Archives de catégorie : La Silicon Valley et l’Europe

Europe et Etats-Unis: la croissance en IT et biotech

Voici un exercice que j’aime faire lorsque je commence à parler d’entrepreneuriat high-tech. Donnez moi dix noms de grands succès, par exemple dix sociétés cotées en bourse et fondées il y a moins de 40 ans. Il est assez facile de trouver des sociétés américaines, plus difficiles de trouver des européennes. Voici donc deux tableaux, l’un pour l’IT (technologies de l’information), l’autre pour la biotech.

J’avais fait l’exercice en 2007 mais depuis Sun Microsystems et Business Objects ont disparu. J’ajoute ici les revenus et les bénéfices des sociétés en plus des capitalisations boursières et des emplois.

Ce qui est frappant, je crois, au delà des ordres de grandeurs, est la durée entre année de création et entrée en bourse. La biotech est légèrement différente, mais je ne suis pas sûr que cela soit fondamentalement différent… Ainsi, on notera que la durée création-IPO est bien plus similaire entre les deux continents que pour l’IT.

L’innovation en Suisse

Le 26 mai dernier aura été une journée consacrée à l’innovation par la radio-télévision suisse romande. Vous pourrez en visualiser le contenu. Entre autres, l’émission de débat infrarouge aura donné lieu à un échange intéressant pour ceux qui veulent découvrir le sujet.

Pour ajouter à tout cela, voici une magnifique citation de Daniel Borel, fondateur de logitech, qui participait à cette discussion, et qui, je crois, confirme toute les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

« La seule réponse que je puisse avancer c’est la différence culturelle entre les Etats-Unis et la Suisse. Lorsque nous avons créé Logitech, en tant qu’entrepreneurs suisses, nous avons dû jouer très tôt la carte de l’internationalisation. La technologie était suisse, mais les Etats-Unis, et plus tard le monde, ont défini notre marché, alors que la production est vite devenue asiatique. Je m’en voudrais de faire un schéma définitif parce que je pense que beaucoup de choses évoluent et que beaucoup de choses bien se font en Suisse. Mais il me semble qu’aux Etats-Unis, les gens sont davantage ouverts. Lorsque vous obtenez les fonds de Venture capitalists, automatiquement vous acceptez un actionnaire extérieur qui va vous aider à diriger votre société, et peut-être vous mettre à la porte. En Suisse, cette vision est assez peu acceptée: on préfère un petit gâteau que l’on contrôle complètement qu’un gros gâteau que l’on contrôle seulement à 10% ce qui peut être un facteur limitatif. »

(Extrait d’une interview donnée au magazine Trajectoire et publiée le 16 novembre 2009)

Google et Le Monde

Deux articles intéressants aujourd’hui sur l’édition électronique du journal Le Monde.

« Notre ambition est d’organiser toute l’information du monde, pas juste une partie. »

suivi de

« A Zurich, Google est aux petits soins pour ses salariés afin de doper leur créativité. »

Le débat reste ouvert sur les intentions de Google, j’aimerais parier qu’elles restent acceptables, même si sans aucun doute commerciales…

Une brève histoire de Google

Il s’agissait du premier chapitre de mon livre! Je n’ai pas de secret à révéler sur Google si ce n’est ma brève mésaventure lorsqu’il fallut que j’obtienne l’autorisation de leurs gens pour le logo Start-Up que j’utilise pour ce blog. Ils me dirent oui, puis non, puis finalement oui, mais le livre était édité. J’ai aussi échoué dans ma tentative de leur vendre un brevet car ils affirmèrent n’acheter que des start-up, pas des brevets!

J’avais tout de même tellement lu de choses sur cette start-up que j’avais assez de matériau pour le premier chapitre de mon livre mais aussi pour des présentations que j’ai souvent faites à des étudiants, à des entrepreneurs et à toute personne intéressée par l’entrepreneuriat high-tech et Google en particulier. Donc après ces quelques années, j’ai pensé qu’il était temps de mettre en ligne la Google Story (en anglais, désolé!) que vous trouverez intéressante, je l’espère.

Survie ou échec – quel succès?

L’échec et le succès sont des mots qui reviennent souvent dans le monde des start-up. C’est même un débat parfois houleux qui revient lorsqu’il est question de survivre longtemps ou d’échouer rapidement. Alors au-delà du débat qui a son mérite car il est difficile de juger, de comparer des croissances lentes et contrôlées, voire en mode survie, et des stratégies risquées de croissance forte au risque de faire face à un échec rapide, voici quelques chiffres qui, je l’espère, contribueront à la réflexion.

Je dois dire que ma motivation vient d’un rapport publié par ETHZ (l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich) sur ses start-up, The performance of Spin-off companies at the Swiss Federal Institute of Technology Zurich. Un taux de survie de 90% environ après cinq ans y était mis en avant. Mais au fait, quels sont les taux de survie habituels dans le monde de l’entreprise? je suis allé sur les sites américain et suisse de statistique et la figure qui suit montre les taux des deux pays pour l’ensemble des entreprises:

Dans la haute technologie, les taux semblent plus élevés. les auteurs du rapport que je cite plus haut donnent des chiffres qui montrent des taux de survie de 70 à 90% après cinq ans selon les lieux. Zunfu Zhang dans son remarquable « High-Tech Start-Ups and Industry Dynamics in Silicon Valley » (en date de 2003 ) publiait la courbe suivante:

Les taux de survie après cinq ans y étaient de 76% pour les « non-service firms » et de 72% pour les « service firms ». Les auteurs du rapport zurichois émettaient d’ailleurs le commentaire suivant: « le faible taux de survie aux Etats Unis – où certaines des spin-offs universitaires les plus célèbres ont été créées – pose toutefois la question de savoir si un fort taux de survie est en fait désirable et si une focalisation trop forte sur la survie des spin-offs n’élimine pas certaines des spin-offs les plus prometteuses qui pourraient sembler a priori moins prometteuses ou trop risquées. »

Pour terminer ma contribution, je ne peux m’empêcher de reprendre une citation de mon livre:

Et d’expliquer en note de bas de page, le dicton qui se prononcerait « Shi Bai Nai Cheng Gong Zhi Mu » signifie « l’échec est la mère du succès ». La citation de T. J. Rogers, fondateur de Cypress et autre icône de la Silicon Valley « failure is a prerequisite to success » aurait tout aussi bien pu être mise en exergue. Un étudiant chinois, Jie Wu, me fit remarquer la similarité avec ce dicton chinois ; qu’il en soit remercié. Il est intéressant de terminer [ce post] avec une citation qui montre que l’état d’esprit de la Silicon Valley peut se développer aussi ailleurs. Ce qu’il est important de comprendre est que l’échec n’est pas négatif mais qu’il faut avant tout essayer.

Gazelles et gorilles – épisode 2

Comme suite à mon post du 19 avril, Gazelles et Gorilles – la croissance des start-up, je me suis repongé dans le chapitre 8 de mon livre où je comparais croissance des gorilles européens et américains. Je n’avais pas alors calculé la croissance sur 5 ans ou 10 ans de ces sociétés très dynamiques. La table qui suit vous donne les résultats d’un petit travail que j’ai fait ce matin. Il n’est plus question de gazelles (croissance de 20%), mais de gazelles super-rapides!

Il semble que les gorilles aient des croissances de 100% sur 5 ou 10 ans, c’est à dire qu’ils doublent leurs ventes chaque anéée sur une durée très longue… Maintenant la croissance n’est jamais un long fleuve tranquille (demandez à Steve Jobs ce qu’il en pense!). J’ai donc ajouter les détails des croissances annuelles dans les tableaux suivants. Il y a pas mal de roller coasters!

Un Suisse dans la Silicon Valley

Voici ma cinquième contribution à Créateurs, la newsletter genevoise, qui m’a demandé d’écrire une série de courts articles sur des start-up célèbres et leurs fondateurs. Après Synopsys, Femmes Entrepreneurs, Adobe et Genentech, voici donc un article sur un Suisse dans la Silicon Valley.

Connaissez-vous Edouard Bugnion ? Je ne suis pas sûr que la Suisse Romande connaisse cet expatrié, qui a grandi à Genève et Neuchâtel avant d’obtenir son diplôme à l’ETHZ en 1994 et de s’exiler en Californie où il obtint son Master à l’Université de Stanford en 1996. Il est pourtant le fondateur de VMware et de Nuova Systems, deux des récentes success stories de la Silicon Valley.


Edouard Bugnion en compagnie de l’auteur au milieu des « cubicles » de Nuova en mai 2006 (Photo : Mehdi Aminian).

Lors d’un voyage à San Francisco, il m’avait été conseillé de rencontrer ce Suisse dont je n’avais jamais entendu parler. Rendez-vous pris et arrivée devant une porte avec un logo rapidement imprimé sur une feuille de papier : Nuova Systems. La surface est par contre gigantesque pour une start-up qui n’a pas fêté son premier anniversaire. Mais Nuova commence à recruter à tour de bras. Il faut dire que Cisco ne tarda pas à investir $50M. Pourquoi autant d’argent ? Parce que les fondateurs de Nuova sont exceptionnels. Mario Mazzola vient de quitter Cisco et avait auparavant fondé Crescendo, première start-up acquise par Cisco (en 1991). Quant à Edouard, il est un des cinq co-fondateurs en 1998 de VMware, acquise en 2004 par BMC pour $625M. Devant le succès des outils de virtualisation de VMware, BMC redonne son indépendance à la start-up qui est aujourd’hui cotée en bourse (sa capitalisation dépassait les $10B fin 2009) et compte plus de 6 000 employés et $1.8B de ventes. (Nuova a, elle, été acquise par Cisco en 2008 pour $600M.)

Devant ma surprise de voir de tels locaux, Edouard raconta que lorsque VMware avait atteint une taille trop grande pour les locaux qu’elle occupait à l’époque, les dirigeants proposèrent à une petite start-up la reprise des bureaux. Les fondateurs de la start-up visitèrent les lieux et déclinèrent. « Trop petits ! ». Pourtant la start-up est inconnue, les fondateurs tout autant et Edouard fut surpris de cette ambition, faut-il employer le mot arrogance ? La start-up s’appelait Google et les deux fondateurs, Page et Brin, étaient sans aucun doute visionnaires !


L’entrée des bureaux de Nuova en mai 2006.

Edouard pourrait presqu’être qualifié de « school dropout ». Avec dans ces bagages des diplômes de EHTZ et Stanford, il n’est certes pas à plaindre, mais il a tout de même interrompu sa thèse de doctorat en 1998 pour fonder VMware avec son professeur. $20M de capital-risque suivis d’une acquisition six ans après la création. En 2000, il avait donné une interview à SwissInfo. Avec 120 employés, VMware avait à peine deux ans. « En Suisse, les jeunes entrepreneurs n’osent même pas rêver de ce genre de scénario: vous avez une bonne idée, on vous avance quelques millions et votre produit se retrouve rapidement sur le marché, pour le meilleur ou pour le pire» écrivait alors l’auteur de l’interview, Pierre Godet. L’auteur s’inquiète de cette fuite des cerveaux, mais Bugnion relativise : « les Suisses qui sont à Silicon Valley développent une expérience très particulière, des contacts aussi. Et la plupart retournent en Suisse à un certain stade de leur carrière ». C’est une des thèses que je défends dans mon livre Start-Up. Peut-être faut-il aller vivre dans cette région où tout va très vite, où les ambitions peuvent exprimer leur pleine mesure, au risque de l’échec qui est accepté. J’espère qu’un jour Edouard reviendra en Suisse Romande raconter son aventure et partager son expérience et son savoir-faire….

Start(Up)

J’écoutai hier un de mes chroniqueurs (et ancien professeur) favori, Olivier Duhamel et eut la surprise de l’entendre parler Start(Up). Je vais expliquer la parenthèse dans un instant. J’avais rencontré cet éminent constitutionnaliste à Marseille en 2008 lors des rencontres régionales de l’innovation où il avait déjà montré son intérêt pour le sujet. C’est en lisant un article des Echos Start-up informatiques : razzia sur les pépites qu’il en vint à rédiger la chronique qu’il a lue hier sur France Culture. J’espère que les deux resteront disponibles longtemps sur le web, sinon contactez-moi, j’ai sauvegardé texte et fichier audio.

l

Start(Up) avec la parenthèse parce que nos entreprises débutent et ne croissent pas. Pire: face à leur crise de croissance, faute de capitaux, la seule issue semble être l’acquisition qui, sans surprise, est faite par des acteurs américains. Le Echos citent Polyspace, RealViz ou LetItWave mais des noms plus connus auraient pu être mentionnés, comme je l’avais fait dans un des chapitres de mon livre:
Skype – Suède – Acquise par eBay – $2.6B (2005)
Navision – Danemark – Acquise par Microsoft – $1.5B (2002) –
Qeyton – Suède – Acquise par Cisco – $800M (2000) –
Element 14 – Royaume Uni – Acquise par Broadcom – $800M (2000)
Virata – Royaume Uni – Acquise par Globespan – $545M (2001)
Kelkoo – France – Acquise par Yahoo – $500M (2004)
sans oublier depuis sa parution
Ilog par IBM et Business Objects par (exception) l’Allemand SAP.
ILOG France IPO Nasdaq/Paris $300M (2007) Oak, Atlas

Un autre article du FT parle de la crise du capital-risque, UK venture capitalists to get state bail-out.

Ce qui est un peu désespérant avec ces deux analyses, c’est que l’on semble penser que notre problème serait un problème de moyens, de ressources. Je crois encore une fois que le problème est beaucoup plus profond, culturel. Mais à travers une anecdote, le problème est mentionné. La France s’est beaucoup plus inquiétée de voir Danone tomber sous l’égide de Pepsi mais n’a au fond rien à faire de nos start-up technologiques. On parle beaucoup de start-up et d’innovation, mais au fond, on s’en moque!

Quelques leçons (pas intuitives) de Stanford

Un de mes sites préférés (sur l’entrepreneuriat high-tech), le Stanford Technology Ventures Program, vient de fournir sa dernière livraison de clips vidéo.

Les leçons sont intéressantes car assez peu intuitives et peu communes:
– pas besoin de trop travailler
– faites ce qui vous plait
– il n’y a pas de règle pour un entrepreneur

Voici la première (en anglais): Les Grandes Idées Viennent aux Esprits Reposés. « Être un fou du travail n’est pas une garantie de succès. David Heinemeier Hansson notre que le produit principal de 37signals, Basecamp, fut créé sur une base de 10 heures de travail hebdomadaires, pendant une durée de six mois. Quand vous êtes débordés, vous ne pouvez pas être créatif. »

Et que penser de la suivante: Faites ce que Vous Aimez pour Aller où Vous Voulez. « John Melo, CEO de Amyris Biotechnologies, aimait construire des oscilloscopes, des circuits et des transistors – et pourtant il n’a pas fini ses études (un autre school dropout). Dans cette vidéo, Melo décrit sa carrière en dent de scie et comment sa passion, ses intérêts personnels et son esprit d’indépendance l’on conduit d’une expérience à une autre. Il affirme qu’il considérait d’abord have les occasions de faire ce qu’il aimait et qu’il ne se focalisait qu’ensuite sur les lieux où il voulait être. »

Enfin, Les Entrepreneurs n’ont pas de Règle. Entre autres, « ne renoncez jamais au titre de CEO… Dans de nombreux cas, c’est le fondateur qui est capable de fournir la vision pour bâtir efficacement le produit. »

Les VCs sont-ils arrogants?

C’est la question posée (en anglais) par Fred Destin sur son blog: The Arrogant VC: A View From the Trenches.

C’est un sujet qui me concerne, entre autres parce que vois trop d’entrepreneurs ne voulant même pas considérer une rencontre avec ce type d’investisseurs. Je ne vais pas aller plus loin dans ce post mais (par paresse), je vous renvoie à la suite en anglais sur Are VCs arrogant?