Archives de catégorie : La Silicon Valley et l’Europe

L’importance des migrants selon Philippe Mustar

Un article qui date un peu (novembre 2022) est venu me rappeler l’importance du sujet. L’article publié par le monde, « Tous les immigrés sont des entrepreneurs », est réservé aux abonnés et je ne peux en citer que le début:

Une récente étude de la National Foundation for American Policy (NFAP, 2022) sur l’origine des créateurs des « licornes », ces jeunes entreprises non cotées en Bourse et évaluées à plus d’un milliard de dollars (960 millions d’euros), montre non pas l’importance mais bien le rôle prédominant des immigrés dans la création de ces dernières. Aux Etats-Unis, plus de la moitié d’entre elles (319 sur 582, soit 55 %) ont été fondées ou cofondées par un ou des immigrés. Si l’on prend en compte non seulement les immigrés mais aussi leurs enfants, ce pourcentage monte à 64 %. Et lorsqu’on élargit le spectre en ajoutant les immigrés non fondateurs mais occupant un poste-clé de direction dans l’entreprise (PDG ou vice-président de la technologie), il atteint 80 %. L’immigration joue bien un rôle massif dans les succès de l’entrepreneuriat aux Etats-Unis.

Cela d’autant plus que l’analyse de ces 319 entreprises souligne que 58 % d’entre elles avaient un ou plusieurs fondateurs immigrés et aucun fondateurs natifs, que 28% comptaient une majorité de fondateurs immigrés ou un nombre égal de fondateurs immigrés et natifs, et que seules 14 % avaient une majorité de fondateurs natifs. Comme l’étude l’indique : « Etant donné que chaque cofondateur contribue à la réussite d’une start-up, il semble probable qu’aucune de ces entreprises d’un milliard de dollars ayant au moins un fondateur immigré n’existerait ou n’aurait été créée aux Etats-Unis si le fondateur né à l’étranger n’avait pas été autorisé à venir aux Etats-Unis. »

Le sujet de l’importance des migrants dans l’entrepreneuriat n’est pas nouveau. Vous pouvez regarder le tag Immigrant et en particulier:
– Mars 2016 : Les migrants et les licornes.
– Juin 2013 : AnnaLee Saxenian, Migrations, Silicon Valley, et Entrepreneuriat.

Je ne ferai pas de longs commentaires si ce n’est remercier Philippe Mustar pour son article et en effet insister sur l’importance des migrants dans le monde des startup.

Le mythe de l’entrepreneur – Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley (3/3)

Ceci est une suite très légère aux 2 billets sur Le mythe de l’entrepreneur de Galluzzo. Le lien est très faible : la Silicon Valley est-elle principalement une région de storytelling dont il faut défaire l’imaginaire ou s’agit-il davantage d’un cluster technologique complexe ? Comme je combine les deux approches sur ce blog, j’ai jeté un coup d’oeil sur ce que j’ai écrit au fil des ans. Cela peut ressembler à un « ego trip », j’en suis désolé, mais ce sera aussi mon archive en ligne ! Oui, il y a beaucoup d’histoires, mais il y a aussi des recherches utilisant des statistiques et des tonnes de données…

Visiting Scholarship

How the state can be a venture capitalist? January 2019. Visiting scholarship at International Monetary Fund, Washington DC, USA. Rapport disponible sur demande.

Livres et publications sur les domaines de l’innovation et de l’entrepreneuriat

H. Lebret, Are Biotechnology Startups Different? April 2018. https://arxiv.org/abs/1805.12108

H. Lebret, Equity in Startups, September 2017. http://arxiv.org/abs/1711.00661

H. Lebret, Startups and Stanford University, August 2017. http://arxiv.org/abs/1711.00644

H. Lebret, Startups at EPFL, June 2017 papers.ssrn.com/abstract_id=3317131

H. Lebret, What Europe still has to learn from the US in academic innovation in Academic Spin-Offs and Technology Transfer in Europe Edited by Sven H. De Cleyn (Chapter 12), Edward Elgar Publishing Ltd. 2016 ISBN: 9781784717377

H. Lebret, Start-up, A Culture of Innovation, Amazon.com – March 2016
H. Lebret, Start-Up, une culture de l’innovation (French Edition), Amazon.com – Mars 2016

H. Lebret, Age and Experience of High-tech Entrepreneurs, Babson College Entrepreneurship Research Conference 2014
H. Lebret, Age and Experience of High-tech Entrepreneurs, Journal of Business and Economics, vol.5, nb.12, pp.2327-2336. DOI: 10.15341/jbe(2155-7950)/12.05.2014/013

H. Lebret Serial Entrepreneurs: Are They Better? – A View from Stanford University Alumni. August 2012. Babson College Entrepreneurship Research Conference (BCERC) Frontiers of Entrepreneurship Research: Vol. 32. http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2133127

H. Lebret Stanford University and High-Tech Entrepreneurship: An Empirical Study, April 2010, Babson College Entrepreneurship Research Conference (BCERC) Frontiers of Entrepreneurship Research: Vol. 30: Iss. 5, Article 10. http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.1983858

H. Lebret Start-up, What we may still learn from Silicon Valley, November 2007
http://www.amazon.com/Start-up-still-learn-Silicon-Valley/dp/1434820068
CreateSpace – ISBN – 1-4348-2006-8
H. Lebret Start-up, ce que nous pouvons encore apprendre de la Silicon Valley, December 2007
http://www.amazon.com/Start-up-pouvons-encore-apprendre-Silicon/dp/1434817334
CreateSpace – ISBN – 1-4348-1733-
www.startup-book.com A related blog where I update news about start-ups, Silicon Valley and Europe.

H. Lebret, J.-A. Månson, P. Aebischer. The EPFL approach to Innovation Universities and Business: Partnering for the Knowledge Society – Luc E. WEBER and James J. DUDERSTADT (eds)
Publisher: ECONOMICA, ISBN 2-7178-5190-9 – First published 2006

A. Catana and H. Lebret, Technology Transfer at the EPFL Europhysics News (2004) Vol. 35 No.6

G. Zocco and H. Lebret. Quality start-ups will always find financing. Les start-ups de qualité trouveront toujours du financement. AGEFI, supplément au numéro 198, 15 octobre 2001

La parution des deux versions (française et anglaise) de « Start-Up » a induit des invitations à des publications (par ordre chronologique) que l’on peut retrouver sur le blog

– Success story – contributions trimestrielles à Créateurs (suisse romande)
Adobe – John Wanorck et Charles Geschke – mars 2009
Genentech – Bob Swanson et Herbert Boyer – juin 2009
Femmes entrepreneurs – Carol Bartz et Sandy Kurtzig – septembre 2009
Un européen dans la Silicon Valley, Aart de Geus – décembre 2009
Un Suisse dans la Silicon Valley – Edouard Bugnion – mars 2010
Give back to the community – Swissquote – juin 2010
Une manière suisse d’entreprendre ?– octobre 2010

– Federation des Entreprises Romandes
Pourquoi les grands succès dans le domaine des nouvelles technologies sont-ils dans l’immense majorité issus des États-Unis ? December 2011
About the challenges of innovation. March 2012
Is Intellectual Property out of Breath? August 2012
Failure is a learning experience. December 2012
Does the Swiss culture tolerate failure? July 2013
The Immigrant, Factor of Creation. January 2014
A Look Back at the Swiss February 9 Votation. February 2014
Innovation and Society: are the Returns and Benefits Sufficient? June 2014
“You have money, but you have little capital.” February 2015
Why doesn’t Europe create any Google or Apple? August 2015
Myths and Realities of Serial Entrepreneurs. May 2016
The digital revolution: stakes and challenges (for Switzerland). November 2016
Virtual Innovations? May 2018

– Start-up chronicles on the EPFL Web Site- http://actu.epfl.ch/search/start-up-epfl/
Medtech, Good for Switzerland -January 2013
Two EPFL Start-ups Take Off in Tandem – October 2012
What’s a start-up worth, or reflections on Facebook’s IPO fiasco – August 2012
Start-ups hiding six feet under – June 2012
Kandou and investment – April 2012
SWISSto12 – Of Start-ups and Men – March 2012
Aleva – is venture capital a universal solution? – February 2012

Rapports et présentations internes (ordre chronologique)
La plupart des contenus disponibles sur Slideshare – www.slideshare.net/lebret/presentations

 A few facts about academic spin-offs – Nov 05
 A brief history of Google – Jan06 and updated 2013
 A trip in the Silicon Valley – May 06
 Academic spin-offs: some anecdotal evidence from a Stanford University Lab – Jun 06
 The EPFL Innovation Forum – Aug 06, Oct 07, Nov 08
 EPFL start-ups –analysis ongoing since Sept 06
 The Innovation Support around EPFL – ongoing since Sept 06
 SW/IT: a workshop on entrepreneurship – Oct 06
 Equity split in starts-ups – Oct06
 Why is the US Innovation System better? – SEISGE EPFL workshop – Oct 06
 A brief history of venture capital – Nov 06 and updated 2012
 Course MINT – Evaluation of an invention potential (2004-2009)
 Course VENTURE LAB – Intellectual Property (2005-2009)
 Founders at Work, Betting it All, In the Company of Giants – Notes from the Books – Jun-Dec 08
 Stanford start-ups – in progress (October 08- September 09), a study on 2’500 small companies.
 Examples and synthesis of academic licenses to start ups – May 2010
 Equity in high tech start-ups with venture capital – 2010 and updated 2012, 2014, 2017
 The venture capital process – December 2012
 Ten ideas to innovate in uncertain times – November 2015
 Is Switzerland a Startup Nation? – October 2017

Le mythe de l’entrepreneur – Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley (2/3)

J’ai terminé ma lecture de l’ouvrage de Anthony Galluzzo dont j’ai déjà parlé dans la partie 1 il y a quelques jours. J’hésite entre l’irritation et une appréciation plus positive car je ne sais pas si l’auteur veut simplement défaire l’imaginaire de la région ou en critiquer plus largement le fonctionnement. En effet dans les deux dernières pages de son excellent ouvrage il écrit : « Achevant la lecture de ce livre, certains s’interrogeront peut-être sur la possibilité de « défaire » l’imaginaire entrepreneurial ; non pas seulement de le déconstruire, mais de le mener à la défaite. » Puis il ajoute : « De nombreux commentateurs l’ont déjà constaté : pour défaire un système économique et social il ne suffit pas de démystifier les croyances et de réfuter les syllogismes que véhicule son idéologie. Il faut aussi penser simultanément une autre économie et un autre imaginaire, faire prospérer d’autres représentations et incarnations désirables de l’existence humaine. »

La Silicon Valley comme écosystème et ses côtés sombres

Je ne sais que penser. Un imaginaire ne fait pas système, même s’il en est sans doute un ingrédient important. Derrière le story telling et le mythe de l’entrepreneur héroïque, il y a un écosystème dont Galluzzo parle plus dans l’entretien qu’il a donné à l’Echo (Pour comprendre l’économie, il faut la raconter par les écosystèmes, non par les individus) que dans son livre. La Silicon Valley est un écosystème et pas (seulement) une fabrique de mythes pour cacher une situation plus sombre [1].

Il y a bien sûr du sombre dans la Silicon Valley. Il le montre bien dans le début de son ouvrage et que je relate dans mon précédent post, par exemple à travers la guerre pour les talents ou l’invisibilisation de l’État. Son portait est de plus en plus à charge dans la suite, même si les nouveaux éléments sont tout aussi véridiques:
– un déséquilibre flagrant de la population d’entrepreneurs avec peu de femmes ou d’Afro-américains,
– une sous-représentation des syndicats qui aurait mérité une analyse plus approfondie,
– des employés en bas de l’échelle moins bien traités (en admettant que ces emplois n’aient pas été délocalisés),
– une fiscalité aussi déséquilibrée [page 206] qui aurait mérité là aussi une analyse plus approfondie.

Galluzzo mentionne le tokénisme comme raison du story telling. Dans la littérature sociologique, on appelle « tokénisme » la pratique consistant à intégrer symboliquement des groupes minoritaires pour échapper à l’accusation de discrimination [Page 204]. Galluzzo admet aussi qu’il n’y a pas toujours de story telling. Larry Page et Sergey Brin, les créateurs de Google sont à l’origine de l’une des principales puissances de la Silicon Valley et sont pourtant assez méconnus du grand public. Ils se sont toujours montrés assez discrets, avec des prises de parole rares et bien circonscrites. Ils n’ont pas investi dans le storytelling et le personal branding [Page 218]. Galluzzo ne mentionne pas non plus les milliers d’entrepreneurs inconnus et qui ont souvent échoué, qui sont une composante essentielle de la région.

Il ajoute que la Silicon Valley se serait épanouie avec le néolibéralisme thatchérien tout puissant. Mais il me semble qu’il oublie que la Silicon Valley s’est réellement épanouie dans les deux décennies qui précédent, celle des années 60 (Fairchild, Intel) qui a permis le développement des semi-conducteurs et celle des années 70 pour les ordinateurs. Il semble oublier même s’il le mentionne que sans la structuration du capital-risque dans ces deux décennies, mais aussi sans l’arrivée de migrants hautement qualifiés dans les décennies qui suivirent, il n’y aurait sans doute pas de Silicon Valley telle qu’elle existe (et non pas telle qu’elle est mythifiée). Je ne crois pas que le sujet soit à ce point mis sous le tapis. Dès les années 80, un auteur relativement grand public montrait les aspects plus sombres de la région dans son livre Silicon Valley Fever. On pourra aussi lire Les péchés capitaux de la Silicon Valley

Qu’est-ce qu’un entrepreneur ?

Son passage [pages 196-98] sur la définition ou les traits d’un entrepreneur est aussi très intéressant.

Comment définir l' »entrepreneur » ? Une première approche consiste à le considérer simplement comme un créateur d’entreprise : celui qui démarre et organise une activité économique. On amalgame le petit artisan et le grand patron ; le boulanger et le start-uper richissime. Pour nous consacrer plutôt à ces derniers, faudra-t-il adjoindre à notre définition un ordre de grandeur quant à la réussite économique de l’entreprise et si oui, lequel ? Doit-on limiter la catégorie à ceux qui ont fondé une petite entreprise en hyper-croissance? Une autre solution consiste à faire intervenir la notion de risque. L’entrepreneur serait celui qui mobilise des ressources dans une situation d’incertitude; il serait celui qui réussit ses paris sur l’avenir. [Page 196]

Face à ces problèmes, il peut sembler indispensable de faire appel au critère de l’innovation. L’entrepreneur serait celui qui organise une nouvelle combinaison de moyens de production : celui qui élabore un nouveau produit, développe une nouvelle méthode de production, crée un nouveau marché, conquiert une nouvelle source d’approvisionnement ou bouleverse l’organisation d’un secteur tout entier. […] Or définir l’entrepreneur comme innovateur nécessite de facto de séparer l’innovation du processus, de l’extraire du continuum, de l’attribuer, souvent très artificiellement, à un acteur unique. [page 197]

Lorsque la recherche en entrepreneuriat s’est développée dans les années 80, elle s’est rapidement concentrée sur la questions de savoir qu’elle était la personnalité particulière de l’entrepreneur. […] Parmi les traits qui ont fait l’objet de plusieurs recherches, on relève la propension au risque, la tolérance à l’ambiguïté, le besoin d’accomplissement et le locus de contrôle interne [le locus de contrôle interne désigne la tendance que les individus ont à considérer que les évènements qui les affectent sont le résultat de leurs actions] Ces recherches n’ont donné aucun résultat probant. [Page 198]

Galluzzo aurait pu mentionner la définition d’une startup donnée par Steve Blank et presqu’universellement adoptée, elle donne un périmètre assez convaincant à l’entrepreneur tech, celui dont il est question ici : « Les start-up sont des entités temporaires destinées à la recherche d’un modèle d’affaires extensible et reproductible. »

Enfin à plusieurs reprises, Galluzzo semble montrer sa préférence pour le bâtisseur plus que pour le créateur, Markkula plutôt que Jobs aux premiers jours d’Apple, Cook plutôt que Jobs dans ses derniers jours: Bloomberg a récemment classé tous les PDG de l’histoire d’Apple en fonction de la façon dont a évolué la valorisation de l’entreprise sous leur direction; Steve Jobs (1997-2011, +12,4%) se situe loin derrière Mike Markkula (1981-1983, +64%) et John Sculley (1993-1993, +106%). Tim Cook les surclasse tous avec une augmentation de +561%. Je n’ai pas eu accès à l’article et j’ai pu me tromper mais j’arrive à des résultats différents pour les taux de croissance issus de mes multiples : Markkula, 4x en 2ans soit 100%, Sculley environ 1x soit 0%, Jobs (seconde période) 100x en 14 ans soit 40% et Cook, 10x en 12 ans soit 25%. Enfin Jobs (1ère période – en réalité Scott) 1600x en 4 ans soit 500%. Mais ce dernier sujet est d’autant moins important que je ne suis pas sûr de tous ces chiffres. Fondateur, bâtisseur, storytelling et réalité, voilà des sujets qui restent passionants. Merci à Anthony Gazzullo pour son excellent livre et les réflexions qu’il m’a suscitées.

[1] Voici des éléments qui décrivent un écosystème et que j’ai repris d’un post d’octobre 2015 :

« les 5 ingrédients nécessaires aux clusters high-tech: »
1. des universités et les centres de de la recherche de très haut biveau;
2. une industrie du capital-risque (institutions financières et investisseurs privés);
3. des professionnels expérimentés de la haute technologie;
4. des fournisseurs de services tels que avocats, chasseurs de têtes, spécialistes des relations publiques et du marketing, auditeurs, etc.
5. Enfin et surtout, un composant critique mais immatériel: un esprit de pionnier qui encourage une culture entrepreneuriale.
“Understanding Silicon Valley, the Anatomy of an Entrepreneurial Region”, par M. Kenney, plus précisément dans le chapitre: “A Flexible Recycling” par S. Evans et H. Bahrami

Paul Graham dans How to be Silicon Valley?? « Peu de start-up se créent à Miami, par exemple, parce que même s’il y a beaucoup de gens riches, il a peu de nerds. Ce n’est pas un endroit pour les nerds. Alors que Pittsburgh a le problème inverse: beaucoup de nerds, mais peu de gens riches. » Il ajoute également à propos des échecs des écosystèmes: « Je lis parfois des tentatives pour mettre en place des « parcs technologiques » dans d’autres endroits, comme si l’ingrédient actif de la Silicon Valley étaient l’espace de bureau. Un article sur Sophia Antipolis se vantait que des entreprises comme Cisco, Compaq, IBM, NCR, et Nortel s’y étaient établi. Est-ce que les Français n’ont pas réalisé que ce ne sont pas des start-up? »

Enfin, les écosystèmes entrepreneuriaux ont besoin de 3 ingrédients – je cite:
– Du capital: par définition, aucune nouvelle entreprise ne peut être lancée sans argent et infrastructures pertinentes (du capital engagé dans des actifs tangibles);
– Du savoir-faire: vous avez besoin d’ingénieurs, de développeurs, de designers, de vendeurs: tous ceux dont les compétences sont nécessaires pour le lancement et la croissance des entreprises innovantes;
– De la rébellion: un entrepreneur conteste toujours le statu quo. Sinon, ils innoveraient au sein de grandes entreprises établies, où ils seraient mieux payés et auraient accès à plus de ressources.

Le mythe de l’entrepreneur – Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley

Un ami m’a mentionné il y a quelques jours ce nouveau livre sur la Silicon Valley et je le cite : « l’argument de l’auteur ne tient pas la route (mais il est pernicieux). […] En effet, l’entrepreneuriat génère l’excellence et des gens ayant un esprit indépendant, alors [qu’une autre vision – l’opposition au capitalisme libéral] crée une population de gens dépendants de l’État. »

Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec mon ami : d’un côté en effet l’articulation entre collectif et individu est un sujet clef de l’entrepreneuriat. Une société crée-t-elle de la valeur sans individus « hors norme » ? Le sujet est vieux comme le monde. De l’autre, la répartition de cette valeur est un second sujet qui est entre autres du domaine de la fiscalité et Piketty a bien montré que, depuis quelques décennies, l’écart de répartition a largement augmenté en faveur des plus riches au détriment des plus pauvres.

Marianna Mazzucato a montré dans The entrepreneurial state ce déséquilibre qu’elle trouve d’autant plus injuste qu’elle montre le rôle primodial de l’État dans le financement amont (éducation, recherche, services publics en général) qui donne un contexte favorable à la création de richesses.

Dans le début de son livre, Le mythe de l’entrepreneur – Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley, Anthony Galluzzo explique des choses similaires mais il me semble différentes. Je n’en suis qu’au début et je verrai plus tard à quel point il rejoint la critique introduite plus haut. L’auteur est un spécialiste des imaginaires marchands et son sous-titre est convaincant, à savoir qu’il convient de déconstruire l’imaginaire de cette région, basé sur du story-telling autour des stars de la région, telles que Steve Jobs et Elon Musk (encore que Elon Musk a largement perdu de son aura). Il nous montre que Elisabeth Holmes a tenté la même approche mais n’y sera parvenu que très partiellement.

Joseph Schumpeter est abondamment cité dans l’ouvrage au début, en particulier il me semble, pour une critique du rôle de l’entrepreneur et de la destruction créatrice. Galluzzo préfère d’ailleurs employer la création destrutrice pour montrer la chronologie des actions. Mais je n’ai pas vu dans le début du livre, du moins, que Schumpeter ajoute que le capitalisme ne peut pas exister sans la publicité, donc sans le story-telling et l’imaginaire.

Cet imaginaire de la Silicon Valley n’est donc, je crois, que ce qui permet au capitalisme de se développer, de perdurer, avec tous les paradoxes actuels de gaspillage destructeur. Mais derrière cet imaginaire, quelle est la réalité ? Galluzzo refuse d’opposer entrepreneurs et hommes d’affaires. Je comprends l’argument. Les créateurs, stars du moins, peuvent gagner beaucoup d’argent. Mais je ne sais pas si la raison principale en est leur capacité à faire des affaires ou s’ils sont simplement à l’origine d’une création qui permet de faire des affaires. Je ne suis ni économiste, ni historien, ni sociologue et j’ai bien du mal à faire la part des choses, toutes choses égales par ailleurs.

Anatomie du mythe – l’Entrepreneur héroïque

Voici donc quelques éléments que j’ai trouvé intéressants dans le début du livre:

1- L’entrepreneur solitaire

Steve Jobs n’était pas seul et pire n’est peut-être pas critique au succés initial. L’histoire est en effet assez connue alors que Jobs est vu comme le seul génie d’Apple.
– Steve Wozniak est le véritable génie (Galluzzo n’aimera pas le terme) derrière les premiers ordinateurs d’Apple.
– Steve Jobs aurait « volé » [Page 35] de nombreuses idées chez Xerox pour construire ses machines. L’histoire est connue mais le terme « voler » est trop fort même si de nombreux employés de Xerox en furent choqués. Xerox reçut des actions Apple en échange de ce deal assez unique dans l’histoire.
– « Mike Markkula peut être considéré comme le véritable fondateur d’Apple, celui qui a transformé un petite opération d’amateurs insignifainte en une start-up structurée et solidemenrt financée. » [Pages 19-20]
– « Arthur Rock, quant à lui, est l’une des figures les plus importantes de la Silicon Valley, il a contribué à l’émergence des plus grandes entrerpises de la région – Fairchild Semiconductor, Intel, puis Apple. Pourtant aucune biographie ne lui a jamais été consacrée et sa fiche wikipedia est famélique ». [Page 20]

Je nuancerai à nouveau les propos de Galluzzo. Certes Wozniak, Markkula et Rock n’ont pas pénétré l’imaginaire du grand public, mais les connaisseurs de la Silicon Valley ne les ignorent pas et le film Something Ventured (que Galluzzo ne semble pas mentionner dans sa bibliographie pourtant très riche) ne les oublie pas du tout. Et que dire de cette couverture de Time Magazine.

2- La guerre des talents

« Le fonctionnement du marché du travail dans la Silicon Valley nous indique pourtant une tout autre dynamique. La concentration industrielle dans cette région entraine d’importants mouvements de personnel : un ingénieur peut facilement changer d’entreprise, sans déménager ni changer ses habitudes de vie. […] Cette forte mobilité de la main d’oeuvre est constatée dès les années 1970, où en moyenne les professionnels de l’informatique ne restent en poste que deux ans [Cf AnnaLee Saxenian‘s Regional Advantage]. Lorsqu’ils circulent ainsi, les employés, même tenus par des accords de non-divulgation, emportant leurs expériences et leurs connaissances. La propagation de ce savoir tacite est au coeur de l’écosystème , elle permet un apprentissage tacite collectif permanent. » [Page 45]

Galluzzo touche ici au coeur du sujet, ce qui fait l’unicité de la Silicon Valley. Pas tant la concentration des talents, qui existe dans toutes les régions développées. Mais la circulation des talents. Tout est dit ou presque !

Galluzzo ajoute toutefois une nuance de taille et que je connaissais moins : « Se posent donc pour les entrepreneurs des problèmes relatifs à ce qu’on a appelle dans le jargon des affaires la « guerre des talents ». Pour mener à bien ses projets, il faut parvenir à s’approprier la marchandise la plus précieuse qui soit, la force de travail d’ingénieurs hautement qualifiés. » [Page 46]

Galluzzo mentionne alors les stock options, les recrutements à la hussarde mais aussi ceci : « Une autre affaire judiciaire illustre bien les enjeux de la rétention des employés. Dans les années 2000, plusieurs géants de la Silicon Valley, parmi lesquels Intel, Google et Apple, ont formé un « cartel des salaires », en s’engageant mutuellement à ne pas tenter de débaucher les employés. Cet accord tacite visait à éliminer toute concurrence sur les travailleurs qualifiés et à limiter la hausse des salaires. » [Page 47 & voir Google, Apple, other tech firms to pay $415M in wage case]

3- L’invisibilisation de l’État.

Le sujet est aussi connu et je l’ai mentionné plus haut. On oublie trop souvent le rôle du collectif dans la possibilité de conditions, de contexte favorables. Mais Galluzzo montre que trop souvent, il y a même une certaine haine du collectif, illustrée par la visibilité grandissante des libertariens. c’est connu également, la Silicon Valley a peur des syndicats. Mais voici un autre exemple que j’ignorais:

« Je veux que les gens qui enseignent à mes enfants soient assez bons pour être employés dans l’entreprise pour laquelle je travaille, et gagner 100 000 dollars par an. Pourquoi devraient-ils travailler dans une école pour 35-40 000 dollars par an s’ils peuvent trouver un emploi ici à 100 000 dollars ? Nous devrions les embaucher et les payer 100 000 dollars, mais le problème, ce sont bien sûr les syndicats. Les syndicats sont la pire chose qui soit arrivée à l’éducation. Parce que ce n’est pas une méritocratie, mais une bureaucratie. »

Il faut lire l’extrait tout entier et peut-être même l’intégralité de l’interview de Steve Jobs. Excerpts from an Oral History Interview with Steve Jobs. Interviewer: Daniel Morrow, 20 April 1995. Computerworld Smithsonian Awards. Nous sommes là dans la culture américaine et l’importance donnée à la concurrence entre les individus plutôt qu’à l’égalité des membres du collectif.

Alors y a-t-il des génies ou non ? N’y a-t-il qu’émergence darwinienne de talents a posteriori parmi ceux qui auront survécu ? Je ne sais pas ou je ne sais plus. Sans doute quelque chose entre les deux. Ou peut-être s’agit-il d’un acte de foi, tant que la sociologie n’aura pas d’éléments qui me permettront d’avoir un avis plus convaincant…

A suivre…

Les start-up sont-elles seules à innover ?

Voici un sujet qui m’est si cher, qui me semble si important et parfois mal compris que j’étais ravi (et honoré) d’être invité sur l’émission Entendez-vous l’éco de France Culture. S’il vous prenait l’envie de l’écouter, voici le lien du programme: Les start-up sont-elles seules à innover ?

A la question de savoir si les start up seront les grands inventeurs de demain, je réponds : « Oui les startups sont les grands innovateurs d’hier, d’aujourd’hui et sans doute de demain! »

Cartes temporelles et spatiales de la Silicon Valley (dans les années 80)

J’ai publié dans le passé des généalogies (cartes temporelles) de startups et du capital-risque de la Silicon Valley. Les voici à nouveau :
SiliconValleyGenealogy-All
Généalogie des startups de la Silicon Valley (1957-1986

WCVCGenealogy-All
Généalogie du capital-risque de la côte ouest (1958-1983

Mais il y a eu d’autres cartes (« artistiques »), étrangement dans les années 80 également. Voici trois versions similaires de 1983-1986.


Cartes de la Silicon Valley par Pacific Ventures (1983-86)

Bien sûr, celles-ci ont une histoire, en particulier liée à la couverture du New Yorker de Steinberg en mars 76. Et pour mes amis suisses, qu’en est-il de cette illustration zurichoise ?

Ce qui m’intéresse, c’est sa valeur nostalgique. Alors, quels noms valent la peine d’être remarqués? A gauche ou en dessous bien sûr Apple, Intel HP, IBM mais aussi Tandem, National Semi, Varian, Fairchild, Ask, et un peu étonnamment Stanford University, le tout entre les autoroutes 101 et 280, enfin Genentech, Atari, Rolm entre San Jose et San Francisco et après la baie de San Francisco, Berkeley, New York, les clusters technologiques, Route 128 à Boston, Research Triangle en Caroline du Nord et le Silicon Gulch d’Austin. Enfin émergeant et menaçant le Japon au milieu des années 80…

Que rajouter dans celle de 1984 ? Pas grand-chose, sauf que HP et Intel, mais plus IBM, sont au premier plan… Vous souvenez-vous de la publicité Apple vs IBM de 1984 ?

Et 1986 alors ? Eh bien, je vois 3com, Borland, Sun, Silicon Graphics. Silicon Graphics est allée en bourse en octobre 1986, Sun le 4 mars 1986 (d’ailleurs Oracle était devenue publique le 12 mars 1986 et Microsoft le 13 mars 1986…). L’introduction en bourse de 3Com a eu lieu en 1984. Borland fut toujours bizarrement structurée avec une IPO à Londres en 1986 avant de le faire aux USA en 1989. 1986 c’est un peu un tournant: le logiciel / software devient une industrie à part entière, Sun, Silicon Graphics, 3Com c’est aussi le début des ordinateurs en réseau.

Oubliez la nostalgie. La Silicon Valley a beaucoup changé. Apple est toujours là, Oracle aussi mais jetez un œil à cette nouvelle illustration ! Apple est dans un nouveau bâtiment. Facebook (désolé Meta) et Google (désolé Alphabet) sont les nouveaux géants. HP est aussi mentionné à travers son garage ! Il y a les anciens (Intel, AMD, IBM, HP), les déjà anciens comme Yahoo, sans oublier Cisco, Adobe, YouTube, LinkedIn, Intuit et des repères plus « iconiques » comme Sand Hill Road, les Café Borrone et Buck’s restaurant.

Mais n’oubliez jamais. La Silicon Valley n’est pas une histoire de bâtiments comme Folon l’a justement montré. Et vous savez quoi, sa création date de 1985…

Larry Page et Peter Thiel – 2 icônes (différentes ?) de la Silicon Valley

Je viens de lire deux longs et intéressants articles sur ces personnalités importantes de la Silicon Valley. Celui sur Larry Page m’a été mentionné par un collègue (merci François !) à travers sa traduction française. Il est assez ancien (2014) mais toujours très intéressant et pertinent : The Untold Story of Larry Page’s Incredible Comeback (Nicholas Carlson – 24 avril 2014). Voici le lien : Larry Page : l’histoire inédite du vrai fondateur de Google.

Celui sur Peter Thiel a été récemment publié par le New Yorker, je le trouve un peu moins intéressant car il n’y a pas grand chose de nouveau, mais toujours très clair comme d’habitude avec ce grand magazine : What Is It About Peter Thiel ? Le capital-risqueur milliardaire a des fans et des adeptes. Que cherchent-ils? (Anna Wiener – 27 octobre 2021)

Qu’est-ce qu’ils ont en commun, je n’en suis pas sûr : ils ont des personnalités très différentes, l’une est plutôt secret, l’autre très visible. Ils ont certainement en commun la conviction que la technologie et l’entrepreneuriat peuvent (encore ?) changer le monde, mais Thiel considère cela comme une déclaration politique et je pense qu’il a tort. La politique concerne les décisions collectives (j’espère), alors que l’entrepreneuriat est plus une décision individuelle (je pense) même s’il inclut des caractéristiques culturelles (donc collectives).

Page est né en 1973 dans le Michigan et Thiel en 1967 en Allemagne, ils ont tous deux étudié à l’université de Stanford, Thiel à la faculté de droit, Page en école d’ingénieur. Ils ont apparemment tous les deux financé l’université Singularity, quelque chose que je ne comprends pas vraiment, sauf le lien avec leur croyance extrême en la technologie qui sauve le monde…

J’ai tellement écrit à leur sujet, vous voudrez peut-être vérifier cela à travers les tags #thiel ou #google. Dans l’article sur Larry Page, il y a des moments très intéressants, par exemple ses « leçons » de management :
– Ne déléguez pas : Faites tout ce que vous pouvez vous-même pour que les choses aillent plus vite.
– Ne vous mettez pas dans le passage pas si vous n’ajoutez pas de valeur. Laissez les personnes qui font le travail se parler pendant que vous faites autre chose.
– Ne soyez pas un bureaucrate.
– Les idées sont plus importantes que l’âge. Ce n’est pas parce que quelqu’un est junior qu’il ne mérite pas le respect et la coopération.
– La pire chose que vous puissiez faire est d’empêcher quelqu’un de faire quelque chose en disant : « Non. Point à la ligne. » Si vous dites non, vous devez aider à trouver une meilleure façon de le faire.

Cela vaut vraiment la peine de lire ces deux articles et de revoir à quel point il y a (ou pas) de la diversité dans la Silicon Valley. Les dernières phrases des articles sur Page disent : Au lieu de mettre fin à sa vie dans le dénuement et dans l’ignorance, [contraitement à son icône, Nikola Tesla] Page, qui n’a encore que 41 ans, passera la dernière moitié de sa vie à consacrer des milliards de dollars et d’innombrables heures à ses visions les plus folles. « Tout ce que vous pouvez imaginer est probablement faisable », a déclaré Page aux investisseurs de Google en 2012. « Il vous suffit de l’imaginer et d’y travailler. »

Alors que celui sur Thiel se termine de manière un peu plus mystérieuse mais éclairante : Bien sûr, quand il s’agit de Thiel, ce qui relève de la mystique peut être simplement une pratique de l’opacité. Strauss, le philosophe conservateur, a proposé que les universitaires et les écrivains avancent souvent leurs idées à travers une prose intentionnellement obscure – une technique dans laquelle « la vérité sur toutes les choses cruciales est présentée exclusivement entre les lignes », de sorte qu’elle n’est lisible « pas à tous les lecteurs, mais aux lecteurs dignes de confiance et intelligents seulement. Dans les interviews, Thiel peut apparaître comme « straussien » – opaque, énigmatique, voire oraculaire. Il est un maître de la redirection conversationnelle, et ses arguments peuvent être indéterminés. Les références et les allusions religieuses confèrent à ses idées sur les affaires ou la mondialisation un sentiment de mysticisme, comme si la vérité de son propre discours se cachait au coin de la rue. En ligne, les indices prolifèrent – sur les idées de Thiel et bien d’autres choses encore. Les détectives recherchent du sens et recherchent des signes indiquant qu’ils font partie des « dignes de confiance et intelligents ». Pour les fans de Thiel, une partie de son attrait doit être les opportunités infinies qu’il offre pour décoder, déchiffrer et faire des hypothèses. Il offre aux lecteurs l’anticipation de la révélation. Là encore, la vérité pourrait être beaucoup plus simple : quand l’argent parle, les gens écoutent.

La Silicon Valley aura bientôt 65 ans. Devrait-elle être mise à la retraite ? Les dynamiques darwiniennes de la région…

La Silicon Valley aura bientôt 65 ans. 65 ans? Oui, je dis en général que la région a débuté sa croissance avec la fondation de Fairchild Semiconducteur en 1957 (même si le nom ne fut créé qu’en 1971).

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La région est de plus en plus critiquée pour de bonnes et mauvaises raisons (voir par exemple ici et ) et peut-être est-elle un peu à bout de souffle. Trop vieille ? Il y a dix ans, j’avais regardé ses « dynamiques darwiniennes » dans innovation darwinienne et lamarckienne – de Pascal Picq. J’y avais noté les dynamiques remarquables de créations (et destructions) d’entreprises. « Vingt des 40 plus grandes entreprises de la région en 1982 n’existaient plus en 2002 et 21 des 40 premières entreprises de 2002 n’avaient pas été créées en 1982. » Je viens donc de refaire l’exercice.

Le tableau plus bas redonne les données de 1982 et 2002, puis celles de 2020. J’aurais dû attendre 2022 et les 65 ans de la Silicon Valley, mais je n’en ai pas eu la patience ! Dix des 40 plus grandes entreprises n’existaient pas en 2000 et sept de plus n’existaient pas en 1995. Seize des top 40 de 2002 n’existent plus en 2021. La région est donc un peu moins dynamique mais cela reste assez remarquable… La retraite me semble lointaine en réalité !

Comme dernière remarque, j’avais mentionné, il y a cinq ans, l’évolution du capitalisme américain dans Les plus grandes (anciennes) start-up des USA et d’Europe et en particulier à travers The Largest Companies by Market Cap Over 15 Years. Vous pourriez comparer ces dynamiques à celles du CAC40 français.

Les quarante plus grandes entreprises de technologie de la Silicon Valley
Les données sont fournies au format jpg à la fin de l’article.

1982 2002 2021 Revenus Capitalisation
1. Hewlett-Packard 1. Hewlett-Packard 1. Apple $294,135 $2,153,363
2. National Semiconductor 2. Intel 2. Alphabet e $182,527 $1,169,351
3. Intel 3. Cisco b 3. Facebook d $85,966 $787,268
4. Memorex 4. Sun bc 4. Intel $77,867 $194,491
5. Varian 5. Solectron c 5. HP Inc. $57,667 $31,545
6. Environtech a 6. Oracle 6. Cisco $48,026 $192,007
7. Ampex 7. Agilent b 7. Oracle $39,403 $191,539
8. Raychem a 8. Applied Materials 8. Tesla d $24,578 $77,574
9. Amdahl a 9. Apple 9. HP Enterprises $26,866 $15,677
10. Tymshare a 10. Seagate Technology 10. Netflix e $24,996 $236,117
11. AMD 11. AMD 11. Gilead $24,689 $74,058
12. Rolm a 12. Sanmina-SCI 12. SYNNEX $23,757 $6,588
13. Four-Phase Systems a 13. JDS Uniphase c 13. PayPal e $21,454 $277,047
14. Cooper Lab a 14. 3Com c 14. salesforce.com e $21,252 $208,200
15. Intersil 15. LSI Logic 15. Applied Materials $18,202 $78,716
16. SRI International 16. Maxtor b 16. NVIDIA $16,675 $328,615
17. Spectra-Physics 17. National Semiconductor c 17. Western Digital $16,327 $16,183
18. American Microsystems a 18. KLA Tencor 18. Adobe $12,868 $241,275
19. Watkins-Johnson a 19. Atmel b 19. Uber d $12,078 $93,549
20. Qume a 20. SGI c 20. Lam Research $11,929 $69,264
21. Measurex a 21. Bell Microproducts bc 21. eBay e $10,713 $36,576
22. Tandem a 22. Siebel bc 22. AMD $9,763 $115,364
23. Plantronic a 23. Xilinx bc 23. Square d $9,498 $106,173
24. Monolithic 24. Maxim Integrated b 24. Intuit $7,717 $99,872
25. URS 25. Palm bc 25. Opendoor d $7,324 $1,221
26. Tab Products 26. Lam Research 26. Sanmina $6,875 $2,117
27. Siliconix 27. Quantum c 27. KLA Tencor $6,073 $40,492
28. Dysan a 28. Altera bc 28. Equinix e $5,999 $63,238
29. Racal-Vadic a 29. Electronic Arts b 29. Electronic Arts $5,670 $41,368
30. Triad Systems a 30. Cypress Semiconductor bc 30. NetApp $5,590 $14,480
31. Xidex a 31. Cadence Design b 31. Agilent $5,530 $36,607
32. Avantek a 32. Adobe Systems b 32. Intuitive Surgical e $4,551 $92,762
33. Siltec a 33. Intuit b 33. ServiceNow d $4,519 $110,315
34. Quadrex a 34. Veritas Software bc 34. Juniper e $4,445 $7,478
35. Coherent 35. Novellus Systems b 35. Workday d $4,318 $57,934
36. Verbatim 36. Yahoo bc 36. Synopsys $3,821 $39,023
37. Anderson-Jacobson a 37. Network Appliance b 37. Autodesk $3,790 $67,066
38. Stanford Applied Eng. 38. Integrated Device 38. Palo Alto Net. d $3,783 $33,851
39. Acurex a 39. Linear Technology 39. Twitter d $3,716 $44,436
40. Finnigan 40. Symantec b 40. Airbnb d $3,378 $94,765


NOTES: Ce tableau a été compilé en utilisant les Business Rankings data de 1982 et 2002 de Dun & Bradstreet puis des données de Blommberg pour 2020. Les entreprises sont classées selon leurs revenus..
a – N’existait plus en 2002.
b – N’existait pas avant 1982.
c – N’existait plus en 2021.
d – N’existait pas avant 2000.
e – N’existait pas avant 1995.

Mêmes données au format jpg et en anglais

Charles Geschke, cofondateur d’Adobe, est mort

Charles Geschke n’est peut-être pas aussi célèbre que de nombreux entrepreneurs de la Silicon Valley, mais il est vraiment une légende de la technologie et du logiciel. Avec John Warnock, il a cofondé Adobe en 1982 et il est une exception dans le groupe des fondateurs de la région car il était au début de la quarantaine lorsqu’il a quitté Xerox pour créer la société qui a développé Postcript, PDF, Adobe, Photoshop et tant d’autres produits. Il est décédé le 16 avril 2021.

J’avais découvert Geschke (et Warlock) dans un bon nombre de livres et j’avais blogué à son sujet ici:
En compagnie des géants en novembre 2008
La brève histoire d’Adobe, de John Warnock et Charles Geschke en mars 2009

J’ai trouvé hier cette courte vidéo très intéressante que vous devriez regarder (ou lire le transcription ci-dessous).

Voici ma traduction: « lorsque John et moi avons lancé Adobe, nous avions une sorte de pensée simple en tête sur la façon dont nous voulions organiser l’entreprise

nous voulions créer une entreprise dans laquelle nous aimerions travailler et nous avons en quelque sorte mis en pratique des principe en termes de définition de la structure, de réflexions organisationnelles opérationnelles que nous avions sur la manière de gérer l’entreprise

et une partie de cette reconnaissance était que nous avions des constituants que chaque entreprise a et qui doivent être équilibrés,

nous avions nos actionnaires, nous avions nos employés, nous avions nos clients et bien sûr les communautés dans lesquelles nous opérions

et si vous songez à diriger une entreprise, ces quatre groupes sont légèrement en conflit, ce qui est bon pour l’un peut ne pas être bon pour l’autre et pour réussir en tant qu’entreprise et pour conserver le type d’employés de qualité que vous souhaitez avoir, il est extrêmement important que vous surveilliez en permanence la façon dont ces quatre constituants sont servis et que vous les mainteniez en équilibre.

quelques autres principes que les gens se posaient souvent alors qu’ils travaillaient

bien chez Adobe: que faudra-t-il pour que j’améliore ma carrière

et John et moi leur disions que la première chose que vous devez comprendre est de savoir comment vous licencier en embauchant quelqu’un pour travailler pour vous qui peut faire votre travail mieux que vous et il n’y a pas d’autre alternative que d’être promu une fois que vous faites cela

et le deuxième élément de philosophie qui est franchement le plus critique pour construire une entreprise de haute technologie est de dire à chaque ingénieur et à chaque manager que votre travail consiste à embaucher des gens qui sont plus intelligents que vous, car il s’agit d’une population beaucoup plus grande parmi laquelle choisir et cela s’est avéré en fait avoir été extrêmement important dans la création de l’entreprise

et encore une fois, je tiens à dire que sans ma relation avec John et notre partenariat, il est difficile d’imaginer que nous aurions pu réaliser ce que nous avons fait au cours des vingt-sept dernières années et nous sommes extrêmement heureux de ce prix et de l’opportunité d’avoir servi notre industrie

Merci beaucoup

[Warnock ajoute]

Ce qui est vraiment cool à propos de ce prix, c’est qu’il vient d’ingénieurs, nous avons déjà reçu des prix d’entrepreneur, mais ils proviennent d’hommes d’affaires et obtenir un prix pour l’entrepreneuriat des ingénieurs est très très cool

Chuck et moi, lorsque nous avons démarré l’entreprise, nous n’avions pas l’ambition de devenir riche rapidement, nous étions frustrés par Xerox et notre principale frustration est que nous savions que nous pourrions inventer une excellente technologie, mais personne ne l’utiliserait jamais et elle ne verrait jamais le marché. Et je pense que notre motivation principale en démarrant Adobe et en continuant avec Adobe était de créer des éléments que les gens utiliseraient que beaucoup de gens utiliseraient et je pense que dans chaque ingénieur, il y a ce besoin de base d’utiliser vos éléments, c’était donc la principale motivation. derrière ce que nous avons fait

L’autre chose la chose la plus difficile pour créer une entreprise puis agir de manière soutenue et continue est de continuer à innover et nous n’avons jamais compris comment vous institutionnalisez l’innovation l’innovation est une chose très remarquable qui arrive parfois, parfois non, mais le mieux que vous puissiez faire est de créer un environnement dans lequel les gens sont heureux de vivre une aventure qu’ils essaient de créer et j’espère que de grandes choses se produiront dans ce processus »

Les plus grandes sociétés de technologie en Europe et aux USA en 2020

Je regarde régulièrement les plus grandes entreprises technologiques aux États-Unis et en Europe et évidemment cette année, j’avais à l’esprit l’impact du Covid. Voici les tableaux que je construis une fois par an (et que vous pourriez comparer à ceux publiés en janvier 2020 ici ou et en 2017 ici.

J’ajoute en dessous les données de PS (« price to sales », ratio de capitalisation boursière sur revenus) et PE (« price to earnings », ratio de capitalisation boursière sur bénéfices lorsqu’ils sont positifs) ainsi que la croissance de la capitalisation boursière et des revenus. Il y a 3 nouvelles entreprises que je n’avais pas étudiées l’année dernière (Airbnb, Paypal et AMD) pour lesquelles la croissance n’est donc pas mentionnée.

Il y aurait beaucoup de commentaires à donner mais je vais faire court:
– Les GAFA sont les leaders incontestés, 4 d’entre eux sont des entreprises d’un billion de dollars. Facebook n’est un peu étonnamment pas aussi impressionnant et Tesla apparaît en tête.
– Le COVID n’a pas eu un grand impact, pour ne pas dire qu’il a eu un impact positif sur les entreprises technologiques (en termes financiers plus qu’en termes économiques)
– Encore une fois, en regardant les moyennes, nous voyons que l’Europe est à la traîne en termes de capitalisation boursière, d’emploi, de ventes et de bénéfices par des facteurs proches de 10…