Il y a douze ans, je publiai un article sur ce blog intitulé Obama. Une journée tellement essentielle à l’époque.
Aujourd’hui est peut-être tout aussi essentiel
Voici ce que je publiai le 5 novembre 2008
Il y a douze ans, je publiai un article sur ce blog intitulé Obama. Une journée tellement essentielle à l’époque.
Aujourd’hui est peut-être tout aussi essentiel
Voici ce que je publiai le 5 novembre 2008
Vous trouverez l’épisode 1 ici et l’épisode 2 là. Si les années 60 correspondent aux premiers jours des semiconducteurs qui se sont terminés avec la crise pétrolière en 73, la maturité est venue dans les années 80 avec une seconde crise venue de la concurrence japonaise.
Il y avait encore beaucoup d’incertitude comme le montrent les auteurs dans les chapitres consacrés à Cypress, IDT, Micron. Par exemple :
Un autre exemple de l’incertitude au sujet de quelle technologie était supérieure pour les produits de mémoire à l’époque est celui de 1986, lorsque j’étais fondateur d’une start-up de semi-conducteurs avec un plan d’affaires basé sur la fabrication de produits RAM bipolaires. C’était Synergy Semiconductor. Nous avons été financés par deux sociétés de capital-risque de premier plan de Sand Hill Road, Sequoia Capital et Mayfield Funds. Même ces partenaires VC prétendument intelligents ne pouvaient pas prédire la supériorité de la technologie MOS dans le secteur des puces mémoire. Rodgers et Cypress ont fait le bon pari sur CMOS. Il est également intéressant de noter que Sequoia Capital avait investi dans Synergy avec la technologie bipolaire et Cypress avec la technologie CMOS, couvrant ainsi leurs paris. (Synergy n’est jamais devenu public, a lutté pendant 10 ans et a finalement été racheté par Micrel.)
Intel ne pensait pas avoir besoin de CMOS pour ses produits de mémoire ou de processeur pendant des années. Ils savaient que CMOS était un processus plus complexe, et donc plus coûteux, et ils ne faisaient pas encore face aux limitations de haute puissance de leur processus. Intel n’est passé au CMOS pour les produits de mémoire qu’en 1986. [Page 260]
L’entrepreneuriat est la capacité de faire face à ces incertitudes et aussi d’agir en prenant des risques :
Je savais déjà que [Rodgers] était un gars spécial, très intelligent, en grande forme, qui courait tous les jours et probablement un preneur de risque, mais là c’était fou [plonger dans un endroit dangereux à Hawaï]. Et si le moment était mal choisi et qu’il était aspiré dans le tube ? Comment vais-je obtenir de l’aide, c’est une marche de 15 minutes sur la lave. Mais il l’a fait. Et puis il a sauté. Et il l’a fait deux fois ! Cet événement définit Rodgers. Il est sûr de lui, voire égoïste, mais capable de soutenir ses décisions par des actions et prêt à prendre des risques même si les paramètres ne sont pas totalement connus. Peu de temps après l’escapade de saut de lave, il a quitté AMD et a lancé Cypress Semiconductors. [Page 252]
Alors qu’il était encore chez AMD, [Rodgers] a reçu un appel d’un capital-risqueur qui vérifiait les références d’un dirigeant et d’un inventeur de Fairchild et qui essayait également de lever des fonds pour démarrer une nouvelle entreprise. Cela a fait réfléchir Rodgers : « Si ce type peut lever des fonds et lancer une nouvelle entreprise, pourquoi ne puis-je pas le faire? » Et il a commencé à explorer la possibilité de faire exactement cela. [Page 253]
Cela me rappelle l’une de mes citations préférées sur l’entrepreneuriat, de Tom Perkins, le célèbre P du KPCB (Kleiner, Perkins, Caufield & Byers) : La différence est une question de psychologie: tout le monde dans la Silicon Valley connaît quelqu’un qui réussit très bien dans les petites entreprises de haute technologie, les start-ups; alors ils se disent: « Je suis plus intelligent que Joe. S’il a pu gagner des millions, je peux gagner un milliard ». Alors ils le font et ils pensent qu’ils réussiront et en pensant qu’ils peuvent réussir, ils ont une bonne chance de réussir. Cette psychologie n’existe pas tellement ailleurs.
Si vous avez manqué l’épisode 1, il est ici. Toute la culture de la Silicon Valley nait dans ces premières années. En voici quelques exemples.
Aux débuts du semi-conducteur, il s’agissait principalement d’une recherche de haute qualité: Avec un patron absent, Sherman Fairchild, sur la côte Est, le groupe pouvait se concentrer principalement sur la recherche pure, sans patron pour les déranger. Leur direction principale venait d’une concurrence intense entre eux. Aucun VC ou grande entreprise ne financerait quoi que ce soit de ce genre maintenant ! [Page 14] Les auteurs ont raison. Seul Google le fait peut-être avec ou sans VC ou l’approbation de la hiérarchie et la pression des pairs est similaire.
Ils fabriquent et expédient enfin leur premier produit en 1958, 100 transistors à IBM. [Page 17]
Jack Kilby a reçu le prix Nobel de physique en 2000 pour l’invention du circuit intégré. Malheureusement, Bob Noyce était décédé 10 ans plus tôt et Jean Hoerni 3 ans plus tôt. Le prix Nobel n’est jamais décerné à titre posthume. La communauté scientifique a convenu de manière informelle que Kilby et Noyce avaient inventé la puce et qu’ils en méritaient tous les deux le crédit. [Page 21]
Le chapitre 2 ne concerne pas une startup, Hughes Research Labs, basée à Los Angeles.
Nous n’avions pas d’options d’achat d’actions; peu d’entre nous savaient même ce qu’ils étaient. [Page 48]
Avoir des dirigeants dynamiques qui ont laissé libre cours à de jeunes ingénieurs et scientifiques ambitieux signifiait que les ingénieurs et les chercheurs étaient stimulés par la concurrence entre eux plutôt que par les couches de gestion au-dessus, ce qui a contribué à créer une explosion de papiers et de brevets. Cependant, dans les deux cas [chez Fairchild et Hughes RL], le transfert de technologies de la R&D à la production n’a pas été facile. Bien qu’il s’agisse d’organisations distinctes, les deux étaient de très grandes structures d’entreprise. Mais dans le cas de HRL, avoir la R&D et la production au même endroit physique signifiait que les discussions entre les deux groupes étaient assez fréquentes.
Une autre difficulté était l’absence de programme d’options d’achat d’actions chez HRL. Cela a certainement causé un chiffre d’affaires personnel important, en particulier parmi les jeunes scientifiques non attachés qui entendaient parler du nouveau monde utopique et de ses packages d’options d’achat d’actions lucratifs, dans la Silicon Valley. [Page 67]
Chapitre 3: Intersil, une occasion perdue.
Une autre généalogie de la Silicon Valley et en extrait, l’impact de Jean Hoerni.
Intersil a été fondée par Jean Hoerni, l’un des huit traîtres. Les débuts sont mieux décrits comme un mélange de génie et de chaos. Les deux personnalités les plus polyvalentes étaient Jean Hoerni et Don Rodgers, le vice-président des ventes et également un ex-Fairchild. Hoerni avec 2 doctorats en physique était un génie timide assez introverti mais enclin à des sautes d’humeur imprévisibles. Rodgers était un extraverti. Il venait de l’équipe des ventes de Fairchild des années 1960, bruyante, dure, endurante et encline à la boisson. L’une des premières frustrations était l’inefficacité du service marketing. [Page 71]
La personnalité controversée et rebelle de Hoerni a souvent séduit les jeunes cadres et ingénieurs qui cherchaient également la prochaine opportunité et rejetaient également le conformisme et l’autorité, en partie à cause du traumatisme de la guerre du Vietnam.
Lorsque j’ai [Luc Bauer] commencé à travailler avec Hoerni, il m’a fortement conseillé de ne pas être aveuglément fidèle à une entreprise, mais uniquement à mes propres ambitions et objectifs. Il a dit que si votre employeur ne vous aide pas à les atteindre, vous feriez mieux de changer d’entreprise ou de créer la vôtre parce que la vie est trop courte. [Page 74]
Mais Intersil n’a pas réussi comme Intel… raison pour laquelle Bauer parle d’occasion perdue. Il suffit de regarder dans le tableau suivant les chiffres d’affaires d’Intersil (fondée en 67, IPO 72) et d’Intel (fondée en 68, IPO 71)
Joe Rizzi, l’un des fondateurs d’Intersil a résumé ses sept années chez Intersil en deux mots: Occasion perdue. Il a déclaré que toutes, ou la plupart des sept catégories de produits, auraient pu devenir des entreprises importantes à elles seules, avec suffisamment de soins et de concentration pour soutenir leur croissance. À l’époque, l’incertitude du marché poussait à la diversité des produits. La concentration étroite d’Intel sur un produit était un pari risqué. [Page 102]. Intersil a réalisé un chiffre d’affaires de $572M en 2014 et a été acquise par Renesas en 2017. Intel est désormais une entreprise de $71,9B …
J’ai ressenti un peu de nostalgie lorsque j’ai reçu l’e-mail suivant: “L’idée de faire un livre sur le démarrage des semi-conducteurs me taquinait depuis un moment, j’ai finalement trouvé un copain de longue date qui a été d’accord de faire ce livre avec mois ces 2 dernières années. On a été beaucoup aidé dans cette mission par le Computer History Museum (CHM) de Mountain View, CA. Le livre se concentre sur la période entre la fin des années 50 jusqu’à la fin des années 90, sur l’histoire du développement des processus industriels MOS et CMOS principalement mais pas seulement du point de vue des chefs, mais aussi des travailleurs des fab et des managers de fab que nous étions à ce moment. On décrit le développement de 9 compagnies que nous connaissions bien et qui avaient développé des technologies originales: Fairchild, Hughes, Intersil, Eurosil, Intel, AMD, IDT, Cypress, et Micron. Le titre est The Microchip Revolution – A Brief History.”
J’ai rencontré Luc Bauer au début des années 2000 lors d’un investissement dans une startup dans laquelle il était un business angel et un mentor. Je me souviens comment il m’a fait la leçon en disant que Kleiner Perkins était beaucoup plus professionnel que nous ! Luc est un gentleman, ce qui ne veut pas dire qu’il ne peut pas être dur quand il est frustré ; quand les gens ont travaillé dur dans la Silicon Valley comme lui, ils peuvent être vraiment durs ! Mais nous sommes restés en contact et j’étais si heureux de commencer à lire son livre il y a quelques jours.
Ceci est un poster de la « Silicon Valley Genealogy » des startups dans le semi-conducteur du milieu des années 50 au milieu des années 80. C’est ce que Luc décrit à travers 9 entreprises dont je suis sûr qu’elles figurent sur cette affiche. Au fait, Luc est là aussi.
Son livre commence par Fairchild et les huit traîtres et cela se comprend aisément car Fairchild est à l’origine de la généalogie. D’ailleurs, le livre est dédié à l’un des huit traîtres, Jean Hoerni, un ressortissant suisse et l’une des rares personnes dont j’ai entendu parler avec 2 doctorats. Luc a la même double culture et double formation (Diplômé de l’EPFL Lausanne et puis de Caltech)
Voici donc quelques extraits: « Une bonne partie de notre motivation [pour écrire le livre] était de revivre l’intensité de nos vies lorsque nous avons débuté dans cette industrie : les heures interminables et stressantes à la recherche des facteurs de diminution des rendements, la grande excitation et des cris de joie lorsque vous voyez un tout nouveau produit de circuit intégré prendre vie et fonctionner parfaitement lorsque la tranche traitée « à chaud hors du four » est placée pour la première fois sur la sonde de test électrique. Un autre grand facteur de motivation pour nous était de propager une histoire importante aux jeunes générations, à savoir que travailler dans les domaines de la haute technologie est difficile et épuisant, mais aussi une source de joie et de fierté car il est facile de voir l’impact de votre travail acharné sur l’entreprise pour laquelle vous travaillez et éventuellement sur le monde dans lequel vous vivez. »
Permettez-moi de redire ceci, en gras cette fois: Un autre grand facteur de motivation pour nous était de propager une histoire importante aux jeunes générations, à savoir que travailler dans les domaines de la haute technologie est difficile et épuisant, mais aussi une source de joie et de fierté car il est facile de voir l’impact de votre travail acharné sur l’entreprise pour laquelle vous travaillez pour et éventuellement sur le monde dans lequel vous vivez.
Plus à venir j’en suis sûr!
Bad Blood de John Carreyrou est un thriller et un document extraordinaire sur Theranos, une startup de la Silicon Valley, et sa cofondatrice Elizabeth Holmes. Probablement le plus grand scandale créé par une startup high-tech mais sans doute pas tant révélatrice de la Silicon Valley que des extrêmes que l’hubris et l’absence totale d’éthique de la nature humaine peuvent engendrer.
C’est un thriller, un « page-turner », mais c’est la réalité, malheureusement. En fin de compte, Carreyrou est assez peu perplexe sur Holmes: a-t-elle été manipulée, a-t-elle perdu le contrôle? Il fournit des réponses (pages 372-73): Holmes savait exactement ce qu’elle faisait et elle tenait tout sous contrôle. Lorsqu’un ancien employé s’est entretenu pour un emploi chez Theranos à l’été 2011, il a interrogé Holmes sur le rôle du conseil d’administration de l’entreprise. Elle a été offensée par la question. « Le board n’est que fictif », se souvient-il d’elle le disant: « Je prends toutes les décisions ici. » Un sociopathe est souvent décrit comme quelqu’un avec peu ou pas de conscience. Je vais laisser aux psychologues le soin de décider si Holmes correspond au profil clinique, mais il ne fait aucun doute que sa boussole morale était désorientée.
C’est un thriller car Carreyrou présente de nombreuses personnes qui ont souffert du manque total d’éthique et des méthodes secrètes de l’entreprise. Theranos n’a pas hésité à les menacer et a fait appel aux avocats les plus chers qui savent intimider. Homes a su séduire, convaincre : elle fait aussi partie de cette terrible mentalité qui nous tue depuis 20 ans: si vous n’êtes pas (totalement) avec moi, alors vous êtes mon ennemi et je vous écraserai. À lire absolument!
Maintenant, Theranos était basé dans la Silicon Valley mais n’est pas une illustration de ce qu’est la Silicon Valley. Les gens n’ont pas à aimer Silicon Valley, mais utiliser Theranos comme un argument est une erreur : la Silicon Valley, du moins celle que je connais ou que je connaissais et apprécie, est un endroit où la confiance et l’honnêteté sont des valeurs primordiales. Cela prendrait beaucoup de temps à expliquer, mais voici une autre citation de la raison pour laquelle Theranos est vraiment une aberration de la région (pas la seule, mais elles ne sont pas si nombreuses) :
Actually the most striking thing about Theranos's cap table was the lack of SV firms.
— Paul Graham (@paulg) July 29, 2020
Ah oui, la cap. table. Mon exercice favori ! Difficile à faire ici car il y a très peu d’information. Voici ce que j’ai pu construire.
C’est juste après avoir lu sur Twitter que Google venait de devenir une entreprise de mille milliards de dollars (In honor of Google becoming a $1T company today), et aussi après avoir lu les préoccupations de Nicolas Colin concernant les entreprises technologiques européennes (Will Fragmentation Doom Europe to Another Lost Decade?) que je me suis souvenu avoir régulièrement comparé les anciennes startups technologiques américaines et européennes.
In honor of Google becoming a $1T company today, presenting its pre-IPO financials…lmao😳
Just insane pic.twitter.com/kXqwiRkUdo — Andrew Reed (@andrew__reed)18 janvier 2020
Voici donc mes tableaux passés et aussi une courte synthèse à la fin.Les données complètes en pdf à la fin aussi.
USA vs. Europe en 2020
USA vs. Europe en 2018
USA vs. Europe en 2016
USA vs. Europe en 2014
USA vs. Europe en 2012
USA vs. Europe en 2010
USA vs. Europe: une synthèse sur la décennie
Si vous préférez télécharger le tout et un peu plus : Le Top US / Europe (en pdf)
En examinant de vieilles archives, j’ai redécouvert une lettre écrite par un membre de la famille en octobre 1993. À l’époque, je vivais en Californie. Je l’ai relue, l’ai tellement adorée pour des raisons personnelles, mais aussi l’ai trouvée si clairvoyante que j’ai décidé de la partager ici. J’espère que certains l’aimeront.
Dites-moi, mes bons amis, qu’est-ce donc que l’Amérique ? La rudesse des confins, cette impossible frontière où l’homme se trouve par la violence dépouillé du mensonge, où la vérité se fait jour ? Les vieilles terres du sud, si charnelles, si indolentes, si cruelles ? Les coups de vents dévastateurs et les cyclones dans les affaires qui font migrer les gens d’un bout à l’autre du pays ? Les Noirs, les Jaunes, les basanés, les mordorés et ces Indiens qui ouvrent des casinos dans leurs réserves, histoire de reprendre un peu de pouvoir aux Blancs ? Les Indiens sont un songe déglingué, comme la route 66, comme le train des Rocheuses. En Europe, nous vivons paradoxalement l’Amérique sur le mode du regard, plus que sur celui de l’écrit ou de la pensée. Tout le monde ne lit pas Tocqueville, puis, quel est le successeur de Tocqueville ? Reste l’image. Une fatrasie d’images où régnait la violence et le mélo, entre pop-corn et ice-cream, les hommes tannés des westerns, statues de poussière et de vent, les comédiens éblouissants des musicals, Miles Davies, tête baissée, lunettes noires, visage émacié, poussant sur sa trompette dans une encoignure, des suffragettes excitées et des sodomites en délire. Le vrai et le faux de mélangent, se confondent. La mémoire bégaye. De Niro ne cesse de retourner vers ses compagnons, les aciéristes, par un soir de pluie, gravissant une rue boueuse bordée de petits pavillons, dans le décor gris-bleu, monstrueux et hétéroclite, des fonderies ; Kennedy s’effondre encore à l’arrière de sa grande voiture décapotable, sous l’œil effaré de Jackie ; et je contourne toujours Long Island et Brooklyn pour aborder le défi orgueilleux des tours de Manhattan. Ou je survole de hautes montagnes, des déserts, des lacs, des plaines sans fin, où l’œil accroche, jalonnant l’immensité, pressées, serrées, des grappes de gratte-ciel, termitières du jour, monuments de verre et de béton dans le silence des nuits, édifiés à la gloire dont ne sait quel dieu mort.
Je regarde parfois CBS Evening News, je vois des gens s’inquiéter de tout et de n’importe quoi, jusqu’à l’obsession. Hantés par le cancer, la cellulite, le lait empoisonné, l’amaigrissement hâtif, la fumée de tabac, la main lest des hommes et le regard de l’autre. Je me demande : qu’est devenue la fière Amérique ? Ou n’a-t-elle jamais existé que dans les discours des présidents sur l’état de l’Union ? Qu’est-ce donc l’Amérique ? Thoreau et les transcendantalistes, Charles Ives, l’assureur musicien, qui a capté comme personne le fracas des orphéons, la fête et les lenteurs provinciales, l’immensité des terres et la simplicité des êtres ? Ou les Noirs qui sont peut-être les plus américains des Américains puisqu’ils ont vraiment perdu leurs racines (l’Afrique n’est pas lieu, mais un mythe et des rythmes alors que les émigrants ont encore des familles, qui en Sicile, qui en Corée, qui au Mexique, qui en Irlande) ? Ou ce « melting pot » qui ne se mélange pas, mais qui unit parce qu’à la manière des féodaux, l’appartenance vise les personnes, la foi jurée, requiert l’individu au plus noble de lui-même ? (Peut-être ne faut-il pas trop se moquer des Bibles déposées dans les chambres d’hôtel. Elles symbolisent le rapport direct, intime que les protestants établissent entre l’homme et son créateur. Transposé, on aperçoit le rapport direct, transcendant toutes les médiations administratives, juridiques, institutionnelles, qui unit l’homme américain à l’Amérique : Dieu, c’est l’Amérique. Comme Dieu, serait-elle inaccessible à notre intellect ?) On trouve de tout, semble-t-il en Amérique. Serait-elle le grand magasin du créateur, la Samaritaine de l’éternité ? L’Amérique est-elle hors du temps ? Alice au pays des décombres erre parmi les silos abandonnés, les usines désertées, les jerricanes au rebut, les pneumatiques usés, les carrosseries rouillées, pour découvrir dans un champ d’épandage l’inattendu, le surprenant, l’éternellement neuf. L’Amérique pionnière et fatiguée.
Je me dis ceci, mais peut-être ai-je tort. L’attitude ambigüe que nous les Vieux Européens avons à l’égard de l’Amérique tient passablement du rapport parents-enfants qui mêle ambition, espoir, attente et déception, surprise et incompréhension, ravissement et exaspération, tendresse et colère. Reconnaissance, méconnaissance. Un être neuf est sorti de nous, qui nous prolonge mais qui n’est pas nous-mêmes et dont le destin nous échappe. America, America, le rêve de l’émigrant, mais aussi en quelque manière notre rêve à tous. La nouvelle Jérusalem ou la nouvelle Babylone. Quelque chose frappe, si l’on tente de survoler les siècles. L’autre côté. L’autre côté des collines, l’autre côté des montagnes. Nous sommes gens de petits témoins, d’horizons limités. Qui se sont souvent querellés, battus, entretués de vallée à vallée, de château à château, de bourg à bourg, de pays à pays. Moins pour prendre, sinon par rapine, moins pour s’agrandir que pour asseoir un lieu, un domaine, un territoire comme partie de soi, d’où l’autre sera exclu, toléré à la rigueur, toujours en situation d’extranéité. Et soudain, voilà que ces Lilliputiens s’en vont. Vous rendez-vous compte, mes amis, de ce que représente pareil départ ? Il ne s’agit pas exactement de voyage, de la curiosité du voyageur – il y a toujours eu des Hérodote, des Marco Polo. Pas davantage de commerce ou de l’errance qui suit les voies de l’échange. La démographie, l’économie, la politique des puissances, la religion peuvent nourrir les motivations et suffire à l’historien. Encore faut-il une détermination plus haute qui oriente les choix. Comment la nommer ? L’appel de l’inconnu, la volonté de force le destin, la capacité d’affronter le mystère ? Nous sommes des êtres de manque, dit le philosophe. Des êtres de désir. Manquer, c’est avoir le désir d’autre chose, qu’on ne peut définir puisqu’on en a une idée négative. Une audace inouïe : nier le présent pour s’ouvrir au mystère. Debout, les yeux ouverts sur l’horizon. Affronter l’immensité océane et ses fureurs, aborder des terres aussi vastes que la mer, s’enfoncer au profond de forêts immenses, cathédrales d’ombre grouillant d’une vie étrange, suivre la trace du soleil dans les mirages d’or du désert, découvrir des mœurs bizarres, incompréhensibles, sauvages, et des peuples plus nombreux que les grains de sable sur la plage. Mais surtout être devant la démesure dans la démesure dans céder. Et rester, ou revenir, avec dans la tête, le petit monde lointain, si lointain, quitté il y a si longtemps, dont les contours minuscules s’engourdissent lentement dans le sommeil du souvenir. Qu’y avait-il au cœur de cette volonté obstinée ? Peut-être la trace secrète d’une très longue mémoire. Après tout, chacun de nous descend plus ou moins de lointains envahisseurs. Celtes, Francs, Germains, Goths, quels étaient nos ancêtres ? Et avons-nous gardé dans les recoins de nos désirs l’empreinte de ces anciennes migrations ?
Asie, Afrique, Amérique, tous ces continents n’étaient pas également offerts au peuplement des colons. L’Asie, l’Afrique, des mondes trop remplis déjà ou des natures trop difficiles, trop hostiles. Restait l’Amérique et singulièrement l’Amérique du Nord à l’occupation lâche et dont la façade atlantique, vers le 40e parallèle, n’était somme toute pas si dépaysante pour des Européens. L’esprit d’entreprise du protestantisme a fait le reste. On pouvait bâtir sa Nouvelle Angleterre et s’imaginer qu’on allait reproduire en l’épurant dans une sorte de rêve virgilien la vieille mère Europe. Qu’est-ce alors que l’Amérique ? Vue rétrospectivement, elle peut apparaître comme le développement d’une simple conjoncture historique, comme le fruit du hasard et de la nécessité. Ou bien dira-t-on tel était le destin inscrit, quasiment de toute éternité, sur ce morceau de continent ? Pourquoi faut-il, que songeant à l’Amérique, j’ai le sentiment d’une réalité infiniment vieille et d’une promesse toujours inachevée ? En ce sens, si l’Amérique découle d’un destin, ce destin est toujours à venir, demeure toujours une ouverture sur l’inattendu.
Ceci par exemple, qui relève de l’entendement. Nous autres, Français, avons la religion du texte bien conduit, selon l’ordre des raisons : nous aimons une réflexion bien menée et quoi de plus aimable que d’aller de l’idée à ses conséquences ; nous sommes des législateurs de l’écriture. Le pragmatisme américain tend à n’avancer d’idées générales qu’étayées par l’analyse des faits. [C’est moi qui souligne.] Cela ne le libère pas de préjugés, mais lui donne une puissante mobilité et le prémunit contre l’excès des systèmes. Or je crois que dans la crise intellectuelle que nous vivons, nous ne parviendrons pas à nous diriger si nous ne retrouvons pas une compréhension satisfaisante du multiple et de la multiplicité, laquelle est bloquée, ou du moins contrariée, par le besoin de l’interprétation unitaire, besoin profondément enraciné en ce qu’il relève de la théologie chrétienne et de ses antécédents hébraïques. Parce que l’Amérique est essentiellement multiple, parce que l’unitaire n’est chez elle que le moyen d’associer et de coordonner ces multiplicités dans la foi en l’Amérique et la foi en l’individu, peut-être les pensées neuves nous viendront-elles d’outre-Atlantique. Et à notre habitude, nous les systématiserons. Pour le plaisir de l’ordre. Éternelle jeunesse de l’Amérique ? Mais qu’est-ce donc que l’Amérique.
Pardonnez-moi de vous écrire si tard. (J’espère que cette lettre tarabiscotée vous parviendra.) Je vous remercie de m’avoir donné de vos nouvelles. Si peu de gens le font. Mais je suis un mauvais épistolier. Je cours après les sous qui eux courent après les habiles et le temps me manque.
Je vous embrasse,
Georges, le 2 octobre 1993.
Excellent numéro de la célèbre revue Esprit sur l’idéologie de la Silicon Valley. Vous y trouverez des contributions de Emmanuel Alloa, Jean-Baptiste Soufron, Fred Turner, Shoshana Zuboff, Antonio Casilli, Jean-Pierre Dupuy.
J’ai surtout été frappé par l’étonnant entretien avec Fred Turner: Ne Soyez pas malveillants. Utopies, frontières et brogrammeurs. C’est en fait une traduction originellement publiée par LogicMag, que vous pouverz aussi découvrir en anglais: Don’t Be Evil. La lecture en vaut vraiment la peine. C’est son explication des racines de la Silicon Valley qui m’ont le plus étonné et comment elles influencent encore aujourd’hui cette région qui en définitive n’est pas très idéologique, même si les autres auteurs ont des points de vue variés.
Par exemple: « Pour trouver son origine, il faut remonter au communautarisme des années 1960. Il y avait en fait deux courants dans la contre-culture. L’un, la nouvelle gauche (New Left), faisait de la politique pour changer la politique, en étant fortement axée autour des institutions, sans vraiment se méfier de la hiérarchie. L’autre – et c’est dans ce courant que le monde de la technologie a trouvé son élan –, c’est ce que j’appelle les néo-communautaristes. Entre 1966 et 1973 a eu lieu la plus grande vague de développement de communautés qu’ait connue l’Amérique. Ces gens -s’appliquaient à abandonner la politique et la bureaucratie pour se tourner vers un monde dans lequel ils pouvaient modifier leur conscience. » Puis « Quant à savoir si cette tradition techno-utopique est aussi ancrée dans l’industrie technologique aujourd’hui qu’elle ne l’a été par le passé, cela varie selon l’entreprise. À certains égards, Apple est très cynique. La marque commercialise sans arrêt des idées utopiques. Elle commercialise ses produits comme étant des outils de transformation utopique et ce, dans un esprit de contre-culture. Dès la naissance de l’entreprise, Apple a repris toute une série d’emblèmes de la contre-culture. Dans d’autres entreprises, en revanche, c’est sincère. J’ai récemment passé beaucoup de temps chez Facebook, et ils veulent sincèrement construire ce que Mark Zuckerberg appelle un monde plus connecté. Je ne saurais pas dire si leurs pratiques correspondent à leurs convictions. Il y a environ une dizaine d’années, j’ai passé beaucoup de temps chez Google. Ce que j’y ai observé est une boucle intéressante. Celle-ci commençait par : « Ne soyez pas malveillants. » La question se posait alors de savoir : « D’accord, qu’est-ce qui est bien ? » L’information donne aux individus des moyens pour agir, elle les autonomise. Il est donc bon de fournir de l’information. Qui fournit cette information ? Ah d’accord, c’est Google qui la fournit. Donc vous vous retrouvez avec cette boucle, où ce qui est bon pour les individus est bon pour Google, et vice versa. C’est un espace difficile à vivre. L’élan pour sauver le monde est tout à fait sincère, mais les gens ont tendance à confondre cet élan avec celui qui consiste à faire le bien de l’entreprise. C’est une vieille tradition protestante. »
Jean-Pierre Dupuy dans « La nouvelle science des données » explique brillamment qu’il n’y a pas de science des données. La science concerne les causes, les données concernent davantage les corrélations qui ne peuvent pas vraiment aider aux prévisions (j’espère avoir compris son message!). Permettez-moi de citer une phrase: « L’idéologie qui accompagne le big data, quant à elle, annonce l’advenue de nouvelles pratiques scientifiques qui, faisant passer l’exigence théorique au second plan, mettent en péril l’avancée des connaissances et, plus grave encore, minent les fondements mêmes d’une éthique rationnelle. »
Je ne peux que vous encourager à vous procurer cette excellente publication.
J’étais invité ce matin à débattre des méthodes de travail et de management (y compris « l’utilisation du bonheur ») importées de la Silicon Valley. Je mets plus bas (après les tweets) les notes que j’avais prise pour préparer cette émission
[EN DIRECT] Travail : les nouvelles conditions
Le bonheur, une idée neuve dans les entreprises ?Quelles sont les valeurs portées par le nouveau management ?#management #SiliconValleyhttps://t.co/Kjf7kbTDpZ pic.twitter.com/ngNAvfdYMS
— Culturesmonde (@CulturesMonde_) June 12, 2019
Fabien Blanchot : « Le management ne disparaît pas. En revanche il peut y avoir débat sur l’existence ou non de managers. Même si on supprime les coachs, on fait perdurer des accompagnateurs. #management #manager https://t.co/Kjf7kcbeOz» pic.twitter.com/evCm0B47ah
— Culturesmonde (@CulturesMonde_) June 12, 2019
.@hlebret : « C’est une recherche d’efficacité qui n’est pas manipulatoire, qui a souvent été discutée avec les employés eux-mêmes. »#management #bonheurhttps://t.co/Kjf7kcbeOz pic.twitter.com/fmbbg93rc8
— Culturesmonde (@CulturesMonde_) June 12, 2019
Fabien Blanchot : « Dans l’économie de la connaissance, il faut faire vibrer les cerveaux et les cœurs. On est nécessairement dans un mode de management qui doit tenir compte des aspirations de ces cerveaux et de ces cœurs. » https://t.co/Kjf7kcbeOz pic.twitter.com/o6yGZBHldl
— Culturesmonde (@CulturesMonde_) June 12, 2019
.@jbaptistemalet : « Beaucoup d’employés qui entrent dans un entrepôt Amazon ont des paillettes dans les yeux. Ils déchantent car ils réalisent rapidement qu’il s’agit d’un vernis. »#Amazon #entrepot #managementhttps://t.co/Kjf7kcbeOz pic.twitter.com/iyPwyCTQ6t
— Culturesmonde (@CulturesMonde_) June 12, 2019
.@hlebret « On ne peut malheureusement pas comparer la situation d’un employé dans un entrepôt d’Amazon et celle d’un jeune développeur qui arrive à Google avec un doctorat de Stanford. »#management #Google #Amazonhttps://t.co/Kjf7kcbeOz pic.twitter.com/re8pHUi6ga
— Culturesmonde (@CulturesMonde_) June 12, 2019
Voici les notes que je m’étais préparées.
On ne peut pas mettre dans les même paquet tous les GAFAM. Tout d’abord Amazon et Microsoft qui par coïncidence ne sont pas basées dans la Silicon Valley, mais à Seattle ne sont pas connues pour un management original. Ni Bill Gates, ni son successeur Steve Ballmer, ni Jeff Bezos ne sont connus pour des styles de management innovants. Par contre Google, Apple et Facebook ont sans doute des similarités:
– ce sont des méritocraties et le travail est la valeur « suprême », plus que le profit, au risque de tous les excès: recherche de performance, concurrence et risque de burn-out. On ne tient pas toujours très longtemps chez GAF
– on y recherche les meilleurs talents (sur toute la planète et sans exclusive, au fond le sexisme et le racisme n’y existent pas a priori)
– le travail en (petites) équipes est privilégié.
Du coup le management a innové pour permettre cette performance et reconnaître les talents (par le fameuses stock options mais aussi une multitude de services pour rendre les gens toujours plus efficaces)
J’aimerais vous mentionner 3 ouvrages (sur lesquels j’avais bloggé pour 2 d’entres eux)
– Work Rules décrit le « people management » chez Google (ils ne parlent « plus » de ressources humaines). L’auteur Lazlo Bock qui fut le patron de cette activité a quasiment théorisé tout cela. Vous trouverez mes 5 posts sur ce livre par le lien: https://www.startup-book.com/fr/?s=bock. C’est un livre en tout point remarquable parce qu’il montre la complexité des choses.
– I’m feeling Lucky décrit de l’intérieur ces manières hétérodoxes de « foncer ». Un pro du marketing montre comment Google a tout chamboulé par conviction / intuition plus que par expérience. https://www.startup-book.com/fr/2012/12/13/im-feeling-lucky-beaucoup-plus-quun-autre-livre-sur-google/
– Enfin un livre hommage sur Bill Campbell vient de sortir écrit par l’ancien CEO de Google Eric Schmidt. https://www.trilliondollarcoach.com. Comme je viens de commencer ce livre, je peux en parler plus difficilement mais il serait dommage d’oublier cette personnalité qui fut le « coach » de Steve Jobs, Eric Schmidt et Sheryl Sandberg, trois personnes majeures pour justement les GAF! Or ce Bill Campbell, décédé il y a 3 ans, fut une personne essentielle à cette culture du travail et de la performance. Ses valeurs sont décrites dans https://www.slideshare.net/ericschmidt/trillion-dollar-coach-book-bill-campbell. Bill Campbell revient de temps en temps sur mon blog pour des anecdotes assez étonnantes. (https://www.startup-book.com/fr/?s=campbell). Par exemple, chez Google on a souvent pensé que les managers étaient inutiles. L’autonomie d’individus brillants devait suffire… mais ce n’est pas si simple! – voir https://www.startup-book.com/fr/2015/09/01/google-dans-le-null-plex-partie-3-une-culture/.
A nouveau excellence des individus et travail en équipe, reconnaissance des talents à qui on donne autonomie, responsabilité(s) avec peu de hiérarchie semble être le leitmotiv… Tout cela on pas pour rendre les gens heureux, mais pour leur permettre d’être plus efficace parce qu’ils sont « heureux » au travail. « People First ». L’objectif c’est de fidéliser, de rendre plus productif, mais c’est aussi une mise en pratique de la confiance en les autres.
Alors comme je l’avais lu chez Bernard Stiegler, à toute pharmacopée sa toxicité. Les excès dans des valeurs conduisent à des abus. Trop de travail, de concurrence, de pression conduit au burnout. J’ai l’impression que la politique et même le sexisme y jouent moins de rôle qu’on pense, même s’il y en a comme partout. Quant au racisme, il me semble limité (et on est aux USA!) Le sexisme est un vrai sujet, mais je vois plus des nerds qui ont peur ou ne connaissent pas les femmes que des « old boy clubs of white men » qui dirigeraient les choses comme je l’ai lu (même si cet élément existe j’en suis sûr). La polémique sur la congélation des ovocytes chez Facebook peut être lue de manière contradictoire j’imagine. J’ai aussi abordé le sujet dans le passé, https://www.startup-book.com/fr/?s=femmes ou https://www.startup-book.com/tag/women-and-high-tech/. L’autre sujet de diversité, est plus clair: il y a tellement de nationalités dans les GAFAs et les startup en général que le racisme est dur à imaginer. Indiens, chinois surtout sont présents et jusqu’au somment (les CEO de Google et Microsoft aujourd’hui). Seule la minorité « African-American » est sans doute sous représentée et on peut imaginer que tout cela est corrélé avec le problème de l’accès à l’éducation (qui existe moins en Asie)
Voilà, c’est déjà beaucoup pour ne pas dire trop… je trouve que commencer par Bill Campbell est une manière simple et efficace d’entrer dans le sujet. Et maintenant que j’y pense tout cela est d’autant plus facilement que vous verrez que mes lectures récentes sont liées au « sens du travail » (Lochmann, Crawford, Patricot) https://www.startup-book.com/fr/?s=travail
Mes amis de l’INRIA viennent de me mentionner une interview de Steve Jobs par la télévision française en 1984, quand on lui a demandé s’il pouvait demander un emploi similaire dans la Silicon Valley. Voici sa réponse:
– Le niveau de recherche est bon mais les applications concrètes semblent poser problème et il s’agit d’une étape importante pour l’innovation.
– Cela vient d’un manque d’entreprises prêtes à essayer.
– Le risque est rarement pris par les grandes entreprises, mais par les petites.
– Vous avez besoin de nombreuses petites entreprises avec des étudiants talentueux et du capital-risque
– Vous avez également besoin de champions que vous prenez comme modèles, qui permettent de dire « l’innovation c’est ça! »
– Il existe un problème plus subtil, culturel: en Europe, l’échec est grave. Si vous échouez en Europe juste après l’université, cela vous suit à tout jamais. Aux États-Unis, nous échouons tout le temps.
– Vous avez également besoin d’une industrie du logiciel solide, car le logiciel est le nouveau pétrole. Vous avez besoin de centaines de petites entreprises et vous pouvez alors dominer un secteur.
– Vous avez besoin d’étudiants talentueux, d’une bonne compréhension de la technologie et encourage les jeunes à créer de petites entreprises.
– Il s’agit d’initiative privée. Les grandes entreprises ne doivent pas intervenir, pas plus que le gouvernement. Nous devrions laisser les entrepreneurs les posséder.
Trente cinq ans plus tard, la situation a-t-elle changé? Et s’il était vivant, dirait-il la même chose. Je vous laisse juge…