Elon Musk et la recette secrète de l’entrepreneuriat (selon Tim Urban)

Un de mes étudiants (merci !) vient de m’envoyer un lien vers des articles étonnants sur Elon Musk. Je n’avais jamais entendu parler de l’auteur, Tim Urban, ni de son blog Wait But Why mais je vais certainement suivre son travail à partir d’aujourd’hui.

Tim Urban a écrit quatre articles sur « l’entrepreneur vivant le plus remarquable. » Ils sont écrits en angals et sont intitulés
Partie 1: Elon Musk: l’homme le plus radical du monde – http://waitbutwhy.com/2015/05/elon-musk-the-worlds-raddest-man.html
Partie 2: Comment Tesla va changer le monde – http://waitbutwhy.com/2015/06/how-tesla-will-change-your-life.html
Partie 3: Comment (et pourquoi) SpaceX colonisera Mars – http://waitbutwhy.com/2015/08/how-and-why-spacex-will-colonize-mars.html
Partie 4: Le chef et le cuisinier: la recette secrète de Musk – http://waitbutwhy.com/2015/11/the-cook-and-the-chef-musks-secret-sauce.html
Ces quatre articles représentent des centaines de pages si vous les imprimez. Sans blague! J’ai lu la partie 4 et cela a été un véritable choc (positif). Tim Urban explique les qualités entrepreneuriales de Elon Musk. Je vous en donne simplement quelques extraits:

« Je pense que généralement le processus de pensée des gens est trop attaché aux conventions et aux analogies avec leurs expériences antérieures. Il est rare que les gens essaient de penser à quelque chose sur la base des premiers principes. Ils diront: « Nous faisons cela que parce que cela a toujours été fait de cette façon. » Ou ils ne font pas parce que « Eh bien, personne n’a jamais fait cela, donc cela doit être une mauvaise idée. » Mais c’est juste une façon ridicule de penser. Vous devez construire votre raisonnement de bas en haut – « en utilisant les premiers principes » est la phrase qui est utilisée en physique. Vous regardez les fondamentaux et construisez votre raisonnement en conséquence, et ensuite vous voyez si vous arrivez à une conclusion qui fonctionne ou qui ne fonctionne pas, et il se peut que cela soit différent ou non de ce que les gens ont fait dans le passé. » […] Musk est un chef impressionnant sans aucun doute, mais ce qui fait de lui une telle personnalité hors du commun, ce n’est pas qu’il est impressionnant – c’est que la plupart d’entre nous ne sommes pas du tout des chefs. […] « Quand j’étais enfant, j’avais vraiment peur du noir. Puis j’ai appris à comprendre que l’obscurité signifie simplement l’absence de photons dans les longueurs d’onde visibles de 400 à 700 nanomètres. Puis je me suis dit que c’était vraiment stupide d’avoir peur d’un manque de photons. Alors je n’ai plus eu peur de l’obscurité après cela. » Voilà tout simplement un chef enfant qui apprécie la réalité d’une situation et décide que sa crainte était mal placée. En tant qu’adulte, Musk a dit ceci: « Parfois, les gens craignent trop la création d’une entreprise. Vraiment, quel est le pire qui puisse arriver? Tu ne vas pas mourir de faim, tu ne vas pas mourir de froid – quel est le pire qui puisse arriver? » Même citation, non? […] Voilà la recette secrète d’Elon Musk. Ce qui explique pourquoi la vraie histoire ici n’est pas celle de Musk. C’est la notre. […] Les gens croient que penser en dehors du cadre et des conventions requiert de l’intelligence et la créativité, mais cela demande surtout de l’indépendance. Lorsque vous ignorez simplement le cadre et de construisez votre raisonnement à partir de zéro, que vous soyez brillant(e) ou non, vous vous retrouvez avec une conclusion unique – qui sortira ou non du cadre.

sjobs

Puis Tim Urban cite Steve Jobs et son célèbre discours à Stanford en 2005 (je crois) : « Quand vous grandissez, vous avez tendance à vous dire que le monde est comme il est et votre vie est juste de vivre votre vie à l’intérieur de ce monde. Essayez de ne pas trop cogner contre les murs. Essayez d’avoir une vie de famille agréable, avoir du plaisir, économiser un peu d’argent. Voilà une vie très limitée. La vie peut être beaucoup plus ample une fois que vous découvrez un fait simple. Et le voici: Tout ce que vous appelez la vie autour de vous a été faite par des gens qui n’étaient pas plus intelligents que vous. Et vous pouvez la changer, vous pouvez l’influencer, vous pouvez construire vos propres choses que d’autres personnes peuvent utiliser. Une fois que vous avez compris ceci, vous ne serez jamais la même personne ».

Reich_Ecoute_petit_homme

Et tout cela me rappelle environ un essai que j’ai mentionné dans la conclusion de mon livre, un essai que Wilhelm Reich, le grand psychanalyste, rédigea en 1945 : « Écoute, Petit Homme! » est un magnifique essai, petit par la taille, grand par l’inspiration. « Je vais te dire quelque chose, petit homme : tu as perdu le sens de ce qu’il y a de meilleur en toi. Tu l’as étranglé. Tu l’assassines partout où tu le trouves dans les autres, dans tes enfants, dans ta femme, dans ton mari, dans ton père et dans ta mère. Tu es petit et tu veux rester petit. » Le petit homme, c’est vous, c’est moi, c’est nous. Le petit homme a peur, il ne rêve que de normalité, il est en nous tous. Le refuge vers l’autorité nous rend aveugle à notre liberté. Rien ne s’obtient sans effort, sans risque, sans échec parfois. « Tu cherches le bonheur, mais tu préfères la sécurité, même au prix de ta colonne vertébrale, même au prix de ta vie. »

Tim Urban a tout à fait raison et vous devez lire son article sur les dogmes et les tribus. Il m’a fait aussi penser à mes récentes lectures de la grande philosophe français Cynthia Fleury et comment nous devons permettre l’équilibre entre les individus et les groupes et pourquoi la démocratie est un joyau fragile des sociétés …

PS: J’ai totalement oublié de mentionner une vidéo qu’une de mes collègues (merci à elle cette fois! 🙂 ) a mentionné il y a quelques jours. Par une de ces belles coïncidences de la vie, elle décrit l’une des raisons pour lesquelles selon Tim Urban certaines personnes sont des «cuisiniers» (des suiveurs ou des innovateurs incrémentaux) et d’autres des «chefs» (des innovateurs disrupteurs). Appréciez !

La biotechnologie et les start-up – Partie 1 : Amgen

Je ne sais pas grand-chose des biotechnologies (mon expérience est dans les technologies de l’information). Bien qu’une start-up soit une start-up, j’ai toujours eu le sentiment que la biotechnologie est un monde différent. On lit souvent qu’il faut facilement dix ans pour développer un médicament, de sorte que les start-up en biotechnologie ne vendent aucun produit pendant plus longtemps encore (avec des revenus éventuels ne provenant que de collaborations R&D avec les grandes sociétés pharmaceutiques). On entend aussi parler d’introductions en bourse, bien avant qu’un quelconque produit soit sur le marché – quelque chose d’inhabituel dans le monde de l’informatique (sauf pendant la bulle Internet). Enfin, les besoins de financement en capital-risque semblent être beaucoup plus grands que dans les technologies de l’information.

J’ai déjà écrit des articles sur le sujet et vous pouvez les trouver sous le tag biotech, mais je prévois d’écrire bientôt trois nouveaux posts, liés à des lectures et des analyses récentes:
– Ce post traite de ma lecture de Science Lessons – What the Business of Biotech Taught Me About Management par Gordon Binder, ancien PDG d’Amgen et Philip Bashe.

Amgen-ScienceLessons

– Je vais ensuite donner une mise à jour de cap. tables avec plus de 350 entreprises (partie 2) et j’en profiterai pour me concentrer sur les entreprises de biotechnologie.
– Finalement, je devrais lire bientôt un autre livre, Genentech – les débuts de la Biotech par Sally Smith Hughes. Espérons qu’il sera aussi bon que celui sur Amgen. (voici le résultat de cette lecture, partie 3 – Genentech).

Le business de la biotech

Amgen est probablement la plus grande entreprise de biotechnologie aujourd’hui (avec une capitalisation boursière proche de 100 milliards de $ en 2015). « La société a fait ses débuts sur le Nasdaq le 17 juin 1983. Considérant qu’Amgen ne possédait pas de produits à l’époque, aller en bourse semblait prématuré pour certains observateurs. Et c’était vrai; une introduction en bourse n’était pas du tout dans l’agenda initial. Mais nos autres sources de capitaux s’étaient recroquevillées comme un feuillage pendant la saison sèche de Californie du Sud, laissant l’appel public comme notre seule option ». [Page 6]

L’arme secrète d’Amgen

« Dès le début, Amgen a été un aimant pour les surdoués, les hommes et les femmes innovantes. Comment une organisation attire-t-elle des employés exceptionnels? […] Certes, nous avons offert des salaires et des avantages attrayants ; et les options d’achat d’actions mises à disposition de chaque employé d’Amgen ont motivé sans aucun doute certaines personnes à rester alors qu’autrement, elles auraient cherché des occasions ailleurs. Comme de nombreuses études l’ont cependant montré, les salaires et avantages ne suffisent pas à fidéliser des employés à long terme. Il y a quelque chose de plus profond, quelque chose qui parle à l’âme même d’une entreprise. […] Parce que la culture d’une société se dégage de ses valeurs, nous avons interviewé des centaines de membres du personnel dans toutes les unités d’Amgen pour apprendre quelles sont les valeurs qu’ils croyaient constituer le noyau de cette culture. Aujourd’hui, il semble que chaque entreprise sous le soleil (ou sous un nuage) a un ensemble de valeurs. Certaines sont rédigées par le PDG, et d’autres sont concoctées par les relations publiques ou le département des ressources humaines. Parfois, elles sont écrites par des consultants qui ne travaillent même pas dans l’entreprise. Plus souvent encore, la déclaration ne reflète pas vraiment les valeurs des organisations; c’est soit une liste de ce que la société aspire à être ou un outil de relations publiques pour impressionner les clients, les fournisseurs, et les investisseurs. » [Page 9]

« Comme Amgen a grandi de façon exponentielle, nous avons constamment lutté avec le même dilemme auquel sont confrontées les entreprises les plus florissantes à un certain point: comment rester agiles lorsque vous n’êtes plus une petite start-up. Vous le faites par la décentralisation du pouvoir, bien sûr, mais aussi en établissant une culture entrepreneuriale qui embrasse le changement et encourage l’innovation. Pour cela, la direction doit donner du pouvoir à ses employés, puis les soutenir à 100 pour cent, parce les créateurs ne proposent pas d’idées librement si ils croient secrètement qu’ils seront destitués au premier flop de leur projet prometteur. Dans une industrie comme la biotechnologie, les échecs abondent. Si Amgen n’avait pas suivi son principe – « Les employés doivent avoir la liberté de faire des erreurs, » – nous n’aurions pas survécu. » [Page 14]

Les financements d’Amgen

Amgen a été créée le 8 avril 1980. Puis Bowes le cofondateur et 1er investisseur a « cajolé six venture-capitalistes à investir à peu près 81’000 $ chacun pour l’amorçage. » [Page 18] George Rathmann est devenu le PDG et seul employé de l’entreprise. Lorsque la société a eu besoin d’un vrai financement de série A, Rathmann était convaincu qu’il fallait beaucoup plus que le typique million du premier tour et chercha $15M. Aucun VC n’aurait accepté, alors il a convaincu d’abord des grandes entreprises. Abbott investit $5M (qui aurait une valeur de $700M en 1990). Tosco ajouta $3,5M. Et le fonds New Court (géré par Rothschild) suivra alors pour investir $3M. Le tour atteignit au total $19,4M le 23 janvier 1981. Puis l’introduction en bourse a apporté $42M en 1983, mais ce fut seulement un autre commencement car plus de financements publics suivraient: $35M en 1986 pour le «secondaire» et $120M pour un troisième financement l’année suivante.

Voici la table de capitalisation d’Amgen au moment de l’IPO:
Amgen-CapTable

Bien que les start-up biotech aient des horizons plus longs que les entreprises en IT, l’intensité extraordinaire des activités est très similaire. Binder montre des exemples tels que l’IPO d’Amgen (chapitre 2), la découverte de l’EPO (chapitre 4) et son approbation par la FDA (chapitre 5). Il y a cependant une différence majeure. En biotech, il est question de science et de recherche. « Il est juste de dire que dans de nombreuses entreprises, sinon la plupart, les équipes de ventes et marketing dominent dans l’élaboration des stratégies d’entreprise; les scientifiques ou les créatifs peuvent être derrière le volant, mais en fait les gens de la vente et de la commercialisation définissent la feuille de route, aboyant les directions depuis le siège du passager. Pas dans le domaine de la biotechnologie et certainement pas chez Amgen où même la localisation de l’entreprise a été choisie pour attirer des scientifiques du meilleur niveau. Notre siège social est situé plus ou moins à égale distance des trois centres de recherche principaux dans le sud de la Californie: l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), l’Université de Californie à Santa Barbara (UCSB), et l’Institut de technologie de Californie (Caltech), à Pasadena ». [Pages 57-58]

Les partenaires d’Amgen

« Le succès est la capacité de survivre à vos erreurs. » George Rathman

Le chapitre 6 (« des partenariats au paradis – et dans cet autre endroit ») est à lire absolument. Binder explique l’importance des bons et des mauvais partenaires et cela, à nouveau, est lié aux valeurs et à l’éthique. Binder affirme que les gestionnaires sont beaucoup plus prudents quand ils embauchent quelqu’un que quand ils signent un partenariat.

« Notre recherche d’un partenaire pour l’entreprise commença ici, aux USA. À notre grande surprise, pas une seule entreprise pharmaceutique américaine n’a montré le moindre intérêt. […] Abbott Laboratories, un des investisseurs initiaux d’Amgen, a eu l’occasion d’être impliqué dans le projet Epogen. Le CEO et président Bob Schoellhorn déclina l’offre. Il avait été influencé par le chimiste en chef d’Abbott, qui ne pensait apparemment pas beaucoup de bien des médicaments à base de protéines de grande taille. Comme nous allions le découvrir plus tard, le biais n’était pas unique à Abbott; en fait, il a dominé l’industrie pharmaceutique traditionnelle. Le représentant d’une autre entreprise nous a informés que ses patrons avaient refusé l’offre sur Epogen parce que le marché était trop petit; leur département d’étude de marché avait prédit des ventes qui ne seraient jamais supérieures à 50 millions de $ par an. (Pour mémoire, le médicament génère 10 milliards de $ de revenus annuels. Quelles études de marché!) » [Page 126]

Leur premier partenaire serait Kirin, la compagnie de bière japonaise avec laquelle la confiance, la transparence et une bureaucratie minimale ont contribué à la construction d’un grand partenariat. Cela n’a pas été le cas avec Johnson & Johnson. « A ce jour, le mépris pour l’ancien partenaire d’Amgen est si profond que de nombreux employés proclament fièrement que leurs maisons sont à « 100 pour cent sans J&J ». Considérant que Johnson & Johnson et ses nombreuses entreprises vendent plus d’un millier de produits, du Band-Aids au Tylenol, ceci a tout d’un exploit. » [Page 133]

Amgen a également des partenaires académiques: « Memorial Sloan-Kettering possédait un mélange d’environ deux cents protéines. Mais ils n’avaient pas la technologie pour les séparer. Amgen l’avait. [… Amgen] a découvert le gène humain qui produit le G-CSF, situé sur le chromosome 17. Une fois isolé, le gène a été cloné en utilisant le même procédé que pour l’EPO humaine. Sloan-Kettering Memorial avait déposé un brevet faible, ne sachant pas ce qu’ils avaient exactement. Par conséquent, dit mon avocat général, Amgen était légalement libre de gérer son projet, sans avoir à payer une redevance à MSKCC. Cela ne me semblait pas éthique; sans Sloan-Kettering, nous aurions trébuché de nombreuses fois pour trouver le filgrastim (nom générique de Neupogen). Nous avons donc négocié une licence avec une redevance modeste. » [Pages 143-44]

Enfin, du moins pour cet article, voici la courbe de croissance d’Amgen – revenus et profits. Quand une start-up de biotechnologie est un succès, les chiffres sont impressionnants …

Amgen-Sales-Profits

Dix pistes pour innover dans des temps incertains

Suite à mon post d’hier intitulé Invention, entrepreneuriat et innovation voici une courte présentation que j’ai faite hier sur la culture de l’innovation. Je l’avais déjà mentionnée dans un post précédent (sans les diapositives): Le prochain Google sera-t-il européen (ou suisse) ? La réponse de Fathi Derder. Derder, un homme politique suisse, a écrit un livre – Le prochain Google sera suisse (à 10 conditions) – expliquant ce que la Suisse a besoin de changer dans ses conditions-cadres générales. C’est un livre important. Quand je parle aux étudiants et jeunes entrepreneurs, je me concentre plus sur l’importance de la culture de l’innovation. Ce que vous pouvez découvrir plus bas. En espérant que vous apprécierez!

Invention, entrepreneuriat et innovation

« Tout ce qui ne se vendra pas, je ne veux pas l’inventer » – Thomas Edison

Cet article a été suscité par une discussion avec des collègues au sujet de ce qu’est vraiment l’innovation. Je dois admettre que la conversation m’a aidé à clarifier et à corriger quelques idées fausses (qui étaient les miennes!) Je vais donc essayer d’expliquer en quoi les trois concepts d’invention, d’entrepreneuriat et d’innovation diffèrent et comment ils sont liés. Du moins de mon point de vue.

Invention - Entrepreneuriat - Innovation

Alors permettez-moi de commencer par des définitions:

Invention: quelque chose de nouveau, qui n’existait pas antérieurement et qui est reconnu comme le produit d’une intuition ou d’un génie unique. Un produit de l’imagination. Quelque chose qui n’a jamais été fait avant. « Quelque chose de nouveau sous le soleil ». Une découverte préexiste à son découvreur, par opposition à l’inventeur et son invention.

Innovation: la mise en œuvre réussie et l’adoption par la société de quelque chose de nouveau. Donc, une innovation est la commercialisation ou l’adoption (si à but non lucratif) d’une invention.

Entrepreneuriat: action de créer de la richesse et/ou de l’emploi par la création d’une entreprise (selon wikipedia). L’entrepreneur perçoit une (nouvelle) opportunité d’affaires et rassemble les ressources pour la mettre en œuvre, idéalement avec succès. Lorsque l’entrepreneur réussit à mettre en œuvre quelque chose de nouveau, il/elle est un innovateur. Mais il/elle n’a pas besoin d’être un innovateur, il/elle peut aussi être un imitateur.

La différence est donc claire entre invention et innovation. Il y a toujours une invention avant une innovation, mais un innovateur n’a pas à être un inventeur. Cela montre également que l’entrepreneur n’a pas à inventer, ni à innover. Wikipedia illustre très bien la distinction entre invention et innovation.

Ma plus grande erreur a été de dire « les grandes entreprises n’innovent plus ». Je me suis trompé. Bien que les entreprises établies imitent souvent, beaucoup d’entre elles innovent. Elles inventent plus rarement et peu sont réellement entrepreneuriales. Mais pour innover, il est préférable d’être établi. Laissez moi expliquer.

Permettez-moi pour cela de revenir sur mon sujet favori: « Une start-up est une organisation formée pour rechercher un modèle d’affaires reproductible et multipliable. » Ceci est la meilleure définition que j’ai trouvée à ce jour et elle vient de Steve Blank. Ceci explique magnifiquement que toutes les entreprises ne sont pas des start-up (par exemple quand elles ont un modèle d’affaires clair dès le premier jour et/ou si elles ne cherchent pas le passage à l’échelle – « scalable » ou multipliable). Cela explique également quand une entreprise n’est plus une start-up. Elle peut alors innover.

Une autre idée fausse est de confondre la recherche et développement (R&D) avec l’innovation. La recherche porte sur l’invention ou la découverte. Le développement suit. L’innovation vient après. Breveter appartient plutôt au domaine de l’invention qu’à celui de l’innovation. Tout cela explique aussi pourquoi j’ai tant de doutes sur les mesures de l’innovation. Elles donnent des entrées – inputs- (tels que les inventions ou la R&D) plus que ce que l’innovation est vraiment, un résultat – output.

Invention - Innovation

Alors, comment ces trois concepts sont-il liés? Relisez, la citation d’Edison ci-dessus. Dans le passé, les grandes entreprises innovantes telles que IBM ou Bell Labs inventaient. Elles avaient de grands laboratoires de R&D. Xerox était célèbre pour sa capacité inventive et sa faible innovation. Et Apple a « volé » beaucoup de ses inventions et innové à sa place. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises établies se tournent vers les universités pour trouver des inventions qu’elles licencent. Ou elles collaborent avec des partenaires (i.e. l' »innovation ouverte »). Cependant, le risque et l’incertitude liés à l’invention ainsi qu’au fait de trouver un marché pour de nouvelles choses rend l’innovation difficile sans l’esprit d’entreprise…

Entrepreneuriat - Innovation

L’entrepreneuriat est un excellent moyen de favoriser l’innovation. Les entrepreneurs voient une opportunité et acceptent l’incertitude et la prise de risque. Lorsque cela est fait en interne, cela est appelé l’intrapreneuriat. Nespresso est un exemple (même si au début Nestlé n’a pas encouragé son intrapreneur – qui par ailleurs était aussi l’inventeur). Les entreprises cessent d’être des start-up (en raison même de la définition donnée plus haut) quand elles innovent! En effet, elles sont souvent achetées (M&A) par de plus grandes entreprises établies qui savent en général bien mieux comment commercialiser – innover.

Invention - Entrepreneuriat

Je devais ajouter l’intersection entre l’invention et l’entrepreneuriat. Mais est-ce logique? Je ne suis pas sûr. Il y a toutefois une industrie qui a combiné les deux concepts sans un réel besoin d’innovation: la biotechnologie. L’industrie est surtout une activité entrepreneuriale qui développe l’invention grâce aux essais cliniques. Dans la biotechnologie, les entreprises innovent rarement (Genentech ou Amgen étaient deux exceptions – avec quelques autres entreprises qui ont réussi à commercialiser leurs molécules) parce qu’elles sont souvent acquises par des entreprises pharmaceutiques ou quand bien même signent des licences de leurs produits aux plus grands acteurs. En fait de nombreuses start-up sont dans la même situation. En réalité, les entreprises inventent très rarement. Les inventions sont produites avant que les entreprises soient établies, au moins dans le domaine high-tech.

L’extrait du livre Science Lessons: What the Business of Biotech Taught Me About Management de Gorden Binder, ancien PDG d’Amgen est intéressant:
Modèle Biotech

Inventeurs, entrepreneurs et innovateurs

Inventeur - Entrepreneur - Innovateur

Pour les mêmes raisons décrites plus haut, peu de personnes ont les trois attributs. Chez Apple, Wozniak était un inventeur. Jobs était un entrepreneur et un innovateur. Mais Bill Gates ou Larry Page et Sergey Brin, les fondateurs de Google, sont de rares cas d’inventeurs, d’entrepreneurs et d’innovateurs combinés. Cependant Brin et Page ont inventé à Stanford puis créé Google pour mettre en œuvre avec succès leur invention.

Alors permettez-moi de terminer avec une magnifique définition de l’innovation donnée dans How Google Works [Page 206]: « Pour nous, l’innovation implique à la fois la production et la mise en œuvre d’idées nouvelles et utiles. Comme « nouveau » est souvent juste un synonyme fantaisiste pour inventif, il faut aussi préciser que pour quelque chose fasse preuve d’innovation, il doit offrir des fonctionnalités inventives, et il doit aussi être surprenant. Si vos clients vous demandent quelque chose, vous n’êtes pas innovant quand vous leur donnez ce qu’ils veulent; vous êtes juste à l’écoute. Voilà une bonne chose de dite, mais ce n’est pas être novateur. Enfin «utile» est un adjectif plutôt décevant pour décrire cette innovation « chaude », nous allons donc ajouter un adverbe et dire radicalement utile. Voilà: pour qu’une chose fasse preuve d’innovation, elle doit être nouvelle, surprenante, et radicalement utile. » […] « Mais Google ajoute également plus de cinq cents améliorations à son moteur recherche chaque année. Est-ce innovant? Ou incrémental? Elles sont nouvelles et surprenantes, bien sûr, mais si chacune d’elle par elle-même est utile, il est peut-être exagéré de dire radicalement utile. Mettez-les toutes ensemble, cependant, et elles le sont. […] Cette définition plus inclusive – l’innovation ne concerne pas seulement les choses vraiment nouvelles, les très grandes choses – est importante car elle offre à chacun la possibilité d’innover, plutôt que de la réserver au domaine exclusif de ces quelques personnes dans ce bâtiment hors campus [Google[x]] dont le travail est d’innover. »

L’innovation est complexe. Dois-je vous rappeler les défis que Clayton Christensen – The Innovator’s Dilemma – Geoffrey Moore – Crossing the Chasm – ou Steve Blank – The Four Steps to the Epiphany – ont brillamment décrits pour expliquer pourquoi l’innovation reste un peu magique…

Défis de l'innovation

PS: pouvez-vous être un entrepreneur sans inventer et innover? Bien sur! Non seulement les petites entreprises et les artisans qui utilisent leur savoir-faire pour une vie décente. Vous avez juste besoin d’imiter. Les opérateurs téléphoniques tels que Vodafone ou Bouygues Telecom se font une concurrence acharnée sans nécessité d’inventer ni d’innover. Ils copient d’autres opérateur téléphoniques. (Bon, ils innovent parfois aussi…) Dans le monde des start-up, les frères Samwer sont célèbres pour copier/coller les réussites américaines et les adapter au marché européen. Vous pouvez trouver de nombreuses références en ligne et les clones qu’il ont créés comprennent Alando (eBay), Zalando (Zappos, EasyTaxi (Uber), Pinspire (Pinterest), StudiVZ (Facebook), CityDeal (acquired by Groupon), Plinga (Zynga), and Wimdu (Airbnb). Voir aussi Quand Samwer n’était pas encore Samwer et écrivait un livre – bien avant Rocket Internet et ses clones.

L’art comme réponse à la tragédie de la vie

Ce blog parle des Start-up. Mais de temps en temps, je prends la liberté de toucher à d’autres sujets. Souvent sur l’Art. Ce sera encore le cas ici. Et aussi lorsque des événements tragiques se produisent. Vendredi dernier, Paris a été frappé à nouveau. Et je n’ai pas de réponse, mais simplement dire que je crois en la paix et l’amour, pas la guerre et la haine. Mon frère m’a envoyé deux belles photos qu’il a prises récemment à Paris. Elles signifient beaucoup.

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Mon ami Dominique m’a envoyé une citation de René Girard dans «Achever Clausewitz», 2007, Gallimard Champs, pages 57/58 « Ces échecs de résolution [de conflit] sont fréquents quand deux groupes « montent aux extrêmes » : nous l’avons vu dans le drame yougoslave, nous l’avons vu au Rwanda. Nous avons beaucoup à craindre aujourd’hui de l’affrontement des chiites et des sunnites en Irak et au Liban. La pendaison de Saddam Hussein ne pouvait que l’accélérer. Bush est, de ce point de vue, la caricature même de ce qui manque à l’homme politique, incapable de penser de façon apocalyptique. Il n’a réussi qu’une chose : rompre une coexistence maintenue tant bien que mal entre ces frères ennemis de toujours. Le pire est maintenant probable au Proche Orient, où les chiites et les sunnites montent aux extrêmes. Cette escalade peut tout aussi bien avoir lieu entre les pays arabes et le monde occidental. Elle a déjà commencé : ce va et vient des attentats et des « interventions » américaines ne peut que s’accélérer, chacun répondant à l’autre. Et la violence continuera sa route. L’affrontement sino-américain suivra…. »

Donc ma réaction est ailleurs. J’ai reçu des e-mails vendredi soir et samedi de la communauté des Space Invader pour vérifier que tout le monde allait bien. Ceux qui aiment l’art urbain cherchent les œuvres pour les prendre des photos. Invader, lui-même, était dans le même état d’esprit en Janvier dernier. Il est maintenant en train d’envahir New York, avec une cinquième vague. En suivant avec son travail en cours, je vois l’art comme une réponse à la tragédie de la vie.

SI est charlie

Voici mon propre travail en cours:

ainsi que ma carte (si je vous ai donné accès – Invader demande aux gens de ne pas donner inidcations à des gens qui détruisent son travail).

Créer une culture européenne de l’innovation selon Marcel Salathé

Régulièrement mais pas assez souvent je lis des gens qui appellent l’Europe à se réveiller et à réagir. Récemment, c’était Nicolas Colin dans Qu’est-ce qu’un écosystème entrepreneurial ? Mais maintenant, je me souviens aussi de Risto Siilasmaa dans Il faut chérir l’entrepreneuriat et de mon propre Europe, réveille-toi ! Le dernier en date Marcel Salathé sur la création d’une culture européenne de l’innovation. Un autre article à lire absolument. Merci Marcel! Alors permettez-moi de le citer longuement.

Salathe-Blog

L’enjeu est l’avenir de l’Europe. Et nous, les innovateurs, les entrepreneurs, les scientifiques, les militants et les artistes, nous devons agir et prendre possession de cet avenir. Parce que si nous ne le faisons pas, l’Europe continuera sa trajectoire descendante et deviendra ce qu’elle est déjà dans de nombreux lieux – un musée d’histoire.
[…]
Le secteur des technologies de l’information et de la communication est aujourd’hui le moteur économique dominant de la croissance. Pensez Apple, Google, Facebook, Amazon, Uber. Vous remarquez quelque chose? Pas une seule société européenne. Seulement 1 dollar sur 4 dans ce secteur vient de sociétés européennes, et tous les indicateurs pour l’avenir pointent vers le bas. Certains chiffres sont encore plus désastreux: lorsque vous listez les 20 premiers leaders mondiaux de sociétés Internet qui sont cotées, vous savez combien sont européenne? Zéro. Et parmi toutes les sociétés cotées en bourse dans l’économie numérique, 83% sont américaines, et seulement 2% sont européens. 2%!
[…]
Alors, où est le problème? Certains disent que c’est le financement par les VCs, ce qui est seulement partiellement vrai. Oui, la culture du financement VC est probablement moins mure en Europe qu’aux États-Unis, en particulier pour les tours A, B et C. Mais l’argent trouve les bonnes idées et les opportunités de marché d’une manière ou d’une autre. D’autres disent que c’est tout simplement le marché européen et la réglementation européenne. Je pense que c’est une illusion. Regardez Airbnb, la start-up américaine qui a maintenant une valorisation de plus de 25 milliards de dollars. Elle a commencé avec trois personnes chez YCombinator en Californie, mais elle génère maintenant plus de la moitié (!) de ses revenus en Europe. Et je rappelle que San Francisco est probablement l’un des pires environnements réglementaires. AirBnB est actuellement confronté à d’énormes batailles à San Francisco, et un juge californien a récemment statué sur les employés d’Uber, provoquant un mini-tremblement de terre dans cette économie de partage en plein essor. En effet, la Californie est probablement l’un des États américains les plus réglementé, et pourtant elle s’en sort extrêmement bien.
Je pense que le problème est en fait assez simple. Mais il est plus difficile à corriger. C’est tout simplement nous. Nous, les gens. Nous, les entrepreneurs. Nous, les consommateurs. Je l’ai vécu dans la région de la baie de San Francisco depuis plus de trois ans. Ce qui est remarquable dans cette région ne sont pas ses lois, ni ses règlements, son marché, ou son infrastructure. Ce qui est vraiment remarquable est que presque tout le monde fait une société d’une manière ou d’une autre. Presque tout le monde veut être un entrepreneur, ou les soutient. Presque tout le monde est en train de construire l’avenir. En effet, vous pouvez presque sentir physiquement ce que l’environnement exige de vous. Lorsque quelqu’un vous demande à ce que vous faites professionnellement, et que vous ne répondez pas en disant que vous faites une entreprise, ils vous regardent bizarrement, comme pour dire, « alors qu’est-ce que tu fais ici? »

[…]
Ce n’est pas un point trivial selon moi. L’autre jour, j’étais à Turin en Italie, et j’avais désespérément besoin d’un café. Je suis entré dans le premier café sur mon chemin, où on m’a servi un cappuccino délicieux, avec un croissant au chocolat qui me fait toujours saliver quand j’y pense. Étais-je tout simplement chanceux? Nullement – tous les cafés sont bons là-bas. Parce que l’environnement l’exige. Bien sûr, vous pouvez ouvrir un café de faible qualité à Turin si vous voulez, mais vous aurez probablement à déposer le bilan avant que vous ayez le temps de dire Buongiorno. L’environnement ne peut tout simplement pas accepter la mauvaise qualité. Dans un autre domaine, j’ai eu la même expérience personnelle quand j’étais un postdoc à l’Université de Stanford. En regardant en arrière, j’y ai écrit mes meilleurs papiers et les plus cités. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence. Chaque matin, alors que je marchais à travers le campus jusqu’à mon bureau, je sentais l’exigence de l’environnement pour faire le travail le plus novateur – et si je le faisais pas, alors qu’est-ce que je faisais là?
Donc, ceci est mon message pour vous. Je vous demande de créer ces environnements, à la fois en faisant le meilleur et le plus innovant que vous pouvez, mais aussi en exigeant la même chose de tout le monde autour de vous. Ces deux choses vont de pair; elles créent un cercle vertueux.

[…]
Ne pas demander la permission, demander pardon si nécessaire. Si vous attendez l’autorisation, il vous faudra attendre le reste de votre vie. La plupart des règles existent pour une raison simple: pour protéger l’établi. Ne demandez pas la permission, faites.
[…]
Orson Welles a le mieux décrit pourquoi demander la permission est mortel.

[…]
Alors s’il vous plaît, laissez-nous vivre tous dans le futur et construire ce qui manque – ici en Europe. Je suis malade d’inquiétude que la meilleure façon pour moi de vivre à l’avenir est d’acheter un billet pour San Francisco. Tout comme le moyen le plus facile pour les Américains de revivre le passé est d’acheter un billet pour l’Europe, riche en histoire. Je vous demande de devenir encore plus ambitieux, plus audacieux, et plus exigeants, à la fois vis-à-vis de vous-même, mais aussi encore plus important de votre environnement.

Salathé parle aussi de modèles. Le sien était le fondateur de Day Interactive, une start-up suisse, qui est est allée en bourse en 2000, avant d’être achetée par Adobe pour 250M$ en 2010. A venir… sa table de capitalisation.

DayInteractiveIPO

Les Innovateurs d’Isaacson (la fin) – l’avenir est-il aux machines qui pensent?

Il est toujours très triste de terminer la lecture d’un grand livre, mais Isaascon termine magnifiquement le sien avec des considérations (datant du 19ème siècle!) sur le rôle des ordinateurs selon Ada Lovelace. « Ada pourrait aussi avoir raison de se vanter qu’elle avait vu juste, au moins jusqu’à présent, dans son affirmation plus controversée qu’aucun ordinateur, peu importe sa puissance, ne serait jamais vraiment une « machine qui pense ». Un siècle après sa mort, Alan Turing l’avait surnommé « l’opposition de Lady Lovelace » et avait essayé de la contrer en fournissant une définition opérationnelle d’une machine qui penserait. […] Mais il s’est écoulé plus de soixante ans, et les machines qui tentent de tromper les gens sur son test sont, au mieux, engagées dans des conversations maladroites plutôt que dans de réelles pensées. Certainement aucune n’a passé la barre placée par Ada de pouvoir « originer » des pensées par elle-même. […] Les fans d’intelligence artificielle ont longtemps promis, voire menacé, que les machines comme HAL pourraient bientôt émerger et prouver qu’Ada avait tort. Telle était la promesse de la conférence de 1956 à Dartmouth organisée par John McCarthy et Marvin Minsky, où le domaine de l’intelligence artificielle a été vraiment lancé. La conférence conlut qu’une percée arriverait environ vingt ans plus tard. Ce ne fut pas le cas. » [Page 468]

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Ada, comtesse de Lovelace, 1840

John von Neumann a réalisé que l’architecture du cerveau humain est fondamentalement différente. Les calculateurs numériques comptent en unités précises, alors que le cerveau, en admettant que nous le comprenons, est aussi en partie un système analogique qui traite d’un continuum de possibilités, […] non seulement données binaire de style « oui-non » , mais il répond également par « peut-être » et « probablement » et ien utilisant une infinité d’autres nuances, y compris par une perplexité occasionnelle. Von Neumann a suggéré que l’avenir de l’informatique intelligente pourrait exiger l’abandon de l’approche purement numérique et la création de « procédures mixtes ». [Page 469]

« Intelligence Artificielle »

Les discussions sur l’intelligence artificielle ressurgirent un peu, au moins dans la presse populaire, après que le Deep Blue d’IBM, la machine spécialisée dans le jeu d’échecs, a battu le champion du monde Garry Kasparov en 1997, puis que Watson, son ordinateur de question-réponse en langage naturel a gagné à Jeopardy! Mais […] ce ne sont pas des percées de l’intelligence artificielle comparables à l’intelligence humaine, et le PDG d’IBM a été le premier à l’admettre. Deep Blue a gagné grâce à la force brute. […] A une question sur « bizarrerie anatomique» de l’ancien gymnaste olympique George Eyer, Watson répondu « Qu’est-ce qu’une jambe? » La bonne réponse était qu’Eyer n’avait qu’une jambe. Le problème était de comprendre « bizarrerie », a expliqué David Ferrucci, qui a dirigé le projet Watson chez IBM. « L’ordinateur ne savait pas qu’une jambe manquante est plus étrange que tout autre chose. » […] « Watson n’a pas compris les questions, ni ses réponses, ni que certaines de ses réponses étaient correctes et d’autres, fausses, ni qu’il jouait un jeu, ni qu’il a gagné – parce qu’il ne comprend rien, selon John Searle [un professeur de philosophie de Berkeley]. « Aujourd’hui, les ordinateurs sont de brillants idiots » d’après John E. Kelly III, le directeur de la recherche d’IBM. « Ces réalisations récentes ont, ironiquement, souligné les limites de l’informatique et de l’intelligence artificielle, » ajoute le professeur Tomaso Poggio, directeur du Centre « Brain, Minds, Machines » au MIT. « Nous ne comprenons pas encore comment le cerveau donne lieu à l’intelligence, et nous ne savons comment construire des machines qui sont aussi intelligentes que nous. » Demandez à Google « un crocodile peut-il jouer au basket? » Et il n’en aura aucune idée, même si un jeune enfant pourrait vous le dire, en riant de la question. [Pages 470-71] J’ai fait l’expérience sur Google et devinez quoi. Il m’a donné l’extrait du livre d’Isaacson…

Le cerveau humain combine non seulement les processus analogiques et numériques, il est également un système distribué, comme l’Internet, plutôt qu’un système centralisé. […] Il a fallu quarante ans aux scientifiques pour cartographier l’activité neurologique du nématode long d’un millimètre, avec 302 neurones et 8000 synapses. Le cerveau humain dispose de 86 milliards de neurones et jusqu’à 150 mille milliards de synapses. […] IBM et Qualcomm ont chacun divulgué des plans pour construire des processeurs informatiques « neuromorphiques », c’est à dire ressemblant au cerveau, et un consortium de recherche européen appelé le Human Brain Project a annoncé qu’il avait construit une micropuce neuromorphique qui incorpore « cinquante millions de synapses en plastique et 200000 modèles de neurones biologiquement réalistes sur une seule plaquette de silicium de 8 pouces. […] Ces dernières avancées pourraient même conduire à la « Singularité », un terme que von Neumann a inventé et que le futuriste Ray Kurzweil et l’écrivain de science-fiction Vernor Vinge ont popularisé, terme qui est parfois utilisé pour décrire le moment où les ordinateurs ne seront pas seulement plus intelligents que les humains mais pourront aussi se concevoir pour être super-intelligents, et qu’ils n’auront plus besoin de nous mortels. Isaacon est plus sage que moi (qui pense que ces idées sont stupides) quand il ajoute: «Nous pouvons laisser ce débat aux futuristes. En effet en fonction de votre définition de la conscience, il se peut que cela ne se produise jamais. Nous pouvons laisser « ce débat » aux philosophes et aux théologiens. « L’ingéniosité humaine », a écrit Léonard de Vinci « ne concevra jamais d’inventions plus belles, ni plus simples, ni plus utiles que la Nature ne le fait ». [Pages 472-74]

Les ordinateurs comme un complément à l’homme

Isaacson ajoute: « Il y a cependant une autre possibilité, celle que Ada Lovelace aimerait. Les machines ne remplaceront pas les humains, mais seraient plutôt destinées à devenir leurs partenaires. Et l’homme apporterait son originalité et sa créativité » [page 475].

Après avoir expliqué que dans un tournoi d’échecs en 2005 que « le vainqueur final n’a pas été un grand maître, ni un ordinateur dernier cri, pas même une combinaison des deux, mais deux amateurs américains qui ont utilisé trois ordinateurs en même temps et ont su pour gérer le processus de collaboration avec leurs machines » (page 476) et que « pour être utile, l’équipe d’IBM a réalisé que [Watson] doit interagir [avec des humains] d’une manière qui rende la collaboration agréable, » (page 477) Isaacson spécule un peu plus:

Supposons, par exemple, que la machine présente un jour toutes les capacités mentales d’un être humain: donner l’impression de reconnaître les formes, de percevoir les émotions, d’apprécier la beauté, de créer de l’art, d’avoir des désirs, de bâtir valeurs morales, et de poursuivre des objectifs. Une telle machine pourrait être en mesure de passer un test de Turing. Elle pourrait même passer ce que nous pourrions appeler le test d’Ada, qui est qu’elle pourrait sembler «originer» ses propres pensées qui iraient au delà ce que nous les humains l’avons programmé à faire. Il y aurait, toutefois, encore un autre obstacle avant que nous puissions dire que l’intelligence artificielle a triomphé de l’intelligence augmentée. Nous l’appellerions le test Licklider. Il irait plus loin que demander si une machine peut reproduire toutes les composantes de l’intelligence humaine en demandant si la machine accomplit ces tâches mieux quand en agissant complètement seule ou lorsqu’elle travaille en collaboration avec les humains. En d’autres termes, est-il possible que les humains et les machines travaillant en partenariat seront indéfiniment plus performants qu’une machine d’intelligence artificielle indépendante ? Dans ce cas, alors, la « symbiose homme-ordinateur », comme l’a nommée Licklider, restera la gagnante. L’intelligence artificielle n’a pas besoin d’être le Saint-Graal de l’informatique. L’objectif pourrait être à la place de trouver des façons de optimiser la collaboration entre les capacités humaines et celles des machines – pour forger un partenariat dans lequel nous laissons les machines faire ce qu’elles font le mieux, et elles nous laissent faire ce que nous faisons de mieux. [Pages 472-74]

La science poétique d’Ada

Lors de sa dernière apparition du genre, pour l’iPad2 en 2011, Steve Jobs a déclaré: « Il est dans l’ADN d’Apple que la technologie seule ne suffit pas – que c’est la technologie mariée avec les arts, mariée avec les sciences humaines, qui nous donne le résultat qui rend notre cœur joyeux ». L’inverse de cet hymne aux humanités, cependant, est également vrai. Les gens qui aiment les arts et les humanités devraient essayer d’apprécier les beautés des mathématiques et de la physique, tout comme Ada. Sinon ils seront abandonnés à l’intersection des arts et des sciences, où l’essentiel de la créativité à l’âge numérique se produit. Ils laisseront le contrôle de ce territoire aux ingénieurs. Beaucoup de ceux qui célèbrent les arts et les sciences humaines, qui applaudissent vigoureusement les hommages à leur importance dans nos écoles, proclament sans vergogne (et parfois même blaguent) qu’ils ne comprennent pas les mathématiques ou la physique. Ils vantent les vertus de l’apprentissage du latin, mais ils sont désemparés quand il s’agit d’écrire un algorithme ou de différencier le BASIC du C ++, le Python du Pascal. Ils considèrent que celles et ceux qui ne connaissent pas la différence entre Hamlet et Macbeth sont des Philistins, mais ils pourraient joyeusement admettre qu’ils ne connaissent pas la différence entre un gène et un chromosome, ou entre un transistor et un condensateur, ou entre une équation intégrale et une équation différentielle. Ces concepts peuvent paraître difficiles. Oui, mais alors, c’est aussi vrai pour Hamlet. Et comme Hamlet, chacun de ces concepts est beau. Comme une équation mathématique élégante, ils sont les expressions des gloires de l’univers. [Pages 478-79]

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La dernière page du livre d’Isaacson présente l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci, 1492

Halt and Catch Fire – la série TV sur l’innovation (sans la Silicon Valley et ses start-up)

Je me souviendrai toujours du jour où l’un de mes anciens patrons m’a dit que je devrais me concentrer sur (le visionnage, l’édition) des vidéos plutôt que (la lecture, l’écriture) des livres. Je suis une personne qui a baigné dans les livres, donc je ne vais probablement pas suivre ses conseils! Mais de temps en temps je découvre des films sur l’innovation high-tech et l’entrepreneuriat, les start-ups.

Halt and Catch Fire ne parle pas vraiment de start-up, ce n’est pas un documentaire, ce n’est pas un film. C’est une série TV qui est certainement plus sérieuse (et moins amusante) que le Silicon Valley de HBO. C’est une coïncidence intéressante pour moi d’avoir commencé à la regarder pendant ma lecture de The Innovators de Isaacson. Ces deux oeuvres traitent des premiers jours des ordinateurs personnels de manière (plutôt) dramatique.

J’en suis encore au début de la saison 1 de sorte que mes commentaires viennent autant de ce que j’ai lu que de ce que j’en ai déjà vu ! Halt and Catch Fire se passe au Texas (pas dans la Silicon Valley), dans une entreprise établie, Cardiff Electrics (pas dans une start-up), où trois personnes qui devraient probablement ne s’être jamais rencontrées, un homme d’affaires, un ingénieur et une geek (pas des entrepreneurs) vont essayer de prouver au monde qu’ils peuvent le changer. Alors pourquoi le Texas? Selon Wikipedia Français: « La saison 1 (qui se déroule en 1983-1984) s’inspire notamment de la création de la société Compaq qui lança en 1982 le premier ordinateur portable compatible IBM PC. Les ingénieurs de Compaq avaient fait de la rétroingénierie en désassemblant le BIOS d’IBM pour en faire réécrire une version compatible par des personnes n’ayant jamais vu le BIOS d’IBM afin de ne pas violer les droits d’auteur. » (Voir ma table de capitalisation de Compaq plus bas…)

Scoot McNairy as Gordon Clark, Mackenzie Davis as Cameron Howe and Lee Pace as Joe MacMillan - Halt and Catch Fire _ Season 1, Gallery - Photo Credit: James Minchin III/AMC

Scoot McNairy joue Gordon Clark, Mackenzie Davis – Cameron Howe – et Lee Pace – Joe MacMillan – Halt and Catch Fire, Saison 1, Crédit Photo : James Minchin III/AMC

Je dois aussi créditer Marc Andreessen qui m’a fait découvrir cette nouvelle série télé d’AMC. Dans un long portrait du New Yorker, le fondateur de Netscape mentionne la série: « Il a poussé un bouton pour dérouler l’écran du mur, puis connecté son Apple TV. Nous allions regarder les deux derniers épisodes de la première saison « Halt and Catch Fire » d’AMC, qui décrit une société fictive appelée Cardiff, qui entre dans la guerre des ordinateurs personnels des années quatre-vingt. La résonance pour Andreessen était claire. En 1983, dit-il, « j’avais douze ans, et je ne savais rien des startups ou du capital-risque, mais je savais tous de ces produits. » Il a utilisé le TRS-80 de Radio Shack de la bibliothèque de son école pour construire une calculatrice pour ses devoirs de mathématiques. » […] « Les meilleures scènes sont avec Cameron quand elle est seule dans le sous-sol, à coder. » Je lui ai rétorqué que j’ai trouvé qu’elle est le caractère le moins satisfaisant: sous-écrite, incohérente, manquant de motivation plausible. Il sourit et répondit: «Parce qu’elle est l’avenir. »

Selon l’article de Wikipedia à propos de la série, « le titre de l’émission fait référence au code d’instruction HCF, dont l’exécution provoquerait l’arrêt de l’unité centrale de l’ordinateur (« catch fire – s’enflammer » est une exagération humoristique). » La série ne traite peut-être pas d’entrepreneuriat et de start-up, mais il y est question de rébellion, de mutinerie. Il y a un beau moment où l’un des héros va convaincre ses deux collègues de poursuivre l’aventure alors qu’ils sont sur le point d’arrêter. Ils sont certainement en quête de quelque chose.

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Je n’ai en définitive pas vu beaucoup de films et de vidéos sur mon sujet favori alors laissez-moi essayer de récapituler:
– Je commence avec Something Ventured, un documentaire sur les premiers jours de la Silicon Valley, de ses entrepreneurs et des capital-risqueurs.
The Startup Kids est un autre documentaire sur les jeunes entrepreneurs du web. Souvent très émouvant.
– Le Silicon Valley de HBO est plus drôle que HFC mais peut-être pas aussi bon. Seul l’avenir le dira.
– J’ai vu The Social Network, qui semble être le meilleur film de fiction sur tout cela, mais
– Je n’ai pas vu les deux films sur Steve Jobs. Ce n’est apparemment pas la peine de regarder Jobs (2013), mais je vais probablement essayer de ne pas manquer de Steve Jobs (2015)

Donc, en conclusion, visionnez la bande annonce.

La table de capitalization de Compaq lors de son IPO

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L’innovation selon Walter Isaacson (4ème partie) – vol… ou partage?

Combien de fois vais-je dire à quel point est extraordinaire le livre de Walter Isaacson The Innovators – How a Group of Hackers, Geniuses, and Geeks Created the Digital Revolution ? Et combien de messages vais-je écrire à ce sujet ? Voici la 4e partie ! Isaacson montre comment la collaboration dans le logiciel a contribué à une création de valeur unique. Cela peut signifier partager mais aussi voler!

Gates se plaignit aux membres du Homebrew Computer Club à ce sujet: Deux choses surprenantes sont apparentes cependant 1) la plupart de ces « utilisateurs » n’a jamais acheté le BASIC (moins de 10% de tous les propriétaires d’Altair), et 2) Le montant des redevances que nous avons reçus de la vente aux amateurs fait que le temps passé sur le BASIC Altair vaut moins de 2$ de l’heure. Pourquoi? Comme la majorité des amateurs doit en être conscient, la plupart d’entre vous volent le logiciel. Le matériel doit être payé, mais le logiciel est quelque chose à partager. Qui se soucie si les gens qui y ont travaillé sont payés? Est-ce juste? Une chose que vous ne aites pas en volant les logiciels est de revenir vers MITS pour les problème que vous auriez eu. MITS ne fait pas d’argent en vendant des logiciels. […] Ce que vous faites c’est un vol. Je serais reconnaissant envers toute personne prête à payer. [Page 342 et http://www.digibarn.com/collections/newsletters/homebrew/V2_01/gatesletter.html]

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Mais Isaacson nuance: Il y avait encore une certaine audace dans la lettre. Gates était, après tout, un voleur en série de temps d’utilisation d’ordinateur, et il avait manipulé les mots de passe pour pirater les comptes depuis la huitième (en high school) jusque sa deuxième année à Harvard. En effet, quand il a affirmé dans sa lettre que lui et Allen avaient utilisé du temps à l’ordinateur équivalent à plus de 40’000$ pour faire le BASIC, il a omis le fait qu’il n’a jamais réellement payé pour cet usage. […] Aussi, bien que Gates ne l’ait pas apprécié à l’époque, le piratage généralisé de Microsoft BASIC a aidé sa jeune entreprise sur le long terme. En se répandant si vite, le icrosoft BASIC est devenu un standard, et d’autres fabricants d’ordinateurs ont dû acheter une licence. [Page 343]

Et que dire de Jobs et Wozniak? Tout le monde connaît comment des « phreaks » du téléphone avaient créé un dispositif qui émettaient la tonalité fréquentielle juste pour tromper le système de Bell et accéder à des appels interurbains gratuits. […] « Je n’ai jamais conçu un circuit dont je sois plus fier. Je pense toujours qu’il était incroyable ». Ils le testèrent en appelant le Vatican, avec Wozniak essayant de se faire passer pour Henry Kissinger pour parler au pape; il avait fallu un certain temps, mais les fonctionnaires du Vatican avaient finalement réalisé qu’il s’agissait d’une farce avant de réveiller le souverain pontife. [Page 346]

Gates, Jobs et l’interface graphique

Et le plus grand vol de tous a peut-être été le GUI – Graphical User Interface. Mais qui a volé? Plus tard, quand il a été critiqué pour avoir pillé les idées de Xerox, Jobs a cité Picasso: « Les bons artistes copient, les grands artistes volent. Et nous avons toujours agi sans vergogne quand il s’agit de voler de grandes idées. Xerox était une boîte de photocopieurs qui n’avait aucune idée de ce qu’un ordinateur pouvait faire. [Page 365]

Toutefois, lorsque Microsoft copia Apple pour Windows, ce fut une autre histoire… Au début des années 1980, avant l’introduction du Macintosh, Microsoft avait une bonne relation avec Apple. En fait, le jour où IBM a lancé son PC en août 1981, Gates était visitait Jobs chez Apple, ce qui était une chose courante depuis que Microsoft faisait la majorité de ses revenus en développant des logiciels pour l’Apple II. Gates était encore le suppliant dans la relation. En 1981, Apple avait 334 millions de dollars de revenus, par rapport aux 15 millions $ de Microsoft. […] Jobs avait un souci majeur à propos de Microsoft: il n’avait aucune envie de se faire copier l’interface graphique utilisateur. […] Sa crainte que Gates volerait l’idée était quelque peu ironique, étant donné que Jobs lui-même avait chipé le concept à Xerox. [Pages 366-67]

Les choses allaient empirer … « Eh bien, Steve, je pense qu’il y a plus d’une façon de voir les choses. Je pense plutôt que nous avions tous les deux ce riche voisin du nom de Xerox et je me suis introduit dans sa maison pour voler le téléviseur et j’ai découvert que tu l’avais déjà volé. » [Page 368]

Stallman, Torvalds, logiciel libre et open-source

Il y aurait d’autres oppositions. Le groupe de hackers qui a grandi autour de GNU [logiciel gratuit de Stallman] et Linux [logiciel open source de Torvalds] a montré que les incitations émotionnelles, au-delà des récompenses financières, peuvent motiver la collaboration volontaire. « L’argent est pas la plus grande des motivations », a déclaré Torvalds. « Les gens sont à leur meilleur quand ils sont motivés par la passion. Quand ils ont du plaisir. Cela est aussi vrai pour les dramaturges, les sculpteurs et les entrepreneurs que pour les développeurs logiciels. « Il y a aussi, consciemment ou non, un certain égoïsme dans tout cela. « Les pirates sont aussi motivés, en grande partie, par l’estime qu’ils peuvent gagner aux yeux de leurs pairs, à améliorer leur réputation, à élever leur statut social. Le développement open source offre cette chance aux programmeurs. » Gates dans sa « Lettre aux Hobbysts », se plaint du partage non autorisé de Microsoft BASIC, et a demandé sous forme de réprimande: « qui peut se permettre de faire un travail professionnel pour rien? ». Torvalds trouve ce point de vue un peu étrange. Lui et Gates étaient de deux cultures très différentes, le milieu universitaire radical teinté de communisme d’Helsinki face à l’élite des affaires de Seattle. Gates a peut-être fini avec la plus grande maison, mais Torvalds a récolté l’adulation anti-establissement. « Les journalistes semblent aimer le fait que, tandis que Gates vit une maison high-tech, je suis en train de trébucher sur les jouets de ma fille dans une maison de trois chambres avec une mauvaise plomberie dans un ennuyeux Santa Clara, » dit-il avec une conscience de soi ironique. « Et que je conduis une Pontiac poussive. Et je réponds au téléphone. Qui ne voudrait pas m’aimer? » [Pages 378-79]

Ce qui ne fait pas « d’ouvert » un ami de « libre ». Les différends sont allés au-delà de la simple forme et sont devenus, à certains égards, idéologiques. Stallman était possédé par une clarté morale et une aura inflexible, et il a déploré que « toute personne encourageant l’idéalisme est aujourd’hui confrontée à un grand obstacle: l’idéologie dominante encourage les gens à rejeter l’idéalisme comme « irréaliste ». Torvalds, au contraire, était un pratique sans vergogne, comme un ingénieur. « J’étais à la tête des pragmatistes, » a t-il dit. « J’ai toujours pensé que les gens idéalistes sont intéressants, mais un peu ennuyeux et effrayants. » Torvalds a admis « ne pas être exactement un grand fan » de Stallman, expliquant: « Je n’aime pas trop les gens qui ont une préoccupation unique, et je pense que les gens qui voient le monde en noir et blanc ne sont ni très gentils ni finalement très utiles. Le fait est qu’il n’y a pas seulement deux points de vue à tout problème, il y a presque toujours une variété d’approches, et « ça dépend » est presque toujours la bonne réponse à une question importante. Il croit aussi qu’il doit être permis de gagner de l’argent avec le logiciel open-source. « L’open-source doit laisser une place à tout le monde. Pourquoi le business, qui alimente tant l’avancement technologique de la société, devrait-il être exclu ? ». Le logiciel peut vouloir être libre, mais les gens qui l’écrivent peuvent vouloir nourrir leurs enfants et récompenser leurs investisseurs. [Page 380]

Les Innovateurs par Walter Isaacson – Partie 3 : (Silicon) Valley

L’innovation est aussi question de modèles d’affaires – le cas Atari

L’Innovation dans la (Silicon) Valley, après la puce, a vu l’arrivée des jeux, des logiciels et de l’Internet. « Alors qu’ils travaillaient sur les premières consoles de Computer Space, Bushnell entendit dire qu’il avait de la concurrence. Un diplômé de Stanford nommé Bill Pitts et son copain Hugh Tuck du California Polytechnic étaient devenu accros à Spacewar, et ils avaient décidé d’utiliser un mini-ordinateur PDP-11 pour le transformer en un jeu d’arcade. […] Bushnell n’eut aucun respect pour leur plan de dépenser $20’000 pour l’équipement, y compris un PDP-11 qui serait dans une autre pièce et relié par des tonnes de câble à la console, puis de faire payer dix cents le jeu. «Je fus surpris de voir combien ils étaient ingnorants du modèle d’affaires», a t-il dit. « Surpris et soulagé. Dès que j’ai vu ce qu’ils faisaient, je savais qu’ils ne seraient pas une concurrence ».
Le Galaxy Game de Pitts et Tuck a débuté à la coffeehouse de Tresidder à Stanford à l’automne 1971. Les étudiants se rassemblaient chaque nuit comme des croyants devant un sanctuaire. Mais peu importe combien ils étaient prêts à jouer, il n’y avait aucun moyen que la machine soit rentable, et l’entreprise a finalement fermé. « Hugh et moi étions tous deux ingénieurs et nous ne faisions pas du tout attention aux questions business, » a concédé Pitts. L’innovation peut être déclenché par le talent de l’ingénieur, mais elle doit être combinée avec des compétences managériales pour « mettre le monde en feu ».
Bushnell fut capable de produire son jeu, Computer Space, pour seulement $1000. Il fit ses débuts quelques semaines après Galaxy Game dans le bar Dutch Goose à Menlo Park, près de Palo Alto et il s’en vendra le nombre respectable de 1’500 exemplaires. Bushnell était l’entrepreneur idéal: inventif, bon ingénieur, et compétant sur les questions entrepreneuriales et la demande client. Il était aussi un grand vendeur. […] Quand il est entré dans le petit bureau loué par Atari à Santa Clara, il a décrit le jeu à Alcorn [le co-fondateur d’Atari], a esquissé quelques circuits, et lui a demandé de construire la version arcade de celui-ci. Il a dit Acorn qu’il avait signé un contrat avec GE pour produire le jeu, ce qui était faux. Comme beaucoup d’entrepreneurs, Bushnell n’avait aucune honte à déformer la réalité dans le but de motiver les gens. » [Pages 209-211]

L’innovation nécessite d’avoir trois choses: une bonne idée, le talent d’ingénierie pour l’exécuter, et le sens des affaires (plus la détermination à faire des deals) pour le transformer en un produit réussi. Nolan Bushnell eut le trio gagnant quand il avait vingt-neuf ans, ce qui explique pourquoi, plutôt que Bill Pitts, Hugh Truck, Bill Nutting, ou Ralph Baer, il est resté dans l’histoire comme l’innovateur qui a lancé l’industrie du jeu vidéo. » [Page 215]

Vous pouvez également alors écouter Bushnell directement. Le passeg est extrait de SomethingVentured et l’histoire d’Atari commence à l’instant 30’07 « jusqu’à 36’35 » (vous pouvez aller directement sur YouTube pour le bon timing).

Le débat sur l’intelligence des machines

Le chapitre 7 traite des débuts de l’Internet. Isaacson contribue aussi à un sujet qui redevient un débat depuis quelque temps: le possible remplacement par les machines et l’ordinateur en particulier de l’humain avec ou malgré son intelligence, sa créativité et ses capacités d’innovation. Je me sens proche d’Isaacson que je cite, page 226: « Licklider était du côté de Norbert Wiener, dont la théorie de la cybernétique était basée sur l’étroite collaboration entre humains et machines travaillant, plutôt que de leurs collègues du MIT, Marvin Minsky et John McCarthy, dont la quête de l’intelligence artificielle impliquait la création de machines qui pourraient apprendre par elles-mêmes et remplacer la connaissance humaine. Comme l’expliquait Licklider, l’objectif raisonnable était de créer un environnement dans lequel les humains et les machines « coopéreraient pour prendre des décisions. » En d’autres termes, ils grandiraient ensemble. « Les humains fixeront les objectifs, formuleront les hypothèses, détermineront les critères et feront les évaluations. Les machines et ordinateurs feront le travail automatisable qui doit être fait pour préparer la voie vers des idées et des décisions dans les domaines scientifiques et techniques. »

Le dilemme de l’Innovateur

Dans le même chapitre, qui tente de décrire qui étaient les inventeurs (plus que les innovateurs) dans le cas de l’Internet – J.C.R. Licklider, Bob Taylor, Larry Roberts, Paul Baran, Donald Davies, ou même Leonard Kleinrock – et pourquoi il a été inventé – un mélange de motivation entre l’objectif militaire de protection des communications en cas d’attaque nucléaire et l’objectif civil d’aider les chercheurs dans le partage des ressources – Isaacson montre encore une fois le défi de convaincre les acteurs établis.

Baran est entré en collision avec une des réalités de l’innovation, qui est que les bureaucraties enracinées sont réfractaires au changement. […] Il a essayé de convaincre AT&T de compléter son réseau à commutation de circuits pour la voix savec un réseau de données à commutation de paquets. « Ils se sont battus bec et ongles », a t-il rappelé. « Ils ont essayé toutes sortes de choses pour l’arrêter. » [AT&T sera aller aussi loin que l’organisation d’une série de séminaires qui impliquera 94 intervenants] « Maintenant voyez-vous pourquoi la commutation de paquets ne fonctionnera pas? » Baran répondit simplement : « Non ». Une fois de plus, AT&T a été freinée par le dilemme de l’innovateur. La société rechigna à envisager un tout nouveau type de réseau de données, car elle avait tellement investi dans ses circuits. [Pages 240-41]

[Davies] utilisa un bon vieux mot anglais pour eux: les paquets. En essayant de convaincre le General Post Office d’adopter le système, Davies rencontra le même problème que Baran avait vécu lorsqu’il avait frappé à la porte d’AT&T. Mais ils ont tous deux trouvé un soutien à Washington. Larry Roberts non seulement accepta leurs idées; il adopta également le mot paquet.

L’entrepreneur est un rebelle (qui aime le pouvoir)

Un pirate informatique « hard-core », Steve Dompier, proposa de descendre à Alburquerque en personne pour y trouver une machine de MITS, qui avait de la difficulté à suivre les commandes. Au moment de la troisième réunion du Homebrew en avril 1975, il avait fait une découverte amusante. Il avait écrit un programme pour trier les nombres, et tandis qu’il l’utilisait, il écoutait une émission de la météo sur une radio transistor basse fréquence. « La radio a commencé à faire zip-zzziiip-ZZZIIIPP à différents moments », et Dompier se dit: « Eh bien, vous savez quoi! Mon premier périphérique! » Puis il fit quelques expériences. « J’ai essayé d’autres programmes pour voir à quoi cela ressemblait, et après environ huit heures à bidouiller, j’avais un programme qui pouvait produire des sons musicaux et effectivement faire de la musique ». [Page 310]

« Dompier publia son programme musical dans le numéro du People’s Computer Company, ce qui amena une réponse historiquement remarquable d’un lecteur perplexe. « Steven Dompier a un article sur le programme musical qu’il a écrit pour l’Altair dans le People’s Computer Company, » écrivit Bill Gates, un étudiant en congé de Harvard pour écrire des logiciels pour MITS à Albuquerque. « L’article donne le listing de son programme et des données musicales pour ‘The Fool on the Hill’ et ‘Daisy’. Il n’explique pas pourquoi cela fonctionne et je ne vois pas pourquoi. Est-ce que quelqu’un le sait? » La réponse simple est que l’ordinateur, en lançant les programmes, produisait des interférences qui pouvaient être contrôlées par des boucles temporelles et transformées sous forme d’impulsions de tonalité par une radio ondes moyennes.
Au moment où sa requête a été publiée, Gates s’était lancé dans une dispute plus fondamentale avec le Homebrew Computer Club. Cela est devenu l’archétype de l’affrontement entre l’éthique commerciale qui croyait aux informations exclusives, représentée par Gates [et Jobs] et l’éthique des hacker du partage librement des informations, représentée par la population du Homebrew [et Wozniak]. » [Page 311]

Isaacson, par sa description de Gates et Jobs, explique ce qu’est un entrepreneur.

« Oui, maman, je pense, » répondit-il. « As-tu déjà essayé de penser? » [P.314] Gates était un obsessif en série. […] Il avait un style confrontationnel [… et il] savait le faire dégénérer en insulte comme «la chose la plus stupide que j’ai jamais entendue . » [P.317] Gates a utilisé le pouvoir dans sa future relation avec Allen. Voici comment Gates l’a décrit, « Voilà, j’ai dit « Ok, mais je vais être aux commandes. Et je vais vous habituer à ce que je sois aux commandes, et il sera difficile de discuter avec moi à partir de maintenant à moins que je ne sois aux commandes. Si vous me mettez aux commandes, je suis aux commandes de cela et de tout ce que nous faisons. » [P.323] Comme beaucoup d’innovateurs, Gates était rebelle juste par principe. [P.331] « Un innovateur est probablement un fanatique, quelqu’un qui aime ce qu’ils fait, travaille jour et nuit, peut ignorer des choses normales dans une certaine mesure, et donc être considéré comme un peu déséquilibré. […] Gates était aussi un rebelle avec peu de respect pour l’autorité, un autre trait des innovateurs. [P.338]

Allen avait supposé que son partenariat avec Gates serait cinquante-cinquante. […] Mais Gates avait insisté pour être aux commandes. « Ce n’est pas juste si tu as la moitié. […] Je pense que ça devrait être 60 à 40. » […] Pire encore, Gates insista pour revoir la répartition deux ans plus tard. « Je mérite plus de 60 pour cent. » Sa nouvelle demande était que la répartition soit 64-36. Né avec un gène de la prise de risque, Gates pouvait disparaître tard dans la nuit en conduisant à des vitesses terrifiantes sur les routes de montagne. «J’ai décidé que c’était sa façon de se défouler.», a déclaré Allen. [P.339]

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Gates arrêté pour excès de vitesse en 1977. [P.312]

« Il y a quelque chose d’indéfinissable chez un entrepreneur, et je l’ai vu avec Steve, » s’est souvenu Bushnell. « Il était intéressé non seulement par l’ingénierie, mais aussi par tous les aspects commerciaux. Je lui ai appris que si vous agissez comme si quelque chose est possible, alors cela va marcher. Je lui ai dit, fais semblant de maîtriser totalement et les gens supposent que tu l’es ». [P.348]

Le concept de l’entrepreneur comme un rebelle n’est pas nouveau. En 2004, Pitch Johnson, l’un des premiers VC dans la Silicon Valley a écrit «Les entrepreneurs sont les révolutionnaires de notre temps. » Freeman Dyson a écrit Portrait du scientifique en rebelle. Et vous devriez lire l’analyse de Nicolas Colin sur les écosystèmes entrepreneuriaux: Capital + savoir-faire + rébellion = économie entrepreneuriale. Oui des rebelles qui aiment le pouvoir …