Archives de catégorie : Innovation

L’EPFL et les start-up

Autant pour mes archives personnelles (un blog est un second cerveau!), que pour vous, lecteur, une émision de la télévision suisse-alémanique, «ECO», (le magazine économique hebdomadaire de la SF1) parle des start-up EPFL.

ECO vom 19.11.2012

Le lien web: Start-up-Paradies Waadtland.
Et plus ici: Waadt ist Hotspot für Jungunternehmer

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La crise de l’innovation française

Multitude de nouveaux rapports sur la situation de l’innovation en France. Avant de les citer, et parce que je n’ai malheureusement pas le temps d’en faire une analyse personnelle, je vous envoie à deux articles sur l’excellent blog d’Olivier Erzatty, Opinions Libres. Olivier décrypte:
– le rapport de l’IGF que je mentionne plus bas, Le monument de l’IGF sur l’économie numérique
– la situation de la fiscalité de l’innovation dans Déboguer le logiciel économique français

Voici donc ce que j’ai découvert récemment:
– le rapport Gallois intitulé Pacte pour la Compétitivité de l’Industrie Française publié le 5 novembre 2012

Le soutien à l’économie numérique et à l’innovation rédigé par l’Inspection générale des finances (IGF) en janvier 2012, mais publié en octobre 2012! Il s’agit d’un travail remarquable qui va bien plus loin que la seule économie numérique.

– Le rapport Von Bulow: L’innovation en France : un système en échec

– Le rapport Hayat: Pour un new deal entrepreneurial : créer des entreprises de croissance

Et j’oublie quelques rapports publiés en 2011. Il se passe quelque chose au Royaume de France…

L’innovation aux USA (selon la Radio Suisse)

Excellente série de chroniques dans l’émission Les Temps Modernes de la RTS sur l’innovation aux USA.

En tout 10 chroniques sur 2 semaines. La première semaine fut consacrée à la Silicon Valley:
A la conquête de l’app-économie (22 octobre)
Le poids des géants américains de l’informatique (23 octobre)
L’écosystème des réseaux sociaux (24 octobre)
La culture start-up dès l’adolescence (25 octobre)
l’éducation en ligne, next big thing? (26 octobre)

De cette première semaine, j’ai noté les points suivants:
1- La app-économie (la combinaison du smart-phone et des réseaux sociaux) draine financements et talents (des salaires avec 2ans d’expérience de $110-120k). Une vraie ruée vers l’or. avec des perdants (Nokia-Sony-Ericsson voire Motorola), et un monde devenu américano-centrique (Apple-Android-Facebook)
2- Alain Chuard, un suisse alémanique qui a vendu sa start-up californienne à Google avec 400 employés. Créée en 2008, avec $14M de VC et apparemment rachetée $250M. Google est mûre, Facebook arrive à maturité donc fin d’un cycle. Quelle suite? D’où le point suivant!
3- La prédiction de fin de la SIlicon Valley (SV). Vieux serpent de mer discuté à nouveau. L’un des interviewés pense en effet qu^à un horizon de 15 ans, la SV aura perdu de son importance. Jean Louis Gassée éatit lui moins convaincu, il décrit la région comme un système très propice à la destruction et à la reconstruction, avec des cycles qui entremêlent, avec un progrès continu depuis HP en passant Intel, Apple, Cisco, Google, jsuque Facebook Le PC n’est plus le centre des activités, mais ceci ne veut pas dire la fin de la vallée. J’aime rappeler la citation de AnnaLee Saxenian, experte de l’innovation et des clusters technologiques: “In 1979, I was a graduate student at Berkeley and I was one of the first scholars to study Silicon Valley. I culminated my master’s program by writing a thesis in which I confidently predicted that Silicon Valley would stop growing.” Elle reconnut plus tard son erreur.
4- La culture de la SV: il est facile de rencontrer des gens, même pour un adolescent. Une question de mentalité. Un VC préfère quelqu’un qui a échoué. La prise de risque est encouragée dès le plus jeune âge. « Il faut essayer d’importer cela en Europe, quitter les schémas classiques de carrière, l’innovation est freinée sans cela. »

La deuxième semaine fut consacrée à la côte Est:
Internet au secours de l’emploi, le pari de Chicago
la révolution du marketing digital
le data-mining, ou la ruée vers l’or des données
le lobby des géants du net
les serial-entrepreneurs de la biotech

Je note le dernier article qui quitte l’IT pour la Biotech, ce qui pourrait laisser croire que Boston est la capitale du secteur. Partiellement vrai de mon point de vue, je crois que San Francisco a concentré tous les dommaines de l’innovation américaine…

La Radio Suisse Romande parle de l’Innovation aux USA

Excellente série de chroniques dans l’émission Les Temps Modernes de la RTS sur l’innovation aux USA.

J’y reviendrai à la fin de ce programme. Jusqu’à présent, 3 chroniques:
A la conquête de l’app-économie (22 octobre)
Le poids des géants américains de l’informatique (23 octobre)
L’écosystème des réseaux sociaux (24 octobre)

Les start-up en France

Je suis attaché à la France pour des raisons évidentes et récemment encore, j’ai lu plus encore que d’habitude sur l’innovation de mon pays. Elle n’est pas aussi mauvaise qu’on pourrait le croire, mais elle n’est pas aussi efficace que je le souhaiterais. Il y a pourtant de l’espoir comme le montre deux travaux récents:
– un article du journal Le Monde, intitulé Heureux comme un patron de start-up en France
– un rapport d’OSEO (l’Agence Française d’Innovation ) que j’avais déjà mentionné dans Il faut viser global tout de suite, mais que j’avais lu trop rapidement alors!

L’article du Monde traite de l’accélérateur Le Camping. L’article est optimiste (peut-être un peu trop), mais il mérite la lecture. J’y ai noté:

– « L’hexagone peut d’ailleurs compter sur des fonds expérimentés, comme Partech (mais aussi Idinvest, Apax) qui ont continué à irriguer le secteur après l’éclatement de la bulle Internet, en 2000. Une quinzaine de fonds de capital-risque financent environ un millier de start-up et injectent 200 à 300 millions d’euros par an dans le numérique, selon Philippe Collombel. L’industrie française est l’une des meilleures au monde, juge Christophe Bavière, le président d’Idinvest. Et de citer tous les domaines où un petit Frenchy est parvenu à se faire un nom aux côtés du leader anglo-saxon : Dailymotion face à YouTube, Viadeo derrière LinkedIn, Deezer sur les talons de Spotify… » A mon avis, la partie trop optimiste et ne somme nous là que pour faire des copies conformes des Etats-Unis?

– « Autre atout de l’Hexagone : ses serial entrepreneurs. La première génération a commencé avec le Minitel, s’est lancée dans le numérique à la fin des années 1990, et a surmonté la bulle. C’est celle des Marc Simoncini (iFrance, Meetic), Jacques-Antoine Granjon (Vente-privée), Patrick Robin (Imaginet, 24h00), Xavier Niel … Vingt ans plus tard, ils jouent les business angels auprès des plus jeunes : PriceMinister, Dailymotion, Criteo, ou Deezer… » Bien mieux et raison d’espérer en effet.

– « Certes, il y a des trous dans le canevas. Les business angels n’accompagnent pas encore assez les chefs d’entreprise, […] A l’autre bout de la chaîne, il manque des fonds pour passer du stade de start-up à celui d’entreprise de taille moyenne. » Trop vrai malheureusement.

Vous pouvez également être intéressé par une analyse de l’évolution des accélérateurs dans un article du Financial Times, Les Start-up mettent le pied sur l’accélérateur. « Dans le passé, ils auraient pu être étiqueté comme incubateur, ce qui est apparemment différent d’un accélérateur. » […] « Probablement le premier accélérateur est Y Combinator de Paul Graham dans la Silicon Valley. Depuis 2005, il a soutenu près de 500 start-up, y compris de grands succès tels que AirBnB et Dropbox. » […] « Cette méthode de construction de nouvelles entreprises à toute vitesse est fascinant. La philosophie est de soutenir beaucoup d’idées différentes, avec des échecs rapides, et de pivoter si quelque chose ne fonctionne pas. J’aime le sentiment d’urgence, l’éthique du travail, l’environnement à forte pression qui contribue aux développements rapides, et les incroyables possibilités de réseauter et de cross-fertiliser. » […] « Cependant, en général, je pense que les start-up prennent un certain temps pour devenir viables – des années et non pas des mois. Essayer d’obtenir autant dans une si courte période de temps ne me semble pas pas réaliste. » …] « Il y a maintenant quelques 123 programmes d’accélération dans le monde entier. » […] « Certains anciens pensent que beaucoup vont fermer, tout comme bon nombre des projets qu’ils incubent vont échouer. Mais toute cette activité frénétique va sûrement stimuler l’esprit d’entreprise, stimuler l’emploi et – dans le long terme – créer de la richesse, de sorte qu’elle mérite les applaudissements. »

Vous pouvez trouver le rapport OSEO en cliquant sur l’image. J’avais tort en écrivant mon post précédent, car j’ai découvert pas mal de choses en le relisant! Il ajoute en profondeur à l’excellent article du Monde. Par exemple sur les peurs et défis des entrepreneurs.


Cliquer sur l’image pour l’agrandir.


Cliquer sur l’image pour l’agrandir.

La peur de l’échec avec ses stigmates reste la plus importante. Trouver des clients est le défi le plus grand, plus difficile que de trouver du financement. Enfin, il y a de jolies données sur l’âge des fondateurs, que l’on peut comparer un travail que j’ai fait sur 165 entreprises cotées en bourse.


Cliquer sur l’image pour l’agrandir. Source: données personnelles

C’est un sujet à la mode, qui fait parler et sur lequel je reste persuadé qu’un jeune âge compte. Vous pouvez lire par exemple les travaux de Vivek Wadhwa, son article du Washington Post ou encore L’âge des fondateurs. Je ne suis pas sûr des conclusions à tirer de tout cela, mais il semble y avoir un vieillissement des entrepreneurs… L’âge moyen des entrepreneurs français est 41 ans alors que celui des fondateurs de sociétés cotées en bourse que j’ai compilé est 36.5 (et même 34 ans pour celles fondées avant 1995).

Enfin il y a une intéressante analyse des « modèles de développement des start-up ».


Cliquer sur l’image pour l’agrandir.

Les auteurs analysent en particulier 2 classes of start-up (sur 5 au total), les deux classes les plus fréquentes à savoir les classes 3 et 5 du graphique). [La classe 4 ressemble à un statut intermédiaire en route vers la 3 ou la 5.]

« Dans la classe 3, soit 41 % de la population totale, les entreprises ont un niveau de développement plus faible parce qu’autocentré :
• Elle regroupe au moins la moitié des CEI (créations d’entreprises innovantes) sans partenariat, sans filiale ou sans internationalisation (implantation à l’étranger ou exportation).
• Le porteur de projet y a encore une position capitalistique dominante : 68 % des porteurs de projet avec une part du capital supérieure à 75 % sont dans cette classe ; 1 sur 2 pour ceux qui ont encore 50 % à 75 % du capital. »

« A l’opposé, les entreprises de la classe 5, presque aussi nombreuses, ont un comportement d’ouverture avéré :
• Elles ont ouvert leur capital pour avoir les ressources financières suffisantes pour faire avancer leur projet d’innovation. 60 % des porteurs de projet avec une part au capital aujourd’hui inférieure à 25 % sont dans cette classe, de même que la moitié de ceux qui possèdent entre 25 % et 50 % du capital. Par ailleurs, la quasi-totalité des entreprises cotées est dans cette classe.
• 80 % de ces entreprises sont internationalisées (export ou implantation).
• Ce sont des entreprises qui ont eu le temps de se développer : près de la moitié est âgée d’au moins 8 ans et près de 40 % ont entre 5 et 8 ans aujourd’hui.
• Cette maturité n’explique, cependant, qu’en partie leur dynamique. En effet, elles ont été confrontées, elles aussi, à des problématiques de redéfinition de business plan de même nature que la classe 3, mais un peu plus fréquemment. Or, elles se positionnent comme moins contraintes que ces dernières. »

« Par ailleurs, la classe 3 concentre plus de CEI pour lesquelles l’accès aux financements publics et privés est considéré comme un levier principal de croissance. La jeunesse de cette population et sa faible ouverture du capital permet d’émettre l’hypothèse selon laquelle l’aide publique est, en pré-amorçage et amorçage, un substitut essentiel des capitaux privés. »

« Enfin, 4 porteurs de projet sur 10 qui n’ont aucune expérience de création d’entreprise sont dans la classe 3, contre seulement 3 sur 10 dans la classe 5. »

« La comparaison chiffrée des classes 3 à 5 sur ces mêmes variables révèle que :
• la CEI médiane de la classe 5 a un effectif supérieur à celle de la classe 4, qui emploie elle-même, plus de personnes que celle de la classe 3 (respectivement 10, 6 et 4 salariés) ;
• les classes 4 et 5 réalisent un chiffre d’affaires médian identique (environ 580 k€) bien plus élevé que celui de la CEI médiane de la classe 3 (390 k€) ;
• l’ordre logique est aussi respecté pour l’export : 44 % des CEI de la classe 5 sont exportatrices, 37 % pour la classe 4 et 25 % pour la classe 3. Le taux d’ouverture médian (CA/CA export) est de 37 % pour la classe 5, mais seulement de 25 % pour les classes 4 et 3 ;
• quant au niveau médian de fonds propres, il est encore nettement plus élevé pour la classe 5 (409 k€ contre 284 k€ pour la classe 4 et 149 k€ pour la classe 3 ; plus de 1 M€ pour le quartile supérieur de la classe 5, seulement 389 k€ pour celui de la classe 3) ;

Bien sûr la conclusion de ce rapport tend à encourager la sélection et le développement vers la classe 5. Ma conclusion un peu moins optimiste reste les chiffres relativement modestes de cette classe et un manque de succès de grande taille.

Un argumentaire contre les brevets

Grâce à des collègues Français avec qui j’échange sur le système d’innovation de mon pays, j’ai découvert Michele Boldrin et David K. Levine.

Leur Case Against Patents (document pdf ici) est un étrange ouvrage en raison des positions extrêmes de ses auteurs. je crois ourtant que ce document de 25 pages mérite une lecture attentive, mais si vous êtes pressés, en voici de longs extraits (avec mes commentaires en italique). J’ai déjà mentionné ici les problèmes que me posent les brevets comme dans La propriété intellectuelle à bout de souffle ? or Les brevets freinent l’innovation, supprimons-les ! (bien que ce titre ne soit pas de moi) ou encore Y a-t-il quelque chose de pourri au royaume du VC?. le sujet n’est donc pas nouveau pour moi.



[Page 1]
Il n’existe aucune preuve empirique que les brevets améliorent l’innovation et la productivité […] il y a des preuves solides, au contraire, que les brevets ont de nombreuses conséquences négatives.

[Page 2]
Il ne fait aucun doute que l’obtention d’un monopole comme une récompense pour l’innovateur augmente l’incitation à innover. Il ne fait non plus aucun doute que l’octroi d’un monopole pour une raison quelconque, a de nombreuses conséquences néfastes que nous associons au pouvoir d’un monopole – l’élément e plus important (et négligé) est l’incitation à s’engager dans une action politique pour préserver des rentes et étendre son monopole ou, pour ceux qui ne l’ont pas encore, pour essayer de l’obtenir.

À propos de la diffusion de l’innovation [pages 2-3]
Un deuxième avantage souvent cité des systèmes de brevets – mais pas tellement dans la littérature économique – serait la notion que les brevets sont un substitut au secret commercial (qui est lui socialement coûteux) et les brevets amélioreraient donc la communication des idées. […] Mais bien au contraire, les entreprises donnent en général des instructions à leurs ingénieurs d’éviter d’étudier des brevets existants afin d’être épargnées de demandes ultérieures de violation intentionnelle.

Ce que je peux confirmer avec la réponse suivante que j’ai eue il y a quelques années, lorsque j’explorais une possibilité licence de propriété intellectuelle à l’entreprise XXX: «Les avocats de XXX informent les employés de XXX de ne pas lire des demandes de brevet car cela pourrait empêcher ces employés d’explorer des idées dans des domaines proches. Si vous êtes intéressé par la vente de propriété intellectuelle, la seule fois où XXX a acheté de la propriété intellectuelle, c’est en acquérant une start-up développant cette propriété intellectuelle. »

À propos de la pharma [pages 4-5]
En général, le coût fixe de production d’un logiciel est faible – même si on estime que Apple a dépensé 150 millions de dollars pour le développement de l’iPhone. Ceci, cependant, n’est rien en comparaison du coût de développement de nouveaux médicaments – qui est estimé à près de 1 milliard de dollars – somme similaire à l’élaboration d’un nouveau modèle de voiture. Fait intéressant, il est vrai aussi que – à la fois selon des enquête et des preuves anecdotiques – les brevets jouent un rôle important dans la promotion de l’innovation dans l’industrie pharmaceutique tout en jouant un rôle mineur dans l’industrie automobile – dans la mesure où de nouveaux composants et même les usines sont souvent développés par des consortiums ou joint-ventures de producteurs, pourtant souvent concurrents forcenés, lorsqu’ils commercialisent différentes marques automobiles. La pertinence des brevets dans l’industrie pharmaceutique n’est probablement pas due aux coûts fixes élevés mais plutôt au fait que la divulgation dans le cas de médicaments est plus significative que dans celui des voitures et pour la plupart des autres produits [Le semiconducteur est un autre bon exemple]. La formule chimique et l’efficacité de la cure établie par des essais cliniques sont accessibles aux concurrents pour l’essentiel, quasi-gratuitement et c’est le second point qui représente environ 80% du coût fixe initial (de plus ces essais cliniques sont un bien public produit par le secteur privé en raison d’un choix politique.) […] Divers économistes, ayant des opinions différentes sur la propriété intellectuelle, ont cependant fait valoir que si l’intervention du gouvernement est en effet nécessaire dans ce marché, un système de prix serait de loin supérieur à l’actuel système de monopoles.

Sur les innovations matures et la PI [page 5]
Alors que l’industrie se développe, la demande se stabilise et devient beaucoup moins élastique; la possibilité de réduction des coûts des innovations diminue, les avantages d’un monopole croissent et le potentiel d’innovation est également réduit. Généralement, il y a un « shake-out » dans lequel de nombreuses entreprises quittent l’industrie ou sont rachetées. L’industrie automobile est un exemple classique de ce mouvement, mais plus récemment l’éclatement de la « bulle Internet » en est une meilleure illustration. A ce stade, la recherche de rente devient importante et les brevets sont largement utilisés pour inhiber l’innovation, empêcher les entrées et encourager les sorties.
[Page 11] De même, apparemment, les chercheurs en organisation de la plupart des pays industrialisés, essaient de comprendre pourquoi les brevets sont ignorés ou à peine utilisés dans les industries nouvelles et compétitives tout en étant très appréciés et sur-utilisés dans les domaines mûrs et très concentrés.
[Page 20] Dans les nouvelles industries comme la biotechnologie et les logiciels où l’innovation était en plein essor en l’absence de brevets, des brevets ont été mis en place. Compte tenu de cette extension continue, y a t-il eu une augmentation substantielle de l’innovation ces dernières années? Au contraire, il est évident que la récente explosion des brevets aux États-Unis, dans l’Union européenne et au Japon, n’a pas apporté quelque chose de comparable en termes d’innovations utiles et de productivité globale.

Ici aussi je note que ni le microprocesseur, ni l’internet ne furent brevetés; de plus quand l’internet fut ouvert à des applications commerciales ou quand le brevet du transistor fut licencié à de multiples acteurs (ce qui revenait presque à le mettre dans le domaine public), alors les innovations connexes se multiplièrent.

À propos des patent trolls et des NPE (entités non pratiquantes) [page 8]
Malgré le fait que les brevets sont principalement utilisés pour la course aux armements et que ceux-ci, à leur tour, sont développés par des patent trolls, il n’y a pas de modèles formels décrivant la manière dont cela peut inhiber une entrée inefficace. Dans la théorie de la course aux armements, si toutes les entreprises contrebalancent leurs portefeuilles de brevets et si toutes innovent, alors elles auraient innové aussi en l’absence de brevets – donc les brevets ne servent pas à encourager l’innovation. D’autre part, si (comme Microsoft ou d’autres patent trolls) vous n’avez pas un produit, vous ne pouvez pas être contre-attaqué, et donc vous pouvez utiliser les brevets pour partager les bénéfices sans faire le travail – en conséquence les brevets découragent l’innovation et sont un gaspillage pur et simple d’un point de vue social.

Le système des brevets est cassé, mais peut-il être réparé? [Pages 9-10]
Il y a peu de doute que pour les économistes un système de brevets bien conçu permettrait d’encourager l’innovation. Il est généralement admis que le système des brevets tel qu’il existe sert à encourager l’innovation, mais que le système des brevets tel qu’il existe est cassé […] Si un système de brevets bien conçu peut servir, pourquoi recommandons-nous de le supprimer? Pourquoi ne pas, au contraire, le réformer? Pour répondre à la question, nous devons étudier l’économie politique des brevets: pourquoi le système politique a-t-il conduit au système des brevets que nous avons? Notre argument est qu’il ne peut pas en être autrement. […] D’un côté, nous comprenons la défense traditionnelle de brevets idéaux comme prévue par un planificateur bienveillant mais, de l’autre, nous voyons que le droit des brevets est essentiellement conçu par des groupes d’intérêt désireux d’augmenter leurs rentes de monopole, et non pas le bien commun global.

Aucune incitation aux réformes [page 12]
Il y a beaucoup d’acteurs dans l’industrie des brevets, mais « les consommateurs » n’en font pas partie. Du côté des déposants potentiels, il y a les inventeurs individuels, les entreprises qui inventent et les patent trolls, qui n’inventent jamais rien mais n’en déposent pas moins. De l’autre côté se trouve les offices des brevets, les avocats qui déposent des brevets et plaident et enfin les tribunaux où les litiges sont réglés. Les règles du jeu sont établies – mais seulement en partie – par la puissance publique, et dans la mesure où les intérêts de la population en général sont concernés, ce sont ces acteurs qui les représentent. Comme le dépôt de brevet est un sujet technique dont peu d’électeurs-citoyens ont la moindre connaissance – et peu sont susceptibles d’avoir une connaissance détaillée des conséquences des systèmes de brevets – les intérêts des électeurs ne sont pas bien représentés du tout, au contraire des intérêts concurrents des autres acteurs. […] Il doit être clair, alors, que compte tenu de l’ensemble de ces acteurs et de leurs motivations, le marché des brevets ne peut avoir qu’un seul équilibre au fil du temps, qui est celui que nous avons observé. […] A chaque étape de ce processus d’élargissement, la principale force motrice a été les efforts de recherche de rente des grandes entreprises riches en liquidités mais incapables de faire face à de nouveaux concurrents créatifs. Avocats de brevets, employés des offices de brevets et patent trolls ne sont en fait que la chair à canon des grands groupes.

Abolition des brevets [page 20]
L’abolition des brevets ne peut sembler que « vœu pieux » et il y a certainement beaucoup de mesures provisoires qui peuvent être prises pour atténuer les dommages: interpréter correctement la non-évidence d’inventivité, exiger une véritable divulgation des méthodes et défendre l’invention indépendante contre la contrefaçon sont utiles et – parmi les économistes – considérées comme acceptées. Mais pourquoi utiliser un cautère sur une jambe de bois? Les économistes se sont battus pendant des décennies – et, finalement, avec beaucoup de succès – pour abolir les restrictions commerciales. Il n’échappera pas au lecteur attentif que les brevets sont très semblables aux restrictions commerciales, car elles empêchent la libre entrée des concurrents sur les marchés nationaux, ce qui réduit la croissance des capacités de production et ralentit la croissance économique. De la même manière que les restrictions commerciales ont été progressivement réduites jusqu’à atteindre une (presque complète) abolition, une approche semblable (quoique, je l’espère moins lente) devrait être adoptée pour «se débarrasser» des brevets. De plus, en raison de la nature des brevets limitée dans le temps, il est relativement facile de les éliminer par une mise en place progressive de durées de brevets de plus en plus courts. Cette approche prudente a aussi l’avantage que si la réduction de la durée des brevets a en effet un effet catastrophique sur le processus d’innovation, elle peut être facilement inversée.
[…]
Les brevets ne devraient être autorisés que lorsque le pouvoir de monopole est justifié par des preuves au sujet des coûts fixes et de l’absence réelle d’appropriabilité.
[…]
Les résultats de la recherche subventionnés par la puissance publique ne doit pas conduire à la création de nouveaux monopoles privés, mais devrait être disponible pour tous les participants du marché. Cette réforme serait particulièrement utile pour l’industrie pharmaceutique.

je n’ai pas (encore) lu leur Against Intellectual Monopoly mais je vais sans doute le lire étant donné la profondeur de leur analyse. Comme ils le disent eux-mêmes, tout ceci n’est peut-être que « vœu pieux », irréaliste et donc inutile, et je devine aussi une approche libertarienne derrière tout cela. Mais une fois encore, je crois que leurs arguments méritent que l’on s’y arrête plus longuement que la simple lecture de ce long résumé.

« Il faut chérir l’entrepreneuriat » nous dit le chairman de Nokia.

Je n’ai pas vérifié combien de fois j’ai blogué sur la Finlande, mais il est certainement l’un des pays les plus intéressants pour l’entrepreneuriat high-tech en Europe. Pourtant, lorsque j’ai assisté à la conférence REE à l’Université d’Aalto la semaine dernière, j’ai été frappé par les propos de Risto Siilasmaa. Il n’est pas seulement le président du conseil d’administration du géant des téléphones mobiles, mais aussi le fondateur et le chairman de F-Secure, une start-up de logiciels de sécuité. Si vous avez le temps, regardez son discours en entier et écoutez attentivement. Voici mes notes, que j’espère fidèles. elles commencent par: « l’esprit d’entreprise devrait être célébré, car il sera crucial de l’avenir du monde. Ce n’est pas un métier, c’est un état d’esprit. »


(Aller sur youtube: http://youtu.be/nFyKRCo4QkM si vous ne voyez pas la vidéo insérée!)

«En 1924, la Finlande a obtenu 37 médailles dont 14 médailles d’or aux Jeux olympiques, mais beaucoup moins en 2012. La Finlande était pauvre, mais à cette époque, l’Europe représentait 25% de la population mondiale et 33% du PIB. En 2050, elle représentera 7% de la population et 15% du PIB. Et nous ne serons pas en mesure de donner à tous la richesse dont nous, les Européens, jouissons aujourd’hui. Ne parlons même pas du changement climatique et du vieillissement. Aujourd’hui, en Europe, sur 100 personnes, 46 travaillent, dont 8 dans le monde de la santé. En 2050, 38 travailleront dont 18 dans la santé. Moins de 20 créeront de la richesse pour les autres. L’équation ne fonctionne pas. Les subventions européennes vont pour 1/3 à l’extraction du charbon et à l’agriculture et 8% à la R&D et à la technologie. Ceci n’a aucun sens. Les Européens, les citoyens ont besoin d’élire des dirigeants qui ont une vision et du courage… l’esprit d’entreprise doit avoir un impact et il n’y a aucun intérêt à faire de petites innovations quand vous courez à l’échec. »

Risto a fondé F-Secure quand il avait 24 ans, mais a commencé à se faire de l’argent de poche quand il avait 12 ans. Il a étudié à Aalto, mais se souvient plus d’éléments négatifs que positifs quant à ses études. L’esprit d’entreprise n’était pas apprécié à sa juste valeur, les enseignants ne semblaient pas accorder de valeur de leur enseignement ou ne se préoccupaient pas de la qualité de la transmission. « C’était très décevant ». Il n’avait pas eu camarades de classe ayant un intérêt pour l’esprit d’entreprise, mais il doit remercier Aalto pour l’avoir poussé à créer une entreprise avec un ami quand il a commencé à faire des affaires. C’était un cabinet de conseil / de projets et il a engagé de nombreux anciens d’Aalto. Il se souvient aussi de «l’aversion pour le transfert de compétences pratiques» et une d’une attraction pour la théorie [quelque chose auquel il faut peut-être réfléchir – pourquoi ce fait?]. «Les sciences de la gestion étaient décevantes, le plus compliqué vous étiez, le meilleur (savez-vous ce que sont « déséconomies de compression du temps? »[Voir la prochaine ligne]). Un PDG ne va jamais lire de recherche en gestion, les chercheurs veulent simplement que leurs collègues chercheurs les lisent, ou pourquoi n’auraient-ils pas utiliser « délai d’exécution » ou quelque chose de semblable au lieu de la notion complexe citée plus haut? Siilasmaa considère qu’il pourrait y avoir des trésors cachés dans la recherche, mais comment le savoir.» «Encore une fois l’esprit d’entreprise est un état d’esprit, ce qui implique pragmatisme, ambition, rêves, persévérance, optimisme et capacité à renoncer et recommencer à nouveau. Il y a aussi désir de résultats. Nous devons nous réveiller, essayer, tuer ce qui échoue et recommencer.» Siilasmaa a aussi cité George Bernard Shaw: « Certains voient les choses comme elles sont et se demandent pourquoi. D’autres rêvent de choses qui n’ont jamais existé et disent pourquoi pas. »

Puis ce fut la séance de questions-réponses (Q/R):
– le tabou de l’argent. Oui, le nouveau président français a dit qu’il déteste les gens riches. L’argent est un sous-produit, mais le succès devrait être célébré. Une fois que vous en avez assez, vous n’avez pas besoin d’argent, mais c’est un résultat;
– les stock-options – Q: Sont-elles acceptées en Finlande comme dans la Silicon Valley? R: oui, mais les tours de financement successifs et l’absence de sorties font des stock-options un mécanisme moins réussi en Europe, pas moins accepté;
– les valeurs: elles doivent venir de parents, pas de l’école. Maintenant, il est vrai que certains dirigeants ont réussi avec des valeurs étranges, comme des « gourous de secte ». Pas facile de les blâmer quand ils ont du succès, mais comment pouvons nous nous aligner sur ces valeurs … pas facile;
– la recherche sur l’entrepreneuriat à nouveau: si un article n’est pas complexe, il n’est pas accepté pour publication, tant pis! Un PDG lira plus facilement des livres de 300 pages avec 1 seule idée, malheureusement! Alors vous avez besoin de sélectionner des enseignants avec des valeurs et de l’ambition. Pourquoi ne pas des entrepreneurs? Il ya un livre sur la manière de choisir les bonnes personnes. Cherchez le sur Google

La conférence a été riche en intervenants de qualité, mais rien de vraiment comparable à Siilasmaa. J’ai remarqué quelques bonnes choses comme «être entrepreneurs pour avoir un impact. Tout comme pour les scientifiques ou des artistes, il est question de laisser une trace dont l’on se souviendra. Par conséquent, nous devons «exposer autant de personnes que possible à l’esprit d’entreprise et espérer que la diversité va induire la richesse. Encore une fois il s’agit d’un processus darwinien. Et nous devrions aussi être conscients que l’entrepreneuriat n’est pas seulement la satisfaction des besoins, mais aussi la réponse à des frustrations et à des désirs.

J’ai été moins convaincu par le fait que la créativité peut être enseignée (mais je ne suis pas créatif alors peut-être que je devrais suivre ces cours!); j’ai surtout entendu parler des conditions de la créativité. Moins convaincu aussi par l’idée de John Mullins que les clients peuvent être préférables pour financer votre start-up aux investisseurs (ce n’est pas mon expérience mais je pourrais être biaisé) ou même que l’enseignement de l’entrepreneuriat peut remplacer l’état d’esprit. Mais il y eut une analyse intéressante que je reformule à ma façon: «Si 100 étudiants suivent un cours, 10 peut-être vont lancer une entreprise, 5 échoueront car ils n’ont pas écouté / appris, 4 survivront parce qu’ils ont appris les outils pour éviter les erreurs fatales, et 1 réussira parce qu’il n’aura pas entièrement écouté et aura fait son propre chemin différemment des leçons inculquées! »

Permettez-moi de terminer avec quelque chose de vaguement lié. Comme vous le savez peut-être si vous avez un visiteur régulier ici, j’aime publier les tables de capitalisation de start-ups (si les données sont disponible pour la créer, par exemple au moment d’une sortie); voici celle de F-secure.

Le Cygne Noir, suite et fin?

Comme suite aux « posts » sur le Cygne Noir, le « Black Swan » de Nassim Nicholas Taleb, j’ai eu la chance d’expliquer comment je comprenais ce phénomène dans l’émission Babylone de la station Espace 2 sur la Radio Télévision Suisse Romande. Merci à Jean-Marc Falcombello pour ce long entretien. Cela dure 19 minutes entre les minutes 23:15 et 42:00.

je suis moins sûr que le lien suivant fonctionne: http://www.rts.ch/espace-2/programmes/babylone/4203353-moi-je-ne-bluffe-pas-l-insoutenable-legerete-de-l-incertitude-30-08-2012.html?f=player/popup

L’innovation en Suisse d’après Neil Rimer

«Il y a de l’innovation en Suisse, mais peu d’entrepreneurs prêts à conquérir le monde» Voici ce que déclare Neil Rimer aujourd’hui au Journal Le Temps. L’article est parfois payant, cliquer ici.


Neil Rimer, associé et fondateur d’Index Ventures. (Véronique Botteron)

Et d’ajouter: « Pour attirer […], il faut une masse critique de start-up afin qu’il y ait d’autres options envisageables en cas d’échec. […] La Suisse et ses cantons cherchent à attirer des entreprises traditionnelles ou les centres administratifs de grandes sociétés. […] Mon grand souhait serait que les autorités encouragent la création de postes d’ingénieurs, de designers, de marqueteurs et de managers. C’est ainsi que nous attirerons une masse critique de professionnels capables de créer et de faire grandir les start-up en Suisse. »

Le constat ne se limite pas à la Suisse, l’Europe souffre d’un certain soutien à ce qui est établi. Mais il faut croire que le problème est de mieux en mieux compris. Les nouveaux entrepreneurs et investisseurs semblent d’accord et les politiques les écoutent…

La propriété intellectuelle à bout de souffle ?

Voici ma deuxième contribution à Entreprise Romande après un article sur la difficulté à innover.

Droits d’auteurs, brevets, marques. Jamais la propriété intellectuelle («PI») n’a fait autant parler d’elle, mais serait-elle victime de son succès ? Elle devient en effet l’outil quasi-exclusif des puissants et pire, elle est peut-être un frein à l’innovation qu’elle est censée encourager.

En juillet 2011, un consortium réunissant Apple, Microsoft, Sony rachetait 6 000 brevets du défunt Nortel pour $4.5 milliards, En août 2011, Google répliquait en rachetant les brevets de Motorola Mobile pour $12,5 milliards. Enfin en septembre 2011, les Etats-Unis annonçaient une réforme majeure de leur loi sur les brevets, l’America Invents Act. Ces trois événements en un seul été viennent confirmer la place de plus en plus prépondérante de la PI dans le monde des affaires. Pourtant je crois qu’il s’agit plutôt de mauvaises nouvelles!

Nouveaux privilèges

Si un dépôt de brevet ne coûte que quelques centaines de dollars et quelques dizaines de milliers à maintenir sur 20 ans, en garantir la protection en cas de litige juridique se comptera en millions de dédommagements et frais d’avocats. Toute entreprise aux reins fragiles pourra être morte bien avant d’obtenir réparation ou de prouver son innocence. Malheur aux faibles ! Les grandes entreprises ne sont pas les seules à l’avoir compris, puisque sont apparues depuis quelques années des sociétés spécialisées dans la valorisation de portefeuilles de PI («patent trolls») sans la moindre ambition de vendre des produits ou services autour de celle-ci. Et les européens ne doivent pas croire que le problème n’est qu’américain comme l’illustre la récente bataille entre Nokia et l’Allemand IPCom.

On est loin de l’origine des brevets et du droit d’auteur consolidés par les révolutions de la fin du XVIIIème siècle. Il était question de mettre fin au monopole du corporatisme et de soutenir inventeurs et créateurs. Loin de moi l’idée de pousser à la disparition de la propriété intellectuelle. Je ne citerai que l’exemple du laser dont la saga des brevets a au moins permis un magnifique livre, plus proche du thriller que de la physique ardue d’où il est né, Laser: The Inventor, the Nobel Laureate, and the Thirty-year Patent War. Mais je ne suis plus du tout convaincu que la PI pourrait aujourd’hui permettre ce qui avait été possible il y a presque 50 ans avec le laser. Et déjà au XIXème siècle, des mouvements abolitionnistes étaient apparus, conscients des limites d’un système instaurant de nouveaux privilèges.

Freins

L’autre débat autour de la PI est parfaitement résumé par un récent article de la ParisTech Review : « les brevets freinent-ils l’innovation ? » L’histoire est-elle aussi ancienne : Boldrin et ses co-auteurs [1] affirment que les développements de la machine à vapeur ont été freinés par des brevets déposés en 1769. Sait-on que le microprocesseur d’Intel ne fut jamais protégé, ni même bien sûr l’Internet ; et c’est plus ou moins contraint que Bell Labs accorda des licences sur le transistor, événement qui est peut-être à la naissance de culture de la Silicon Valley : « Dans les années 70 et 80, de nombreux ingénieurs de chez Fairchild, National et autres se rencontraient autour d’une bière pour parler des problèmes qu’ils rencontraient dans la production ou la vente de semi-conducteurs. Le Wagon Wheel Bar était un lieu de rencontres où même les concurrents les plus vifs échangeaient des idées. » Ayant récemment visité LinkedIn, j’y ai entendu des ingénieurs raconter comment ils résolvent certains problèmes avec leurs collègues chez Facebook. Discuter avec Apple ou Google semble beaucoup plus difficile.

La propriété intellectuelle n’est pas la réponse à tout et dans son évolution actuelle, elle pose plus de nouveaux problèmes qu’elle n’en résout. La réforme des brevets américains suscite déjà maintes critiques. Quant à l’Europe, elle semble bloquée dans ses égoïsmes nationaux puisqu’il n’existe pas de brevet européen et son refus des brevets sur le logiciel ou les modèles d’affaire ne lui donnent pas le moindre avantage. Dans un monde dématérialisé et globalisé, la PI doit protéger le créatif, pour mieux permettre la diffusion des idées et des techniques. Le mouvement « open source » dans le logiciel et les récentes expériences de diffusion d’œuvres artistiques exclusivement sur Internet montrent que de nouvelles approches sont possibles sans tuer ni les affaires, ni l’innovation. Mais il semble que les craintes des acteurs établis l’emportent sur la passion et la prise de risque des créateurs.

-[1] Do Patents Encourage or Hinder Innovation? The Case of the Steam Engine. Patent Law Is Highly Controversial. Michele Boldrin, David K. Levine, and Alessandro Nuvolari.
Laser: The Inventor, the Nobel Laureate, and the Thirty-year Patent War. Taylor, Nick (2000). New York: Simon & Schuster
Les brevets freinent-ils l’innovation ? Paristech Review, septembre 2011

PS: Au moment d’écrire ce texte, je n’avais pas encore pris la mesure de la guerre Apple-Samsung