Archives de l’auteur : Herve Lebret

The Hard Thing About Hard Things – Ben Horowitz

A chaque fois que je lis un livre de gestion ou de conseils personnels, je me dis: « C’est très bien, mais ce n’était pas vraiment le plus difficile. » Le plus difficile n’est pas d’avoir un objectif ambitieux, audacieux. Le plus difficile est de virer les gens quand cet objectif n’a pas été atteint. Le plus difficile n’est pas de recruter des gens formidables. Le plus difficile vient quand ces personnes « formidables » s’arrogent des droit et commencent à exiger des choses déraisonnables. Le plus difficile n’est pas de mettre en place un organigramme. Le plus difficile est d’amener les gens à communiquer au sein de l’organisation que vous venez de créer. Le plus difficile n’est pas de rêver de grandes choses. Le plus difficile est de se réveiller en sueur au milieu de la nuit quand le rêve tourne au cauchemar.

Le problème avec ces livres est qu’ils tentent de fournir une recette pour des défis qui n’ont pas de recettes. Il n’y a pas de recette pour des situations dynamiques et très complexes. Il n’y a pas de recette pour la construction d’une entreprise de haute technologie; il n’y a pas de recette pour faire une série de chansons à succès; il n’y a pas de recette pour jouer quarterback dans la NFL; il n’y a pas de recette pour la course à la présidence; et il n’y a pas de recette pour motiver les équipes quand votre entreprise est au bord du gouffre. C’est la plus difficile de choses difficiles – et il n’y a pas de formule pour résoudre ces problèmess.

C’est ainsi que commence The Hard Thing About Hard Things de Ben Horowitz [voir page ix] Après un premier chapitre sur son expérience dans ses start-up (Netscape, Loudcloud), Horowitz donne des conseils aux entrepreneurs. Et ce ne sont pas des conseils donnés en école de commerce en effet.

thehardthing

Marc: « Sais-tu ce qu’il y a de meilleur avec les start-up ?
Ben : « Quoi ?
Marc : « Tu ne ressens jamais que deux émotions: l’euphorie et la terreur. Et j’ai découvert que le manque de sommeil augmente les deux.

[Page 21]

Marc est Andreessen, le fondateur de Netscape, avec qui il a co-fondé la société de capital risque Andreessen Horowitz (a16z.com) en 2009.

« Les gens me demandent souvent comment nous avons réussi à travailler de manière efficace à travers trois sociétés majeures sur dix-huit ans. La plupart des relations d’affaires deviennent soit trop tendues pour être supportables ou pas assez tendues pour être productives après un certain temps. Soit les gens s’affrontent au point qu’ils ne s’aiment plus soit ils deviennent complaisants avec les réactions de l’autre et ne bénéficient plus de la relation. Avec Marc et moi, même après dix-huit ans, il me perturbe presque chaque jour en trouvant quelque chose à critiquer dans mon raisonnement, et je fais la même chose avec lui. Cela fonctionne ». [Page 14]

J’ai l’intention de revenir avec des commentaires sur ce livre quand je l’aurai fini, mais laissez-moi finir pour l’instant avec mes tableaux habituels sur la capitalisation des start-up, ici Netscape et Loudcloud .

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Silicon Valley par HBO – Episode 5: après Banksy, Chuy.

Je ne pouvais pas imaginer que je pourrais faire un lien entre mes messages sur l’Art Urbain et ceux concernant la Silicon Valley. Mais voici le chaînon manquant: dans l’épisode 5, vous en saurez plus sur Chuy
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et comment nos héros décident d’utiliser un artiste de rue pour leur logo. Le résultat complet, je ne peux pas vraiment le montrer en plein écran, mais voici des extraits des premières tentatives.
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Voici le logo final.
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Et vous pouvez agrandir les tentatives censurées en cliquant ici. Pas difficile de trouver qui pourrait payer $500k pour le travail. Pas leurs meilleurs amis…
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cliquer ici ou sur l’image pour l’agrandir – pour adultes seulement

Quand « pp » est considéré comme logo pour PiedPiper, Erlich explose:
« Des minuscules. Vous êtes sérieux?
Twitter, minuscule t
Google, minuscule g
Facebook, minuscule f
Toute entreprise de m… dans la vallée a une minuscule.
Pourquoi? parce que c’est plus sûr.
Nous n’allons pas faire pareil. »

Bien sûr, il y a aussi des gens sérieux dans la série qui parle finance…
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et processus.
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Le Street Art selon Pierre Corajoud

J’avais déjà dit tout le bien que je pensais de Pierre Corajoud dans Après Banksy à NYC, Space Invader à Lausanne et j’aurais pu ajouter que j’adore les guides qu’il publie sur des balades autour de Lausanne. J’ai pu constater hier qu’il est aussi un guide passionnant grâce à une promenade autour du Street Art. Pierre Corajoud a promené son groupe des mosaïques miroirs dont j’ai déjà parlé ici (Après Banksy à New York et Invader en Suisse, voici Mirror Mosaic Man à Pully) jusqu’aux Singes de Lutry, en passant par les vignobles qui surplombent le lac léman. Notre guide a partagé ses connaissances historiques, géographiques et culturelles de la région, et son amour pour elle!

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Pierre Corajoud devant une mosaique-miroir de Pully

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Une mosaique-miroir que j’ai découverte pendant la balade

Quant aux singes de Lutry, ils sont à leur manière du Street Art ancien. Plus sur leur histoire sur ce lien: l’origine du nom « les Singes de Lutry ».
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Un singe de Lutry

Silicon Valley par HBO – Episode 4

Je pense que SV est de plus en plus drôle et je ne suis pas d’accord avec les gens qui ont écrit que les meilleurs moments se trouvaient dans l’épisode 1. Je n’ai probablement pas le même âge qu’eux… 🙁 Quoiqu’il en soit, vous voyez des gens s… lâcher des noms comme ici:
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cliquez pour agrandir

Reconnaissez-vous les signatures? Et puis vous voyez notre fondateur luttant avec sa vision …
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… devant la belle Monica. C’est vraiment un excellent acteur; enfin je crois 🙁
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Je connaissais dans ma vie antérieure les consultants qui vont sur ​​la plage. Voici les développeurs qui vont sur ​​le toit, les «Non affectés».
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Mais tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
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Silicon Valley par HBO: épisode 3, l’incorporation

Quand un nom peut être un problème … Est-ce que PiedPiper un bon nom pour une entreprise? Eh bien… non, si il y a une autre société du même nom.
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Quoiqu’il en soit, PiedPiper a aussi son garage !
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Aussi, lorsque vous avez besoin d’un nom, soit vous faite du remue-méninges de différentes manières …
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… ou vous apprenez la négociation
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Apparemment HBO aime assez Silicon Valley pour avoir déjà décidé de produire la saison 2!

Silicon Valley par HBO: épisode 2, la cap. table

Je viens de voir que les 8 épisodes de SV seraient 1- Minimum Viable Product, 2- The Cap Table; 3- Articles of Incorporation; 4- Fiduciary Duties; 5- Signaling Risk; 6- Third Party Insourcing; 7- Proof of Concept; 8- Optimal Tip-to-Tip Efficiency. Dans l’épisode 2, notre héros doit répartir les actions. Un dilemme typique des start-up. Richard Hendricks est le fondateur. Il est « soutenu » par Erlich Bachmann, «propriétaire de l’incubateur». Il a trois développeurs, Bertram Gilfoyle, Dinesh Chugtai, Nelson « big head » Bighetti. Jared Dunn a quitté Houli pour aider Richard et rédiger le plan d’affaires afin que Peter Gregory, un milliardaire capital-risqueur (qui est aussi prêt à financer des étudiants qui arrêtent leurs études…) va investir $200k pour 5% de la société. (Richard a décliné une offre de 10M$ pour son algorithme…) Où l’on voit que l’amitié et les affaires ne vont pas souvent de pair.

Pour négocier sa part, voici un extrait du nerd à Jared Dunn:
« Pendant que tu étais en train de passer ta mineure en études de genre et de pratiquer le chant a cappella à Sarah Lawrence, je donnais l’accès aux serveurs de la NSA, j’étais à un clic de démarrer une deuxième révolution iranienne,
– Je suis allé en fait à Vassar
– Je fournis des script cross-eye, je surveille les attaques de DDOS et les opérations défectueuses, je restaure en urgence les bases de données. Ce n’est pas de la magie, c’est du talent et de la sueur! »

(Je ne suis vraiment pas sûr des termes techniques …)

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Richard Hendricks et& Jared Dunn interviewent les 3 dévelopeurs, Bertram Gilfoyle, Dinesh Chugtai, Nelson « Big Head » Bighetti

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Peter Gregory et son assistante

HBO lance Silicon Valley – épisode 1

J’ai déjà présenté la bande annonce de Silicon Valley. Voici quelques photographies et une citation… Je vous laisse apprécier!

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– « C’est étrange, ils se promènent toujours par groupes de 5, ces programmeurs. Il y a le grand blanc dégingandé, l’asiatique petit et maigre, le gros à la queue de cheval, un gars pleins de poils au visage, et un indien. C’est comme s’ils faisaient des échanges jusqu’à former le bon groupe
– Vous avez clairement une compréhension profonde de la nature humaine. »

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Retour sur le 9 février

Ma chronique régulière à Entreprise Romande, cette fois, l’impact du vote du 9 février…

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Tant a été dit et écrit sur l’impact du vote du 9 février sur la recherche et la formation universitaire, que j’ai hésité avant d’écrire cette chronique. Gel des échanges d’étudiants à travers le programme Erasmus + et de l’accès aux bourses ERC pour les meilleurs chercheurs ; rétrogradation au rang de pays tiers pour les programmes de recherche Horizon 2020. Tout cela a été bien expliqué et devrait être connu des intéressés. Catastrophe annoncée ou contrainte forte à laquelle la Suisse saura s’adapter grâce à son génie propre, l’avenir le dira. Enfin, le peuple est souverain et les inquiétudes exprimées sont assez partagées, en Europe et même aux USA. C’est sans doute l’Europe qui souffre plus que la Suisse et nos voisins ont plutôt montré de l’incompréhension que de la frustration.

Aussi, ne vais-je ici qu’essayer d’illustrer les raisons de ma tristesse. Une simple anecdote pour commencer : je suis arrivé à l’EPFL en 2004. Le premier dossier sur lequel j’ai travaillé était le projet d’un jeune étudiant espagnol, Pedro Bados. Il venait de terminer son travail de master dans le cadre d’un échange Erasmus qui avait donné de jolis résultats. Ces résultats furent brevetés, et l’étudiant se transforma en entrepreneur en fondant NEXThink qui a aujourd’hui une centaine d’employés. La start-up, dont le siège se trouve à l’EPFL, est soutenue en partie par des capitaux étrangers en raison de la faiblesse du capital-risque suisse.

M. Blocher a expliqué à la Radio suisse romande qu’il ne croyait pas aux gros projets européens qui ne donnent aucun résultat. Il est vrai que l’innovation ne se planifie pas et bien malin est celui qui pourrait prédire l’avenir. Mais l’innovation de Pedro Bados est bien réelle et n’aurait tout simplement pas existé sans Erasmus. NEXThink n’est pas la seule entreprise suisse fondée par un migrant. Biocartis a levé plus de 250 millions de francs et son fondateur, Rudi Pauwels, est belge. C’est un « serial entrepreneur » qui était venu chercher l’inspiration à l’EPFL après un premier succès. Plus des trois quarts des spin-off de l’EPFL ont des fondateurs étrangers, et la moitié sont européens.

Autre anecdote : la Suisse est un modèle pour ces voisins pour les questions académiques et pour ses performances en innovation. De nombreuses universités et représentants de région d’Europe visitent le campus de l’EPFL. Depuis six mois, je travaille à un projet avec trois autres universités technologiques européennes autour de l’entrepreneuriat high-tech. Sans l’acceptation de l’intiative sur l’immigration de masse, nous aurions été le chef de projet d’un programme d’échanges d’entrepreneurs. Nous ne serons au mieux que pays tiers et je ne pourrai pas travailler avec mes collègues suisses du secteur privé qui ont un beau savoir-faire en matière d’internationalisation de l’entrepreneuriat. Nous nous adapterons…

Le problème n’est pas tant économique puisque la Suisse contribuait en grande partie à ses financements. Il est humain. Dans un débat récent à Neuchâtel, Peter Brabeck, président de Nestlé,a déclaré: « 75% des personnes qui travaillent en Suisse dans nos équipes de recherche et développement viennent de l’étranger, Il y a donc forcément de l’incertitude pour eux. Mais je peux vous assurer d’une chose: Nestlé ne perdra pas un seul de ses scientifiques. Mais la Suisse peut-être. Car si je n’ai pas le droit de les faire travailler en Suisse, alors je les ferai travailler ailleurs, et leurs projets avec » [1]. Novartis avait déjà fait il y a longtemps le choix d’ouvrir un centre de recherche à Boston. A plus petite échelle, Housetrip, success story récente issue de l’Ecole Hôtelière de Lausanne, a déménagé à Londres, faute d’un nombre suffisant de talents.

Dernière anecdote : je suis arrivé en Suisse en 1998 et le processus d’obtention de mon permis de travail pris plus de … 6 mois ; ce ne fut pas une arrivée facile. L’entrée en vigueur des accords bilatéraux, en 2002, a sans aucun doute simplifié la décision de Pedro Bados de créer sa start-up en Suisse. Je ne sais absolument pas comment les futurs jeunes entrepreneurs étrangers vivront notre nouvelle situation. Sans doute la Suisse s’adaptera-t-elle là aussi ! Mais je ne vois pas qui gagne quoi que ce soit à compliquer l’arrivée des talents alors qu’ils partent très facilement.

Je terminerai sur une dimension plus symbolique en citant une participante à un autre débat sur le sujet [2]: « Et pour revenir sur la question de la recherche, l’EPFL n’a pas seulement une capacité de recherche, elle a un sérieux à conserver dans la formation, moi je suis ingénieur et je suis atterrée de voir que la notion même d’ingénieur est en train de disparaître de l’EPFL lorsqu’on est train de tout miser sur la biotechnologie. J’aimerais que l’EPFL sache encore former des gens qui sachent faire des ponts ». Si le monde académique a été aussi peu audible malgré ses tentatives, c’est qu’il n’est peut-être pas aussi bien aimé que l’on pourrait croire. La Suisse n’apprécie guère l’élitisme. On préfère les PMEs établies aux start-up, qui ne font pas rêver comme dans la Silicon Valley et les fonds de pension ne soutiennent pas le capital-risque. Lors d’un comité de sélection de jeunes gens prometteurs, j’entendis des membres du jury sourire de ces lamentations en indiquant que seuls 2 à 3% des étudiants suisses profitaient d’Erasmus et que s’il s’agissait pour eux de vivre ce que décrit le film « l’Auberge Espagnole », ce n’est peut-être pas si grave. Pourtant l’entrepreneuriat high-tech ne concerne aussi que 2 à 3% de nos étudiants. La rareté, l’élite sont, je le crois, plus importantes qu’on ne pense.

L’EPFL a toujours des spécialistes du béton ou des structures mécaniques. La recherche universitaire a même permis d’améliorer la qualité ou le coût des ponts. Mais le monde change aussi. La bio-ingénierie, l’informatique sont des disciplines prometteuses où les innovations à venir seront beaucoup plus importantes que celles qui amélioreront nos ponts et nos tunnels. Il n’est pas besoin d’être devin pour le comprendre. A moins que nous n’ayons perdu confiance en la science et la technologie ? Je peux vous dire que l’Asie et l’Amérique n’ont pas cette défiance. La Suisse ressemblerait-elle donc à l’Europe ?

J’ai bien compris que les initiateurs de cette votation campent sur leurs positions et considèrent que les problèmes du pays étaient plus importants que ces conséquences-ci. Exprimer une frustration face à une Europe en crise ou une inquiétude face à l’avenir est une chose. Minimiser l’impact que cela aura sur la Suisse me semble être un pari risqué. Je respecte la décision, mais je la regrette… Dommage.

[1] http://www.arcinfo.ch/fr/regions/canton-de-neuchatel/a-neuchatel-le-president-de-nestle-peter-brabeck-s-inquiete-des-consequences-du-vote-du-9-fevrier-556-1271025

[2] Florence Despot à la RTS: http://www.rts.ch/info/dossiers/2014/les-consequences-du-vote-anti-immigration/5619927-playlist-immigration-suites.html?id=5598709

Les systèmes d’innovation en France: un colloque à Nantes

Pourquoi exprimer une frustration après avoir participé au colloque De l’innovation aux écosystèmes de croissance, par ailleurs très bien organisé et où j’ai trouvé du plaisir ? Sans doute parce qu’après avoir beaucoup attendu de mon pays en matière de réformes sur le sujet de l’innovation (cf mes réflexions passées sur le rapport Beylat-Tambourin), je crains que la France ne reparte dans ses vieux travers : attendre beaucoup de la puissance publique et ne pas comprendre que l’innovation vient avant tout des start-up. Pourtant le problème était bien compris par les organisateurs du colloque qui avaient fait un travail préparatoire remarquable et les invités ont fait leur travail également.

Le grand témoin, Jean-Luc Beylat a fait une analyse détaillée, dont je fournis quelques notes. La France doit prendre en compte quelques grands changements :
– la vélocité des cycles technologiques,
– la puissance des pays émergents (« Shanghai investit plus dans ses transports en commun que l’Europe dans son ensemble »),
– la rareté grandissante des ressources, (notez que j’ai écouté Pascal Lamy la semaine dernière à l’EPFL et celui-ci pense que la matière grise est-elle illimitée et sera utile face à ces défis,)
– le numérique et l’accès au savoir transforme les mécanismes d’innovation.
Parler d’innovation n’est donc pas une posture, mais un devoir. Beylat pense qu’il n’y aura pas de dynamique individuelle sans une politique publique et que si il n’y a pas de copie possible des écosystèmes ayant réussi, il y a des invariants importants:
– l’éducation (et l’importance de tirer vers le haut),
– l’excellence de la recherche,
– le décloisonnement public-privé,
– l’attractivité de ces régions pour les talents,
– la culture de l’entrepreneuriat,
– les financements de la croissance.
L’analyse me convient! Le débat qui suivit parla d’écosystèmes et d’innovation. Et mon malaise a alors grandi alors que les messages étaient clairs : faire émerger les talents et leur fournir des ressources. Point. Comme si je souhaitais plus de radicalisme dans les messages. Un non-choix conduit à arroser un peu partout sans vraiment décider. « Il faut être patient. » « Il n’y a pas que les start-up. » Je crains que les acteurs attendent trop de la puissance publique, peut-être même trop du privé. Alors que bien souvent, l’innovation est une démarche individuelle.

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J’ai exprimé ce malaise lors de la table ronde à laquelle je participais. Je ne suis pas sûr de l’avoir bien explicité. J’ai expliqué le débat à distance que j’ai illustré sur ce blog entre Mariana Mazzucato et Peter Thiel. Mazzucato montre l’importance de la puissance publique, du collectif, Peter Thiel penche du côté de l’entrepreneuriat individuel au point que ce libertarien traiterait sans doute Mazzucato de communiste !

J’ai aussi ajouté que dans deux écosystèmes efficaces comme la Silicon Valley et la région de Boston, il y a aussi des différences similaires. Berkeley et Harvard sont moins favorables aux initiatives individuelles alors que le MIT et Stanford encouragent grandement la création de start-up, sans avoir une « politique d’innovation » très structurée. Stanford et le MIT sont bienveillants envers les entrepreneurs. On pourrait croire que Berkeley et Harvard sont avant tout dans le Savoir, alors que Stanford et le MIT sont dans le Faire et le Vendre (le produit et le client, chers à Steve Blank). Il y a peut-être un lien entre toutes ces dimensions, mais je n’en suis pas sûr. Il est certain par contre que l’entrepreneuriat est du domaine de l’exception, de l’anormal, de la singularité, de l’irrationnel même et donc une « politique publique » pourrait largement ne pas suffire. J’ai aussi expliqué aussi ce que nous faisons à l’EPFL puis l’importance des « role models » et des mentors pour faire émerger les talents, en citant notre Daniel Borel et ma citation habituelle sur la préférence vers la grosse part du petit gâteau que vers la petite part du gros gâteau. Un pari donc sur l’individu autant que sur le collectif.

J’ai répété pour autant que l’on ne sait pas filtrer a priori. Qu’il faut 1000 idées pour faire 100 start-up qui en donneront 10 qui auront les ressources pour croître (du VC) qui donnera 1 succès. Notre rôle est au niveau des 100 en les encourageant à devenir les 10. J’aurais dû ajouter que ce qui compte est :
– la culture (la passion, l’ambition, la prise de risque qui ne fustige pas l’échec)
– l’éducation (au sens de l’exposition au monde des start-up)
– l’argent (public, puis les BAs, puis le VC)
– le talent (encouragé par les mentors, les role models et l’expérience)
– l’internationalisation rapide (« buvez local, pensez global »)

Je crains pourtant d’avoir entendu tous les « buzzwords », l’accélération qui remplace l’incubation, les co-working spaces, les fablab et leurs imprimantes 3D, l’importance du design et des usages – il y a 15 ans on ne parlait que d’incubateurs et de MBAs ! – sans oublier le « ni les start-up ni le capital-risque ne sont la réponse à tout ». Pourtant je crois que la France a gâché des talents en les éloignant de cette simple dualité ! Cette bienveillance qui a tant manqué…

J’ai terminé en indiquant que cette diversité n’est pas ce que j’ai vu dans la Silicon Valley. On y trouve plutôt une majorité quasi-uniforme d’Asperger et de dyslexiques, et le malheureux manque de jeunes femmes n’est pas du à une soi-disant mentalité misogyne de « old boy club » mais plus à une incapacité de ces « talents » intravertis à leur parler…

MarcRougier-LeMonde

J’ai tout de même aimé le discours courageux de clôture de Christophe Clergeau, qui a su critiquer un millefeuille de structures d’innovation dont les SATT ne sont qu’une nième couche. Il a bien compris l’équilibre à trouver entre structures publiques et soutien aux talents et comment tout dépend de la qualité de réseaux. Fleur Pellerin a disparu en France, enfin elle fera autre chose. Pourtant elle revenait de la Silicon Valley, où un entrepreneur français était présenté grâce au Journal Le Monde : « Marc Rougier est un démenti à ceux qui croient que le mot « entrepreneur » n’existe pas dans la langue française. « C’est ma quatrième boîte. La première était toute petite. La deuxième je l’ai réussie. La troisième, je l’ai plantée ». Pour lui, le problème principal pour créer une entreprise en France, n’est ni le fisc, ni la lourdeur administrative, « même si ça existe ». C’est la peur du risque. « On est topissimes pour la capacité à innover. On est des intellos brillants, innovants, mais conservateurs. On est fort sur l’innovation comme jeu intellectuel. Ici on passe à l’acte. On démissionne à midi, on emporte ses cartons à 14 heures. Le lendemain on commence dans une autre boîte. » Tout est dit…