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Retour sur investissements – TRI et multiples

En capital-risque, le retour sur investissement est la métrique ultime et bien que ce ne soit pas très difficile à comprendre, il existe de nombreuses petites astuces à connaître!

La raison de ce court article est un article récent que mon ami Fuad m’a conseillé de lire dans le Financial Times: L’univers parallèle des rendements du private equity (The parallel universe of private equity returns) par Jonathan Ford. Si vous n’êtes pas abonné au FT (et je ne le suis pas), vous ne pourrez peut-être pas lire l’article, voici donc de courts extraits: « Vous vous êtes déjà interrogé sur les performances extraordinaires que les sociétés de capital-investissement clament en trompetant sur les documents officiels de leur marché boursier ? […] Non seulement les entreprises génèrent des chiffres stratosphériques – bien plus élevés que tout ce qui est produit par le vieux marché boursier ennuyeux – mais elles peuvent apparemment le faire année après année, sans perte de rendement. […] La réalité est que ces TRI cohérents ne montrent rien de tel. Ce qu’ils démontrent en fait, c’est un gros défaut dans la façon dont le TRI lui-même est calculé. »

Lorsque j’ai examiné les rendements du capital-risque (VC) dans le passé, j’ai appris que vous devez examiner attentivement ce que signifie le TRI. Cela semble simple à première vue comme le montre le tableau suivant, juste des mathématiques simples:

Donc, la première question qui vous tient à cœur est ce qui compte: les TRI ou les multiples? Et ma réponse simple est «cela dépend». Dépend de vous!

Deuxièmement, la mesure des rendements a beaucoup de sens lorsque vous récupérez votre argent. Bien sûr! Mais le TRI et les multiples peuvent également être mesurés alors que vous êtes encore investi et lorsque votre investissement n’est pas liquide, ce qui est le cas des entreprises privées dans lesquelles investit le private equity (PE) [le capital-risque appartient à PE]. Vous pouvez jeter un œil à un autre article, Est-ce que le modèle du capital-risque est brisé? et parmi d’autres tableaux, regardez celui-ci:

VC2016-1-IRRs
La performance du VC selon la fondation Kauffman

Le TRI à son maximum (« peak IRR ») est mesuré lorsque vos actifs ne sont pas liquides alors que le TRI final est calculé lorsque vous avez récupéré votre argent… Un fonds a généralement une durée de vie de 10 ans (ou 120 mois) et vous pouvez vérifier le mois du TRI à son maximum.

Encore plus délicat, l’argent est appelé par périodes pour rendre la détention aussi courte que possible: fondamentalement, lorsque l’argent est nécessaire pour investir, bien que vous vous y engagiez pendant toute la durée de vie du fonds. Mesurer le TRI réel commence à être compliqué mais ce qui compte pour moi, c’est le multiple entre le jour de l’engagement jusqu’au remboursement final… Et pour vous?

Un dernier point que j’aime mentionner tout le temps est que le VC n’est pas tant une question de portefeuille d’investissements équilibrés. Dans le même article mentionné ci-dessus, j’ai ajouté deux liens, et l’une des meilleures citations est «Le capital-risque n’est même pas une affaire de home runs. C’est une affaire de grand chelem. »

Jetez un coup d’œil à L’effet Babe Ruth dans le capital-risque (The Babe Ruth Effect in Venture Capital) ou à l’éloge de l’échec (In praise of failure). Les statistiques du VC ne sont pas gaussiennes, elles suivent une loi de puissance:

Le défi de trouver des startup prometteuses

La prédiction est un exercice très compliqué, spécialement quand elle concerne le futur, attribué à Niels Bohr.

On m’a demandé hier quelles startups parmi celles que je connaissais étaient les plus prometteuses. Je préfère donc vous renvoyer à la citation ci-dessus car je n’ai pas compris le potentiel de Google et de Skype lorsque j’en ai entendu parler pour la première fois. Je suis moins timide de mon manque de talent car cette difficulté de prédiction a été reconnue par d’autres.

Déjà en 2011, j’avais posté sur le sujet dans Les loupés du capital-risque. Vous devriez lire les exemples d’Amazon et de Starbucks donnés par OVP.

J’ai donc fait une petite recherche et retrouvé quelques exemples supplémentaires de l’antiportfolio de BVP (Bessemer Venture Partners) ainsi que du livre The Business of Venture Capital de Mahendra Ramsinghani. Prenez-y plaisir !

Tout d’abord dans le livre The Business of Venture Capital à la page 207:

L’investisseur légendaire Warren Buffet admirait Bob Noyce, cofondateur de Fairchlid Semiconductor et Intel. Buffet et Noyce étaient administrateurs du Grinnell College, mais lorsque Intel lui a été présenté, Buffet a décliné l’une des plus grandes opportunités d’investissement de sa vie. Buffet semblait «confortablement dépassé» lorsqu’il s’agissait de sociétés de nouvelles technologies et avait un parti pris de longue date contre les investissements technologiques.

Peter O. Crisp de Venrock ajoute ses échecs à la liste : Une « petite entreprise à Rochester, New York [est venue vers nous, et un de nos juniors] n’a vu aucun avenir [pour] ce produit… cette entreprise, Haloid, est devenue Xerox. » Ils ont également manqué Tandem, Compaq et Amgen.

ARCH Venture Partners a raté Netscape – ce petit projet que Marc Andreessen a commencé à l’Université de Chicago. Une opportunité qui, selon Steven Lazarus, aurait valu des milliards ! « Nous n’avons tout simplement jamais frappé à la bonne porte », disait-il. Finalement, ARCH a décidé d’embaucher une personne à temps plein pour garder un œil sur la technologie qui sort des universités pour «s ‘assurer que nous ne manquerons pas cette porte la prochaine fois ».

Deepak Kamra de Canaan Partners commente ses regrets: «Oh, mon Dieu, j’en ai trop… cela me déprime. Un de mes amis chez Sun Microsystems m’a appelé et m’a demandé de rencontrer un ingénieur de Xerox PARC qui avait des idées pour concevoir une puce et ajouter des protocoles pour construire ce qui est maintenant connu comme un routeur. Les moteurs de la bande passante et du trafic Web étaient de bons indicateurs du marché, et il cherchait juste 100000$. Je ne faisais pas du tout de transactions aussi petites et je lui ai dit de lever des fonds auprès de ses amis et de sa famille et de revenir quand il aurait quelque chose à montrer. » Cet ingénieur était le fondateur de Juniper Networks. Il a obtenu ses 100000$ de Vinod Khosla. Khosla, alors avec KPCB, a ajouté une introduction en bourse à sa longue liste de succès. Juniper a glissé des mains de Kamra parce que c’était trop tôt. Et bien sûr, c’était une période exubérante où tout le monde était inondé de centaines d’opportunités chaque jour.

KPCB a raté une opportunité d’investir dans VMWare car la valorisation était trop élevée: une erreur, selon John Doerr.

Draper Fisher Jurvetson (DFJ) était initialement disposé mais a finalement renoncé à Facebook (aïe!), Car la société estimait que l’évaluation était trop élevée à 100 millions de dollars pré-money. KPCB, ne voulant pas être exclu d’une opportunité comme Facebook, a investi 38 millions de dollars ou une évaluation de 52 milliards de dollars.

Tim Draper de DFJ, a refusé Google « parce que nous avions déjà six moteurs de recherche dans notre portefeuille ». K. Ram Shriram a failli manquer l’occasion d’investir dans Google lorsqu’il a parlé aux fondateurs. « J’ai dit à Sergey et Larry que le temps des moteurs de recherche était révolu mais je suis heureux de vous présenter tous les autres, qui voudront peut-être acheter votre technologie. Mais six mois plus tard, Ram Shriram, qui avait une fois refusé Google, a alors investi 500 000 $ comme l’un des premiers investisseurs privés.

Soit dit en passant, le père de Tim Draper, Bill, a également manqué Yahoo. Vous pouvez vérifier The Startup Game de Bill Draper.

Maintenant, quelques exemples de l’antiportfolio BVP mis à jour:

AirBnB: Jeremy Levine a rencontré Brian Chesky en janvier 2010, le premier mois de revenus de 100 000 $. La demande d’évaluation de 40 millions de dollars de Brian était « folle », mais Jeremy a été impressionné et a prévu de se reconnecter en mai. À l’insu de Jeremy, les 100k$ en janvier sont devenus 200k en février et 300k en mars. En avril, Airbnb a levé des fonds à 1,5 fois le prix « fou ».

Facebook: Jeremy Levine a passé un week-end dans une retraite d’entreprise à l’été 2004 à esquiver les pitches enragés du jeune étudiant d’Harvard Eduardo Saverin. Finalement, coincé dans une file d’attente pour le déjeuner, Jeremy a donné un sage conseil : « Mon garçon, tu n’as pas entendu parler de Friendster ? Oublie. C’est fini ! »

Atlassian: Byron Deeter avaut pris un vol direct pour Sydney pour visiter Atlassian en 2006 quand il avait eu vent d’un outil de développeur en provenance d’Australie (quel endroit !). Les notes de la réunion incluaient « totalement autofinancé, a commencé avec une carte de crédit » et « un énorme potentiel, mais Scott & Mike ne veulent jamais être une entreprise cotée ». Des années et d’innombrables réunions plus tard, la première opportunité d’investissement est apparue en 2010, mais la valorisation de l’entreprise de 400 millions de dollars était considérée comme un peu « riche ». En 2015, Atlassian est devenu le plus grand succès technologique de l’histoire australienne, et les actions que nous avons refusées valent aujourd’hui plus d’un milliard de dollars.

Tesla: En 2006, Byron Deeter a rencontré l’équipe et testé un roadster. Il a déposé une caution sur la voiture, mais est passé sur l’opportunité de la société à marge négative en disant à ses partenaires: « C’est un gagnant-gagnant. Je reçois une excellente voiture et un autre VC la paie! » La société a dépassé 30 milliards de dollars de capitalisation boursière en 2014. Byron a payé le prix fort pour son modèle X.

eBay: David Cowan a décliné la série A. « Équipe de débutants, cauchemar réglementaire et, 4 ans plus tard, une acquisition de 1,5 milliard de dollars par eBay ».

Mais l’une des plus belles histoires dont j’avais entendu parler est Nolan Bushnell, fondateur et PDG d’Atari, déclinant Apple… J’en avais entendu parler à travers Something Ventured (à ne pas manquer). Plus ici dans Comment Nolan Bushnell d’Atari a refusé l’offre de Steve Jobs d’un tiers d’Apple pour 50 000$ (lien en anglais).

Capital risque, Nasdaq et crises

Lorsque j’ai publié le livre qui est la «raison d’être» de ce blog, j’avais brièvement analysé les corrélations entre le niveau du capital-risque aux USA, l’indice Nasdaq et leurs relations aux «crises». Chaque haut et bas des courbes pourraient être facilement expliqué. Je viens de mettre les courbes à jour aujourd’hui avec l’idée de les revoir quand nous serons sortis de la crise du Covid19. Commentaires bienvenus!

Un autre géant du capital-risque est mort – Don Valentine

Je viens d’apprendre la mort de Don Valentine, le fondateur de Sequoia. Pour ceux d’entre vous qui ne le connaissent pas, vous pouvez visiter mes précédents messages qui le mentionnent, que ce soit au travers du tag #sequoia ou la recherche du nom Valentine. Ou notez simplement qu’il fut investisseur dans Atari, Apple, Oracle, Cisco, Electronic Arts…

Ou alors lisez simplement deux de mes citations préférées:

« il y a seulement deux véritables visionnaires dans l’histoire de la Silicon Valley. Jobs et Noyce. Leur vision était de construire de grandes entreprises … Steve avait vingt ans, aucun diplôme, certaines personnes disaient qu’il ne se lavait pas, et il ressemblait à Hô Chi Minh. Mais c’était une personnalité brillante, et c’est un homme brillant maintenant … Succès phénoménal de la jeunesse … Bob était une de ces personnes qui pouvait prendre du recul parce qu’il était excessivement rationnel. Steve ne le pouvait pas. Il était très, très passionné, très compétitif. »

« Eh bien, nous mettrons tout l’argent sur la table, vous donnerez votre sang, vos larmes et votre sueur et ainsi nous partagerons l’entreprise l’entreprise », ceci avec les fondateurs. Ensuite, si nous devons embaucher plus de personnes, nous ferons la même chose, ce sera une sorte d’arrangement 50/50. Alors que cette bulle devenait de plus en plus folle, vous savez, ils venaient et disaient: « Eh bien, vous savez, nous vous donnerons, pour tout l’argent, 5%, 10% du contrat ». Et, vous savez, c’est une question d’offre et de demande. C’est reparti dans l’autre sens maintenant. Mais, en commençant avec une équipe, il est typique de dire, disons, quelque part entre 40 et 60%, à partager maintenant. S’ils ont la meilleure chose depuis le fil à couper le beurre et que vous pensez qu’ils l’ont et qu’ils l’ont, vous savez, alors vous perdrez probablement le marché car l’un de ces types le saisira. »

RIP DON

Les fascinantes analyses de Sebastian Quintero sur les start-up

Je viens de lire les analyses de données de Sebastian Quintero sur les start-ups sur son site web Towards Data Science. Merci à Martin H :-). J’ai vraiment été fasciné par sa façon originale de les aborder: le taux d’échec, les prévisions de valorisation, la durée entre deux tours de financement et sa définition (ou création?) des indice de concentration du capital ou score de cluster des investisseurs. Vous devriez les lire.

Bien sûr, cela me rappelle aussi toutes les analyses de données que j’ai effectuées au cours de ces dernières années. A voir en fin de post si vous le souhaitez.

En guise de mise en bouche sur le travail de Quintero, voici quelques liens et images extraits de son site…

Dissecting startup failure rates by stage (Disséquer les taux d’échec par étape)

Predicting a Startup Valuation with Data Science (Prédire la valorisation avec la science des données)

How much runway should you target between financing rounds? (Combien de temps cibler entre les tours de financement?)

Introducing the Capital Concentration Index™ (Présentation de l’Indice de concentration du capital – CCI/ICC)

où c est le pourcentage de capital détenu par la ième startup et N le nombre total de startups dans l’ensemble. En général, l’ICC est proche de zéro quand un secteur est composé d’un grand nombre de startups avec des niveaux de capital relativement égaux, et atteint un maximum de 10’000 lorsque le total du capital investi d’un secteur est concentré dans une seule entreprise. L’ICC augmente à la fois avec la diminution du nombre de startups dans le secteur et l’augmentation des disparités de capitalisation entre elles.

Introducing the Investor Cluster Score™ — a measure of the signal produced by a startup’s capitalization table (Présentation de l’Investor Cluster Score™ – une mesure du signal produit par le tableau de capitalisation d’une startup)

Quant à mes propres analyses voici quelques liens…

Mes articles arxiv:
– Are Biotechnology Startups Different? https://arxiv.org/abs/1805.12108
– Equity in Startups https://arxiv.org/abs/1711.00661
– Startups and Stanford University https://arxiv.org/abs/1711.00644

ou sur SSRN
– Age and Experience of High-tech Entrepreneurs http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2416888
– Serial Entrepreneurs: Are They Better? – A View from Stanford University Alumni http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2416888
– Start-Ups at EPFL. An Analysis of EPFL’s Spin-Offs and Its Entrepreneurial Ecosystems Over 30 Years https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3317131

Est-ce que les fondateurs de start-up font de meilleurs capital-risqueurs? (la suite)

Hier, dans Est-ce que les fondateurs de start-up font de meilleurs capital-risqueurs? J’ai mentionné l’analyse de CB Insights sur le background des meilleurs VCs, et j’ai exprimé mes doutes quant à la comparaison entre fondateurs et non-fondateurs. J’ai donc utilisé la liste Top100 et j’ai eu un regard différent: qu’en est-il de l’arrière-plan en high-tech ou pas? Voici quelques graphiques. Analyse très rapide, ne le prenez pas comme une analyse scientifique. Encore que…

D’abord une remarque. Cette liste est un peu étrange et les auteurs le savent sûrement mieux que moi, mais je ne suis sûr que cette liste ne soit pas très subjective… Maintenant, il semble que les fondateurs n’aient jamais été majoritaires et les VCs sans expérience high-tech toujours majoritaires. Maintenant, ce qui est curieux, c’est que ces VC sont plutôt jeunes et qu’une grande majorité d’entre eux ont été dans cette activité depuis moins de 20 ans … intéressant. Quels auraient été les résultats pour les VC actifs dans les années 70 et 80? Je ne sais pas…

Aussi, le changement des 15 dernières années n’est pas le ratio de ceux avec un parcours technologique, mais ceux qui sont fondateurs ont augmenté et ceux qui n’ont pas de parcours high-tech ont diminué …

Est-ce que les fondateurs de start-up font de meilleurs capital-risqueurs?

Question intéressante car j’ai souvent affirmé qu’il y avait une différence entre le capital-risque américain et européen (VC), qui avait déjà été illustrée par Tim Cruttenden (voir ci-dessous).

CB Insights, une entreprise dans l’analyse de données sur les start-up, a examiné l’expérience des VCs: Do Ex-Startup Founders Make The Best Venture Capitalists? La figure qui suit décrit leurs résultats et ils affirment en outre: « Sur les 100 VCs, 38 ont fondé ou co-fondé une entreprise avant de devenir des capital-risqueurs, tandis que 62 ne l’ont pas fait. Six des 10 meilleurs investisseurs de CB Insights n’ont pas fondé de société. Cela inclut les deux premiers: Bill Gurley de Benchmark et Chris Sacca, récemment retraité. »

Cependant, j’aurais préféré une analyse différente: combien avaient une expérience directe dans les entreprises technologiques, que ce soit dans le développement de produits / technologies ou dans les affaires telles que la vente ou le marketing par rapport à ceux qui étaient «seulement» consultants ou banquiers? Ce serait auss intéressant car la valeur que vous apportez au niveau du conseil d’administration peut être entièrement différente. Regardez ce que Tim Cruttenden a expliqué en 2006.

En effet Cruttenden dit aussi « entrepreneurs », mais si nous nous souvenons que Kleiner Perkins et Sequoia avaient beaucoup de managers plus que des entrepreneurs alors, nous pourrions peut-être obtenir une autre mesure de ce qui fait un bon VC …

The Rainforest par Hwang et Horowitt (partie IV) – le capital risque

Après mes notes initiales (partie I), l’importance de la culture (partie II), la recette (partie III) sur The Rainforest de Hwang et Horowitt, voici mes notes finales sur le capital-risque. C’est peut-être leur meilleur chapitre, même si le sujet a produit probablement des centaines de livres et des milliers d’articles… Leur biais (apparent) en tant que capital-risqueur est seulement apparent. Leur description est proche de ce que j’ai vécu, mais je suis peut-être partial également.

Le sous-titre du chapitre est « Big V, Little C » et leur citation pour commencer le chapitre est « si vous voulez gagner de l’argent, faire du private equity. Si vous voulez vous amuser, faites du capital-risque ». Ils empruntent alors à AnnaLee Saxenian: « À Boston, ce sont les entrepreneurs qui s’habillaient bien et qui se montraient à temps pour impressionner les investisseurs. Dans la Silicon Valley, c’était le contraire. » […] « En d’autres termes, l'(a)venture – la startup – est toujours plus importante que le capital, avec un « V » majuscule et un « c » minuscule. » [Pages 218-21]

Ils expliquent pourquoi investir dans l’amorçage et les premières étapes est coûteux pour les capital-risqueurs. « Il est préférable d’acheter une entreprise exceptionnelle à un prix correct qu’une entreprise correcte à un prix exceptionnel. […] Investir plus tôt dans une affaire doit être contrebalancé par un potentiel de retour sur investissement massivement disproportionné. Sinon, cela n’en vaut tout simplement pas le risque. […] Les coûts de transaction réduits en raison de la confiance et des normes sociales rendent le capital-risque en amorçage, à risque très élevé beaucoup plus rentable [dans la Silicon Valley]. » [Pages 228-29]

Dans d’autres domaines, le capital subventionné joue un rôle. Mais cela ne signifie pas que le VC ne doit pas être compris: « Il existe deux façons de créer un fonds de capital-risque. Soit on prend aussi peu que trente minutes pour apprendre. Soit on prend vingt ans ou plus. La formation rapide consiste à apprendre la structuration légale formelle et les processus financiers d’un fonds de capital-risque standard. […] Le cours le plus difficile et le plus long est d’apprendre la dynamique comportementale humaine qui se produit dans et autour des fonds de capital-risque. […] Des questions telles que:
– Comment traitez-vous les autres dans des situations où des erreurs et des échecs se produisent presque tous les jours?
– Comment construire une réputation de confiance, de franchise et d’intégrité lorsque des millions de dollars sont en jeu?
– Quel type de valeur pouvez-vous fournir à un entrepreneur qui connaît probablement beaucoup mieux le business que vous?
– Comment écoutez-vous activement un entrepreneur, puis que voyez au-delà de leurs mots jusqu’aux vrais prospects d’une entreprise?
– Comment savez-vous quand un PDG n’est plus apte à diriger une entreprise?
– Comment aidez-vous une petite société à établir des relations de vie ou de mort avec des clients énormes, puissants ou des partenaires stratégiques? »

Cela me rappelle ce que j’ai appris il y a 20 ans: il faut 5 ans et 10 millions de dollars pour faire un investisseur.

Les auteurs concluent leur chapitre avec le magnifique documentaire SomethingVentured: « [Les VCs] travaillent très dur, ils sont très brillants, ils travaillent ensemble et ils collaborent. Et il y a beaucoup de plaisir dans la réalisation de ces choses ensemble. Je ne pense donc pas que vous devriez sous-estimer combien les gens ont eu du plaisir à faire ce qu’ils ont fait. Je pense qu’ils sont extrêmement fiers, mais quand ils parlent de ces histoires, ils rient, ils sourient. Il y a juste cette excitation et cette énergie pour construire quelque chose. » [Page 242]

Dans le capital-risque, il n’est même pas question de Home Run, mais de Grand Chelem

Le titre de cet article doit être assez incompréhensible. Il vient de l’anglais (ce qui prouve que le monde du capital-risque reste très anglo-saxon…): Venture capital is not even a home run business. It’s a grand slam business.

Régulièrement, on me demande comment les VCs font de l’argent, ou plus précisément quel est leur taux de succès et leur taux d’échec. Une réponse typique est qu’ils échouent dans 90% de leurs investissements, ce qui est contrebalancé par le succès des 10% restants …

J’avais aussi regardé le 1er fonds de Kleiner Perkins en 1972: A propos du premier fonds de Kleiner Perkins. Dans ce fonds de $7M, Tandem et Genentech ont généré des multiples de plus de 100x et 90% des rendements du fonds. Six des 17 investissements n’ont pas eu de rendement positif.

Et voici que récemment, Horsley Bridge, un célèbre fonds de fonds, a partagé ses données sur 7’000 investissements réalisés par des fonds de VC entre 1985 et 2014. Ceci a été relaté dans deux articles de blogs (Éloge de l’échec et l’effet « Babe Ruth » en capital-risque) et le résultat global est:
• Environ la moitié de tous les investissements ont revenu inférieur à l’investissement initial,
• 6% des transactions ont produit au moins un retour de 10x, et ont constitué 60% du rendement total,
au point que le deuxième article prétend ce que je mentionnais dans le titre de cet article: « Dans le capital-risque, il n’est même pas question de Home Run, mais de Grand Chelem ». Fondamentalement, le capital-risque n’a pas pour startégie est pas une diversification du portefeuille, mais une stratégie de cygnes noirs. J’ajoute ici deux tableaux provenant du 1er article et qui sont particulièrement frappants:

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hb_vc_returns1

Est-ce que le modèle du capital-risque est brisé?

Il y a (parfois) une relation d’amour-haine entre les entrepreneurs et les investisseurs. En fait, il y a un message récurrent selon lequel le capital-risque (VC) ne fournit plus de réponse aux besoins de nombreuses jeunes start-up. Je ne vais pas entrer dans ce débat car je ne connais pas la réponse. Mais comme j’ai lu récemment quatre articles / rapports différents où la situation actuelle du capital-risque est analysée, j’espère que cet article sera utile pour comprendre pourquoi le VC est autant discuté. Ces rapports sont:
Lessons from Twenty Years of the Kauffman Foundation’s Investments in Venture Capital Funds (published in May 2012)
Emergent models of financial intermediation for innovative companies : from venture capital to crowdinvesting platforms (publised in 2014)
Venture Capital Disrupts Itself: Breaking the Concentration Curse (published in November 2015)
Why the Unicorn Financing Market Just Became Dangerous…For All Involved, published in April 2016.

Le rapport Kauffman

La fondation Kauffman a expliqué en 2012 que les retours sur investissments du capital-risque n’ont pas été aussi bons au cours des 10 dernières années qu’ils l’avaient été dans les années 80 et 90. Le rapport montrent aussi quelque chose qui est assez bien connu, je pense, à svaoir « l’industrie du VC » est beaucoup plus importante aujour’dhui que dans les années 90, mais avec moins de fonds. L’explication est simple: les fonds individuels ont augmenté en taille de 100 millions de dollars environ à plus de un millard. La conclusion de la fondation Kauffman est que les fonds de fonds, fonds de pension, les commanditaires (LPs) doivent faire attention à où et comment ils investissent dans le capital-risque. Voici quelques graphiques fournis dans l’étude.

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L’industrie du VC selon la fondation Kauffman

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La performance du VC selon la fondation Kauffman

En particulier, vous pouvez voir que le TRI (IRR en anglais) est une mesure délicate car elle change au fil du temps (de la valeur maximale à la valeur finale) pendant la durée de vie du fonds. La Kauffamn suggère ce qui suit:
– Investir dans des fonds de capital-risque de moins de 400 millions $, ayant une histoire de performances toujours élevées en comparaison aux marchés publics (PME), et dans lesquels les GPs s’engagent à investir au moins 5 pour cent du capital;
– Investir directement dans un petit portefeuille de nouvelles sociétés, sans être tributaires de frais et carried élevés;
– Co-investir dans des rounds tardifs, côte à côte avec des investisseurs chevronnés;
– Déplacer une partie du capital investi dans le VC vers les marchés publics. Il n’y a pas suffisamment d’investisseurs en capital-risque solides, aux performances supérieures aux marchés publics et capables d’absorber même notre capital limité.

Le rapport Cambridge Associates

Cambridge Associates (CA) ne montre pas une situation très différente, à savoir qu’il y a en effet plus de fonds plus importants avec une performance globale légèrement dégradée. Mais CA a également fait valoir que la performance du VC est pas concentrée dans un petit nombre de gagnants de haut niveau. Voici tout d’avord quelques éléments d’information:

VC2016-3-VCgainsLes gains du VC selon Cambridge Associates

VC2016-4-VCfund sizeLes gains du VC et la taille des fonds selon Cambridge Associates

Cambridge Associates ne dit pas que le monde du VC va bien mais que l’augmentation de la taille des fonds a un impact sur la dynamique d’investissement. Quant aux performances, la figure suivante (tirée d’un autre rapport) illustre à nouveau le fait que la performance peut en effet être un problème…

VC2016-5-IRRsLa performances du VC selon Cambridge Associates

Bill Curley à propos des licornes

Bill Gurley est l’un des meilleurs VCs de la Silicon Valley. Alors s’il a quelque chose à dire au sujet de la crise du VC, nous devrions l’écouter! Aucun graphique dans son analyse, mais une conclusion très préoccupante:

La raison pour laquelle nous sommes tous dans ce gâchis est due aux quantités excessives de capitaux qui sont investis dans les start-up soutenues par le capital-risque. Cette surabondance de capital a conduit à (1) des dépenses record, probablement 5 à 10 fois les montants de la période 1999, (2) des entreprises en majorité opérant loin, très loin de la rentabilité, (3) une concurrence trop intense produite par l’accès au-dit capital, (4) une liquidité retardée, voire inexistante, pour les employés et les investisseurs, et (5) des pratiques (discutables) de sollicitation de collecte de fonds. Plus d’argent ne résoudra aucun de ces problèmes – il ne fera qu’y contribuer. La chose saine qui pourrait arriver serait une augmentation spectaculaire du coût réel du capital et un retour à une appréciation de l’exécution d’un business solide.

Le rapport sur le crowdinvesting

Aussi, quand j’ai découvert récemment le rapport de Victoriya Salomon sur les nouvelles plates-formes de financement, j’ai été intrigué. Que dit-elle? « Le marché mondial du capital-risque souffre de conditions de sortie défavorables reflétée par la baisse du nombre d’IPOs et de fusions et acquisitions des start-up financées par le VC. Cette tendance touche tous les marchés à travers toutes les régions. En Europe, les fonds de VC ont montré moins d’appétit pour le risque en réalignant leurs choix d’investissement sur des entreprises plus matures et générant des revenus. En outre, en raison de la mauvaise performance de nombreux fonds de capital-risque au cours des six dernières années, ils ont du mal à lever de nouveaux fonds, alors que les investisseurs institutionnels, déçus par les faibles rendements, montrent une préférence pour les grands fonds les plus preformants avec une histoire de performances parfaite. Ce ralentissement affecte particulièrement les investissements traditionnels en capital-risque, alors que, dans le même temps, la part du capital-risque géré par des entreprises a augmenté de manière significative; elle était supérieure à 15% de tous les investissements en capital-risque à la fin de 2012. En Suisse, le marché du capital-risque a également connu une phase de déclin et perdu du terrain dans le financement de l’innovation. En fait, les acteurs suisses du VC souffrent d’un manque de capitaux et peinent à lever de nouveaux fonds. Selon la Commission suisse pour la technologie et l’innovation, le montant du capital de risque investi en Suisse a montré une baisse inquiétante d’environ 40% au cours des cinq dernières années. [Aussi] les investissements en capital-risque au stade précoce des start-up ont chuté de plus de 50% de 161 milliards € en 2011 à 73 milliards € en 2012. En revanche, participations au « stade ultérieur » ont augmenté de plus de 50% en 2012 pour atteindre 77 milliards € contre 34 milliards € en 2011. Bien que le nombre de transactions à un stade précoce soit en baisse, les périodes d’investissement ont tendance à devenir plus longues (7 ans au lieu de 4-5) et le gain en capital plus faible. »

Donc, l’analyse est très similaire. Le monde du VC a connu des transformations majeures. L’auteur estime qu’une solution pourrait être l’émergence de nouvelles plates-formes, telles que crowdinvesting, qui peut être décrit comme du crowdfunding en actions pour les start-ups. Ceci est en effet un argument intéressant. IL s’agirait d’un moyen d’élargir et d’étendre géographiquement l’activité des business angels. Maintenant, il se pourrait être aussi que nous avons juste besoin de revenir à l’essentiel, à savoir moins d’argent avec de plus petits fonds, et d’investir à nouveau, comme dans les années 80 et au début des années 90 dans des start-up plus économes… Quelle que soit la réponse, l’analyse semble cohérente: le monde VC s’est transformé dans une direction (moins de fonds, mains chacun plus gros, aux Etats-Unis principalement) qui ne peut ne pas être bonne pour un monde où beaucoup de nouvelles start-up apparaissent partout sur la planète, pas seulement dans la Silicon Valley, avec des besoins relativement modestes…

Et alors?

Tout d’abord si tout cela vous a semblé ellipitique, voire cryptique, lisez les rapports, ils sont excellents. Ensuite, dans une récente interview, j’ai expliqué que l’argent est nécessaire, mais trop d’argent peut être dangereux. Voilà, je pense que c’est le message principal… vous pouvez lire la suite ci-dessous si vous voulez avoir mon point de vue…

ER-Fin-Int

« Une bonne idée potentiellement dangereuse »
Ancien capital-risqueur, Hervé Lebret est aujourd’hui chargé des Innogrants (fonds d’amorçage) à l’EPFL.
Que pensez-vous de la proposition de créer un Fonds avenir suisse ?
Cela peut être une bonne idée, mais seulement à certaines conditions. Il faut qu’il puisse embaucher des gestionnaires très talentueux, car il s’agit d’un métier extrêmement complexe. C’est ce qu’a fait Israël: lorsqu’elle a créé ses fonds de capital-risque, elle a fait venir des gestionnaires américains expérimentés. Sans les bonnes personnes, c’est la catastrophe assurée. Et il faut que le fonds ait la liberté d’investir partout, et pas seulement en Suisse. Si on veut un fonds qui n’investisse que dans des start-ups suisses, on risque de ne créer que de la médiocrité.
Pourquoi ?
Parce qu’aucun fonds européen ne peut prospérer en n’investissant que dans son pays. C’est une question d’échelle. Seule la Sillicon Valley a une masse critique suffisante. Le modèle du capital risque californien, c’est de perdre de l’argent dans la plupart des placements et de se refaire grâce à un succès fulgurant, du type Google ou Airbnb. Or, il faut dix mille idées pour créer mille entreprises, dont cent vont croître, dix auront du succès et une seule deviendra Google ou Airbnb. Il faut pouvoir en sortir une tous les cinq ans et la Suisse n’a tout simplement pas la masse critique nécessaire. Et il est dangereux de trop se focaliser sur l’argent.
Comment cela ?
Oui. L’argent est une condition nécessaire, mais pas suffisante du succès. Il nécessite des fonds, mais aussi du talent, un marché, un produit, de l’ambition. Ce n’est pas parce qu’on met de l’argent à disposition des start-ups que le succès va venir – les autres ingrédients doivent également être présents. C’est vrai que la Suisse manque de capital risque, mais ce n’est pas cela qui explique que les Google, Apple ou Amazon ne sont pas nés ici. C’est à mon sens plutôt une question culturelle. Nous manquons d’ambition et d’esprit de rébellion. Et c’est le seul facteur qui ne peut pas être décrété par les autorités. Les entrepreneurs se contentent de viser la création d’une firme viable, de taille modeste, dont ils gardent le contrôle. En Suisse, les start-ups créent moins d’emploi que McDonalds. Neil Rimer (co-fondateur de la société de capital-risque Index Ventures, ndlr) écrivait il y a deux ans: « nous, et d’autres investisseurs européens sommes perpétuellement à la recherche de projets d’envergure mondiale émanant de la Suisse. A mon avis, il y a trop de projets manquant d’ambition soutenus artificiellement par des organes — qui eux aussi manquent d’ambition — qui donnent l’impression qu’il y a suffisamment d’activité entrepreneuriale en Suisse. » Je suis parfaitement d’accord.