Archives de catégorie : Innovation

Deux défis du transfert de technologie – partie 1, les systèmes nationaux.

Deux documents m’ont conduit à décrire ici, deux types de défis auxquels font face les entités de transfert de technologies académiques.
– Tout d’abord d’un point de vue macro-économique, le défi vient des différentes structures administratives envisageables, mais aussi de la complexité des activités. Le rapport Transfert et Valorisation dans le PIA de Bruno Rostand compare les politiques de l’Allemagne et du Royaume Uni à celle de la France.
– Ensuite, d’un point de vue micro-économique, la revue Nature a publié l’article Keys to the kingdom avec pour sous-titre, Ce que vous devez savoir sur votre bureau de transfert de technologie. Je reviendrai sur cet article dans mon prochain post.

Mise en page 1

Le rapport de Bruno Rostand aborde les défis que la France rencontre en ayant créé des sociétés régionales de transfert de technologie, les « SATT ». Il note que l’Allemagne a bâti un système similaire avec ses « PVA » dans les länder. Dans les deux cas, il y a un objectif d’autonomie financière qui semble difficile à réaliser pour ne pas dire irréaliste, malgré l’existence de subsides publics. En Allemagne, deux de ces sociétés ont même déposé le bilan en Basse Saxe en 2006 et à Berlin en 2013.

Pourquoi de telles difficultés ? Parce que les retours sur investissement n’auront pas été à la hauteur des espérances. Par exemple, environ €10M d’euros auront été investi chaque année sous forme de fonds publics en Allemagne, mais les revenus seront restés bien inférieurs. De plus la structure régionale a montré ses limites, tant il est difficile d’acquérir une expertise dans tous les domaines de la technologie.

Le Royaume Uni connaît une situation différente. L’état n’aura été qu’un acteur marginal et ce sont soit les universités (Cambridge, Oxford, Imperial College) soit des structures privées proches du capital-risque (IP group) qui ont de manière organique contribué à structurer le transfert de technologie. En externalisant des structures devenues privées, ces organisation ont permis des bâtir des entités riches en ressources humaines et financières. À Oxford, ISIS emploie 80 personnes pour £14.5M de revenus en 2014. Imperial innovation est cotée en bourse depuis 2006, emploie 45 personnes et a généré un profit de £27M en 2014. Imperial innovation a élargi sa base initiale en collaborant avec d’autres universités. Enfin l’IP Group a des accords avec plus de 15 universités pour un profit de £9.5M en 2014. Le rapport montre bien des philosophies extrêmement différentes avec primauté du public ou du privé et des résultats de profitabilité divers, avec une dimension entrepreneuriale évidente au Royaume Uni. L’accent plus ou moins mis sur les start-up conduira à des structures différentes, y compris fonds de maturation et incubateurs.

Le rapport montre également qu’une politique de licence et une politique de soutien à la création de start-up sont différentes. Enfin, ces nouvelles structures de TT ont souvent la seule charge de la valorisation et de la maturation de la PI, alors que les collaborations de recherche avec l’industrie restent de la responsabilité des universités. Cette séparation pourrait être une faiblesse quand les deux sujets ont un lien.

Un sujet sensible est celui de l’exclusivité qui peut créer des tensions lorsque la gestion du TT est mutualisée. Certaines universités souhaitent garder une certaine autonomie, notamment dans des domaines où la compétence de la structure de TT leur semble faible. Un autre sujet délicat est celui de la structure par région alors qu’une structure par domaine de compétence transrégionale serait peut-être plus adaptée. (Le rapport aborde aussi la recherche partenariale et la coopération internationale que je ne traiterai pas ici.)

Dans la partie finale, Rostand montre la complexité des défis. Il faut déjà définir la mission du transfert qui peut être ou non celle de faire du profit. L’externalisation semble être une tendance dans les trois pays, mais elle a ses avantages et ses inconvénients. Il semble aussi qu’il y ait pas mal d’instabilité et de fluctuations dans les cycles de financement, ce qui n’aide pas à faire une analyse des outils de transfert. Le rapport aborde aussi la question des ressources humaines (types de compétences et d’expériences), autre sujet qui peut-être lié aux moyens dont disposent ces organisations.

Le seul commentaire personnel que je fais ici concerne ma légère frustration de ne pas avoir trouvé dans un rapport (extrêmement instructif par ailleurs) d’analyse de la situation américaine. Le pays du libéralisme et des universités privées compte très peu de structures de transfert externalisées, et encore moins à but non lucratif. Je n’ai en tête que WARF de l’Université du Wisconsin à Madison – www.warf.org) alors que les revenus de TT aux USA sont considérablement plus élevés qu’en Europe. L’explication pourrait simplement venir d’une innovation privée autrement plus dynamique, indépendamment de tous les systèmes mis en place.

Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses? (Partie 4)

Suite et fin de ce que j’ai retenu de Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses? (pour mémoire voici les liens aux partie 1, partie 2 et partie 3).

1316845933

Les derniers chapitres de cet excellent ouvrage essaient d’explorer des pistes pour résoudre le problème de l’excès de promesses qui est devenu un système. Dans le chapitre IV.2, il est question de désorcèlement, je l’ai lu comme une analyse critique du vocabulaire employé par ceux qui promettent. Le chapitre parle assez longuement du mouvement transhumaniste, la promesse des promesses! « […] décrire comment ces acteurs produisent certes, mais surtout détournent, reconfigurent et amplifient ces mêmes promesses […] face à des consommateurs passifs et naïfs ». [Page 261] et plus loin « [mais] les transhumanistes sont d’abord des militants, la plupart du temps ni ingénieurs, ni praticiens, […] tentant des réponses à des questions pas encore posées ou mal posées, […] d’où un corpus bien caricatural, » au point de parler de « secte » en citant Jean-Pierre Dupuy, « une pensée brouillonne, souvent contestable ». [page 262]

Dans la chapitre IV.3, les auteures explorent des approches non conventionnelle, signe possible d’un désarroi pour répondre « scientifiquement » aux promesses. Ainsi celles-ci ont-elles contribué à la création d’une bande dessinée pour répondre à une autre bande dessinée qui souhaitait vulgariser et promouvoir la biologie de synthèse.

Adventures_Synthetic_Biology

Enfin le dernier chapitre explore des scenarii face à l’explosion des promesses, comme l’idée d’augmenter le nombre de prix Nobel. Nouvelle promesses?!! Plus concrètement, l’auteur montre bien que les promesses initiales ne sont pas suivies dans les faits: « Le phénomène d’attentisme de l’investissement, ou déficit d’innovation, est par contre moins reconnu, quoique largement répandu: l’effet des promesses générales et diffuses entretient l’intérêt des acteurs mais trop d’incertitudes les retiennent d’investir dans des cycles de promesses-exigences concrets. » [Page 297] « Un jeu est à l’œuvre qui se poursuit tant que les joueurs se conforment aux règles, […] ils sont prisonniers du jeu. […] Ils peuvent aussi en sortir, si les circonstances s’y prêtent, et alors le jeu s’effondre. » [Page 298]

En conclusion, au delà d’une description très riche de nombreux exemples de promesses scientifiques et techniques, les auteurs ont bien montré comment un régime des promesses s’est bâti à travers les interactions entre différents acteurs (les chercheurs eux-mêmes, les décideurs politiques, sociaux et économiques qui les financent, et le grand public qui espère et angoisse). Le rapport au temps, non seulement le futur, mais aussi le présent et le passé, est joliment décrit, sans oublier un certain désir d’éternité. Et enfin, on découvre surtout que les promesses ont conduit à une multitude de débats qui étaient peut-être, pour ne pas dire tout à fait, inutiles, tant l’on pourrait peut-être découvrir que les promesses ne pourront jamais être tenues, dès même l’instant où elles ont été prononcées…

Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses? (Partie 3)

Voici mon troisième article relatif au livre Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses? Après les considérations générales sur le système des promesses, le livre présente les contributions décrivant des domaines spécifiques:

I.3 : les nanotechnologies
II.1 : les semiconducteurs à travers la loi de Moore
II.2 : le Big Data
II.3 : les Digital Humanities
III.1 : les neurosciences et la psychiatrie
III.2 : le Human Brain Project (HBP)
III.3 : la médecine personnalisée
III.4 : la biodiversité et la nanomédecine
IV.1 : la procréation médicalement assistée
IV.2 : la médecine régénératrice

1316845933

Chaque chapitre est intéressant pour le lecteur curieux car chacun montre les dynamiques entre promesses et attentes des acteurs (chercheurs, politiques, grand public). Le chapitre consacré au HBP est en particulier intéressant dans la description de la déconnexion entre contenu et forme. « Comment se fait- que le HBP ait « gagné la compétition » malgré le déficit d’évidences à même de fonder pragmatiquement la pertinence scientifique et la légitimité organisationnelle de ses ambitieux objectifs ? Nous développons ici l’hypothèse que ce déficit, reproché après coup, a été à la fois masqué et pallié par la production de promesses façonnées de manière à anticiper et/ou répondre de manière efficace à des enjeux politiques, économiques, sociaux et sanitaires, inscrits à l’agenda des « défis à relever ». [Page 166] La crédibilité du HBP scellée par cette décision s’est construite […] selon un processus d’adaptations et de validations réciproques dans le double registre de la politisation de la science et de la scientifisation de la politique. En d’autres termes, nous montrerons que l’une des conditions importantes de cette crédibilité a été la co-production réussie d’une congruence stratégique entre les promesses [des scientifiques] et l’agenda des enjeux politiques. [Page 171] L’assemblage entre connaissance du cerveau et forme de vie sociale s’est opéré essentiellement dans l’ordre du discours. […] Dans cette situation contrastée, l’inflation discursive autour du cerveau et des neurosciences semble bien être le corollaire d’un déficit d’évidences, comme si elle venait pallier, positivement ou négativement, les écarts entre l’actuel et le futur, l’avéré et le possible, le manque et le désir. Cette caractéristique ordinaire des projets de big science a pour conséquence l’élaboration et la mise en œuvre d’une rhétorique prophétique qui vise à anticiper la possibilité d’une avenir meilleur en empruntant aux registres de l’espoir et de la promesse. » [Page 176-77]

Je reviens à une citation du chapitre 3 qui me parait essentielle comme conclusion à ce nouveau post: Les véritables progrès des techno-sciences viendront moins de leur capacité à tenir des promesses que de leur capacité à s’en passer, à hériter de manière critique de l’époque des grandes promesses technologiques. Il ne s’agit pas de briser une idole, mais d’apprendre à en hériter. [Page 111]

Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses? (Partie 2)

Voici déjà une suite à mon article d’hier qui décrivait le 1er chapitre de Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses? Dans le chapitre 2 (aussi intéressant que le premier), il est question de rapport au temps, de « présentisme », « futurisme » et de sa place dans le régime des promesses. Il y a le joli passage suivant :

1316845933

Depuis La nouvelle Atlantide, les spéculations futuristes ont accompagné l’essor des sciences modernes. Et au XXe siècle, Jean Perrin a scellé une nouvelle alliance entre la science et l’espérance. Mais pour lui, c’est la science qui précédait et suscitait l’espérance alors que désormais, c’est plutôt l’espérance qui meut la recherche. Les technosciences renversent, en effet, l’ordre des questions qui enchainait la suite des trois critiques de Kant : « Que puis-je connaître ? » question traitée dans La Critique de la raison pure, puis la question « Que puis-je faire ? » traitée dans la Critique de la raison pratique, puis la question « Que puis-je espérer ? » abordée dans la Critique du jugement. Au contraire dans les politiques scientifiques actuelles, on détermine ce qu’on doit faire et ce qu’on peut éventuellement acquérir comme savoir en cernant les espoirs, les promesses. (Page 50)

Il y a pourtant un paradoxe déjà exprimé dans le premier chapitre entre un futurisme avec les termes de promesse, prospective et prophétie qui nous projettent et un présentisme particulièrement marqué par la mémoire qui fige le passé et fait du futur une menace qui n’éclaire plus ni le passé, ni le présent. Au point de parler de présentification du futur…

De plus, il est question du futur comme choc, de « crise » du temps due à l’accélération. A l’impression d’incompréhension et d’impuissance, s’ajoute l’expérience de la frustration, du stress provoqué par l’accélération du rythme de vie, la déception d’une promesse liée à la modernité, où les techniques étaient supposées nous faire gagner du temps, nous émanciper.

Autre confusion : la planification et la feuille de route caractéristiques des projets technologiques s’est glissée dans les projets de recherche où il est question de production de savoir, alors que dans une recherche, il est impossible de garantir un résultat. Mais l’auteur montre par deux exemples, que cette évolution est complexe.

Dans le cas des nanotechnologies, il y a bien eu feuille de route avec deux premières étapes relativement prévisibles de production de composants suivie d’une troisième étape plus spéculative sur des systèmes couronnée par une quatrième étape où il est question d’émergence, tout cela « au mépris de la contingence, de la sérendipité et des bifurcations possibles », non pas pour prédire, mais « linéariser la production des connaissances ». la feuille de route prévoit l’imprévisible en annonçant une émergence, en combinant un scénario rassurant de contrôle avec un scénario d’émergence, ce qui permet d’inspirer confiance et en même temps de faire rêver. (Pages 55-56)

Dans le cas de la biologie de synthèse « malgré des convergences manifestes avec les nanotechnologies », le développement rapide se fait sans feuille de route. « Une commune intention – le design du vivant – rassemble ces trajectoires de recherche. » Et il est plus question de refaire le passé (« 3.6 milliards d’années de code génétique ») que d’imaginer des futurs. Le futur devient abstrait et il est question de preuve de concept. Et d’ajouter que dans une science normale au sens de Kuhn, ces preuves de concepts seraient tombées dans l’oubli. Le paradoxe est qu’il n’est pas question de vrai ou de faux, mais de design, sans nécessaire fonctionnalité.

Dans le premier cas, « prédiction ou prospective sont convoquées comme la base indispensable pour une stratégie fondée sur des choix rationnels », « le futur est tourné vers le présent. » Dans le second cas, il est question de « tracter le présent. » et de « fuite hors du temps. » On fédère et mobilise sans objectif nécessaire. Le futur est virtuel abstrait, vidé de toute culture et humanité ; la vie de l’homme augmenté ressemble au repos éternel…

En définitive, l’économie des promesses reste rivée sur le présent, soit en faisant du futur un point de référence pour guide l’action au présent, soit en cherchant à éterniser le présent.

Les chapitres trois et quatre sont moins théoriques en décrivant d’une part de nouveaux exemples dans le domaine des nanotechnologies et d’autre part comment la Loi de Moore est devenue une loi alors qu’elle n’était qu’une vision prospective des progrès des semi-conducteurs. Peut-être bientôt une suite sur les autres chapitres…

Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses? (Partie 1)

Sciences et technologies émergentes, pourquoi tant de promesses? est le titre d’un ouvrage issu d’un collectif d’auteurs, sous la direction de Marc Audétat, politologue et chercheur à l’Interface Sciences-Société de l’Université de Lausanne. Ce n’est pas un livre de lecture facile, il est assez exigeant, mais il pose des question importantes.

J’ai déjà rendu compte sur ce blog de livres qui parlent d’une certaine crise de la science, par exemple dans La Crise et le Modèle Américain, à propos des livres « La science à bout de souffle » ou « La bulle universitaire. Faut-il poursuivre le rêve américain? » Ou encore dans Rien ne va plus, livre de Lee Smolin, sans oublier la critique plus violente des promesses de la technologie selon Peter Thiel dans La Technologie, notre salut.

1316845933

Ce nouvel ouvrage explore les promesses liées à la science et la technologie au point de parler d’une économie des promesses. Il s’agit d’un ouvrage collectif ce qui n’en rend pas la lecture aisée, mais la diversité des points en est aussi sans doute une richesse. Je n’en ai pas achevé la lecture et j’y reviendrai certainement. Dans le premier chapitre, P.-B. Joly décrit le régime des promesses techno-scientifiques. Il commence par introduire les concepts d’imaginaire et de vision [Page 33], ce « couple de concepts prend en compte la façon dont les sources d’inspiration diverses interviennent dans la création technique. […] L’imaginaire donne une apparence presque tangible à des concepts et idéaux qui en sont a priori dépourvus [… et devient] un sens commun qui fonde l’action en société. […] Le concept de vision est proche de celui d’imaginaire, mais à une échelle plus réduite. Il s’apparente à celui de « mythe rationnel » utilisé pour analyser les dynamiques de l’action collective dans des contextes de changement. […] Des coalitions d’acteurs se forment autour de ces visions d’un ordre prospectif et contribuent à leur dynamique. […] Si l’on admet cette distinction conceptuelle entre imaginaires (à des échelles amples – la Nation – et s’inscrivant dans la longue durée) et visions (caractéristiques de coalitions d’acteurs et actives sur des périodes de moyenne durée), se pose la question de l’interaction entre les deux. »

« A la différence des visions et des imaginaires, pour lesquels le contenu des agencements techniques prime, ce qui est essentiel pour les promesses techno-scientifiques, c’est l’instauration d’une relation, la création d’un horizon d’attente. […] Les promesses sont essentielles dans la création technologique, car elles permettent aux acteurs de l’innovation de légitimer leurs projets, de mobiliser des ressources et de stabiliser leur environnement. […] Toute promesse techno-scientifique doit convaincre un large public qu’elle conditionne un avenir meilleur que les solutions alternatives, même si la réalisation de la promesse requiert des transformations majeures, parfois douloureuses. » (L’auteur mentionne l’histoire de l’électricité ou de la révolution verte comme solution de la faim dans le monde)

« Notre concept de promesses techno-scientifiques s’est systématisé pour devenir, depuis une quarantaine d’années, le mode de gouvernance des nouvelles techno-sciences (les biotechnologies et la génomique, les nanotechnologies, les neuroscience, la biologie synthétique, la géo-ingénierie, etc.) La construction d’une promesse techno-scientifique répond à deux contraintes contradictoires : la contrainte de nouveauté radicale et celle de crédibilité. […] (Et j’interprète que) pour que cette demande soit crédible, il faut disqualifier les solutions alternatives. [De plus] Pour qu’une théorie scientifique soit crédible, sa validité n’est ni nécessaire, ni suffisante. […] Les promesses techno-scientifiques doivent bénéficier du soutien d’un cercle de spécialistes. Sinon, elles ne peuvent pas résister aux oppositions qui se manifestent soit dans les arènes scientifiques, soit dans les arènes publiques. On observe une version extrême lorsque les spécialistes se réfèrent à des lois naturelles pour faire croire au caractère inéluctable de l’évolution technologique. (Exemples : loi de Moore et loi de Gabor.) Ainsi, en principe, les promesses génériques ne sont pas soumises à des tests de validité. »

Enfin cette intensification est renforcée par trois éléments complémentaires [page 39] :
– l’avenir constitue plus une menace qu’une source d’espoir ;
– la recherche et l’innovation sont souvent présentées comme la seule façon de résoudre les problèmes ;
– les acteurs de la recherche doivent démontrer leurs impacts sociétaux.

Ce qui conduit à des pathologies [pages 40-43] :
– le mythe d’un public en proie à des peurs irrationnelles et qu’il convient d’éduquer devient un schéma intangible;
– les promesses se transforment en bulles spéculatives ;
– la radicalité de la nouveauté et des incertitudes crée des discours contradictoires, sources de méfiances car les effets produits d’une telle radicalité ne sont pas prédictibles et en expérimentant, le technologue devient apprenti-sorcier et la société, laboratoire ;
– enfin les promesses conduisent à des discussions interminables sur des fictions, sur des questions qui n’ont parfois rien à voir avec la réalité des recherches.

En conclusion Joly pense que ce régime de promesses est l’un des ennemis du futur en raison de la séparation nette qu’il créée entre ceux qui formulent la promesse et ceux qui sont censés l’accepter. La reconnaissance de ce régime et de ces problèmes est donc un impératif préalable.

A la lecture de ce premier chapitre, j’ai retrouvé les préoccupations sociétales de Cynthia Fleury, dont j’ai déjà dit le plus grand bien dans une digression sur l’article « Le transhumanisme, c’est de la science fiction ». Nos sociétés démocratiques sont en crise, et la méfiance face aux politiques et face aux experts n’a jamais été aussi forte. La problématique de la recherche et de l’innovation sont une des composantes de cette crise. Je suis donc impatient de découvrir la suite de ce très intéressant (et important) ouvrage…

L’entrepreneuriat en 2016 – partie 2 : l’analyse micro du Startup Playbook de Sam Altman

Après la partie 1 sur la vision globale de l’entrepreneuriat en 2016, voici une analyse « micro » de ce qu’est l’entrepreneuriat. J’ai fini de lire ce rapport lors d’un vol transcontinental, où je regardais le récent Seul sur Mars avec Matt Damon.

Non seulement Seul sur Mars décrit une histoire très similaire à celle de l’aventure vécue par de nombreux fondateurs de start-up: la solitude solitaire et des situations de vie ou de mort (au moins pour la start-up) après chaque décision importante, mais en plus, ce jour-là, j’ai aussi appris la mort de David Bowie. Dans ce film, vous pouvez écouter Starman … mon humble hommage à un grand artiste.

Encore une fois YCombinator (YC) produit un document efficace et convaincant sur les start-up et l’entreprenariat. Après le blog de Paul Graham et la classe de Sam Altman à Stanford en 2014, voici son Startup Playbook. Un bref document « destiné aux personnes qui découvrent le monde de la start-up. La plupart de ce qui est décrit ici ne sera pas nouveau pour les gens qui ont lu beaucoup de choses publiées par les partenaires de YC – le but est de le mettre dans un seul document. » Altman explique de plus : « Donc tout ce dont vous avez besoin est une excellente idée, une excellente équipe, un excellent produit, et une excellente exécution. Si facile! 😉 Un document à lire absolument que je résume à ma manière à travers des extraits plus courts:

startup_playbook

En premier lieu quelques conseils d’ami
– Faites quelque chose que vos utilisateurs adorent.
– Un mot d’avertissement sur la décision de créer une start-up : ça pue!
– D’autre part, la création d’une startup n’est en fait pas très risquée pour votre carrière.

Une excellente idée (y compris un grand marché)
– Quelque chose qui s’explique clairement et de façon concise avec un potentiel de croissance rapide.
– Il est plus facile de faire quelque chose de nouveau et de difficile que quelque chose incrémental et facile.
– Les meilleures idées semblent mauvaises, mais sont en fait excellentes.

Une excellente équipe
– Les équipes médiocres ne construisent pas de grandes entreprises.
– Les caractéristiques des meilleurs fondateurs comprennent « l’inarrêtabilité », la détermination, la « formidabilité », et la débrouillardise; ainsi que l’intelligence et la passion.
– De bons fondateurs ont un certain nombre de qualités apparemment contradictoires telles que la rigidité et la flexibilité.

Un excellent produit
– Un excellent produit est le seul moyen de garantir la croissance à long terme.
– « Faire des choses qui ne passent pas à l’échelle » est à juste titre devenu un mantra pour les start-up.
– Itérer et adapter au fur et à mesure.
PS: et j’ajoute qu’un « produit » comprend toutes les interactions qu’un utilisateur entretient avec la société. Vous devez offrir un grand service de support et de vente, etc.

Une excellente exécution
– Vous devez faire les choses vous-même – le fantasme de l’embauche d’un « gestionnaire expérimenté » pour faire tout le travail est à la fois très répandu et un cimetière pour les entreprises qui ont échoué. Vous ne pouvez pas externaliser le travail à quelqu’un d’autre avant longtemps.
– La croissance (tant qu’il n’est pas question de la croissance liée à « vendre des billets de un dollar pour 90 cents ») résout tous les problèmes, et le manque de croissance ne trouve de solution que par la croissance.
– La transparence interne sans compromis sur les métriques (et les finances) est une bonne chose à faire.

Concentration et intensité
– Les meilleurs fondateurs sont implacablement concentrés sur leur produit et la croissance. Ils ne cherchent pas à tout faire, en fait, pas trop, disent-ils.
– Alors que de grands fondateurs ne font pas beaucoup de grands projets, ils font ce qu’ils font très intensément. Les grands fondateurs écoutent tous les conseils et ensuite exécutent rapidement leurs propres décisions.

Être un fondateur et PDG
Les rôles du PDG : 1) définir la vision et la stratégie de la société, 2) évangéliser la société pour tout le monde, 3) embaucher et gérer l’équipe, en particulier dans les zones où vous vous avez des lacunes 4) recueillir des fonds et assurer que l’entreprise ne soit pas à court d’argent, et 5) définir les objectifs à mettre en œuvre.

Comme je l’ai mentionné au début, c’est un travail intense. Si vous avez du succès, cette intensité impactera votre vie à un degré que vous ne pouvez pas imaginer- la société sera quasiment votre préoccupation. Concentration extrême et intensité extrême signifient que ce n’est pas le meilleur choix pour l’équilibre travail-vie privée. Vous pouvez avoir une autre activité – avoir une vie de famille, faire beaucoup de triathlons, mais probablement pas beaucoup plus que cela.

Aucun fondateur novice ne sait ce qu’il ou ce qu’elle fait. En admettant que vous le compreniez, demandez de l’aide, vous en serez mieux. Il vaut la peine d’investir du temps pour apprendre à devenir un bon leader et un bon gestionnaire. La meilleure façon de le faire est de trouver un mentor – la lecture de livres de ne semble pas fonctionner aussi bien.

Soyez persévérant. Un CEO qui réussit ne renonce pas (même si vous ne voulez pas être obstiné au-delà de toute raison – ceci est une autre contradiction de ce monde, et l’équilibre est difficile à trouver.)

Soyez optimiste. Bien qu’il soit possible qu’il y ait un grand PDG pessimiste quelque part dans le monde, je ne l’ai pas encore rencontré(e).

Derniers conseils

– Le recrutement : ne le faites pas. Attendez!
– La concurrence : 99% des startups meurent de suicide, pas assassinées.
– La levée de fonds: les investisseurs sont à la recherche d’entreprises qui vont vraiment réussir. Le « vraiment » est important. Si un investisseur croit que vous avez une probabilité de 100% de créer une entreprise de 10 millions $, mais presque aucune chance de construire une grande entreprise, il / elle ne va probablement pas investir. Toujours expliquer pourquoi vous pourriez être un énorme succès. Beaucoup des meilleures entreprises ont dû lutter sur ce point, parce que les meilleures entreprises semblent si souvent mauvaises au début (et elles semblent si peu à la mode) Et rappelez-vous que tout sauf un «oui» est un «non».
– Les investisseurs: les bons investisseurs vont vraiment ajouter beaucoup de valeur. Les mauvais investisseurs nuisent beaucoup. La plupart des investisseurs sont quelque part au milieu sans contribuer ni nuire. Les bons membres du conseil d’administration sont l’une des meilleures fonctions extérieures pour une entreprise.

A nouveau, je rappelle que tout cela est extrait du Startup Playbook de Sam Altman. Merci à lui pour cet excellent travail! Je dois aussi remercier un de mes étudiants (il se reconnaîtra) pour m’avoir mentionné ce document…

Global Entrepreneurship 2016 – Partie 1: la macroéconomie

Je viens de lire deux rapports très intéressants sur l’entrepreneuriat. Le premier est le Global Entrepreneurship Index 2016 (GEI). Le second est le Startup Playbook de Sam Altman (YCombinator). Alors que la second porte sur les caractéristiques « micro » de l’des entreprenariat, le GEI est une analyse macro-économique et globale. Je vais traiter Startup Playbook dans la partie 2 de cette série d’articles. Je vais me concentrer ici sur le GEI.

Global-Entrepreneurship-Index

Ce que je trouve vraiment intéressant est que, comparativement à l’indice mondial de l’innovation (GII) sur lequel je dois avouer toujours avoir des doutes – je pense qu’il mesure plus les conditions nécessaires à l’innovation plus que son succès – je me sens beaucoup plus à l’aise avec les critères et les résultats du GEI. Par exemple, les Etats-Unis est le numéro un ce qui fait beaucoup de sens et la Suisse est n°8. La Suisse est n°1 dans le GII, qui est un mystère pour moi. La France et Israël sont #10 et #21 dans la GEI, mais #20 et #21 dans le GII.

Global-Entrepreneurship-Index-USA-Isr-CH-FR

Les 3 « A » de l’entrepreneuriat

Alors, comment tout cela est-il mesuré? Les auteurs définissent 3 conditions-cadres de l’entrepreneuriat: les attitudes, les « abilities » (capacités) et les aspirations [Pages 26-27 du document ou 49-50 du pdf]. Ils définissent également 14 piliers associés [Pages 19-22 du document ou 42-45 du pdf]

Les attitudes entrepreneuriales sont les attitudes sociales envers l’entrepreneuriat, que nous définissons comme le sentiment général d’une population de reconnaître les opportunités, la connaissance personnelle d’entrepreneurs, le fait de donner aux entrepreneurs un statut élevé, d’accepter les risques associés à la création d’entreprises, et d’avoir les compétences nécessaires pour lancer une entreprise avec succès. Les personnes de référence sont celles qui peuvent reconnaître les opportunités d’affaires et ont les compétences pour les exploiter; qui attachent un statut élevé aux entrepreneurs; qui peuvent supporter et gérer les risques associés aux start-up; qui connaissent d’autres entrepreneurs personnellement (c-a-d. qu’elles ont des modèles et des réseaux); et qui peuvent générer de futures activités entrepreneuriales.

En outre, ces personnes peuvent fournir le soutien culturel, les ressources financières, et le potentiel de réseautage pour ceux qui sont déjà entrepreneurs ou qui veulent démarrer une entreprise. Les attitudes entrepreneuriales sont importantes car elles expriment le sentiment général de la population vis à vis des entrepreneurs et de l’esprit d’entreprise. Les pays ont besoin de gens qui peuvent reconnaître des potentiels d’affaires intéressantes, et qui estiment qu’ils ont les compétences nécessaires pour exploiter ces opportunités. En outre, si les attitudes nationales envers l’entrepreneuriat sont positives, cela va générer un soutien culturel, un soutien financier, et des avantages de réseautage pour ceux qui veulent se lancer dans les affaires.

Les capacités entrepreneuriales (« abilities ») se rapportent aux caractéristiques des entrepreneurs et de leurs entreprises. Différents types de capacités entrepreneuriales peuvent être distingués dans le domaine des nouvelles entreprises. La création d’entreprises peut varier selon le secteur de l’industrie, la forme juridique de l’organisation, et la démographie – âge, éducation, etc. Nous définissons les capacités entrepreneuriales comme les start-up créées dans les secteurs de moyenne ou de haute technologie qui sont lancées par des entrepreneurs instruits, et lancées par une personne motivée par une opportunité dans un environnement qui ne soit pas trop concurrentiel. Afin de calculer le taux de d’opportunité, nous utilisons le TEA Opportunity Index du GEM. Le TEA capture les nouvelles start-up non seulement comme création de nouvelles entreprises, mais aussi en tant que start-up au sein des entreprises existantes, comme un spin-off ou autre effort entrepreneurial. Les différences dans la qualité des start-up sont quantifiées par le niveau d’éducation de l’entrepreneur – éducation postsecondaire – et l’unicité du produit ou du service, tel que mesuré par le niveau de la concurrence. En outre, il est généralement accepté que cette motivation de l’opportunité est un signe d’une meilleure planification, d’une stratégie plus sophistiquée, et d’attentes de croissance supérieurs que la motivation de «nécessité» des start-up.

Les aspirations entrepreneuriales reflètent les aspects qualitatifs des start-up et des nouvelles entreprises. Certaines personnes détestent leur employeur et veulent être leur propre patron, tandis que d’autres veulent créer le prochain Microsoft. L’aspiration entrepreneuriale est définie comme l’effort de l’entrepreneur à un stade précoce d’introduire de nouveaux produits et / ou services, de développer de nouveaux procédés de production, de pénétrer les marchés étrangers, d’augmenter considérablement le nombre d’emplois de leur entreprise, et de financer leur entreprise avec du capital risque formel et / ou de informel. L’innovation par les produits ou les processus, l’internationalisation et la forte croissance sont considérés comme les principales caractéristiques de l’esprit d’entreprise. Ici, nous avons ajouté une variable de financement pour prendre en compte le potentiel de capital de risque formel et informel qui est vital pour les start-up innovantes et les entreprises à forte croissance.

Chacun de ces trois blocs de l’esprit d’entreprise influe sur les deux autres. Par exemple, les attitudes entrepreneuriales influencent les capacités et les aspirations entrepreneuriales, tandis que les aspirations et les capacités entrepreneuriales influencent aussi les attitudes entrepreneuriales.

GEI-Conditions

Les 14 piliers de l’entrepreneuriat

Les piliers de l’entrepreneuriat sont nombreux et complexes. Alors qu’une définition largement acceptée de l’esprit d’entreprise fait défaut, il y a un accord général que le concept a de nombreuses dimensions. […] Compte tenu de toutes ces possibilités et des limites, nous définissons l’esprit d’entreprise comme « l’interaction dynamique, institutionnellement intégrée entre les attitudes entrepreneuriales, les capacités entrepreneuriales et les aspirations entrepreneuriales par des individus, qui entraîne l’allocation des ressources à travers la création et l’exploitation de nouvelles entreprises.  »

Les piliers relatifs aux attitudes entrepreneuriales

Pilier 1: Perception de l’Opportunité. Ce pilier capte le potentiel de « perception d’opportunité » d’une population en considérant la taille du marché intérieur de son pays et le niveau d’urbanisation. Dans ce pilier, il y a la variable individuelle, la reconnaissance des opportunités, qui mesure le pourcentage de la population qui pet identifier les bonnes opportunités pour démarrer une entreprise dans la région où elle vit. Toutefois, la valeur de ces possibilités dépend également de la taille du marché. La variable institutionnelle Agglomération du Marché se compose de deux variables plus petites: la taille du marché intérieur (Marché intérieur) et de l’urbanisation (urbanisation). La variable d’urbanisation est destinée à capter les opportunités qui ont de meilleures perspectives dans les zones urbaines développés que dans les zones rurales les plus pauvres.

Pilier 2: Compétences start-up. Le lancement avec succès d’une entreprise nécessite que l’entrepreneur potentiel ait les compétences nécessaires au démarrage. La perception des compétences mesure le pourcentage de la population qui croit avoir les compétences adéquates de démarrage. La plupart des gens dans les pays en développement pensent qu’ils ont les compétences nécessaires pour démarrer une entreprise, mais leurs compétences sont généralement acquises par essais et erreurs sur leur lieu de travail pour des activités d’affaires relativement simples. Dans les pays développés, la formation d’entreprise, l’exploitation, la gestion, etc., nécessite des compétences qui sont acquises par l’éducation et la formation théorique. Ainsi l’éducation, notamment l’éducation postsecondaire, joue un rôle essentiel dans l’enseignement et le développement des compétences entrepreneuriales.

Pilier 3: Acceptation des risques. Parmi les caractéristiques entrepreneuriales individuelles, la peur de l’échec est l’un des obstacles les plus importants à une start-up.

Pilier 4: Réseaux. Le réseautage combine une connaissance personnelle de l’entrepreneur avec leur capacité à utiliser l’Internet à des fins commerciales. Cette combinaison sert de proxy pour la dimension réseau, qui est aussi un ingrédient important de la création d’entreprise et de l’entrepreneuriat.

Pilier 5: Soutien culturel. Ce pilier est une mesure combinée de la façon dont les habitants d’un pays considèrent les entrepreneurs en termes de statut et de choix de carrière, et comment le niveau de corruption dans ce pays affecte ce point de vue.

Les piliers relatifs aux capacités entrepreneuriales

Pilier 6: Start-up d’opportunité. Ceci est la mesure par les gens qui sont motivés par l’opportunité, mais confrontés à des contraintes réglementaires. La motivation de l’entrepreneur pour démarrer une entreprise est un signal important de la qualité. Les entrepreneurs d’opportunité sont considérés comme mieux préparés, ayant des compétences supérieures, et gagnant plus que ce que nous appelons les entrepreneurs par nécessité.

Pilier 7: Absorption de la technologie. Dans l’économie moderne de la connaissance, les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent un rôle crucial dans le développement économique. Tous les secteurs ne fourniront pas les mêmes chances de survie pour les entreprises et / ou de potentiel de croissance. La variable niveau de technologie est une mesure des entreprises qui sont dans les secteurs technologiques.

Pilier 8: Capital humain. La prévalence du capital humain de haute qualité est d’une importance vitale pour les entreprises qui sont très innovantes et exigent une main-d’œuvre instruite, expérimentée, et en bonne santé pour continuer à croître.

Pilier 9: Concurrence. La concurrence est une mesure de l’unicité du produit ou du marché d’une entreprise, combinée à la puissance du marché des entreprises et groupes d’entreprises existantes.

Les piliers relatifs aux aspirations entrepreneuriales

Pilier 10: Innovation de produit. Les nouveaux produits jouent un rôle crucial dans l’économie de tous les pays. Un nouveau produit est une mesure de la capacité d’un pays à générer de nouveaux produits et d’adopter ou d’imiter les produits existants.

Pilier 11: Processus d’innovation. L’application et / ou la création de nouvelles technologies est une autre caractéristique importante des entreprises à fort potentiel de croissance. New Tech est défini comme le pourcentage d’entreprises dont la technologie sous-jacente principale est âgée de moins de cinq ans.

Pilier 12: Forte croissance. Ceci est une mesure combinée du pourcentage d’entreprises à forte croissance qui ont l’intention d’employer au moins dix personnes et prévoient de croître de plus de 50 pour cent en cinq ans (les « Gazelles ») avec la sophistication de la stratégie des affaires (variable Stratégie d’entreprise).

Pilier 13: Internationalisation. L’internationalisation est considérée comme un déterminant majeur de la croissance. Un proxy largement appliqué pour l’internationalisation est le niveau d’exportation.

Pilier 14: Capital-risque. La disponibilité de financement à risque, en particulier l’équité plutôt que la dette, est une condition essentielle pour la réalisation des aspirations entrepreneuriales qui vont au-delà des ressources financières personnelles d’un entrepreneur individuel.

La raison pour laquelle je me suis vraiment senti synchronisé avec les auteurs (Félicitations aux auteurs Zoltan J. Ács, László Szerb, Erkko Autio pour ce travail !) est un extrait final tiré des pages 63-64 (86-87 du pdf): ils expliquent les défis et les erreurs liées et décrivent de meilleures approches.

Malheureusement, bien que l’esprit d’entreprise à forte croissance et les écosystèmes entrepreneuriaux soient considérés comme cruciaux dans de nombreux programmes politiques, il y a une assez mauvaise compréhension de la façon dont la politique peut les favoriser plus efficacement. La plupart des livres souhaitant promouvoir l’esprit d’entreprise restent accrochés à de vieilles recettes politiques, qui se concentrent sur l’identification et la fixation des « défaillances du marché » et des « défaillances structurelles ». De telles approches, tout en étant efficaces dans la lutte contre les défaillances de marché bien spécifié et structurelles, sont désespérément insuffisantes pour faire face à la complexité des écosystèmes entrepreneuriaux.

Un exemple classique d’une défaillance du marché est l’échec des entreprises à investir dans la R&D. Parce que la R&D est une activité risquée et incertaine, de nombreuses entreprises sont tentées d’attendre, de laisser les autres prendre le risque, puis de copier rapidement des projets réussis. Mais si tout le monde pensait de cette façon, personne n’investirait dans la R&D, et les activités novatrices stagneraient. Par conséquent, les gouvernements abordent cette défaillance du marché en fournissant des subventions pour la R&D – contribuant de fait à diminuer les risques tout en permettant aux entreprises de garder les retours potentiels. Contrairement à la subvention d’activités spécifiques, une politique contre les défaillances structurelles chercherait à fournir des services de soutien et des structures qui soutiennent la création et la croissance de nouvelles entreprises. Des exemples de politiques structurelles comprennent, par exemple, la création de parcs scientifiques et de pépinières d’entreprises pour abriter et soutenir le démarrage des entreprises.

Ces deux approches ne parviennent pas à répondre à la complexité des écosystèmes entrepreneuriaux, qui sont trop complexes pour permettre une identification aisée des défaillances du marché, telles que l’insuffisance des investissements dans la R&D. Le « produit » que les écosystèmes entrepreneuriaux produisent sont de nouvelles entreprises innovantes et à forte croissance. La création de nouvelles entreprises à forte croissance est une activité beaucoup plus complexe que de commencer un projet de R&D. Si nous ne voyons pas un nombre suffisant de nouvelles entreprises de forte croissance, où est exactement la défaillance du marché ? L’approche standard des gouvernements, qui est cohérente avec la pensée autour de l’échec du marché, est qu’il n’y a peut-être pas de financement suffisant pour commencer de nouvelles entreprises à forte croissance. Pourtant les gouvernements ont fourni des subventions pour soutenir la création d’entreprises et les résultats ne sont pas très encourageants.

Un autre problème majeur à la fois avec la défaillance du marché et les échecs structurels est qu’ils sont décidés « au sommet », là où le décideur analyse, conçoit, et met en œuvre la politique publique sur l’esprit d’entreprise. Les décisions qui viennent d’en haut ne sont pas adaptées aux écosystèmes entrepreneuriaux qui se composent de plusieurs parties prenantes indépendantes. Dans de telles situations, un décideur ne peut pas simplement commander et contrôler, car il n’y pas d’autorité formelle sur les parties prenantes de l’écosystème. Au lieu de cela, les décideurs doivent engager les différentes parties prenantes et les coopter comme des participants actifs et contributeurs à aux décisions politiques.

[…]

Les écosystèmes entrepreneuriaux sont fondamentalement des systèmes d’interaction consistant en de multiples intervenants, co-spécialisés, mais hiérarchiquement indépendants, et beaucoup ne se connaissent même pas les uns les autres. Ici, la co-spécialisation signifie que les différents acteurs jouent différents rôles – capitaux-risqueurs, institutions de recherche, différentes institutions de soutien, nouvelles entreprises, entreprises établies, et ainsi de suite. Ils offrent des compétences et des services complémentaires, et dépendent normalement les un des autres pour atteindre leurs objectifs, ce qui implique que la collaboration est nécessaire.

Dans ce qui précède, l’indépendance hiérarchique signifie qu’il n’y a pas de ligne de commandement officielle, contrairement, par exemple, au sein des organismes gouvernementaux ou des sociétés industrielles. Tous les acteurs prennent leurs propres décisions indépendantes et optimisent leur propre performance. Combiné avec la co-spécialisation, cela crée un dilemme de dépendance mutuelle : pour atteindre vos objectifs, vous devez compter sur les autres, mais vous ne pouvez pas dire aux autres quoi faire. La coopération est donc nécessaire. Cela limite l’utilité des politiques « descendantes » traditionnelles, qui sont généralement mises en œuvre à travers des chaînes de commandement officielles (par exemple, un ministère concevant une politique, qui est ensuite mise en œuvre par un organisme gouvernemental supervisé par le département).

Également d’intérêt est la notion de systèmes d’interaction, ce qui signifie que les parties prenantes des écosystèmes entrepreneuriaux « co-produisent » leurs résultats, comme de nouvelles entreprises innovantes à forte croissance. Ces résultats sont coproduits par une myriade d’interactions souvent non coordonnées entre les parties prenantes interdépendantes mais hiérarchiquement indépendantes. Cette combinaison de l’indépendance et de l’interdépendance rend la coordination difficile.

Dans le modèle GEI, ce sont les entrepreneurs qui dirigent l’entreprise par un mécanisme dynamique d’essais et erreurs. Cela signifie que les entrepreneurs lancent de nouvelles entreprises pour saisir les occasions qu’ils perçoivent. Une opportunité entrepreneuriale est tout simplement une chance de faire de l’argent grâce à une nouvelle entreprise, telle que la production et la vente de biens ou de services à but lucratif. Cependant, les entrepreneurs ne peuvent jamais dire à l’avance si une opportunité est réelle ou non: le seul moyen de valider l’opportunité est de la poursuivre. En d’autres termes, les entrepreneurs ont besoin de prendre des risques: ils ont besoin d’accéder à et de mobiliser des ressources (humaines, financières, matérielles, technologiques) avant qu’ils puissent vérifier si oui ou non un bénéfice peut être fait. Cela signifie que tous les efforts des entrepreneurs ne seront pas couronnés de succès, car certaines opportunités se révèlent être de simples mirages. Dans de tels cas, l’entrepreneur en herbe réalisera tôt ou tard qu’il ne va jamais faire un profit, ou qu’il pourrait faire plus d’argent en faisant autre chose. Dans de tels cas, l’entrepreneur va abandonner la poursuite de son objectif et faire autre chose à la place.

Si, cependant, une opportunité se révèle être prometteuse, les entrepreneurs vont faire plus d’argent en la poursuivant plutôt que de faire quelque chose d’autre, et ils vont continuer à l’exploiter. Le résultat net de cette activité dynamique d’essais et erreurs est en conséquence l’allocation des ressources à des fins productives. En d’autres termes, une dynamique entrepreneuriale saine dans une économie donnée stimulera la productivité, soit la différence entre les entrées et sorties. Plus grande est la productivité, plus grande sera la capacité de l’économie à créer de nouvelles richesses.

Les défis de la création d’une start-up

Janvier est le mois où nous publions nos statistiques de start-up à l’EPFL et c’est l’occasion pour les médias de nous contacter pour discuter de la question. J’ai eu l’occasion de partager mes vues avec Danny Baumann, de l’AGEFI, et je trouve qu’il a fait une excellente synthèse de notre échange. La voici:

Agefi

L’EPF de Lausanne crée depuis dix ans en moyenne quinze start-up par an. Hervé Lebret dresse une liste de quelques pistes à suivre.

DANNY BAUMANN

Les chiffres sont tombés avant hier (L’Agefi du 6 janvier): les chercheurs des Ecoles polytechniques fédérales de Lausanne et Zurich ont créé 43 entreprises en 2015, dont 18 à Lausanne. L’Innovation Park de L’EPFL croît année après année, pour preuve les quelques 700 emplois créés depuis son lancement en 1991. Fintech, biotech, medtech sont dans la bouche de tous mais comment réussir à créer et, surtout, faire perdurer une start-up dans un monde que l’on sait en constante évolution? Il n’y évidemment pas de solution miracle, comme nous l’explique Hervé Lebret, spécialiste de l’innovation et enseignant à l’EPFL.

La réussite d’une start-up dépend d’un nombre incalculable de paramètres. Il faut que ces éléments soient comme un alignement parfait de planètes pour que le succès soit au rendez-vous. Des facteurs aléatoires, comme la chance, font partie intégrante de ce processus. L’EPFL donne un soutien financier, huit à dix bourses par année, sous la forme d’Innogrant. Lancé en 2005 avec le soutien de Lombard Odier, ces Innogrant consistent en un salaire de maximum 100.000 francs. Ceci ne garantit en aucun cas la réussite d’une start-up mais représente une belle rampe de lancement.

Hervé Lebret dresse une liste de quelques pistes à suivre. Pour commencer, la vision globale est indispensable. Avoir un objectif international plutôt que local. L’avenir d’une start-up tout de suite être anticipé: elle atteint en effet sa maturité au bout de cinq à sept ans. « A partir de ce moment-là, soit elle se fait reprendre par les mastodontes comme Google ou Apple ou elle poursuit son développement via les marchés actions. Elle reste rarement au stade de la PME de 20-30 employés », ajoute Hervé Lebret. Selon lui, 90% à 99% de ces jeunes sociétés disparaissent dans les dix ans.

Un autre aspect majeur: ne pas être frileux sur le marché. « Un entrepreneur d’une start-up doit garder à l’esprit que sa société doit être en perpétuelle croissance », continue-t-il. Être Ambitieux et faire confiance aux investisseurs potentiels, pour une levée de fonds, quitte à perdre un peu du contrôle de son entreprise. Un passage obligé pour la croissance. En moyenne, 100 millions de francs sont investis par année, de fonds privés, dans les start-up de l’EPFL. Mais comment trouver des investisseurs ? La course aux prix est un excellent moyen de faire connaître son produit. Les deux premières années sont plutôt de la survie, c’est à ce moment-là que les différentes récompenses sont indispensables. « Les prix c’est bien, mais après deux ans, il ne faut pas oublier de passer en mode croissance », exprime-t-il. Beaucoup font l’erreur de perdre l’objectif global de vue et reste ainsi trop petit dans le marché alors que le développement de l’entreprise est vital.

Un bon recrutement est un atout majeur dans la réussite. Vient alors la question du salaire à verser. Le collaborateur nouvellement recruté doit être conscient que la rétribution perçue sera plus faible que dans une entreprise importante. Les stock-options peuvent être une bonne alternative pour compenser la différence de salaire. Reste toujours le problème de la fiscalité des stock-options qui sont aujourd’hui vu comme un revenu même s’ils ne rapportent rien. Il faudrait pouvoir trouver une entente sur un statut spécial «start-up» dans la loi. La problématique fait débat depuis quelques années déjà.

D’autres éléments sont encore importants pour un entrepreneur comme la flexibilité, la création d’un réseau dense, avoir des mentors ou encore, cela sonne comme une évidence, avoir la passion pour son produit.

Des facteurs macro-économiques font également leur entrée. Pour n’en citer qu’un, mais essentiel, principalement en Suisse, la migration. Sur les 90 Innogrant distribués par l’EPFL depuis 2005, 75% d’entre eux ont fini entre les mains d’entrepreneurs étrangers. Et ce n’est pas une question de discrimination. La Suisse a besoin de cerveaux étrangers. Un long débat politique.

Pour l’EPFL, la création de startup, ou plutôt d’emplois dans celles-ci, est un atout majeur. Pas tant d’un point de vue financier mais plutôt d’image. Économiquement parlant, les revenus proviennent des licences accordées (ils reçoivent des participations ou royalties en échange) aux différentes entités ou encore lors de la vente de l’une des start-up, soit environ 1% de la valeur de transaction. [Vous pouvez lire l’article Que demandent les universités aux start-up pour une licence de propriété intellectuelle ?] L’image, elle, est bien plus notable. Faire passer le message d’une innovation constante, aux yeux du monde entier, est un point vital pour l’EPFL et pour le pays.

Un cas d’école d’une start-up ambitieuse à l’EPFL.

L.E.S.S. Founders - Tissot and Rivier
Yann Tissot et Simon Rivier, co-fondateurs de L.E.S.S.

La jeune société L.E.S.S. (Light Efficient Systems) est l’exemple parfait d’une start-up de l’EPFL en pleine croissance. La fibre optique de la société permet de générer un nouveau système de lumière qui ne laisse pas indifférent le secteur de l’automobile ou encore les fabricants d’ordinateurs.

Yann Tissot, président et co-créateur, a reçu une bourse Innogrant de l’EPFL en 2011. Fort de cet investissement, la start-up a été créée en juin 2012. A partir de ce moment-là, l’ambition et la passion du jeune entrepreneur ont fait la différence. Entre tour du monde pour faire connaitre son produit et course aux prix comme Entrepreneurship Prize de la fondation W.A. de Vigier, Strategis Prize competition ou encore le prix de la 2e meilleure start-up suisse en 2014 [puis la #1 in 2015 !]. Des récompenses qui lui ont permis de survivre et de trouver des investisseurs. En avril 2015, une vitale levée de fonds de trois millions est conclue avec VI Partners, supervisé par Alain Nicod, ainsi qu’auprès de différents business angels.

Aujourd’hui, L.E.S.S. compte neuf collaborateurs et a été tout proche d’atteindre le million de chiffre d’affaires l’année dernière. Le revenu estimé pour 2016 sera de l’ordre de quelques millions de francs. – (DB)

Dix pistes pour innover dans des temps incertains

Suite à mon post d’hier intitulé Invention, entrepreneuriat et innovation voici une courte présentation que j’ai faite hier sur la culture de l’innovation. Je l’avais déjà mentionnée dans un post précédent (sans les diapositives): Le prochain Google sera-t-il européen (ou suisse) ? La réponse de Fathi Derder. Derder, un homme politique suisse, a écrit un livre – Le prochain Google sera suisse (à 10 conditions) – expliquant ce que la Suisse a besoin de changer dans ses conditions-cadres générales. C’est un livre important. Quand je parle aux étudiants et jeunes entrepreneurs, je me concentre plus sur l’importance de la culture de l’innovation. Ce que vous pouvez découvrir plus bas. En espérant que vous apprécierez!

Invention, entrepreneuriat et innovation

« Tout ce qui ne se vendra pas, je ne veux pas l’inventer » – Thomas Edison

Cet article a été suscité par une discussion avec des collègues au sujet de ce qu’est vraiment l’innovation. Je dois admettre que la conversation m’a aidé à clarifier et à corriger quelques idées fausses (qui étaient les miennes!) Je vais donc essayer d’expliquer en quoi les trois concepts d’invention, d’entrepreneuriat et d’innovation diffèrent et comment ils sont liés. Du moins de mon point de vue.

Invention - Entrepreneuriat - Innovation

Alors permettez-moi de commencer par des définitions:

Invention: quelque chose de nouveau, qui n’existait pas antérieurement et qui est reconnu comme le produit d’une intuition ou d’un génie unique. Un produit de l’imagination. Quelque chose qui n’a jamais été fait avant. « Quelque chose de nouveau sous le soleil ». Une découverte préexiste à son découvreur, par opposition à l’inventeur et son invention.

Innovation: la mise en œuvre réussie et l’adoption par la société de quelque chose de nouveau. Donc, une innovation est la commercialisation ou l’adoption (si à but non lucratif) d’une invention.

Entrepreneuriat: action de créer de la richesse et/ou de l’emploi par la création d’une entreprise (selon wikipedia). L’entrepreneur perçoit une (nouvelle) opportunité d’affaires et rassemble les ressources pour la mettre en œuvre, idéalement avec succès. Lorsque l’entrepreneur réussit à mettre en œuvre quelque chose de nouveau, il/elle est un innovateur. Mais il/elle n’a pas besoin d’être un innovateur, il/elle peut aussi être un imitateur.

La différence est donc claire entre invention et innovation. Il y a toujours une invention avant une innovation, mais un innovateur n’a pas à être un inventeur. Cela montre également que l’entrepreneur n’a pas à inventer, ni à innover. Wikipedia illustre très bien la distinction entre invention et innovation.

Ma plus grande erreur a été de dire « les grandes entreprises n’innovent plus ». Je me suis trompé. Bien que les entreprises établies imitent souvent, beaucoup d’entre elles innovent. Elles inventent plus rarement et peu sont réellement entrepreneuriales. Mais pour innover, il est préférable d’être établi. Laissez moi expliquer.

Permettez-moi pour cela de revenir sur mon sujet favori: « Une start-up est une organisation formée pour rechercher un modèle d’affaires reproductible et multipliable. » Ceci est la meilleure définition que j’ai trouvée à ce jour et elle vient de Steve Blank. Ceci explique magnifiquement que toutes les entreprises ne sont pas des start-up (par exemple quand elles ont un modèle d’affaires clair dès le premier jour et/ou si elles ne cherchent pas le passage à l’échelle – « scalable » ou multipliable). Cela explique également quand une entreprise n’est plus une start-up. Elle peut alors innover.

Une autre idée fausse est de confondre la recherche et développement (R&D) avec l’innovation. La recherche porte sur l’invention ou la découverte. Le développement suit. L’innovation vient après. Breveter appartient plutôt au domaine de l’invention qu’à celui de l’innovation. Tout cela explique aussi pourquoi j’ai tant de doutes sur les mesures de l’innovation. Elles donnent des entrées – inputs- (tels que les inventions ou la R&D) plus que ce que l’innovation est vraiment, un résultat – output.

Invention - Innovation

Alors, comment ces trois concepts sont-il liés? Relisez, la citation d’Edison ci-dessus. Dans le passé, les grandes entreprises innovantes telles que IBM ou Bell Labs inventaient. Elles avaient de grands laboratoires de R&D. Xerox était célèbre pour sa capacité inventive et sa faible innovation. Et Apple a « volé » beaucoup de ses inventions et innové à sa place. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises établies se tournent vers les universités pour trouver des inventions qu’elles licencent. Ou elles collaborent avec des partenaires (i.e. l' »innovation ouverte »). Cependant, le risque et l’incertitude liés à l’invention ainsi qu’au fait de trouver un marché pour de nouvelles choses rend l’innovation difficile sans l’esprit d’entreprise…

Entrepreneuriat - Innovation

L’entrepreneuriat est un excellent moyen de favoriser l’innovation. Les entrepreneurs voient une opportunité et acceptent l’incertitude et la prise de risque. Lorsque cela est fait en interne, cela est appelé l’intrapreneuriat. Nespresso est un exemple (même si au début Nestlé n’a pas encouragé son intrapreneur – qui par ailleurs était aussi l’inventeur). Les entreprises cessent d’être des start-up (en raison même de la définition donnée plus haut) quand elles innovent! En effet, elles sont souvent achetées (M&A) par de plus grandes entreprises établies qui savent en général bien mieux comment commercialiser – innover.

Invention - Entrepreneuriat

Je devais ajouter l’intersection entre l’invention et l’entrepreneuriat. Mais est-ce logique? Je ne suis pas sûr. Il y a toutefois une industrie qui a combiné les deux concepts sans un réel besoin d’innovation: la biotechnologie. L’industrie est surtout une activité entrepreneuriale qui développe l’invention grâce aux essais cliniques. Dans la biotechnologie, les entreprises innovent rarement (Genentech ou Amgen étaient deux exceptions – avec quelques autres entreprises qui ont réussi à commercialiser leurs molécules) parce qu’elles sont souvent acquises par des entreprises pharmaceutiques ou quand bien même signent des licences de leurs produits aux plus grands acteurs. En fait de nombreuses start-up sont dans la même situation. En réalité, les entreprises inventent très rarement. Les inventions sont produites avant que les entreprises soient établies, au moins dans le domaine high-tech.

L’extrait du livre Science Lessons: What the Business of Biotech Taught Me About Management de Gorden Binder, ancien PDG d’Amgen est intéressant:
Modèle Biotech

Inventeurs, entrepreneurs et innovateurs

Inventeur - Entrepreneur - Innovateur

Pour les mêmes raisons décrites plus haut, peu de personnes ont les trois attributs. Chez Apple, Wozniak était un inventeur. Jobs était un entrepreneur et un innovateur. Mais Bill Gates ou Larry Page et Sergey Brin, les fondateurs de Google, sont de rares cas d’inventeurs, d’entrepreneurs et d’innovateurs combinés. Cependant Brin et Page ont inventé à Stanford puis créé Google pour mettre en œuvre avec succès leur invention.

Alors permettez-moi de terminer avec une magnifique définition de l’innovation donnée dans How Google Works [Page 206]: « Pour nous, l’innovation implique à la fois la production et la mise en œuvre d’idées nouvelles et utiles. Comme « nouveau » est souvent juste un synonyme fantaisiste pour inventif, il faut aussi préciser que pour quelque chose fasse preuve d’innovation, il doit offrir des fonctionnalités inventives, et il doit aussi être surprenant. Si vos clients vous demandent quelque chose, vous n’êtes pas innovant quand vous leur donnez ce qu’ils veulent; vous êtes juste à l’écoute. Voilà une bonne chose de dite, mais ce n’est pas être novateur. Enfin «utile» est un adjectif plutôt décevant pour décrire cette innovation « chaude », nous allons donc ajouter un adverbe et dire radicalement utile. Voilà: pour qu’une chose fasse preuve d’innovation, elle doit être nouvelle, surprenante, et radicalement utile. » […] « Mais Google ajoute également plus de cinq cents améliorations à son moteur recherche chaque année. Est-ce innovant? Ou incrémental? Elles sont nouvelles et surprenantes, bien sûr, mais si chacune d’elle par elle-même est utile, il est peut-être exagéré de dire radicalement utile. Mettez-les toutes ensemble, cependant, et elles le sont. […] Cette définition plus inclusive – l’innovation ne concerne pas seulement les choses vraiment nouvelles, les très grandes choses – est importante car elle offre à chacun la possibilité d’innover, plutôt que de la réserver au domaine exclusif de ces quelques personnes dans ce bâtiment hors campus [Google[x]] dont le travail est d’innover. »

L’innovation est complexe. Dois-je vous rappeler les défis que Clayton Christensen – The Innovator’s Dilemma – Geoffrey Moore – Crossing the Chasm – ou Steve Blank – The Four Steps to the Epiphany – ont brillamment décrits pour expliquer pourquoi l’innovation reste un peu magique…

Défis de l'innovation

PS: pouvez-vous être un entrepreneur sans inventer et innover? Bien sur! Non seulement les petites entreprises et les artisans qui utilisent leur savoir-faire pour une vie décente. Vous avez juste besoin d’imiter. Les opérateurs téléphoniques tels que Vodafone ou Bouygues Telecom se font une concurrence acharnée sans nécessité d’inventer ni d’innover. Ils copient d’autres opérateur téléphoniques. (Bon, ils innovent parfois aussi…) Dans le monde des start-up, les frères Samwer sont célèbres pour copier/coller les réussites américaines et les adapter au marché européen. Vous pouvez trouver de nombreuses références en ligne et les clones qu’il ont créés comprennent Alando (eBay), Zalando (Zappos, EasyTaxi (Uber), Pinspire (Pinterest), StudiVZ (Facebook), CityDeal (acquired by Groupon), Plinga (Zynga), and Wimdu (Airbnb). Voir aussi Quand Samwer n’était pas encore Samwer et écrivait un livre – bien avant Rocket Internet et ses clones.