Archives de catégorie : La Silicon Valley et l’Europe

Les plus grandes (anciennes) start-up des USA et d’Europe

Depuis la publication de mon livre en 2007, je fais régulièrement l’exercice de comparer les plus grandes (anciennes) start-up américaines et européennes. En 2010, j’avais obtenu les tableaux suivants.

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Ce que j’appelle d’anciennes start-up sont des sociétés de technologies cotées en bourse qui n’existaient pas il y a 50 ans. Bien sûr l’Europe souffrait (et souffre encore) de la comparaison, raison d’être de mon livre. Voici l’exercice mis à jour.

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Je vous laisse vous faire votre propre opinion sur l’évolution des choses. Pour ma part, j’y vois quelques éléments frappants. Le plus impressionnant est lié à une présentation il y a quelques jours qui montrait l’évolution avec le temps des plus grandes capitalisations américaines . La voici… assez étonnant…

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Source: Visual Capitalist

L’entrepreneuriat est global – selon les participants au GES 2016

C’est ce que la plupart des intervenants ont dit au GES 2016 (Le Global Entrepreneurship Summit) à l’Université de Stanford les 23-24 juin. L’entrepreneuriat est global. Pourtant, le sommet a eu lieu au coeur de la Silicon Valley et je ne suis pas sûr que d’autres endroits auraient attiré les gens que vous pourrez découvrir dans les images ci-dessous…

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Vous pouvez aussi les écouter. Voici le lien…

Une analyse remarquable des faiblesses européennes: l’acquisition de Withings selon François Nemo

Il m’arrive de faire du copié-collé d’articles que j’ai aimés avec en général l’objectif de les traduire sur la partie anglaise du blog. Ici je vais ajouter mes commentaires personnels entre crochets et en italique. Vous pouvez trouver l’article original et les commentaires sur Frenchweb.fr

Withings ou l’histoire d’une naïveté française
Par François Nemo, spécialiste en conseil en stratégies de ruptures.

Le spectaculaire rachat de Withings par Nokia ne traduit pas comme on l’évoque systématiquement la faiblesse de notre système de financement mais le manque de vision et d’engagement de notre scène entrepreneuriale. L’incapacité à créer des écosystèmes à l’échelle mondiale afin de se positionner dans la guerre du numérique qui oppose la Chine aux Etats-Unis. Il est temps de se mobiliser pour «faire tomber les GAFA» et défendre notre souveraineté.

[Depuis des années, j’affirme que nous n’avons pas tant un problème de financement que de culture, une incompréhension totale de l’importance des start-up et de leur croissance]

Après Captain Train racheté par les Anglais pour 200M€, c’est au tour d’un emblème de la technologie française Withings et qui a fait grand bruit au CES de Las Vegas en jouant la carte du made in France, de passer sous le contrôle de Nokia pour 170M€. Et il y a fort à parier que Blalacar ne résisterait pas à une proposition de Facebook si ce dernier décidait d’introduire le covoiturage dans sa palette de services pour connecter la planète. L’aventure de ce que l’on appelle les pépites à la française n’a malheureusement qu’une seule issue : un gros chèque !

[Je vous laisse parcourir mes documents sur slideshare et en particulier celui qui compare Europe et Silicon Valley et sa slide 37]

L’intelligence first

Plus la technologie se développe et plus elle s’efface derrière les idées. Le «purpose» ou la raison d’être. Les grands acteurs du numérique l’ont compris en prenant le virage de «l’intelligence first». Le produit devient une fonctionnalité qui s’intègre dans une plateforme dont le rôle est de résoudre les problèmes du monde, la santé, les déplacements, les loisirs… gérer une communauté, organiser un écosystème circulaire, itératif, ouvert et inclusif qui met en contact directement les utilisateurs et producteurs pour raccourcir et optimiser l’interaction. C’est la mort annoncée des sites et des applications. Le rôle de l’entrepreneur est alors de défendre une «vision» et ensuite de designer le système qui va avec. C’est un chef d’orchestre plus qu’un créateur de ressources qui va défendre les actifs clés de l’entreprise ; les idées et les données. Dans ce nouveau contexte, des entreprises mono-produits comme Withings n’ont aucune chance de se développer sinon à intégrer un écosystème. On peut d’ailleurs s’interroger sur les véritables bénéfices pour Whitings d’un rachat par Nokia ? Dropbox ou Evernote en ont l’amère expérience en cédant au pouvoir de frappe des grandes plateformes. Et que dire de la pertinence de cette phrase de Steve Job : «Vous êtes une fonctionnalité et non pas un produit», en refusant de racheter Dropbox il y a dix ans ?

La nouvelle guerre des écosystèmes

C’est sur le terrain des écosystèmes que s’affrontent désormais les deux géants du numérique, les Etats-Unis avec les GAFA, sous-tendus par une idéologie, et la Chine avec des entreprises plus pragmatiques comme Alibaba, Wechat qui ont su développer de nouveaux écosystèmes dans des secteurs en plein essor en créant de nouveaux modèles de business et qui après avoir touché un nombre impressionnant d’utilisateurs sur leur marché intérieur commencent à se positionner à l’international en déclenchant une lutte féroce avec les Américains. C’est dans ce contexte que les GAFAs (principalement) font leur «marché» aux quatre coins de la planète pour alimenter et enrichir leur écosystème. Et la France avec la qualité de sa recherche et le dynamisme de ses start-up est un terrain de chasse particulièrement attractif.

Pourquoi l’Europe n’est pas en mesure de créer des écosystèmes à l’échelle mondiale ?

Le rachat de Withings n’est pas comme on l’évoque un problème de financement. Un écosystème européen d’investissement inadapté qui empêcherait un scale-up rapide de nos pépites. Le périmètre de withings quels que soient les fonds qu’on y injecte rend de toute façon un développement impossible hors d’une plateforme. La question est pourquoi l’Europe n’est pas en mesure de créer des écosystèmes à l’échelle mondiale au sein desquels des pépites comme Withings trouveraient toute leur place ?

[L’échec de l’Union Européenne n’est pas que politique. Il est aussi économique. Que de fragmentations et d’égoïsmes nationaux…].

Nous ne pensons pas le numérique à la bonne échelle !

Nos discours sur le made in France, la mise en scène autour de nos champions du numérique et de leur présence au CES appuyée par le ministre de l’économie en personne a quelque chose de naïf et de pathétique. Toutes nos infrastructures institutionnelles ou privées, accélérateurs, groupes de réflexion, French tech, CNNum, École 42, The Family, l’accélérateur ou le NUMA, pour ne citer que les plus en vue ne sont pas programmées pour développer des plateformes avec des visions mais des produits et des fonctionnalités ou des lois et des rapports. C’est notre culture économique et entrepreneuriale qui est en cause. Un monde encore très marqué par la culture de l’ingénieur et du spécialiste. Un monde qui n’est pas familier et qui reste méfiant envers les notions de vision et d’engagement et plus généralement envers le monde des idées. Des entrepreneurs plutôt conservateurs qui ne perçoivent pas la nature profondément subversive de la révolution numérique et la nécessité de changer leur «échelle de réflexion».

Des grands groupes qui ont tous un potentiel de start-up

Nous pourrions aussi nous appuyer sur les grands groupes qui ont tous un potentiel de start-up à l’image de l’Américain Goldman Sachs qui déclare : «Nous ne sommes plus une banque, mais une entreprise de technologie, nous sommes les Google de la finance», en faisant travailler trois mille cinq cents personnes sur le sujet et en annonçant un train de mesures comme l’ouverture en open source des données de marché et de gestion des risques. On imagine très bien des entreprises comme La Poste et Groupama dont les métiers vont être radicalement remis en cause dans les cinq prochaines années préparer l’avenir en organisant un écosystème autour du soin et de la santé (par exemple) qui intègre Withings et ses savoir faire. Mais en écoutant les représentants de ces grands groupes, Pierre Gattaz ou de Carlos Ghosn par exemple, on perçoit rapidement leur vision court terme et leur manque d’intérêt (ils n’ont rien à y gagner) pour les stratégies de rupture.

[Quels modèles ont nos jeunes générations en Europe, pas seulement en France, à la sortie de leurs études? Comment pourraient-elles faire des GAFAs quand le modèle est l’entreprise du CAC40 et une culture très ingénieur, en effet].

Sommes-nous prêts à vivre dans un «Internet Fisher Price»

Sommes-nous condamnés à devenir des satellites, à perdre notre souveraineté économique et de sécurité en restant sous l’emprise des GAFAs. Ou encore comme le propose François Candelon, Senior Manager au sein du Boston Consulting Group dans un très bon article «de regarder ce que la Chine peut nous apprendre et nous apporter» et de «créer une route de la soie du numérique». Sommes-nous condamnés à choisir entre Charybde et Scylla ? Non ! Car si les géants du web avec leur vision ont ouvert la voie à de nouvelles relations en construisant les entreprises les plus disruptives de l’histoire, elles nous laissent face à un trou béant. La «technicisation de l’individu». Sommes-nous prêts à vivre dans un «Internet Fisher Price», comme le titrait Viuz «dans des résidences fermées» gérées par des machines «avec des bosquets rondouillards, des pelouses impeccables et des routes goudronnées» où règne l’exclusivité, le premium et la rareté en laissant à la porte toute une partie de la population. Des sortes de maisons de retraite ultra sécurisées pour les plus fortunés ?

Faire tomber les GAFA

Il faut sans aucune hésitation nous engouffrer dans une troisième voie : «Faire tomber les GAFA». Si la formule est quelque peu provocante, elle incite à la mobilisation. Le retard sera difficile à rattraper, mais il est temps pour l’Europe de s’appuyer sur ses valeurs historiques et fondamentales pour construire de nouveaux écosystèmes et entrer de plain-pied dans la guerre économique qui oppose les deux grands blocs. Proposer des alternatives aux GAFAs. «Se servir des algorithmes et de l’intelligence artificielle pour créer une intelligence augmentée et résoudre les problèmes complexes que l’urgence écologique et sociale nous pose», comme le dit Yann Moulier Boutang. Intégrer les nouvelles technologies pour rééquilibrer les rapports de force, trouver les clés d’une véritable économie du partage et de la connaissance, s’attaquer à la question de l’avenir du travail, de sa rémunération, de la santé, du libre-arbitre, de l’éducation…

Changer d’échelle

Une rupture qui nécessite de changer d’échelle en bousculant notre culture économique et notre appréhension du monde. Une rupture qui, si elle se heurte encore à une «diabolique» inertie, s’impose comme une nécessité pour beaucoup d’entre nous.

Si vous faites partie de cette nouvelle «génération» de «l’intelligence first», si vous avez des idées et des solutions pour changer notre échelle de réflexion, je vous invite à nous joindre sur Twitter @ifbranding ou par email f.nemo@ifbranding.fr ensemble, nous avons des solutions à proposer et des projets à construire.

L’auteur
François Nemo, spécialiste en conseil en stratégies de ruptures.
Site Internet : ifbranding.fr
Twitter : @ifbranding
Medium : @ifbranding

L’A&D de Cisco

En 2009, j’avais analysé la stratégie d’acquisitions et de développement (A&D) de Cisco qui prétendument était un substitut à la R&D. Vous pouvez voir mon article précédent également intitulé l’A&D de Cisco. J’ai décidé de refaire la même analyse, à savoir la taille de Cisco par an (chiffre d’affaires et employés), ainsi que le nombre et la valeur de ses acquisitions. J’ai aussi analysé la situation géographique de ces acquisitions. Les résultats suivent ci-dessous. J’ajoute que la Silicon Valley reste la principale source d’acquisitions. La valeur totale des fusions et acquisitions était environ $75B ($48B jusqu’en 2006 et $27B au cours des 10 dernières années).

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Enfin, voici la liste exhaustive de ces acquisitions (à partir du site web de Cisoc et Wikipedia).

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Comment devenir une plaque tournante pour les start-up?

C’est le sujet que le génialissime Paul Graham aborde dans le discours intitulé How to Make Pittsburgh a Startup Hub, discours dont il vient de publier une version écrite sur son blog. Je dis génialissime parce qu’à chaque fois, que je le lis, je suis enthousiasmé par la simplicité de ses messages souvent contre-intuitifs. Ainsi dans How to be Silicon Valley?, il affirmait « Peu de start-up se créent à Miami, par exemple, parce que même s’il y a beaucoup de gens riches, il y a peu de nerds. Ce n’est pas un endroit pour les nerds. Alors que Pittsburgh a le problème inverse: beaucoup de nerds, mais peu de gens riches. » Il est pourtant revenu à Pittsburgh en donnant sa recette, du moins des pistes pour devenir une plaque tournante pour les start-up.

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Image empruntée à Zak Slayback

J’ai décidé de traduire plus bas l’intégralité de son discours, mais voici quelques extraits qui montrent que tout est culturel et qu’il faut avant tout une attitude accueillante et libérale, voire de laisser-faire: « Et ce n’est pas comme si vous aviez à faire des sacrifices douloureux dans l’intervalle. Pensez à ce que j’ai suggéré. Encouragez les restaurants locaux, préservez des bâtiments anciens, profitez de la densité, faire de CMU la meilleure des universités, promouvez la tolérance. Ce sont les choses qui font qu’il fait bon vivre à Pittsburgh aujourd’hui.Tout ce que je veux dire est que vous devez amplifier toutes ces choses. »

Quant aux universités, il explique: « Qu’est-ce que CMU peut faire pour aider Pittsburgh à devenir une plaque tournante entrepreneuriale ? Etre une meilleure université de recherche encore et encore. […] Etre ce genre d’aimant pour les talents est la plus importante contribution que les universités peuvent faire pour rendre leur ville un centre pour les start-up. En fait, c’est pratiquement la seule contribution qu’elles peuvent avoir. Mais attendez, les universités ne devraient-elles pas mettre en place des programmes avec des mots comme « innovation » et « entrepreneuriat » ? Non, elles ne le devraient pas. Ce genre de choses est presque toujours sujet de déceptions. […] Et la façon de découvrir l’esprit d’entreprise est de le pratiquer, ce que vous ne pouvez pas faire à l’école. Je sais que cela peut décevoir certains administrateurs d’apprendre que la meilleure chose qu’une université peut faire pour encourager les start-up est d’être une grande université. C’est comme dire à des gens qui veulent perdre du poids que la façon de le faire est de manger moins. […] Les universités sont parfaites pour réunir des fondateurs, mais au-delà de cela, la meilleure chose qu’elles puissent faire est de se retirer. Par exemple, en ne revendiquant pas de droits sur la « propriété intellectuelle » que les étudiants et les professeurs développent, et en ayant des règles libérales au sujet de l’admission et des congés différés.[…] Mais si une université voulait vraiment aider ses étudiants à lancer des start-up, les données empiriques […] suggèrent que la meilleure chose à faire est littéralement rien. »

Et maintenant, une longue parenthèse. Ce texte m’a rappelé le texte d’une autre génie de la Silicon Valley, Steve Jobs. « Si vous regardez un peu en arrière, il y a deux ou trois choses. Le mouvement Beatnik a commencé à San Francisco. C’est une chose assez intéressante à noter. C’est le seul endroit des États Unis où le Rock’n’roll a vraiment eu lieu. N’est-ce pas ? La plupart des groupes du pays, Bob Dylan dans les années 60, je veux dire, ils sont tous venus d’ici. Je pense à Joan Baez, Jefferson Airplane, les Grateful Dead. Tout est venu d’ici, Janis Joplin, Jimmy Hendrix, tous. Pourquoi ? Vous avez aussi Stanford et Berkeley, deux universités extraordinaires qui attirent les gens brillants de toute la planète et leur font découvrir une région belle et ensoleillée, où ils trouvent d’autres gens intelligents et aussi une nourriture excellente. Et aussi beaucoup de drogue à une certaine époque. Alors ils sont restés. Il y a beaucoup de richesse humaine qui se déverse dans la région. Des gens très brillants. Les gens semblent plutôt brillants ici en comparaison au reste du pays. Ils sont plutôt plus ouverts aussi. Je crois que la région est unique et elle a une histoire qui le montre bien. Tout cela attire plus de monde. Je donne aussi un grand crédit, peut-être le plus grand crédit, à Stanford et Berkeley. »

La dernière contribution de Paul Graham est à lire absolument. Comme d’habitude, c’est long, provocateur, dérangeant et totalement convaincant… Voici donc le texte intégral:

Comment faire de Pittsburgh une plaque tournante pour les start-up?

Avril 2016

(Voici une conférence que [Paul Graham a] j’ai donnée lors d’un événement appelé Opt412 à Pittsburgh. Une grande partie de celle-ci applique à d’autres villes. Mais pas toutes, parce que, comme je le dis dans le discours, Pittsburgh a des avantages importants par rapport à la plupart des possibles clusters de start-up.)

Que faudrait-il pour faire de Pittsburgh une plaque tournante des start-up, comme la Silicon Valley? Je crois comprendre Pittsburgh assez bien, parce que j’ai grandi ici, à Monroeville. Et je comprends la Silicon Valley assez bien parce que c’est là où je vis aujourd’hui. Pouvez-vous obtenir ce genre d’écosystème entrepreneurial ici [chez vous] ?

Lorsque j’ai accepté de parler ici, je ne pensais pas que je serais en mesure de donner un discours très optimiste. Je pensais que je serais capable de dire ce que Pittsburgh pourrait faire , mais tout au conditionnel, pour devenir une plaque tournante des start-up. Mais en fait, je vais parler de ce que Pittsburgh peut vraiment faire.

Ce qui a changé mon état d’esprit est un article que j’ai lu dans la section « alimentation » du New York Times. Le titre était « Le boom alimentaire de Pittsburgh axé sur les jeunes. » Pour la plupart des gens, cela pourrait sembler sans intérêt, et encore moins un sujet lié aux start-up. Mais cela a été pour moi une révélation de lire ce titre. Je ne crois pas que j’aurais pu choisir sujet plus prometteur si je l’avais voulu. Et quand j’ai lu l’article, je fus encore plus excité. Ainsi il est écrit: «les personnes âgées de 25 à 29 ans représentent maintenant 7.6% de tous les résidents, en hausse de 7% il y a environ une dizaine d’années. » Wow, me suis-je dit, Pittsburgh pourrait être le prochain Portland. La ville pourrait devenir l’endroit cool où tous les jeunes adultes veulent aller vivre.

Quand je suis arrivé ici il y a quelques jours, j’ai pu sentir la différence. J’ai vécu ici de 1968 à 1984. Je ne le savais pas à l’époque, mais pendant toute cette période, la ville était en chute libre. En plus de la fuite vers les banlieues qui se produisit partout, les industries de l’acier
et du nucléaire étaient en train de mourir. Mais les choses sont différentes aujourd’hui. Ce n’est pas seulement que le centre-ville semble beaucoup plus prospère, mais il y a une énergie qui n’existait pas quand j’étais gamin.

Quand j’étais un enfant, c’était un endroit que les jeunes quittaient. Maintenant, c’est un endroit qui les attire.

Qu’est-ce que cela a à voir avec les start-up ? Les start-up sont faites de personnes, et l’âge moyen des personnes dans une start-up typique est justement de 25 à 29 ans.

J’ai vu la puissance pour une ville d’avoir ces gens. Il y a cinq ans, ils ont déplacé le centre de gravité de la Silicon Valley de la péninsule vers San Francisco. Google et Facebook sont sur la péninsule, mais la prochaine génération des grands gagnants sont tous à SF. La raison pour laquelle le centre de gravité s’est déplacé est la guerre pour les talents, pour les programmeurs en particulier. La plupart des 25-29 ans veulent vivre dans la ville, et non pas dans les banlieues ennuyeuses. Alors qu’ils le veuillent ou non, les fondateurs savent qu’ils doivent être dans la ville. Je connais plusieurs fondateurs qui auraient préféré vivre dans la vallée proprement dite, mais qui se sont déplacés à SF parce qu’ils savaient sinon qu’ils perdraient la guerre des talents.

Donc, être un aimant pour les personnes dans la vingtaine est une chose très prometteuse. Il est difficile d’imaginer un lieu devenant une plaque tournante pour les start-up sans être aussi cela. Quand je lis cette statistique sur le pourcentage croissant des 25-29 ans, j’ai eu exactement le même sentiment d’excitation que quand je vois les graphiques qui commencent à se glisser vers le haut depuis l’axe des x.

À l’échelle nationale, le pourcentage des 25-29 ans est de 6.8%. Cela signifie que vous êtes .8% au-dessus [à Pittsburgh]. La population est de 306 000, nous parlons d’un surplus d’environ 2 500 personnes. C’est la population d’une petite ville, et c’est juste l’excédent. Donc, vous avez un avantage. Maintenant, vous avez juste à le développer.

Et bien que le « boom alimentaire axé sur les jeunes » peut paraître un concept frivole, ce n’est pas du tout le cas. Les restaurants et cafés sont une grande partie de la personnalité d’une ville. Imaginez, vous marchez dans une rue de Paris. Qu’est-ce que vous voyez ? Les restaurants et cafés. Imaginez que vous conduisez dans une quelconque banlieue déprimante. Que voyez-vous ? Des Starbucks et des McDonalds et des Pizza Hut. Comme l’a dit Gertrude Stein, il n’y a pas d’ici, là-bas. Vous pourriez être partout.

Ces restaurants et cafés indépendants ne sont pas seulement là pour nourrir les gens. Ils font d’un là, un ici.

Voici donc ma première recommandation concrète pour transformer Pittsburgh en la prochaine Silicon Valley: faire tout votre possible pour encourager ce boom alimentaire axé sur les jeunes. Que pourrait faire la ville? Traiter les personnes qui lancent ces petits restaurants et ces cafés comme vos clients, et allez leur demander ce qu’ils veulent. Je peux deviner au moins une chose qu’ils pourraient vouloir: un processus d’autorisation rapide. San Francisco vous a laissé une énorme chance pour la battre dans ce domaine.

Je sais que les restaurants ne sont pas le principal moteur bien sûr. Le moteur principal, que l’article du Times a mentionné, est un logement abordable. C’est un gros avantage. Mais cette expression « logement abordable » est un peu trompeuse. Il y a beaucoup d’endroits qui sont moins chers. Ce qui est spécial à propos de Pittsburgh n’est pas que c’est abordable, mais que c’est un endroit abordable où vous avez réellement envie de vivre.

Une partie tient aux bâtiments eux-mêmes. Je me suis rendu compte, il y a longtemps, quand j’étais un pauvre et jeune adulte moi-même, que les meilleurs plans étaient des endroits qui avaient été chers autrefois, puis sont devenus pauvres. Si un endroit a toujours été cher, il est agréable mais trop cher. Si un endroit a toujours été pauvre, il n’est pas cher, mais déprimant. Mais si un lieu était cher autrefois et est ensuite devenu abordable, vous pouvez trouver des palais à des prix abordables. Et voilà ce qui amène les gens ici. Lorsque Pittsburgh était riche, il y a cent ans, les gens qui vivaient ici ont construit de grands bâtiments solides. Pas toujours du meilleur goût, mais certainement solides. Voici donc un autre conseil pour devenir une plaque tournante pour l’entrepreneuriat : ne pas détruire les bâtiments qui font venir les gens ici. Quand les villes sont sur le bon chemin, comme Pittsburgh l’est maintenant, les développeurs foncent pour démolir les vieux bâtiments. Ne laissez pas cela se produire. Focalisez-vous sur la préservation historique. Les grands projets de développement immobilier ne sont pas ce qui amène les jeunes ici. Ils sont à l’opposé des nouveaux restaurants et cafés; ils retirent sa personnalité à la ville.

Les données empiriques suggèrent que vous ne pouvez pas être trop strict sur la préservation historique. Mais plus les villes sont strictes à ce sujet, mieux elles semblent s’en sortir.

Mais l’attractivité de Pittsburgh ne tient pas seulement aux bâtiments eux-mêmes, mais à ses quartiers. Comme San Francisco et New York, Pittsburgh a la chance d’être une ville antérieure à l’automobile. Elle n’est pas trop étalée. Parce que ces 25-29 ans n’aiment pas conduire. Ils préfèrent la marche ou le vélo, ou prendre les transports en commun. Si vous avez été à San Francisco récemment, vous ne pouvez pas ne pas remarquer le grand nombre de cyclistes. Et ce n’est pas juste une mode que les jeunes ont adopté. A cet égard, ils ont découvert une meilleure façon de vivre. Les hipsters passeront, mais pas les vélos. Les villes où vous pouvez vous déplacer sans conduire sont juste meilleures. Point. Donc, je vous suggère de faire tout votre possible pour tirer profit de cela. Comme pour la préservation historique, il semble impossible toutefois d’aller trop loin.

Pourquoi ne pas faire de Pittsburgh la ville la plus accueillante du pays pour les piétons et les cyclistes ? Voyez si vous pouvez aller assez loin au point de rendre San Francisco ringarde en comparaison. Si vous le faites, il est très peu probable que vous le regretterez. La ville sera comme un paradis pour les jeunes que vous voulez attirer. S’ils la quittent toutefois pour obtenir un emploi ailleurs, ce sera avec regret de laisser derrière eux un tel endroit. Et quel est le risque ? Pouvez-vous imaginer un titre « Une ville ruinée d’avoir été trop favorable aux cyclistes ? » Cela ne se produit jamais.

Donc, supposons que les vieux quartiers sympas et les petits restaurants sympas font de vous la prochaine Portland. Cela sera-t-il suffisant ? Cela vous mettra dans une meilleure situation que celle de Portland, parce que Pittsburgh a quelque chose que Portland n’a pas : une université de recherche de premier ordre. CMU [Carnegie Mellon] plus les petits cafés signifie que vous avez plus que des hipsters buvant des lattés. Cela signifie que vous avez des hipsters buvant des lattés tout en parlant de systèmes distribués. Maintenant, vous vous rapprochez vraiment de San Francisco.

En fait, vous êtes mieux que San Francisco dans un sens, parce que la CMU est au centre-ville, mais Stanford et Berkeley sont dans les banlieues.

Qu’est-ce que CMU peut faire pour aider Pittsburgh à devenir une plaque tournante entrepreneuriale ? Etre une meilleure université de recherche encore et encore. CMU est l’une des meilleures universités du monde, mais imaginez ce que les choses seraient si elle était la meilleure, et que tout le monde le savait. Il y a beaucoup de gens ambitieux qui doivent se rendre au meilleur endroit, là où il est, – et même si c‘est en Sibérie. Si CMU était cet endroit, ils seraient tous venus ici. Il y aurait des enfants au Kazakhstan rêvant de vivre un jour à Pittsburgh.

Être ce genre d’aimant pour les talents est la plus importante contribution que les universités peuvent faire pour rendre leur ville un centre pour les start-up. En fait, c’est pratiquement la seule contribution qu’elles peuvent avoir.

Mais attendez, les universités ne devraient-elles pas mettre en place des programmes avec des mots comme « innovation » et « entrepreneuriat » ? Non, elles ne le devraient pas. Ce genre de choses est presque toujours sujet de déceptions. Elles visent les mauvaises cibles. La manière d’obtenir l’innovation est de ne pas viser l’innovation, mais de viser quelque chose de plus spécifique, comme de meilleures batteries ou une meilleure impression 3D. Et la façon de se découvrir l’esprit d’entreprise est de le pratiquer, ce que vous ne pouvez pas faire à l’école.

Je sais que cela peut décevoir certains administrateurs d’apprendre que la meilleure chose qu’une université peut faire pour encourager les start-up est d’être une grande université. C’est comme dire à des gens qui veulent perdre du poids que la façon de le faire est de manger moins.

Mais si vous voulez savoir d’où les start-up viennent, examinez les preuves empiriques. Regardez les histoires des start-up les plus connues, et vous trouverez qu’elles grandissent organiquement d’un couple de fondateurs qui bâtissent quelque chose et qui commence comme un projet secondaire intéressant. Les universités sont parfaites pour réunir des fondateurs, mais au-delà de cela, la meilleure chose qu’elles puissent faire est de se retirer. Par exemple, en ne revendiquant pas de droits sur la « propriété intellectuelle » que les étudiants et les professeurs développent, et en ayant des règles libérales au sujet de l’admission et des congés différés.

En fait, l’une des choses les plus efficaces qu’une université puisse faire pour encourager les start-up est une forme élaborée de retrait inventée par Harvard. Harvard avait l’habitude de placer les examens de la session d’automne après Noël. Au début de Janvier, ils avaient quelque chose appelé « période de lecture » où vous étiez censé étudier pour les examens. Et Microsoft et Facebook ont quelque chose en commun que peu de gens savent: elles ont toutes deux commencé pendant la période de lecture. C’est la situation parfaite pour produire ce genre de projets parallèles qui se transforment en start-up. Les étudiants sont tous sur le campus, mais ils n’ont rien à faire parce qu’ils sont censés étudier pour les examens.

Harvard peut avoir supprimé cette occasion, car il y a quelques années ils ont déplacé les examens avant Noël et raccourci la période de lecture de 11 jours à 7. Mais si une université voulait vraiment aider ses étudiants à lancer des start-up, les données empiriques, pondérées par la capitalisation boursière, suggèrent que la meilleure chose à faire est littéralement rien.

La culture de Pittsburgh est un autre de ses points forts. Il semble qu’une ville doit être socialement très libérale pour être une plaque tournante pour les start-up, et la raison en est assez simple. Une ville doit tolérer l’étrangeté pour être accueillante pour les start-up, parce que les start-up sont si étranges. Et vous ne pouvez pas choisir d’autoriser seulement les formes d’étrangeté qui vont se transformer en grandes start-up, parce que tout est mélangé. Vous devez tolérer toutes les étrangetés.

Cela exclut immédiatement une grande partie des USA. Je suis optimiste, cela ne concerne pas Pittsburgh. Une des choses dont je me souviens pour avoir grandi ici, même si je ne savais pas à l’époque qu’il y avait quelque chose d’inhabituel à ce sujet, est la façon dont les gens s’entendaient. Je ne sais toujours pas pourquoi. Peut-être l’une des raisons était que tout le monde se sentait comme un immigrant. Quand j’étais un enfant à Monroeville, les gens ne se disaient pas américains. Ils se sentaient italiens ou serbes ou ukrainiens. Imaginez ce que ce devait avoir été ici il y a une centaine d’années, quand les gens affluaient de vingt pays différents. La tolérance était la seule option.

Ce dont je me souviens de la culture de Pittsburgh est qu’elle était à la fois tolérante et pragmatique. Voilà comment je décrirais la culture de la Silicon Valley aussi. Et ce n’est pas une coïncidence, parce que Pittsburgh était la Silicon Valley de son temps. C’était une ville où les gens bâtissaient de nouvelles choses. Et alors que les choses que les gens bâtissaient ont changé, l’esprit que vous deviez avoir pour ce genre de travail est resté le même.

Ainsi, même si un afflux de hipsters buveurs de lattés peut être gênant à certains égards, je crois qu’il faut les encourager. Et plus généralement tolérer l’étrangeté, aussi loin que ces fous de Californiens la tolèrent. Pour Pittsburgh c’est un choix sans risque : c’est un retour aux racines de la ville.

Malheureusement, j’ai gardé la partie la plus difficile pour la fin. Il y a encore une chose que vous devez avoir pour devenir une plaque tournante pour les start-up, que Pittsburgh ne possède pas : les investisseurs. La Silicon Valley a une très forte communauté d’investisseurs, car elle a eu 50 ans pour la développer. New York a une très forte communauté d’investisseurs, car elle est pleine de gens qui aiment l’argent et beaucoup sont prompts à remarquer de nouvelles façons d’en gagner. Mais Pittsburgh n’en a aucune. Et le logement abordable qui attire d’autres personnes ici n’a aucun effet sur les investisseurs.

Si une communauté d’investisseurs grandit ici, cela va se passer de la même façon que dans la Silicon Valley: lentement et organiquement. Donc, je ne parierais pas sur le fait d’avoir une communauté d’investisseurs à court terme. Mais heureusement, il y a trois tendances qui font que cela est moins nécessaire qu’auparavant. La première est que les startups sont de plus en plus pas simples à lancer, de sorte que vous n’avez tout simplement pas besoin d’autant d’argent que dans le passé. La deuxième est que grâce à des choses comme Kickstarter, une start-up peuvent obtenir des revenus plus rapidement. Vous pouvez mettre quelque chose sur Kickstarter depuis n’importe où. La troisième vient de programmes tels que Y Combinator. Une start-up partout dans le monde peut aller à YC pendant 3 mois, trouver des fonds, puis retourner à la maison si elle le souhaite.

Mon conseil est de faire Pittsburgh un endroit idéal pour les start-up, et peu à peu plusieurs d’entre elles s’y installeront. Certaines vont réussir; certains de leurs fondateurs deviendront des investisseurs; et encore plus de start-up apparaîtront.

Ce n’est pas un chemin rapide pour devenir une plaque tournante entrepreneuriale. Mais c’est au moins un chemin, que peu d’autres villes peuvent avoir. Et ce n’est pas comme si vous aviez à faire des sacrifices douloureux dans l’intervalle. Pensez à ce que j’ai suggéré. Encouragez les restaurants locaux, préservez des bâtiments anciens, profitez de la densité, faire de CMU la meilleure des universités, promouvez la tolérance. Ce sont les choses qui font qu’il fait bon vivre à Pittsburgh aujourd’hui. Tout ce que je veux dire est que vous devez amplifier toutes ces choses.

Et voilà une pensée encourageante. Si le moyen pour Pittsburgh de devenir une plaque tournante entrepreneuriale est d’être encore plus elle-même, elle a une bonne chance de réussir. En fait, elle a probablement la plus forte probabilité de succès parmi les villes de sa taille. Il faudra un certain effort, et beaucoup de temps ; mais si une ville ne peut le faire, c’est bien Pittsburgh.

Merci à Charlie Cheever et Jessica Livingston pour la lecture de brouillons de ce discours, et à Meg Cheever pour l’organisation de Opt412 et m’y avoir invité à parler.

Les migrants et les licornes

Grâce à la lettre d’information hebdomadaire A16Z, je viens de découvrir une nouvelle et intéressante étude sur l’importance des migrants dans le paysage américain de l’innovation: Immigrants and the Billion Dollar Startups (en pdf). Voici quelques résultats clés:
– 51 pour cent, ou 44 sur 87, des start-up valant 1 milliard de dollars ou plus avaient au moins un fondateur mmigrant.
– 62 des 87 entreprises, soit 71 pour cent, avaient au moins un migrant aidant l’entreprise à croître et à innover.
– les fondateurs immigrés ont créé une moyenne d’environ 760 emplois par entreprise aux États-Unis.
Bien sûr, cela se limite aux entreprises privées, les licornes qui ont une histoire récente, mais ce sont des données impressionnantes.

Immigrants and Billion Dollar Startups

Si vous n’avez jamais rien lu sur l’importance des migrants dans la Silicon Valley, vous pourriez également être intéressé par le travail de AnnaLee Saxenian. Pour terminer, j’ai copié les données de l’étude, pour ajouter mes propres commentaires:

Unicorns_and_migrants

Sur le plan géographique, sur les 44 start-up, 14 sont basées dans la Silicon Valley et 12 de plus à San Francisco même.
En termes d’éducation, sur les 60 fondateurs immigrants, 23 ont étudié dans des universités américaines, dont 5 à Stanford et 1 à Berkeley contre 4 à Harvard et 2 au MIT.
En termes d’origine, l’étude donne les différents pays et je me suis intéressé à l’Europe: 15 proviennent de l’Union européenne contre 14 de l’Inde et 7 en provenance d’Israël.

Intéressant, non?

La Silicon est-elle (re)devenue folle?

Régulièrement, je fais un retour aux sources en essayant de découvrir ce que la Silicon Valley a à nous (re)dire de nouveau. Cette fois, je suis revenu un peu plus déboussolé que les fois précédentes. La région reste le centre de l’entrepreneuriat et de l’innovation high-tech, mais elle semble toucher aux limites de la folie. Tout va trop vite (sauf le trafic automobile trop souvent congestionné), tout est trop cher, et nombreux sont ceux qui espèrent une crise afin de revenir à une situation normale. Certes les projets les plus fous sont financés et difficile de dire ce que cela donnera (Tesla ou SpaceX bien sûr, mais que dire de MagicLeap ou encore des explorations de Google et autres dans l’intelligence artificielle et l’homme augmenté ?)

Cependant des connaisseurs avertis de la Silicon Valley s’inquiètent aussi. Ainsi Michael Malone dans Of Microchips and Men: A Conversation About Intel, publiée par le New Yorker pour son nouveau livre The Intel Trinity : « Le phénomène le plus intéressant des trois ou quatre dernières années est que les grandes entreprises de la Vallée comme Facebook et Google et Apple ont tant de liquidités que le jeu est maintenant le suivant : vous atteignez une certaine taille et cherchez à être acheté. Regardez Mark Zuckerberg. Il achète Instagram et puis il achète WhatsApp. Il dépense dix-neuf milliards de dollars pour WhatsApp. Voilà un montant ahurissant pour une start-up. Pour la première fois, les acquisitions sont plus attrayantes que les entrées en bourse (IPO). Nous allons donc entrer dans cette époque intéressante où peut-être les entreprises choisiront de ne plus faire d’IPO, qui avait toujours été la stratégie de sortie la plus rentable, mais plutôt d’aller faire la danse du ventre devant Mark Zuckerberg dans l’espoir d’obtenir ces évaluations indécentes. Quel est votre avis sur les ambitions globales des nouvelles entreprises de haute technologie? Je suis un peu gêné par l’hypocrisie présentée par la nouvelle génération des leaders de la Silicon Valley. Ils sont les auteurs de code, et le logiciel est différent du matériel. Avec les gens de logiciels, il y a cette philosophie romantique et ambitieuse « Do no evil » (ne pas faire le mal) – pourtant elle est toujours associée à une sorte de duplicité. Ces gens-là qui dirigent l’ère du réseau social, se comportent vraiment comme des oligarques: « Vous connaissez la raison pour laquelle nous avons du succès ? C’est que nous sommes spéciaux. Nous sommes plus intelligents que les autres. » Vous ne voyiez pas cela dans la première génération de leaders de la Silicon Valley. Ils étaient les enfants de cols bleus et de familles de travailleurs. Ils travaillaient avec leurs mains. Et en conséquence, ils ne cherchaient pas à être toute votre vie. Ils ne construisaient pas un campus pour y vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme dans une cité universitaire. Ils s’attendaient à vous voir rentrer à la maison dans votre famille. Ils avaient une admiration pour les ouvriers. Vous ne voyez plus cela dans le monde des réseaux sociaux. La moyenne des gens dans la vallée, en particulier les personnes pauvres, ont un sentiment très fort que ces gens-là ne se soucient pas d’eux. Et je pense que cela se manifeste de toutes sortes de façons, comme travailler avec la NSA et le perpétuel effort de monétiser notre information privée. C’est un monde très différent. »

Il y a eu aussi un très intéressant échange oral entre George Packer et Ken Auletta, deux autres grands connaisseurs de la Silicon Valley, même s’il a déjà deux ans :
George Packer and Ken Auletta on Silicon Valley.

Packer-Auletta

A titre plus anecdotique, j’ai retenu ce qui suit de mon voyage:
– le capital-risque est en pleine transformation en raison du départ des anciennes générations et ils ne financent plus les domaines traditionnels du semiconducteur
ou du hardware, trop risqués au niveau du produit, ni même les cleantech/greentech (qui ne furent qu’une autre bulle). Ce sont les industriels qui financent l’innovation dans ces secteurs,
– les accélérateurs sont avant tout une nouvelle source de projets et talents pour les investisseurs, pas forcément un meilleur modèle pour les entrepreneurs,
– les entrepreneurs sont stressés par les coûts et la concurrence qui poussent à la surenchère,
– la région arrive en conséquence saturée, aussi parce que son centre de gravité s’est déplacé vers San Francisco
– en conséquence ma conviction (toujours forte) qu’il faut connaître les dynamiques de cette région pour innover et entreprendre dans la high-tech est modulée par toutes ces contraintes et il y a sans doute une opportunité pour attirer talents, projets et entreprises petites et grandes en Europe…

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Alors y aura-t-il beaucoup de dégâts comme le prédit le Guardian dans Silicon Valley braces itself for a fall: ‘There’ll be a lot of blood’. Ou bien commettons nous la même erreur qu’AnnaLee Saxenian: « En 1979, j’étais étudiante à Berkeley et j’étais l’un des premiers chercheurs à étudier la Silicon Valley. J’avais terminé mon programme de Master en écrivant une thèse dans laquelle je prédisais avec assurance que la Silicon Valley allait cesser de se développer. Je soutenais que les coûts du travail et du logement étaient excessifs et que les routes étaient trop encombrées, et tandis que le siège social et la recherche des entreprises pourraient y rester, j’étais convaincue que la région avait atteint ses limites physiques et que la croissance de l’innovation et de l’emploi se produirait ailleurs durant les années 1980. Et il se trouve que je m’étais trompée. » (Source: A climate for Entrepreneurship – 1999)

PS: un bref ajout (en date du 12 février 2016) sur la folie des licornes. Regardez simplement la jolie infographie qui suit…

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Source: Licornes et dragons font resurgir le spectre d’une bulle Internet

Lorsque l’entrepreneuriat rencontre le street art

De temps en temps, je poste des articles qui ne sont pas liés aux start-up ou à l’entrepreneuriat, mais à d’autres sujets tels que le Street Art par exemple. Maintenant se présente l’occasion de joindre les deux grâce à Banksy. Et en plus, je peux même parler des migrants (qui sont une composante essentielle de l’entrepreneuriat). Banksy a récemment créé l’œuvre de Street Aart qui suit:

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Banksy a expliqué: « On nous amène souvent à penser que l’immigration est un fardeau pour les finances publiques. Mais Steve Jobs était le fils d’un immigrant syrien. Apple est l’entreprise qui fait le plus de profits au monde, et paye 7 milliards de dollars d’impôts par an. Et tout ça ne peut exister que parce qu’on a laissé entrer un jeune homme originaire de Homs (Syrie). » Dois-je ajouter quelque chose sur l’importance des migrants dans la haute technologie ? Si oui, il suffit de lire à nouveau AnnaLee Saxenian, Migrations, Silicon Valley, et Entrepreneuriat.

Les ingrédients d’un écosystème entrepreneurial selon Nicolas Colin

Analyse passionnante de Nicolas Colin (The Family) dans son article What makes an entrepreneurial ecosystem? Si le sujet vous intéresse, c’est à lire absolument.

Colin-Ecosystems

En résumé, les écosystèmes entrepreneuriaux ont besoin de 3 ingrédients – je cite:
– Du capital: par définition, aucune nouvelle entreprise ne peut être lancée sans argent et infrastructures pertinentes (du capital engagé dans des actifs tangibles);
– Du savoir-faire: vous avez besoin d’ingénieurs, de développeurs, de designers, de vendeurs: tous ceux dont les compétences sont nécessaires pour le lancement et la croissance des entreprises innovantes;
– De la rébellion: un entrepreneur conteste toujours le statu quo. Sinon, ils innoveraient au sein de grandes entreprises établies, où ils seraient mieux payés et auraient accès à plus de ressources.

Cela me rappelle deux « recettes » que je cite souvent. D’abord « les 5 ingrédients nécessaires aux clusters high-tech: »
1. des universités et les centres de de la recherche de très haut biveau;
2. une industrie du capital-risque (institutions financières et investisseurs privés);
3. des professionnels expérimentés de la haute technologie;
4. des fournisseurs de services tels que avocats, chasseurs de têtes, spécialistes des relations publiques et du marketing, auditeurs, etc.
5. Enfin et surtout, un composant critique mais immatériel: un esprit de pionnier qui encourage une culture entrepreneuriale.
“Understanding Silicon Valley, the Anatomy of an Entrepreneurial Region”, par M. Kenney, plus précisément dans le chapitre: “A Flexible Recycling” par S. Evans et H. Bahrami

Deuxièmement, Paul Graham dans How to be Silicon Valley?? «Peu de start-up se créent à Miami, par exemple, parce que même s’il y a beaucoup de gens riches, il a peu de nerds. Ce n’est pas un endroit pour les nerds. Alors que Pittsburgh a le problème inverse: beaucoup de nerds, mais peu de gens riches. » Il ajoute également à propos des échecs des écosystèmes: « Je lis parfois des tentatives pour mettre en place des «parcs technologiques» dans d’autres endroits, comme si l’ingrédient actif de la Silicon Valley étaient l’espace de bureau. Un article sur Sophia Antipolis se vantait que des entreprises comme Cisco, Compaq, IBM, NCR, et Nortel s’y étaient établi. Est-ce que les Français n’ont pas réalisé que ce ne sont pas des start-up? »

Beaucoup d’amis toxiques des écosystèmes entrepreneuriaux n’ont pas compris tout cela. Mais pour ceux qui ont compris, la construction d’écosystèmes vivants reste un véritable défi: amener la rébellion, la culture, en diminuant la peur de la prise de risque sans stigmatiser (pas récompenser – ici, je suis en désaccord avec Colin) l’échec reste très difficile à faire alors que le savoir-faire et le capital ne sont pas non plus faciles à amener mais c’est faisable en y travaillant.

Enfin, je copie ses diagrammes qui montrent les combinaisons idéales et moins idéales du capital, du savoir-faire et de la rébellion, en ajoutant mon exercice pour la Suisse.

NicolasColin-NationalEcoCompar

La Suisse est probablement 80% Allemagne et 20% France… Un récent article du journal Le Temps aborde cette difficulté de l’animation des espaces entrepreneuriaux: Les start-up se multiplientau cœur des villes (journal au format pdf, en accès peut-être limité).

SwissNationalEcoCompar

(Un bref ajout le 29 octobre 2015) – La meilleure description de la Suisse a été donnée par Orson Welles. Cela explique beaucoup de choses…

« L’Italie sous les Borgia a connu 30 ans de terreur, de meurtres, de carnage… Mais ça a donné Michel-Ange, de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et de paix. Et ça a donné quoi ? … Le coucou! » dans Le troisième homme, dit par Holly Martins à Harry Lime.

Pourquoi l’Europe ne crée-t-elle pas de Google ou d’Apple?

Ceci est ma nouvelle contribution à Entreprise Romande . Au milieu de mes résumés de In the Plex, je pense qu’il s’agit d’une coïncidence intéressante. Réagissez si vous le souhaitez…

ER-Aout2015-EuropeanGoogle

Pourquoi l’Europe n’a-t-elle pas créé Apple, Google ou Tesla? Ou faudrait-il dire pourquoi n’avons-nous ni Steve Jobs, Larry Page ou Elon Musk sur le vieux continent ? L’innovation est affaire complexe où le succès ne survient que lors d’un alignement très improbable de planètes que sont un produit, un marché, des fondateurs et une équipe qu’ils auront su réunir, du capital, voire une situation macroéconomique favorable. De plus on ne peut pas ignorer, dans la réussite d’une start-up, le facteur chance qu’implique cette conjonction improbable.

La récente et très réussie biographie d’Elon Musk [1], le fondateur de Paypal, Tesla Motors et SpaceX décrit de manière exemplaire comment un migrant d’origine sud-africaine, qui aurait pu faire de très brillantes études, prit des décisions risquées avec un acharnement presqu’inhumain pour bâtir des entreprises qui pourraient bien changer le monde. Il faut bien sûr se méfier du mythe du surhomme que la Silicon Valley a tendance à mettre en avant. Tous les succès du nouveau Steve Jobs dépendent d’un environnement favorable et hautement efficace. Mais pourquoi l’Europe et la Suisse ont elles si rarement de « role models » similaires à nous présenter ? Nous avons bien sûr Richard Branson ou la dynastie Hayek et de récentes analyses montrent que l’Europe a aussi ses « unicorns » [2], mais la comparaison montre une Europe « peu farouche ». Alors pourquoi ?

L’analyste sérieux et compétent saura montrer les multiples avantages des Etats Unis : une R&D publique discrète mais considérable, notamment dans le domaine militaire, un marché du capital extrêmement efficace, un marché homogène et parfois protectionniste, et une politique et une économie diaboliquement agressives à la limite de l’impérialisme. Mais le pamphlétaire plus pessimiste pourra aussi constater un vieux continent justement vieillissant, des migrants vus comme des menaces – alors qu’ils constituent la sève de la Silicon Valley – et surtout un manque d’ambition de la jeunesse, encouragé par une société aux rêves éteints.

Le mal est profond. On dit à un jeune diplômé encore plein de rêves d’aller faire ses griffes dans le privé pour acquérir compétence et expérience. Mais quelle entreprise européenne a eu des rêves de véhicules électriques et de voyages interplanétaires ? Pire encore, on dit aux enfants de bien s’intégrer avant tout et l’on en oublie de les laisser rêver plus loin. L’école n’encourage pas les folles aventures et dans cet environnement et les rêveurs retombent vite des étoiles sur le plancher des vaches.

Cinq start-up de l’EPFL ont été vendues récemment (Sensima, Jilion, Lemoptix,Composyt et Aïmago) à la grande satisfaction de leurs fondateurs et de nombreux autres seront ravis de bâtir de solides PMEs avec une cinquantaine d’employés. Mais quand je leur dis qu’aux Etats-Unis leurs homologues rêvent de changer le monde, ils me regardent d’un drôle d’œil. Ils me répondent tout comme leurs investisseurs que nous ne sommes pas sur la même planète et que les modèle allemand ou suisse des PME est une aussi belle alternative. L’ambition est vue comme de l’arrogance et un ingénieur n’aime ni l’incertitude ni le risque de l’échec.

Que de souffrances inutiles pour les rares exceptions. Certains souffrent de conseillers ou investisseurs, parfois incompétents, le plus souvent bienveillants mais n’ayant pour références que nos modestes succès. « Prouve que ton modèle peut d’abord fonctionner ici ». « Ne va pas chercher trop d’argent ». « Tu perdras le contrôle et tu seras remplacé ». Sans oublier les lectures tatillonnes de business plan dont chacun devrait savoir qu’ils ne sont que l’expression d’une vision. Au point que je leur conseille parfois de partir s’ils le souhaitent…

Je vais rester optimiste car Skype et Spotify sont de récents contre-exemples encourageants et l’Europe a pris la mesure de la menace, je crois. Je vais surtout rester optimiste car l’entrepreneuriat est affaire d’exceptions et je côtoie des jeunes gens qui ont encore quelques rêves. Mais s’il vous plait, ne les éteignez-pas !

[1] Elon Musk : Tesla, SpaceX, and the Quest for a Fantastic Future par Ashley Vance; Ecco – mai 2015.
[2] http://www.bloombergview.com/articles/2015-06-16/europe-s-tech-unicorns-are-so-tame