Archives de catégorie : Innovation

Création d’emplois: qui a raison? Grove ou Kauffman

Deux articles récents semblent tirer des conclusions différentes sur le rôle des start-up dans la création d’emplois. La fondation Kauffman vient de publier le rapport The Importance of Startups in Job Creation and Job Destruction

Andy Grove, l’ex-CEO d’Intel, connait si bien la Silicon Valley et le monde des start-up que sa contribution How to Make an American Job Before It’s Too Late est assez perturbante. Laissez-moi en traduire un passage:

C’est une foi mal-placée que de croire aux start-up pour créer des emplois aux USA. Les Américains adorent l’idée que des gars dans un garage inventent quelque chose qui va changer le monde. L’éditorialiste du New York Times, Thomas L. Friedman, a ainsi résumé ce point de vue dans « Des start-ups, pas des sauvetages de banques« . Voici son raisonnement: laissons mourir les vieilles entreprises fatiguées qui ne font que produire des produits à faible valeur, si elles doivent mourir. Si Washington veut créer des emplois, la capitale doit soutenir les start-up.

Moment mythique.

Friedman a tort. Les start-up sont une chose merveilleuse, mais elles ne peuvent pas seules augmenter le niveau d’emplois high-tech. Tout aussi important est ce qui suit ce moment mythique de la création dans le garage, lorsqu’il faut passer du prototype à la production de masse. C’est la phase de mise à l’échelle. Il faut finaliser la conception, trouver le moyen de produire économiquement, construire des usines, et recruter par milliers. Mettre à l’échelle est un travail difficile mais nécessaire pour que l’innovation joue pleinement son rôle. Ce processus-là n’a plus lieu aux USA. Et aussi longtemps qu’il ne se fera plus, injecter des capitaux dans de jeunes sociétés qui construisent leurs usines ailleurs continuera a être un mauvais investissement en termes de création d’emplois. La mise à l’échelle a bien fonctionné dans la Silicon Valley. Des entrepreneurs venaient avec leurs inventions. Des investisseurs leur donnaient l’argent pour bâtir leurs entreprises. Si les fondateurs et leurs investisseurs avaient de la chance, la start-up croissait et allait en bourse, ce qui finançait la suite de l’aventure.

Intel comme exemple de startup.

J’ai eu la chance de vivre une telle aventure. En 1968, deux technologistes bien connus et leurs amis investisseurs mirent $3 millions pour créer Intel, qui fabriqua des puces mémoires pour l’industrie des ordinateurs. Dès le début, il fallut penser production en masse. Nous eûmes à bâtir des usines; recruter, former et garder des employés. Et résoudre un million d’autres problèmes avant qu’Intel ne devienne une très grosse entreprise. Trois ans plus tard, nous étions cotés en bourse, et Intel est devenue une des plus grandes sociétés high-tech. En 1980, dix ans après l’IPO, nous avions environ 13 000 employés aux USA. Non loin de nos quartiers généraux de Santa Clara, d’autres en firent autant. Tandem Computers eut une histoire similaire, puis Sun Microsystems, Cisco Systems, Netscape Communications, etc. Certaines sociétés disparurent sur le chemin, d’autres furent achetées, mais chaque survivant ajoutait à cet écosystème technologique complexe qu’est devenue la Silicon Valley. Avec le temps, les salaires et les coûts de la santé ont augmenté et la Chine s’est ouverte, si bien que les sociétés américaines ont découvert qu’elles pouvaient produire et même concevoir de manière beaucoup plus économique outremer. Et ce faisant, les marges se sont améliorées, les équipes de direction étaient heureuses ainsi que les actionnaires. La croissance s’est poursuivie, de plus en plus profitable. Mais la machine à emplois s’est grippée.

USA contre Chine.

Aujourd’hui, les emplois dans la production d’ordinateurs aux USA sont de 166 000 — moins qu’à l’époque du premier ordinateur personnel, le MITS Altair 2800, en 1975. Entre temps, une industrie de la production de ces mêmes ordinateurs est née en Asie, avec un million et demi de travailleurs – ouvriers, ingénieurs et dirigeants. La plus grande de ces entreprises est Hon Hai Precision Industry Co., aussi connue sous le nom de Foxconn. La croissance de cette société fut à peine croyable, d’abord à Taiwan et ensuite en Chine. L’an dernier, son chiffre d’affaires à atteint 62 milliards de dollars, plus qu’Apple, Microsoft, Dell ou Intel. Foxconn emploie plus de 800 000 personnes, plus que la somme cumulée des emplois de Apple, Dell, Microsoft, Hewlett-Packard, Intel et Sony.

Rapport de 1 à 10

Jusqu’à la récente vague de suicides dans le complexe industriel géant de Foxconn à Shenzhen, peu d’Américains avait entendu parler de cette société. Pourtant tous connaissent les objets qu’elle produit : des ordinateurs pour Dell et HP, des téléphones portables pour Nokia, des consoles Xbox 360 pour Microsoft, des circuits pour Intel, et une quantité d’autres gadgets familiers. Quelques 250 000 employés de Foxconn dans le sud de la Chine fabriquent les produits d’Apple alors que la société à la pomme, n’a que 25 000 employés aux USA – ce qui veut dire que pour chaque employé Apple aux USA, il y en a 10 qui travaillent en Chine sur les iMacs, iPods et iPhones. Le même rapport de 1 à 10 tient pour for Dell, pour le fabriquant de disques durs Seagate Technology, et bien d’autres.

Si vous téléchargez le papier de la Kauffman, vous lirez que les start-up ont une création nette d’emplois alors que les sociétés établies ont une destruction nette d’emplois (elles en créent moins que n’en suppriment). Il n’y a pas vraiment de contradiction entre les deux articles, tous les deux montrent le rôle crucial de l’innovation, mais Andy Grove ajoute que cela ne suffit pas à long terme: il faut pérenniser la création de richesse initiale par des créations d’emplois stables dans la production. Le constat est d’autant plus intéressant qu’il vient de Mr. Grove dont la crédibilité n’est pas discutable…

Licences et start-up universitaires – la suite

Comme suite à mon post en date du 4 mai 2010, voici un second document pdf sur equity et royalty, cette fois sous forme visuelle. Si vous n’avez pas le précédent pdf, revoyez mon précédent post.

Ma présentation n’est sans doute pas valable pour tous les cas, mais il me semble qu’il y a un équilibre quasi-linéaire entre equity et royalty, comme des vases communicants. Il faut aussi tenir compte de mécanismes d’anti-dilution:
– de nombreuses universités fixent le montant d’equity par rapport à un montant investi ou par rapport au 1er tour de financement. Comme les investisseurs prennent souvent entre 30% et 50% de la société au premier tour (ou avec le montant investi ci-dessus), on peut calculer combien l’université aurait possédé de la société à la création. Le lien avec ou sans anti-dilution est donc assez direct.
– l’université de Caroline du Nord (et je l’avais commenté dans mon premier post) demande 0.75% d’equity avec anti-dilution jusqu’à une sortie. Intéressant!

Ce qui est aussi intéressant est qu’en fait Stanford, Caltech, Carnegie Mellon et UNC ont des modèles finalement assez proches alors que le MIT est assez similaire sur l’equity mais prend par contre un peu plus de royalty. Tout cela doit être considéré avec une certaine prudence, mais la réalité ne doit pas en être trop éloignée!

Mon document est très imparfait, peut-être un peu difficile à lire, tout comme mes commentaires, alors si je n’ai pas été clair du tout, contactez-moi! Vous pouvez télécharger le pdf ou cliquer sur l’image qui suit.

Qu’est-ce qui fait d’une entreprise de technologie un succès? Un mélange de peur et d’envie

Je viens de lire un article qui correspond assez bien à un aspect de l’entrepreneuriat high-tech qui est assez rarement discuté. Je le traduis directement de l’anglais et c’est son sous-titre qui m’a frappé: « qu’est-ce qui fait d’une entreprise de technologie un succès? Un mélange de peur et d’envie ».

Vous trouverez l’article en anglais sur Is Elon Musk the Bill Gates of Green? Pour ceux qui l’ignorent, Elon Musk est le patron de Tesla Motors, société dont j’ai parlé dans un post récent (en anglais seulement, mea culpa!). En effet, l’histoire d’amour entre fondateurs s’est mal terminée… Voici donc l’article de Michael Kanellos publié le 28 mai 2010 traduit de l’anglais.

Elon Musk est-il le Bill Gates du vert?
Qu’est-ce qui fait d’une entreprise de technologie un succès? Un mélange de peur et d’envie.

Tesla Motors aurait pu être un de ces deux types de société, Microsoft ou MicroUnity. Vous connaissez bien sûr l’histoire de Microsoft. Bill Gates et Paul Allen ont créé la société pour vendre des applications logicielles. Quand IBM décida de faire le PC, Microsoft gagna le contrat de fourniture d’un système d’exploitation qu’elle ne possédait pas alors. Les copieurs du PC comme Compaq – et la célébrité mondiale – suivirent.

MicroUnity vous est sans doute moins familière. Créée en 1988 par Rhodes Scholar et le génie des puces, John Moussouris, la société développa des circuits intégrés multimédia pour la télévision, le téléphone, et un jour, même pour le PC. Des millions de capital risque vinrent de Microsoft, Hewlett-Packard, TCI (aujourd’hui AT&T Broadband), Time Warner, Cox Communications, Motorola et Comcast, entre autres. Au début des années 2000, MicroUnity n’avait plus que 8 employés environ. MicroUnity gagna toutefois un procès en contrefaçon contre Intel en 2005.

Où est la différence? MicroUnity croyait pouvoir gagner avec sa technologie. En fabriquant le meilleur produit possible, les dirigeants de la société pensaient que le monde se rallierait à son point de vue. D’une certaine manière d’autres échecs tels que Segway, General Magic, Transmeta ou Be ont toutes souffert du même syndrome.

En comparaison, Microsoft n’a jamais été une société de technologie. Elle a plutôt émergé en utilisant la théorie des jeux, c’est à dire en négociant des accords et des situations dans lesquels des tiers ont trouvé plus bénéfique de coopérer avec le leader de l’informatique mondial plutôt que de le défier. Je vous l’accorde, on ne reçoit pas le prix Nobel en manipulant, mais cela peut marcher à merveille. Demandez à Otto von Bismarck.

Un des plus grands distributeurs des produit Microsoft qualifia les contrats de la société « d’usines à gaz de génie ». Vous signiez un contrat, expliquait-il, pour vous rendre compte trois semaines plus tard que toutes les contingences croisées et les programmes de bonus créaient une situation telle que vous n’aviez plus qu’à allouer toutes vos ressources à la vente des produits Microsoft au détriment des autres produits. Vous deviendrez riche en nous enrichissant, telle était l’offre de Microsoft. Et le monde de l’informatique approuva.

Tesla a toujours vanté sa technologie en ajoutant que sa mission était de sevrer l’industrie automobile de carburants fossiles, mais en réalité, elle a avancé en exploitant les leviers émotionnels des fabricants et des consommateurs automobiles à son avantage, tout comme Microsoft. Les contrats et les perceptions, plus que la gestion des batteries, ont été la clé du succès. Quand elle a levé le voile sur son prototype en 2006, Tesla invita la crème de la crème d’Hollywood à un événement à Santa Monica pour créer la sensation. Mike Eisner, ressemblant à Andre the Giant en pull-over, était présent au milieu d’un vrai parterre de célébrités.

De plus, les fondateurs ne sont pas des défenseurs conventionnels de la voiture électrique. Ils ne brandissaient pas de théories de la conspiration des constructeurs automobiles ni de discours enflammés contre les producteurs de pétrole. Le typique « vous pouvez transformer votre tondeuse à gazon en hydrofoil’ qui a longtemps entouré le monde du tout électrique a disparu. Au contraire, Tesla a promis que leurs clients feraient l’envie de leurs voisins.

Avec un sentiment de jalousie devant les succès de Tesla, General Motors a lancé l’initiative Volt. Daimler, très en retard sur le sujet du véhicule électrique, a investi dans Tesla en 2008. Aux salons automobiles, la start-up est constamment prise d’assaut. Plus tôt ce mois-ci [mai 2010], le dernier succès en date de Tesla fut l’annonce par Toyota d’un accord pour investir $50M dans la société et la société japonaise annonça que Tesla fournirait la technologie pour ses propres véhicules électriques. Les documents de la SEC [l’autorité de régulation de la bourse aux Etats Unis – Tesla envisage prochainement une IPO] montrent que Tesla a payé $42M pour l’usine NUMMI. Autrement dit, Tesla a été payée $8M pour prendre le contrôle d’un centre de production apprécié. L’accord a été rendu possible par le fait que Musk contacta Akio Toyoda, le président du conseil d’administration de Toyota, et lui fit tester un roadster Tesla, tout électrique. « J’ai senti le souffle — le souffle du futur » a déclaré Toyoda en descendant du véhicule.

Aucun doute que Nissan, le lointain numéro trois du cercle fermé des constructeurs japonais, qui était devenue la société dont l’on parle avec la Nissan Leaf a aussi traversé l’esprit de Toyoda! Est-ce que l’image et le buzz autour de la Prius seraient déjà dépassés? Avec un petit coup de pouce, Toyota va-t-elle entrer dans une deuxième décennie de leadership?

Souvenez-vous. Il n’y a pas si longtemps, Toyota avait exprimé un certain scepticisme avec les batteries au lithium et le véhicule électrique. Regardez cette photo d’une présentation de Toyota. La technologie sur la partie gauche du graphique montre celle à faible densité énergétique, les batteries lithium-ion. « Les batteries lithium-ion seront probablement utilisées dans les véhicules, mais nous avons toujours des problèmes, » déclarait Masatami Takimoto, qui coordonne la technologie chez Toyota, en montrant cette image. « Nous devons considérer que l’électricité et les pile à combustible seront nécessaires. »

Il y a cinq ans, les biocarburants semblaient représenter une alternative plus réaliste. Les journaux faisaient leur une de ces gens qui remplissaient leur réservoir d’huile de friture. Aujourd’hui, le consommateur est tombé sous le charme de l’électrique et les fabricants de biocarburant parlent plus de fournir aviation et poids lourds. Le vent a tourné, pour autant les batteries n’ont pas fait de progrès étourdissants en si peu de temps. Il faut à peu près dix ans pour doubler les performances des batteries. Cette image de Toyota semblait donner l’avantage aux piles à combustible. Elle date de l’automne 2008, il y a environ un an et demi.

Tesla va-t-elle réussir? peut-être pas. Mais la start-up a déjà eu un impact historique et a convaincu une industrie toute entière de changer de vitesse. Et elle l’a fait en jouant des égos, de la peur et de l’intérêt.

Gazelles et gorilles – épisode 2

Comme suite à mon post du 19 avril, Gazelles et Gorilles – la croissance des start-up, je me suis repongé dans le chapitre 8 de mon livre où je comparais croissance des gorilles européens et américains. Je n’avais pas alors calculé la croissance sur 5 ans ou 10 ans de ces sociétés très dynamiques. La table qui suit vous donne les résultats d’un petit travail que j’ai fait ce matin. Il n’est plus question de gazelles (croissance de 20%), mais de gazelles super-rapides!

Il semble que les gorilles aient des croissances de 100% sur 5 ou 10 ans, c’est à dire qu’ils doublent leurs ventes chaque anéée sur une durée très longue… Maintenant la croissance n’est jamais un long fleuve tranquille (demandez à Steve Jobs ce qu’il en pense!). J’ai donc ajouter les détails des croissances annuelles dans les tableaux suivants. Il y a pas mal de roller coasters!

Gazelles et Gorilles – la croissance des start-up

Depuis mon intérêt pour les start-up, c’est à dire depuis 1997 environ, j’ai toujours été intrigué par l’impact macroéconomique de ce type de sociétés, c’est à dire les sociétés à forte croissance, en général high-tech. On connait l’importance des Intel, Apple, Microsoft, Cisco, Yahoo et autres Google mais quel est-il au niveaux des économies globales.

De manière surprenante, le sujet n’est pas si bien connu qu’on pourrait croire. J’ai lu ces jours-ci quelques études récentes que vous pourrez trouver plus bas si vous êtes intéressé. La fondation Kauffman que j’ai déjà mentionnée sur ce blog publie d’excellentes choses et en particulier son expert Dane Strangler. Il est l’auteur de High-Growth Firms and the Future of the American Economy et de Exploring Firm Formation: Why is the Number of New Firms Constant? ainsi que de Where Will The Jobs Come From?

Grâce à son travail, j’ai pris aussi connaissance de travaux plus anciens, tels que Gazelles as Job Creators – A Survey and Interpretation of the Evidence and High-Impact Firms: Gazelles Revisited , tous les deux publiés en 2008.Enfin les Britanniques ont aussi leur étude, High growth firms in the UK: Lessons from an analysis of comparative UK performance. Ce dernier document est intéressant car il ne considère pas que les gazelles, autrement dit les sociétés de croissance, mais aussi les gorilles, les sociétés de croissance jeunes, c’est à dire qui ont cru rapidement en moins de 10 ou 15 ans.

Les premières réponses à ces questions furent fournies en 1981 par David Birch qui montra les grandes entreprises ne sont plus les créateurs de nouveaux emplois. Mais même à ce jour, la réponse à ces questions n’est pas très simple. En totu cas, il m’a fallu plus de temps que je n’aurais pensé pour me faire une idée que je vais essayer de partager ici avec vous. Par exemple, le tableau qui suit montre la création d’emplois aux USA par taille d’entreprises. Je fournis les chiffres sans garantie car je les ai rapidement compilé à partir de plusieurs sources, mais essentiellement de High-Impact Firms: Gazelles Revisited

Qu’est-ce que cela signifie? Premièrement, les « high impact firms » contribuent à l’essentiel des créations d’emplois. les « high impact firms » sont les sociétés qui croissent à plus de 20% par an (en emplois et en chiffres d’affaires*), les sociétés à forte croissance. Comme vous pouvez le constater, les « low-impact firms » créent aussi des emplois, mais seulement les PMEs (les petites et moyennes entreprises). Cela explique ce quasi-mythe autour de l’importance des PMEs de croissance.

Mais il y a là une simplification. Les « high-impact firms » ne sont pas que des PMEs et toutes ces études montrent de plus qu’

– elles ne sont pas jeunes, elles ont en moyenne 25 ans,

– elles ne sont pas nécessairement high-tech, on les trouve dans tous les secteurs de l’économie,

– elles ne sont que minoritairement financées par le capital-risque. ceci devient évident quand on sait que ces « high impact firms » sont environ 300 000 aux USA alors que les VCs ne financent que quelque milliers de sociétés par an…

Plus sur les gazelles ici. Et maintenant, qu’en est-il des gorilles? les gorilles sont des sociétés de croissance et jeunes. Le rapport britannique ci-dessus, leur donne un âge de 10 ou 15 ans. je me souviens aussi que Geoffrey Moore les définit comme les leaders de leur marché. mais assez peu est connu sur les gorilles. Ce rapport anglais indique qu’il n’y a pas eu de gorille récent au Royaume Uni alors que Yahoo, eBay, Amazon, Yahoo et Google sont Gorilles américains.

Dane Strangler dans son rapport fournit d’autres données intéressantes. Il ne décrit pas les gorilles à strictement parlé, mais il en est sans doute assez proche:

– Dans une année donnée, le pour-cent le plus performant 1 percent des jeunes sociétés crée environ 40% des nouveaux emplois.
– les jeunes sociétés de croissance, environ 1 percent de toutes les sociétés, créent environ 10% percent des nouveaux emplois d’une année donnée.

Plutôt impressionnant! Bien, je n’ai pas toutes les réponses que je souhaiterais avoir, mais je sais que les gazelles (environ 5-6% des sociétés américaines) sont importantes et que les gorilles (1% des sociétés) le sont peut-être encore plus. En définitive, ce qu’est l’impact de la high-tech et du capital est uen autre (mais intéressante) histoire!

*: La croissance en terme d’emplois est plus complexe que le chiffre de 20%… les experts emploient le « Employment Growth Quantifier » (EGQ), c’est à dire le produit des changements absolu et relatif (en pourcentage) en emplois sur une période de quatre ans et le prennent supérieur à 2 pour « high impact » … Une augmentation de 20% des ventes correspond aussi à un facteur 2 sur quatre ans.

Start(Up)

J’écoutai hier un de mes chroniqueurs (et ancien professeur) favori, Olivier Duhamel et eut la surprise de l’entendre parler Start(Up). Je vais expliquer la parenthèse dans un instant. J’avais rencontré cet éminent constitutionnaliste à Marseille en 2008 lors des rencontres régionales de l’innovation où il avait déjà montré son intérêt pour le sujet. C’est en lisant un article des Echos Start-up informatiques : razzia sur les pépites qu’il en vint à rédiger la chronique qu’il a lue hier sur France Culture. J’espère que les deux resteront disponibles longtemps sur le web, sinon contactez-moi, j’ai sauvegardé texte et fichier audio.

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Start(Up) avec la parenthèse parce que nos entreprises débutent et ne croissent pas. Pire: face à leur crise de croissance, faute de capitaux, la seule issue semble être l’acquisition qui, sans surprise, est faite par des acteurs américains. Le Echos citent Polyspace, RealViz ou LetItWave mais des noms plus connus auraient pu être mentionnés, comme je l’avais fait dans un des chapitres de mon livre:
Skype – Suède – Acquise par eBay – $2.6B (2005)
Navision – Danemark – Acquise par Microsoft – $1.5B (2002) –
Qeyton – Suède – Acquise par Cisco – $800M (2000) –
Element 14 – Royaume Uni – Acquise par Broadcom – $800M (2000)
Virata – Royaume Uni – Acquise par Globespan – $545M (2001)
Kelkoo – France – Acquise par Yahoo – $500M (2004)
sans oublier depuis sa parution
Ilog par IBM et Business Objects par (exception) l’Allemand SAP.
ILOG France IPO Nasdaq/Paris $300M (2007) Oak, Atlas

Un autre article du FT parle de la crise du capital-risque, UK venture capitalists to get state bail-out.

Ce qui est un peu désespérant avec ces deux analyses, c’est que l’on semble penser que notre problème serait un problème de moyens, de ressources. Je crois encore une fois que le problème est beaucoup plus profond, culturel. Mais à travers une anecdote, le problème est mentionné. La France s’est beaucoup plus inquiétée de voir Danone tomber sous l’égide de Pepsi mais n’a au fond rien à faire de nos start-up technologiques. On parle beaucoup de start-up et d’innovation, mais au fond, on s’en moque!

La Crise et le Modèle Américain

J’ai souvent des dialogues sur la crise. La crise. Mais crise de quoi? Cette crise financière, économique cache-t-elle autre chose? Une crise de civilisation? Mes collègues me reprochent souvent ma fascination pour le modèle américain qui est peut-être bien à l’origine de cette crise. Alors je vais essayer de contribuer très indirectement à la réflexion en commençant pas la crise de la Science. J’espère que vous allez me suivre!

En août 2008, j’écrivais un texte bref sur le sujet à travers le livre de Lee Smolin, Rien ne vas plus en physique. Je viens de lire récemment deux autres ouvrages dont les préoccupations sont proches. Laurent Ségalat a écrit La science à bout de souffle. Cliquez sur le lien qui précède et vous aurez un meilleur descriptif du livre que je ne pourrais le faire.

Libero Zuppiroli publie La bulle universitaire. Faut-il poursuivre le rêve américain?. Il y montre un problème qui commence à se généraliser. Ces derniers jours l’intellectuel français Régis Debray sur France Inter ou le professeur de l’EPFL, Denis Duboule sur la RSR (il faut aller à 22mn15sec environ), se sont eux aussi exprimé l’un sur l’université de la performance et l’autre sur la fraude scientifique. Duboule comme Ségalat compare la pression sur les scientifiques à celle qui pousse les sportifs à se doper. Debray qualifie hier sur France Inter d’asphyxiante cette université de la performance devenue entreprise. Il y expliquait que copier l’Amérique protestante, mélange de temple et de supermarché où Dieu est sur les billets de banque dans une France catholique où l’argent est plus proche de l’enfer risque de faire disparaître le désintéressement, qualité par excellence du service public, de l’université et sans doute de notre culture. Il ajouta qu’une de ses amies, professeur de latin à la Sorbonne, est partie aux USA, faute de « clients en France », parce que « dans les universités américaines, on fait de plus en plus de latin et de grec ». Le constat est plus complexe car un de mes amis, spécialiste de Beaudelaire et professeur aux USA, ne serait pas convaincu que la nouvelle Athènes que serait le nouveau monde est aussi reluisante, quant à la culture classique. Comme quoi, l’enthousiasme réel que j’ai pour certains aspects des USA n’empêche pas (et ne doit pas empêcher) l’esprit critique.

Zuppiroli termine son livre par une postface dont j’extrais un passage:

« La servitude volontaire des masses est encore aujourd’hui le plus grand danger qui guette nos sociétés et menace la paix du monde. C’est le sentiment profond que le plus fort a toujours raison : son succès est la preuve qu’il n’y a pas d’autre choix que de suivre son exemple, car c’est là que se trouve l’espoir. Si les plus forts sont ouvertement injustes, le soutien qu’il convient malgré tout de continuer à leur apporter est ressenti comme une fatalité à laquelle on ne peut échapper.

En principe c’est aux dangers de la servitude volontaire que la culture universitaire, que le travail de pensée devraient permettre de résister pour proposer des solutions nouvelles. »

Je vais sauter du coq à l’âne, ou plutôt au chat… allez voir Les chats persans de toute urgence. La servitude n’y est pas volontaire, dictature obligeant. Mais dans une interview à la revue Positif, le réalisateur Bahman Ghobadi explique que son film l’a libéré. Il n’a plus peur. Et d’ajouter qu’à sa connaissance la censure ne tue plus les cinéastes ou le cinéma aux USA. Modèle pour les uns, repoussoir pour les autres. Cliquez sur ce qui suit pour un intermède musical.

Je vais revenir au point de départ, le coq. Un peu d’égo donc! Je citais Wilhelm Reich en conclusion de mon livre. « Écoute, Petit Homme » est un magnifique essai, petit par la taille, grand par l’inspiration. « Je vais te dire quelque chose, petit homme : tu as perdu le sens de ce qu’il y a de meilleur en toi. Tu l’as étranglé. Tu l’assassines partout où tu le trouves dans les autres, dans tes enfants, dans ta femme, dans ton mari, dans ton père et dans ta mère. Tu es petit et tu veux rester petit. » Le petit homme, c’est vous, c’est moi, c’est nous. Le petit homme a peur, il ne rêve que de normalité, il est en nous tous. Le refuge vers l’autorité nous rend aveugle à notre liberté. Rien ne s’obtient sans effort, sans risque, sans échec parfois. « Tu cherches le bonheur, mais tu préfères la sécurité, même au prix de ta colonne vertébrale, même au prix de ta vie. »

Il me semble que nous avons une crise profonde du collectif et de l’individuel. Comment laisser s’exprimer l’ambition individuelle s’exprimer en enrichissant le collectif. Paradoxalement, le collectif en croyant favoriser l’individuel l’a emprisonné, l’a censuré et le pousse à l’autocensure ou à la fraude. »

La réponse à la crise est difficile. On la trouve en partie chez Zuppiroli. Une utopie universitaire basée sur la créativité et sur l’enseignement, outil de transmission et d’échange. La créativité, l’inventivité et aussi (ou en conséquence?) l’innovation sont, je crois, en crise profonde. Elles sont étouffées par une culture du résultat et de la performance. J’écoutai ce matin un autre point de vue dans le Café philo de la RSR. Rétablir la confiance. La confiance en soi (l’individu) et la confiance réciproque en les autres (le collectif) qui permet respect, transmission et sans doute rapprochement de la tradition et de la nouveauté. « La confiance en soi individuelle peut faire tache d’huile sur le plan collectif ». Il y faudra aussi un esprit critique qui libère de notre servitude et une profonde discussion de nos modèles .

Si vous m’avez suivi jusque là, merci! J’y ai mis beaucoup de conviction. Réagissez, réagissez s’il vous plait.

Les Bons Vieux Jours

Deux articles on attiré mon attention ces derniers jours. L’un est intitulé Frank Quattrone, Star Banker of Technology Ventures, Talks Wistfully of the Good Old Days—Before Netscape’s IPO.

L’autre est moins nostalgique et je vous passe la traduction du titre du site, que je trouve amusante: You’re in Deep Chip Now.

En voici le contenu:

Je ne vais pas commenter cette info, mais je reviens brièvement sur Quattrone. Quattrone était une des stars du monde des IPOs comme vous pourrez le lire sur ce post de Xconomy. Ce qui est frappant est que depuis 8 ans, depuis l’éclatement de la bulle internet, il y a (beaucoup) moins de capital-risque et d’IPOs. Les causes en sont multiples. Mais la question principale est pour moi la suivante: faisons-nous face à une crise majeure de l’innovation? Les années 60 avaient donné le transistor et l’industrie du semiconducteur date de ces années-là, puis vint l’ordinateur dans les années 70, le PC dans les années 80, puis l’Internet et les communications mobiles dans les années 90. Mais que nous ont donné les années 2000? Sans parler de la décennie à venir… je n’ai pas de réponse. Et vous?

La Suisse et l’Innovation

« La Suisse est moins compétitive dans le secteur des nouvelles technologies qu’il n’y paraît »

Tel est le sujet abordé lors de l’émission « Le Grand 8 » du 18 septembre 2008, de la Radio Suisse Romande. Je fus invité à commenter ce qui suit: « Mauvaise nouvelle: notre pays est moins compétitif dans le domaine des nouvelles technologies! C’est du moins ce qui ressort d’une nouvelle étude de « The Economist Group » publiée ce jeudi. Réalisée dans 66 pays, elle fait perdre à la Suisse trois points et se classe 14e, entre Israël et Taiwan, très loin de la Finlande (2e), de la Suède (3e) ou des Pays-Bas (5e). Le Grand 8 s’interroge ce vendredi sur les façons d’augmenter la compétitivité suisse dans ce domaine. Quelles sont les pistes à privilégier et surtout, quels seraient les avantages concrets d’une 1re place? »

Difficile de répondre à une telle question. Il est toutefois certain que les rapports fleurissent!

Le rapport mentionné est le suivant:

Mais voici une autre étude dont les résultats diffèrent:

La particularité du premier rapport est qu’il se focalise sur les technologies de l’information. Sur ce sujet, la Suisse est sans doute moins forte que dans les biotech, medtech. Contrairement à la FInlande qui peut compter sur Nokia, la Suisse n’a pas de Google, de Yahoo, de Cisco ou d’Intel en IT.

Toutefois le rapport pointe quelques faiblesses au delà de l’excellente infrastructure du pays. Au niveau de l’éducation, l’accès à l’enseignement supérieur pourrait devenir un problème. La Suisse est connue pour n’envoyer qu’une minorité d’une classe d’âge à l’université. Est-ce un mauvais pari à long terme. La course aux talents est en effet devenue mondiale. Le second domaine de faiblesse est l’environnement R&D. « Small IT firms are drivers of Innovation ». Je ne peux que noter que la Suisse n’a pas généré de grandes success stories à partir de ces start-ups (à l’exception de Logitech). On ne peut donc que souhaiter que la Suisse travaille à ces faiblesses…