussi les forces sociales et culturelles qui fournissent l’atmosphère favorable à l’innovation. Lors de la naissance de l’ère numérique, cela a inclus un écosystème de recherche qui a été nourri par les dépenses du gouvernement et géré par une collaboration militaro-industrielle. Et ceci fut combiné avec une alliance informelle de coordinateurs de communautés, de hippies avec un esprit de commune, de bricoleurs amateurs, et de pirates anarchisants, dont la plupart se méfiaient de l’autorité centrale. » [Page 2] « Enfin, je fus frappé par la façon dont la créativité la plus authentique de l’ère numérique est venue de ceux qui étaient en mesure de relier les arts et les sciences. » [Page 5]

the-innovators-9781476708690_lg

L’ordinateur

J’ai été un peu moins convaincu par le chapitre 2 car j’ai le sentiment que l’histoire de Ada Lovelace et Charles Babbage est bien connue. Je peux me tromper. Mais j’ai trouvé le chapitre 3 sur les premiers jours de l’ordinateur plus original. Qui a inventé l’ordinateur? Probablement beaucoup de personnes différentes dans des endroits différents aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne, autour de la Seconde Guerre mondiale. « Comment ont-ils développé cette idée au même moment alors que la guerre maintenait leurs deux équipes isolées ? La réponse tient en partie au fait que les progrès de la technologie et de la théorie ont lieu quand le moment est mûr. En parallèle à de autres nombreux innovateurs, Zuse et Stibitz étaient familiers avec l’utilisation de relais dans les circuits téléphoniques, et il était logique de les relier à des opérations binaires en mathématiques et en logique. De même, Shannon, qui était aussi très familier avec les circuits téléphoniques, serait en mesure d’effectuer les tâches logiques de l’algèbre booléenne. L’idée que les circuits numériques seraient la clé de l’informatique devenait rapidement évidente pour les chercheurs un peu partout, même dans des endroits isolés comme le centre de l’Iowa ». [Page 54]

Il y aurait une bataille légale autour de brevets que je ne connaissais pas. Lisez les pages 82-84. Vous pouvez également lire ce qui suit sur Wikipedia : « Le 26 Juin 1947, J. Presper Eckert et John Mauchly ont été les premiers à déposer un brevet sur un dispositif de calcul numérique (ENIAC), à la grande surprise de Atanasoff. L’ABC [Atanasoff-Berry Computer] avait été examiné par John Mauchly en Juin 1941, et Isaac Auerbach, ancien élève de Mauchly, prétendit que cela avait influencé son travail plus tard sur l’ENIAC, bien que Mauchly ait nié ceci. Le brevet ENIAC ne fut pas accordé avant 1964, et en 1967, Honeywell poursuivit Sperry Rand dans une tentative de casser les brevets ENIAC, en faisant valoir l’ABC comme art antérieur. La Cour de district des États-Unis pour le district du Minnesota rendit son jugement le 19 Octobre 1973, indiquant dans « Honeywell v. Sperry Rand » que le brevet ENIAC était un dérivé de l’invention de John Atanasoff. » [Le procès avait commencé en Juin 1971 et le brevet sur l’ENIAC a donc été invalidé]

J’ai aussi aimé son bref commentaire sur les compétences complémentaires. « Eckert et Mauchly ont servi de contrepoids l’un pour l’autre, ce qui les rend typique de tant de duos de leaders de l’ère numérique. Eckert motivait les personnes ayant une passion pour la précision; Mauchly tendait à les calmer et à se sentir aimés. » [Pages 74-75]

Les Femmes dans la Science et la Technologie

C’est dans le chapitre 4 sur la programmation que Isaacson se consacre au rôle des femmes: « L’éducation [de Grace Hopper] n’était pas aussi rare qu’on pourrait le penser. Elle était la onzième femme à obtenir un doctorat en mathématiques de l’Université de Yale, la première l’ayant obtenu en 1895. Ce n’était pas du tout rare pour une femme, en particulier si elle était issue d’une famille ayant réussi, d’obtenir un doctorat en mathématiques dans les années 1930. En fait, c’était plus courant que ce ne le serait une génération plus tard. Le nombre de femmes américaines qui ont obtenu des doctorats en mathématiques pendant les années 1930 était de 133, soit 15 pour cent du nombre total de doctorats en mathématiques américains. Au cours de la décennie 1950, seulement 106 femmes américaines ont obtenu des doctorats en mathématiques, ce qui était un petit 4 pour cent du total. (Pour la première décennie des années 2000, les choses avaient plus que rebondi et il y avait 1600 femmes qui ont obtenu un doctorat en mathématiques, soit 30 pour cent du total.) » [Page 88]

Sans surprise, dans les premiers jours du développement informatique, les hommes travaillaient plus dans le matériel alors que les femmes seraient dans le logiciel. «Tous les ingénieurs qui ont construit le matériel de l’ENIAC étaient des hommes. Moins relatée par l’histoire était un groupe de femmes, six en particulier, qui se révéla être presque aussi important dans le développement de l’informatique moderne. » [Page 95] « Peu de temps avant sa mort en 2011, Jean Jennings Bartik relate fièrement le fait que tous les programmeurs qui ont créé le premier ordinateur à usage général étaient des femmes. «Malgré notre venue à une époque où les possibilités de carrière des femmes ont été généralement assez limitées, nous avons contribué à initier l’ère de l’ordinateur. » Cela est arrivé parce que beaucoup de femmes à cette époque avaient étudié les mathématiques et leurs compétences étaient recherchées. Il y avait aussi une ironie implicite: les garçons avec leurs jouets pensaient que l’assemblage matériel était la tâche la plus importante, et donc le travail d’un homme. «La science et l’ingénierie américaine était encore plus sexiste qu’elle ne l’est aujourd’hui,» a dit Jennings. «Si l’administration de l’ENIAC avait su que la programmation serait essentielle au fonctionnement de l’ordinateur électronique et à quel point elle se révélerait complexe, ils auraient pu être plus hésitants à donner un rôle important aux femmes. » [Pages 99-100]

Les sources de l’innovation

« Les chapitres historiques de Hopper étaient concentrés sur les personnalités. Ce faisant, son livre soulignait le rôle des individus. En revanche, peu de temps après que le livre de Hopper fut achevé, les dirigeants d’IBM commandèrent leur propre histoire du Mark I qui donnait le crédit principal aux équipes d’IBM à Endicott, New York, équipes qui avaient construit la machine. » Les intérêts d’IBM seraient mieux servis en remplaçant l’histoire individuelle par l’histoire de l’organisation», a écrit l’historien Kurt Beyer dans une étude de Hopper. « Le lieu de l’innovation technologique, selon IBM était l’entreprise. Le mythe de l’inventeur solitaire radical travaillant dans un laboratoire ou un sous-sol a été remplacé par la réalité d’équipes d’ingénieurs dans une organisation sans visage contribuant à des progrès incrémentaux. »Dans la version d’IBM de l’histoire, le Mark I contenait une longue liste de petites innovations, comme le compteur de type cliquet et l’alimentation redondante des cartes, que le livre d’IBM attribuait à une foule d’ingénieurs peu connus qui travaillaient de manière collaborative à Endicott.
La différence entre la version de l’histoire de Hopper et d’IBM est plus profonde qu’un différend sur qui devrait recevoir le plus de crédit. Elle montre des perspectives fondamentalement contrastées sur l’histoire des innovations. Certaines études technologiques et scientifiques soulignent, comme Hopper l’a fait, le rôle des inventeurs créatifs qui font des sauts innovants. D’autres études soulignent le rôle des équipes et des institutions, telles que le travail de collaboration fait à Bell Labs et sur le site d’IBM à Endicott. Cette dernière approche tente de montrer que ce qui peut ressembler à des sauts créatifs – le moment de type Eureka – sont en fait le résultat d’un processus évolutif qui se produit lorsque les idées, les concepts, les technologies et les méthodes d’ingénierie mûrissent ensemble. Aucune des deux façons de regarder l’avancement technologique n’est, prise seule, complètement satisfaisante. La plupart des grandes innovations de l’ère numérique est née de l’interaction de personnes créatives (Mauchly, Turing, Von Neumann, Aiken) avec des équipes qui ont su mettre en œuvre leurs idées. »
[Pages 91-92]

L’innovation de rupture et l’innovation incrémenatle d’après Google

Cela me semble très proche de ce que j’ai lu apropos de Google et mentionné dans l’article L’importance et la difficulté de la culture dans les start-up : Google à nouveau… : « Pour nous, l’innovation implique à la fois la production et la mise en œuvre d’idées nouvelles et utiles. Comme « nouveau » est souvent juste un synonyme fantaisiste pour inventif, il faut aussi préciser que pour quelque chose fasse preuve d’innovation, il doit offrir des fonctionnalités inventives, et il doit aussi être surprenant. Si vos clients vous demandent quelque chose, vous n’êtes pas innovant quand vous leur donnez ce qu’ils veulent; vous êtes juste à l’écoute. Voilà une bonne chose de dite, mais ce n’est pas être novateur. Enfin «utile» est un adjectif plutôt décevant pour décrire cette innovation « chaude », nous allons donc ajouter un adverbe et dire radicalement utile. Voilà: pour qu’une chose fasse preuve d’innovation, elle doit être nouvelle, surprenante, et radicalement utile. » […] « Mais Google ajoute également plus de cinq cents améliorations à son moteur recherche chaque année. Est-ce innovant? Ou incrémental? Elles sont nouvelles et surprenantes, bien sûr, mais si chacune d’eux par elle-même est utile, il est peut-être exagéré de dire radicalement utile. Mettez-les toutes ensemble, cependant, et elles le sont. […] Cette définition plus inclusive – l’innovation ne concerne pas seulement les choses vraiment nouvelles, les très grandes choses – est importante car elle offre à chacun la possibilité d’innover, plutôt que de la réserver au domaine exclusif de ces quelques personnes dans ce bâtiment hors campus [Google[x]] dont le travail est d’innover. » [How Google Works – Page 206]

Comment pouvons-nous encourager l’entrepreneuriat étudiant?

J’étais à Eindhoven aujourd’hui pour l’excellent programme d’EVP (20 jeunes entrepreneurs de 4 universités techniques européennes ont passé deux semaines sur 4 campus pour le développement de leurs projets). J’ai eu deux moments inspirants: le 1er par le maire d’Eindhoven qui a fait un grand discours sur l’importance de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Le 2ème eut lieu lors d’une réunion de 20 personnes pour débattre sur la façon de favoriser l’esprit d’entreprise dans les universités.

Les efforts d’Eindhoven pour l’entrepreneuriat et l’innovation

Le maire d’Eindhoven, Rob van Gijzel, a expliqué que Philips avait été à peu près tout pour Eindhoven depuis des décennies (les emplois, bien sûr, les écoles, les hôpitaux, le PSV …), mais beaucoup d’emplois ont été délocalisés, et Philips a souffert. Il a mentionné que l’espérance de vie des sociétés du Fortune 1000 est passée de 70 à 12 ans (ce sont des notes que j’ai prises après coup et je peux me tromper, mais l’esprit y est) et que l’espérance de vie d’un produit est de 2 ans pour Philips aujourd’hui.

Donc, en tant que maire, c’est sa mission de réfléchir à l’avenir, pas seulement au présent. Eindhoven s’épanouit parce qu’il y a NXP et ASML (Spin-offs de Philips), parce qu’ils ont le plus grand R & D centre de Samsung extérieur de la Corée, et une antenne de la Singularity University. Rob van Gijzel sait inhabituellement beaucoup de choses sur la technologie pour un politicien! Peut-être parce qu’il est à Eindhoven … et Eindhoven met beaucoup d’énergie et d’argent dans les universités, les accélérateurs, les start-up et aussi le campus de haute technologie d’Eindhoven (www.hightechcampus.com) qui, Eindhoven l’espère, créera beaucoup d’emplois à haute valeur ajoutée. Les grandes entreprises établies, les PMEs, les start-up et les universités semblent travailler ensemble dans la même direcction. Je suis sûr que ce n’est pas parfait, mais l’effort est impressionnant!

Eurotech sur l’entrepreneuriat

Mon deuxième moment d’inspiration a eu lieu au cours d’une réunion d’Eurotech sur l’entrepreneuriat. Pour une fois, ce ne fut pas le débat habituel des start-up contre les entreprises établies, d’une croissance contrôlée contre une croissance rapide, mais nous avons eu une discussion sur la façon de vraiment aider les étudiants intéressé(e)s par les start-up, ce qui est important, l’exposition à ou l’enseignement de l’esprit d’entreprise,

Juste quelques notes:

« dès le début vous devez trouver l’inspiration, vous êtes intéressés et vous allez où sont ces fous qui font des start-up » … « c’était la chose à faire» … «Je suis entrepreneur parce que ma mère m’a poussé à être responsable et indépendante, alors j’ai essayé et échoué à deux reprises, puis réussi une fois « .

C’est un effort à long terme, vous enseignez, vous exposez, vous inspirez, et « vous les infectez avec le virus » avec éventuellement une longue incubation. Mais devons-nous le faire tôt ou tard, de façon obligatoire ou facultative, filtrer les bons entrepreneurs ou exposer/enseigner à tout le monde…

« Vous devez enseigner l’entrepreneuriat en dehors de la classe … »

Donc, vous avez besoin d’un écosystème convivial, où l’université a son rôle (même s’il n’est pas clair exactement, mais elle en a un!) « Les jeunes entrepreneurs doivent savoir qu’ils ne doivent pas payer pour des avocats, ils ont besoin de trouver des amis qui sont avocats, ou qui ont une expertise juridique. » Vous avez besoin de briser les barrières, aider les gens à se rencontrer et de trouver les personnes dont ils ont besoin, aussi briser les barrières régionales parce que le soutien régional se concentre sur le développement local, qui n’est pas nécessairement le meilleur ami d’un entrepreneur qui a besoin de penser globalement. Les écosystèmes doivent être ouverts, les gens ont besoin de se déplacer, où se trouvent le talent et l’argent.

Nous avons donc confirmé qu’il n’y avait pas un accord général sur la manière stratégique de promouvoir l’entrepreneuriat … mais qu’il est très important …

Sur France Culture, « Le transhumanisme, c’est de la science fiction »

De temps en temps, j’écris un bref article qui n’a rien à voir avec les start-up. Quoi que… J’écoutais ce matin France Culture qui invitait le philosophe André Comte-Sponville. A l’instant 8:13 de la video qui suit commence une séquence sur le transhumanisme que le philosophe va commenter. Je la retranscris aussi plus bas. J’avais déjà eu l’occasion d’aborder le sujet lors de d’une autre édition de la même excellente émission, le 9 mai 2014: Ray Kurzweil raconte n’importe quoi. Je persiste et signe par chroniqueurs interposés!


Les Matins / Philosopher contre les fanatismes par franceculture

A la question « André Comte-Sponville, voulez-vous prendre le bus de l’immortalité », celui-ci répond :
« Non merci ! C’est évidemment exclu. Alors certains plus sérieusement, je pense à Laurent Alexandre, nous annoncent qu’on va bientôt vivre 1000ans. Et son livre s’appelle La mort de la mort. C’est évidemment un contre-sens. Parce que, que vous mourriez à 90 ans ou à mille ans, vous n’en mourrez pas moins. On vivrait davantage mais on ne mourrait pas moins. Quant à l’idée saugrenue, je dirais, de supprimer la mort, à nouveau, c’est une impossibilité. Aucun corps humain, aucun corps vivant ne résistera à la combustion, ne résistera à la noyade. Si vous passez 15 jours sous l’eau, je vous jure que transhumanisme ou pas, vous serez mort. Aucun être humain ne survivra à une balle tirée en plein front. Autrement dit, quand bien même on arriverait, et Dieu sait que ce n’est pas demain la veille, ça relève de la science-fiction, mais quand bien même, on arriverait à vaincre toutes les maladies et la vieillesse, autrement dit on ne mourrait plus que par accident, et bien tôt ou tard, comme sur un temps infini, tout le possible arrive nécessairement, on aurait un accident et on finirait quand même par mourir. Simplement, ce qui se passerait, comme on ne mourrait plus que par accident, nous serions en vérité perpétuellement mort de trouille. Ce qui m’autorise à prendre ma voiture aujourd’hui, c’est que je sais de toute façon que je vais mourir et donc mourir d’un cancer ou d’un accident de voiture, au fond la différence n’est pas essentielle. Si je ne peux plus mourir que par accident ou par assassinat, je serai perpétuellement mort de trouille. Bref ça fera une société de vieillards qui ne pourraient plus faire d’enfants sinon la surpopulation serait atroce, une société de vieillards et de trouillards. Et bien ça n’est mon idéal de civilisation ni de l’humanité.
– Du coup, le transhumanisme vous fait peur ?
– Non, encore une fois cela relève de la science-fiction. Que les sciences et les techniques prennent de plus en plus de place dans notre vie, qu’elles puissent un jour modifier la nature humaine, ça c’est vrai. On n’en est pas là pour l’instant, mais ça peut venir et donc il est légitime d’y réfléchir. J’ai envie de dire que les urgences sont ailleurs. Nous serons neuf milliards et demi, peut-être dix milliards en 2050, personne ne sait comment nous allons nourrir dix milliards de personnes. La question des ressources en eau douce et en terres arables, la question du réchauffement climatique, sont des questions bien plus urgentes que la question du transhumanisme.

MesLivres-Cynthia-Fleury

Je saute du coq à l’âne. Voici les écrits d’une autre philosophe française dont la clarté de pensée et la vision sont exceptionnelles. A lire absolument. le monde des start-up a lui aussi besoin de courage, d’éthique et de morale. Cynthia Fleury nous explique merveilleusement bien pourquoi tout individu et toute société en ont aussi besoin… Les mensonges du transhumanisme et de nos sociétés et de nos individus doivent être combattus!

Google in the Plex – dernières remarques

Il est temps que je termine mon analyse de In The Plex après déjà quatre articles. le chapitre 5 traite de Google dans le mobile et dans la vidéo. le chapitre 6 de ses relations avec la Chine, un chapitre très intéressant sur les dilemmes moraux de Google. Le chapitre 7 concerne les relations avec la puissance publique.

in-the-plex-home

Ces chapitres montrent que Google est aujourd’hui une entreprise mature et sérieuse, avec des exceptions:

Le discours ne se termina pas sur une bonne note. Page avait insisté qu’il y ait une séance de questions, presque comme s’il s’agissait d’un TGIF chez Google. Ce fut presque du jamais vu dans les keynotes du CES. Les personnes de Google en charge du discours avaient eu une idée géniale: ils passèrent du temps à convaincre le comédien Robin Williams (un grand fan de Google) d’être l’acolyte de Page pour la séance de questions/réponses. L’idée était que Williams serait un Google humain. Ses improvisations maniaques proches de la bande dessinée firent oublier instantanément la maladresse de la présentation de Page. Le moment le plus drôle fut quand un journaliste français commença à poser une question difficile à Page, mais qu’il ne put pas terminer en raison des moqueries implacables, politiquement indéfendable, et pourtant totalement hilarantes de Williams sur l’accent et la nationalité du journaliste. Le malheureux Français devint fou de rage. Ce moment était parfait pour le style Google: une présentation d’entreprise devenue aussi anarchique qu’un sketch des Marx Brothers. [Pages 246-247]



« Sergey et Larry ne sont pas plus des enfants, » a noté Eric Schmidt au début 2010. « Ils ont entre 30 et 40 ans, ce sont des cadres accomplis dans notre industrie. Lorsque je suis arrivé, ils étaient de jeunes fondateurs, des enfants – très, très intelligents, mais sans l’expérience opérationnelle qu’ils ont maintenant. Il est très important de comprendre que ce sont des machines à apprendre et que dix ans après la fondation de la société, ils sont beaucoup plus expérimentés que vous ne pourrez jamais l’imaginer. » Des commentaires de Schmidt, il est raisonnable de se demander quand l’inévitable se produirait – quand Larry Page, maintenant d’âge mûr et officiellement expérimenté, pourrait redevenir le PDG de Google, un travail qu’il avait été réticent à céder et avait abandonné seulement sur l’insistance des VCs. Lorsqu’on lui demanda directement s’il avait hâte de reprendre le rôle, Page refusa de s’engager. « Ce n’est que pure spéculation, » a-t-il dit.
[Page 254]

Et la fuite des cerveaux inévitable suivrait:

Google n’avait de cesse de recruter les meilleures personnes qu’elle pouvait trouver, surtout des ingénieurs. En fait, l’effort était devenu plus urgent parce qu’il y avait des postes vacants chez Google en raison d’employés clé qui avaient rejoint d’autres entreprises de haute technologie, plus jeunes et plus agiles que Google ou qui avaient lancé leurs propres entreprises. Et de temps en temps, un Googler prenait tout simplement sa retraite avec la fortune créée par ses stock-options. Les défections incluaient des dirigeants de haut rang et peut-être plus effrayant pour la société-certains de ses plus brillants jeunes ingénieurs. La presse a qualifié le phénomène de « fuite des cerveaux ». Sheryl Sandberg, qui avait mis en place l’organisation AdWords, est partie pour devenir devenir COO de Facebook. Tim Armstrong a quitté son poste de chef des ventes nationales pour devenir PDG d’AOL. (« Nous avons passé tout le lundi à le convaincre de rester », avait déclaré tristement Sergey Brin au TGIF de la semaine en question, exprimant ainsi le souhait de garder son précieux directeur des ventes.) Paul Buchheit, l’inventeur de Gmail, rejoignit Bret Taylor (qui avait été chef de produit pour GoogleMaps) pour démarrer une société appelée FriendFeed. Des 18 APMs – les futurs leaders désignés – qui avaient fait le tour du monde avec Marissa Mayer à l’été 2007, moins de la moitié était encore avec Google deux ans plus tard. Tous sont partis pleins de respect et de gratitude pour Google, mais ils ont estimés que des opportunités plus intéressantes se trouvaient ailleurs. Bret Taylor, tout en précisant qu’il chérissait son passage chez Google, a expliqué plus tard pourquoi il était parti. « À mes débuts dans l’entreprise, je connaissais tout le monde là-bas, » dit-il. « Il y a moins une sensation d’entreprise aujourd’hui. Vous avez moins d’impact sur l’organisation dans son ensemble. » Quand il a annoncé son départ, une procession de cadres est venue dans son bureau pour lui demander de reconsidérer sa décision. « Je ne savais pas que Google avait autant de vice-présidents, » a-t-il dit. Mais il avait pris sa décision. [Page 259]

La maturité, vraiment ?

Eric se tourna vers lui et dit: «D’accord, Larry, qu’est-ce que tu veux faire? Comment as-tu envie de grandir?» – «Combien d’ingénieurs a Microsoft ?» demanda Page. – «Environ 25’000». « Nous devrions avoir un million,» réagit-il. Eric, habitué aux réponses hyperboliques de Page, rétorqua: «Allez, Larry, soyons réalistes.» Mais Page avait une vraie vision: tout comme le matériel de Google serait réparti à travers le monde sous forme de centaines de milliers de racks de serveurs, la matière grise de Google serait dispersée de manière similaire, révolutionnant la propagation de l’information tout en parlant la langue locale. [Page 271]

Échec en Chine

La Chine a été le plus grand échec de Google. Malgré les efforts et des compromis (trop?), Google n’a jamais vraiment réussi en Chine. Le chapitre 6 est égalemt à lire. Brin qui a toujours été le plus sensible en matière de droits de l’homme « est allé aussi loin » que s’abstenir sur le sujet lors d’une réunion des actionnaires.

Au cours de l’assemblée annuelle des actionnaires de Google le 8 mai 2008, Brin a pris l’initiative rare de se distancer de Page et Schmidt sur la question. Les actionnaires mécontents de la censure de Google en Chine ont transmis deux propositions pour atténuer cette faute. La première, organisée par Amnesty International et soumis par le fonds de pension de l’Etat de New York, qui possédait 2 millions d’actions de Google, a exigé un certain nombre d’étapes avant que l’entreprise engagée dans des activités de restriction de la liberté. La deuxième serait de forcer le conseil d’administration à mettre en place un comité mettant l’accent sur les droits humains. Google s’opposa officiellement aux propositions, et avec une structure de vote d’un poids dix fois supérieur par action des fondateurs en comparaison de celles détenues par des investisseurs externes, les propositions ont été défaites facilement. Mais Brin s’estt abstenu, l’envoi d’un signal – peut-être seulement à lui-même – que sa conscience ne lui permettait d’endosser plus d’actions de son entreprise en Chine sans réserve. Lorsque les actionnaires eurent la possibilité d’interroger les dirigeants de Google, Brin s’expliqua directement: «Je suis d’accord avec l’esprit de ces deux propositions, sur les droits de l’homme, la liberté d’expression, et la liberté de recevoir des informations. » Il a ajouté qu’il était « assez fier de ce que nous avons pu réaliser en Chine » et que les activités de Google là-bas « honoraient nombre de nos principes. » Mais pas tous.
C’était un signe clair que Brin ne croyait plus à la stratégie de Google en Chine. Un autre signal est le fait que après l’installation de Google en Chine, et en dépit de l’insistance de Kai-Fu Lee, ni Brin, ni Page n’ont jamais franchi le seuil de leur centre d’ingénierie le plus important à l’étranger. Même à la mi-2009 lorsque le duo décida de voler dans leur Boeing 767-200 privé vers l’atoll isolé d’Eniwetok dans le Pacifique pour voir une éclipse solaire et que Brin eut l’occasion pour passer chez Google Tokyo, ils délaissèrent la Chine. Pourtant, Google était réticent à défier le gouvernement chinois. Il y avait l’espoir silencieux que les choses allaient changer. En outre, ses activités commerciales en Chine allaient bien. Bien qu’il y avait beaucoup à faire pour déloger Baidu, Google tenait la deuxième place et de manière très solide. Dans les cartes et le mobile, Google était leader. Dans le plus grand marché Internet du monde, Google était en meilleure position que toute autre société américaine.
[Page 305]

Enfin…

« L’incident de sécurité, à cause de sa nature politique, nous fit dire ‘assez est assez’ », expliqua Drummond. Le lendemain Drummond a écrit un article sur son blog expliquant la décision de Google. Il était intitulé « Une nouvelle approche de la Chine. » Il décrivaitt la nature de l’attaque sur Google et expliquait qu’elle avait des répercussions bien au-delà de la violation de sa sécurié; il aavit frappé au cœur d’un débat mondial sur la liberté d’expression. Puis il lâcha la bombe de Google:
Ces attaques et la surveillance qu’elles ont révélé – combinées avec les tentatives au cours de la dernière année afin de limiter davantage la liberté d’expression sur le Web – nous ont amené à conclure que nous devrions examiner la faisabilité de nos opérations commerciales en Chine. Nous avons décidé que nous ne sommes plus désireux de continuer à censurer nos résultats sur Google.cn, et ainsi au cours des prochaines semaines, nous allons discuter avec le gouvernement chinois de la base sur laquelle nous pouvons fonctionner comme moteur de recherche non filtré dans la légalité, si cela est possible. Nous reconnaissons que cela peut bien signifier de fermer Google.cn, et potentiellement nos bureaux en Chine.
Le 12 Janvier, Google publia le texte de Drummond sur son blog. Les nouvelles se propagèrent à travers Mountain View comme un tremblement de terre. Des réunions partout sur campus s’arrêtaient alors que les gens regardaient leurs ordinateurs portables et lisaient que Google na’llait plus faire le sale boulot de la dictature chinoise. « Je pense que toute une génération de Googlers se rappelera exactement où ils étaient quand l’article parut, » dit un chef de produit, Rick Klau.
[Page 311]

Et selon Wikipedia, https://en.wikipedia.org/wiki/Google_China, « en Novembre 2013, sa part de la recherche a diminué à 1,7% de son niveau de 36,2% en août 2009 ».

Google et la politique

À la fin 2007, Barack Obama avait déjà une impressionnante cohorte de supporters issus de Google. Andrew McLaughlin, chef politique de Google, conseillait le sénateur sur les questions de technologie. Le chef de produit pour Blogger, Rick Klau, avait vécu dans l’Illinois et avait maintenu le blog d’Obama lorsque le politicien candidatait au Sénat (il avait même laissé Obama utiliser sa maison pour une collecte de fonds). Eric Schmidt était l’hôte officiel du candidat. [Page 316]

Dans un monde idéal: «Je pense à eux comme représentant les valeurs de l’Internet. Ce sont des valeurs d’ouverture, ce sont les valeurs de participation, ce sont des valeurs de rapidité et d’efficacité. Apporter ces outils et techniques dans le gouvernement est essentiel. » [Page 322]

Mais la réalité est plus difficile: «Le travail était frustrant. Google n’a pas été parfait, mais les gens faisaient des choses-parce qu’ils étaient des ingénieurs. Une des grandes idées de Google est que si vous donnez aux ingénieurs la liberté de rêver et le pouvoir de faire – si vous construisez l’ensemble des opérations autour de leur état d’esprit et indiquez clairement qu’ils sont en charge – l’impossible peut être accompli. Mais dans le gouvernement, même si le travail de Stanton était de construire de nouvelles technologies et de nouveaux programmes, « je n’ai jamais rencontré un ingénieur, » dit-elle. « Pas un seul informaticien qui travaille pour le gouvernement des États-Unis. Je suis sûr qu’ils existent, mais je n’en ai pas rencontré un seul. Chez Google, je travaillais avec des gens beaucoup plus intelligents et créatifs que moi, et ils étaient ingénieurs, et ils faisaient les autres se sentir bien. Ils font. Nous sommes coincés dans le gouvernement parce que nous ne disposons pas vraiment beaucoup de ces personnes ». [Page 323]

Une dernière remarque: Google fait-il le mal?

Ceci est un débat que j’ai souvent avec mes amis et collègues. Vous avez vu ma fascination et j’aime la façon dont Google essaie, d’explore et change notre monde. Pourtant, on peut voir les choses différemment. A titre d’exemple, voici quelques citations sur Google Print.

Peut-être le fait que Google ait pris tant de soin à cacher son activité était un indicateur précoce des difficultés à venir. Si le monde était prêt à accueillir avec impatience les fruits du projet Ocean [le nom de code de Google Print] quelle était la nécessité de tant de discrétion? Ce secret est encore une autre expression du paradoxe d’une société qui a parfois embrassé la transparence et à d’autres moments semblait se modeler sur la NSA. Dans d’autres domaines, Google avait mis ses investissements dans le domaine public, comme les systèmes d’exploitation open-source Android et Chrome. Et en ce qui concerne l’information, Google a toujours permis aux utilisateurs de ne pas être enfermés dans ses produits. […] Il semblerait que la numérisation des livres serait un bon candidat pour une transparence similaire. Si Google avait une façon plus efficace de numériser des livres, partager les techniques améliorées pourraient bénéficier à la société sur le long terme – Inévitablement, une grande partie des résultats pourrait trouver son chemin sur le web renforçant l’indexage de Google. Mais dans ce cas, la paranoïa et une focalisation sur les gains à court terme mit les machines sous le boisseau. «Nous avons fait un travail énorme pour rendre ces machines un ordre de grandeur meilleures », a déclaré AMac. « Cela nous donne un avantage en termes de taux de numérisation et de coût, et nous voulons garder cet avantage pendant un certain temps. » Page lui-même a rejeté l’argument que partager la technologie de numérisation aiderait l’entreprise Google à long terme, en plus du bénéfice social. « Si vous ne disposez pas d’une raison d’en parler, pourquoi en parler? » a-t-il répondu. « Vous êtes dans la gestion d’une entreprise, et vous devez contrebalancer [l’exposition] contre les inconvénients, qui peuvent être importants. » [Page 354-55]

Mais tous les éditeurs ne trouvèrent pas Google séduisant. Jack Romanos, alors PDG de Simon & Schuster, se plaignit plus tard de « l’arrogance innocente » de Google et de l’attitude «plus saint que toi ». « D’abord, ils prétendent être entièrement idéalistes, parlant de la façon dont ils sont là seulement pour agrandir la connaissance du monde, et le lendemain, ils vous disent que vous allez devoir faire les choses à leur manières ou pas du tout. »
[Page 357]

[Il] y avait cette conviction pour une entreprise à plusieurs millions de dollars comme Book Search qu’il était inadmissible que les auteurs et éditeurs ne soient pas rémunérés. Après le débat, Aiken expliqua l’essence des arguments de son groupe à un membre de l’Association des Auteurs qui lui avait dit qu’il aimerait que ses soient détectables par Google. « Vous ne comprenez pas? », déclara Aiken. « Ces gens de la Silicon Valley sont milliardaires, et ils vont se faire de l’argent sur votre dos! » [Page 360]

Google a échoué dans de nombreux projets comme dans les réseaux sociaux. Orkut, puis Wave, Dodgeball, Buzz remplacé par Google + étaient plus des tests bêta et puis une réaction à Facebook. Google tente souvent des choses sans trop d’effort et vérifie si la traction arrive ou pas. Mais son ambition n’a pas vraiment ralenti : « Michigan avait déjà commencé à numériser une partie de ses archives. « C’était un projet qui d’après nos bibliothécaires prendrait mille ans, » dit Coleman plus tard dans un discours». Larry a dit Google le ferait en six ans. » [Page 352]

En effet Page avait rêvé de numérisation des livres déjà à Stanford et dans les premiers jours de Google, il avait commencé à jouer avec des scanners, aidé par Marissa Meyer: « Les premières tentatives étaient un peu bâclée, parce que le pouce de Marissa interférait. Larry disait: «Ne va pas trop vite … ne va pas trop lentement. » Et il fallait un rythme que quelqu’un puisse maintenir longtemps – cela devait passer à l’échelle, rappelez-vous, c’est-à-dire pour chaque livre jamais écrit. Ils ont finalement utilisé un métronome pour synchroniser leurs actions. Après un peu de pratique, ils ont découvert qu’ils pouvaient scanner un livre de 300 page tels que Startup en environ 42 minutes, plus vite que prévu. Puis ils ont utilisé la reconnaissance optique de caractères (OCR) sur les images et ont commencé à chercher à l’intérieur du livre. Page ouvrait le livre à une page au hasard et disait: « Ce mot, peux-tu le trouver? » Mayer ferait faire une recherche pour voir le résultat. Ça a marché. Vraisemblablement, une machine dédiée pourrait travailler plus vite, et il serait possible de capturer des millions de livres. Combien de livres ont été imprimés? Autour de 30 millions? Même si le coût était de 10$ par livre, le coût total ne serait de 300 millions de dollars. Cela ne semblait pas trop d’argent pour la connaissance la plus précieuse au monde.
[Page 360] (Google Print est maintenant Google Livres – https://fr.wikipedia.org/wiki/Google_Livres)

En 2011, l’ambition de Page est toujours vivace. Il est maintenant le PDG de Google. A la fin 2010, « Sergey Brin avait répété le sentiment: « Nous voulons que Google soit la troisième moitié de votre cerveau » « . [Page 386]

«Je sens que les gens ne travaillent pas assez sur des choses qui peuvent avoir un impact », a déclaré Page. « Les gens ont vraiment peur de l’échec, et il est donc difficile pour eux de faire des trucs ambitieux. Et aussi, ils ne réalisent pas la puissance des solutions technologiques, en particulier des ordinateurs. » Il a continué à s’extasier à propos de grands objectifs comme entraîner une baisse du prix de l’électricité à trois cents par watt – cela ne prendrait pas vraiment beaucoup de ressources pour lancer un projet visant à cela, selon lui. En général, la société ne lance pas suffisamment de grands projets. Chez Google, dit-il, lorsque ses ingénieurs ont entrepris un projet de pointe redoutable, il y avait d’énormes avantages, même si l’objectif déclaré du projet n’a pas été réalisé. Il a laissé entendre que, même chez Google n’y avait pas assez de cette ambition. «Nous n’en sommes vraiment qu’au début de tout cela, » at-il dit. « Et nous ne faisons pas encore un bon travail pour parvenir rapidement et à grande échelle au genre de choses que nous essayons de faire. » [Page 387]

MyGoogleBooks

Je viens de terminer In le Plex et je me sens un peu triste. C’est le genre de livre que je souhaiterais n’avoir jamais fini de lire. J’ai pourtant déjà lu quatre livres sur Google. Pour me rassurer, nous sommes sans doute loin de la fin. Il est même possible que nous soyons juste au début comme Page et Brin semblent le penser et je vais probablement lire d’autres livres sur Google dans un avenir proche. Aussi bon que celui-ci? Seul l’avenir nous le dira… et pour terminer sur un post de 2007…

Dan Perjovschi - Venice Biennale

Le prochain Google sera-t-il européen (ou suisse) ? La réponse de Fathi Derder

Fathi Derder , ancien journaliste et jeune politicien, répond à sa manière dans Le prochain Google sera Suisse (à 10 conditions).

book-07210700

Je me suis retrouvé dans la préface de l’auteur, dans ses frustrations et ses espoirs. « Nos start-up ne se développent pas en Suisse. Aucune trace d’un Google suisse. Le dernier grand succès helvétique, c’est Logitech, il y a trente ans. Nos start-up sont bonnes certes. Mais quand il s’agit de se développer rapidement et à grande échelle, elles quittent la Suisse » [Page 9]. Et sa réponse ? « […] pour que la Suisse reste prospère, pour qu’elle soit capable d’anticiper et d’inventer le monde de demain, il faut deux ingrédients de base : de la mémoire et de la folie » [Page 11].

La Suisse n’est pas championne du monde de l’innovation

Derder s’inquiète du peu d’intérêt des media et des politiques car tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes suisse… mais :« Les classements sont trompeurs et reposent sur un abus de langage : nous sommes, certes, les champions du monde de la formation, de la recherche, de la science et des brevets (des multinationales). Mais pas encore de l’innovation. Ce sont deux choses bien distinctes. Mais en termes [d’innovation] (la transformation des idées en produits et services créateurs de valeur), il y a bien des progrès à faire. » [pages 18-19].

Pour attirer que le prochain Google soit suisse, il faut les trois « C », du Capital-risque, des Cerveaux et une Culture de l’échec et du risque [page 35].

Cela n’est pas sans me rappeler le « How to be Silicon Valley » de Paul Graham : « aux États-Unis, les régions sont devenues des clusters de start-up si et seulement si elles ont à la fois des gens riches et des nerds. Il y a peu de start-up à Miami, par exemple, parce que même si il y a pleins de gens riches, il y a peu de nerds. Ce n’est pas le genre d’endroit qu’aiment les nerds. Alors que Pittsburgh a le problème inverse: beaucoup de nerds, mais pas de gens riches.

Dans ce livre de presque 180 pages, il liste ses dix conditions :
• Attirer les meilleurs talents
• Doper le capital-risque (et encourager l’investissement dans les PME)
• Simplifier la vie des entrepreneurs (et des investisseurs)
• Donner des moyens à la recherche fondamentale
• Rapprocher les hautes écoles et les entreprises
• Développer des pôles d’excellence thématique
• Mettre en place une stratégie numérique nationale
• Engager l’Etat (et l’armée) dans l’écosystème
• Renforce la protection des données (et inciter les citoyens à les protéger anonymement)
• Valoriser les succès suisses (et les rendre populaires)

Derder est un super-défenseur des start-up et son livre tombe à point. Je crois pourtant que les défis sont essentiellement culturels, comme je l’écrivais il y a quelques jours dans Pourquoi l’Europe ne crée-t-elle pas de Google ou d’Apple?

Vous ne serez donc pas étonnés, si je préfère m’arrêter à ses 3 C. Dans une présentation que je préparai récemment, je donnais dix conditions à l’innovation, toutes liées à la culture :
• Collaborer, même avec ses Concurrents
• Faire Confiance
• Etre Impertinent
• Ne pas se mentir (à soi-même)
• Croire en son Instinct…
• … et avoir du Courage
• Dans l’Innovation, l’exemple vient d’en haut
• Parier sur le Talent (et la Jeunesse)
• Ne pas craindre l’Echec
• Parier sur la Passion

A vous de décider….

Google in the Plex – Partie 4: tant de produits

Si je considère les 3 premiers chapitres de In the Plex comme d’exceptionnelles descriptions de la technologie de Google (chapitre 1), de son business (chapitre 2) et de sa culture (chapitre 3), les chapitres suivants sont également excellents, mais je ne vais pas les décrire avec autant de détails. Le chapitre 4 traite des produits de Google qui semblent avoir deux caractéristiques principales: ils sont rapides et ils sont basé sur le cloud (Gmail, Google Docs, Youtube, Chrome).

in-the-plex-home

Sergey Brin a même mis un nom sur la frustration de son co-fondateur quant à la tendance des développeurs à ajouter de plus en plus de fonctionnalités dans les programmes informatiques, avec la conséquence de les ralentir. La loi de Page, selon Brin est l’observation selon laquelle tous les dix-huit mois, le logiciel devient deux fois plus lent. Google était déterminé à éviter ce problème. « Nous voulons rompre effectivement la loi de page et rendre nos logiciels de plus en plus rapides avec les années », dit Brin. [Page 185]

Et bien sûr: Google garde souvent ses produits en version bêta beaucoup plus longtemps que d’autres entreprises, signalant que les utilisateurs devraient être tolérants avec les défauts et qu’une mise à jour était probablement imminente. Dans le cas de Gmail, qui est devenu le nom public pour le projet, l’étiquette bêta n’a été retirée que cinq ans après son lancement par Google, quand il avait des dizaines de millions d’utilisateurs. [Page 171]

Ce qui est aussi intéressant c’est qu’ils ne sont pas toujours été construits en interne, mais aussi par des acquisitions (JotSpot, Upstartle, Zenter, Android et bien d’autres – consulter la liste des acquisitions de Google – https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_acquisitions_de_Google – avec ma courte l’analyse ci-dessous)

Cela me rappelle une citation de Richard Newton: « La Silicon Valley et la région de la baie sont des berceau d’innovation. » Et il a en outre ajouté, citant un de ses collègues: « La région de la baie est l’Entreprise. [… Quand les gens changent d’emploi ici dans la Bay Area], ils sont en fait juste mutés dans une autre unité de la Bay Area Corporation ».

Je vous laisse découvrir la longue analyse autour des préoccupations sur la protection de la vie privée (Pages 179 à 78), mais je ne peux éviter une dernière citation: Ce n’est pas le rôle de Google – et ça ne devrait pas le devenir – de filtrer […] les informations personnelles. Griffin avait compris ce que [Eric Schmidt] ressentait, parce qu’elle avait rencontré les gens bouleversés tout le temps. Vous pouviez expliquer sans cesse pourquoi rendre publiques des informations obscues, mais potentillement dommageable informations en quelques millisecondes était au cœur de la haute mission de Google. « Les principes font toujours sens jusqu’à ce qu’il touchent à la vie personnelle, » dit-elle. […] « Mon opinion personnelle est que vous devriez être en mesure de supprimer de l’histoire l’information privée qui est vraiment privée », a dit Schmidt. Mais cela n’a pas été la politique de Google. Si même le PDG de Google a eu du mal à gérer la vie privée, comment les gens ordinaires pourraient-ils faire face? [Page 175]

Les acquistions de Google

En août 2015, Google avait acquis 182 entreprises (136 aux États-Unis, 26 en Europe, et 20 dans le reste du monde) pour plus de 26 milliards de dollars. Voici une description visuelle des domaines et des années.

Google-M&A-year

Google-M&A-type