Archives de l’auteur : Herve Lebret

Halt and Catch Fire – la série TV sur l’innovation (sans la Silicon Valley et ses start-up)

Je me souviendrai toujours du jour où l’un de mes anciens patrons m’a dit que je devrais me concentrer sur (le visionnage, l’édition) des vidéos plutôt que (la lecture, l’écriture) des livres. Je suis une personne qui a baigné dans les livres, donc je ne vais probablement pas suivre ses conseils! Mais de temps en temps je découvre des films sur l’innovation high-tech et l’entrepreneuriat, les start-ups.

Halt and Catch Fire ne parle pas vraiment de start-up, ce n’est pas un documentaire, ce n’est pas un film. C’est une série TV qui est certainement plus sérieuse (et moins amusante) que le Silicon Valley de HBO. C’est une coïncidence intéressante pour moi d’avoir commencé à la regarder pendant ma lecture de The Innovators de Isaacson. Ces deux oeuvres traitent des premiers jours des ordinateurs personnels de manière (plutôt) dramatique.

J’en suis encore au début de la saison 1 de sorte que mes commentaires viennent autant de ce que j’ai lu que de ce que j’en ai déjà vu ! Halt and Catch Fire se passe au Texas (pas dans la Silicon Valley), dans une entreprise établie, Cardiff Electrics (pas dans une start-up), où trois personnes qui devraient probablement ne s’être jamais rencontrées, un homme d’affaires, un ingénieur et une geek (pas des entrepreneurs) vont essayer de prouver au monde qu’ils peuvent le changer. Alors pourquoi le Texas? Selon Wikipedia Français: « La saison 1 (qui se déroule en 1983-1984) s’inspire notamment de la création de la société Compaq qui lança en 1982 le premier ordinateur portable compatible IBM PC. Les ingénieurs de Compaq avaient fait de la rétroingénierie en désassemblant le BIOS d’IBM pour en faire réécrire une version compatible par des personnes n’ayant jamais vu le BIOS d’IBM afin de ne pas violer les droits d’auteur. » (Voir ma table de capitalisation de Compaq plus bas…)

Scoot McNairy as Gordon Clark, Mackenzie Davis as Cameron Howe and Lee Pace as Joe MacMillan - Halt and Catch Fire _ Season 1, Gallery - Photo Credit: James Minchin III/AMC

Scoot McNairy joue Gordon Clark, Mackenzie Davis – Cameron Howe – et Lee Pace – Joe MacMillan – Halt and Catch Fire, Saison 1, Crédit Photo : James Minchin III/AMC

Je dois aussi créditer Marc Andreessen qui m’a fait découvrir cette nouvelle série télé d’AMC. Dans un long portrait du New Yorker, le fondateur de Netscape mentionne la série: « Il a poussé un bouton pour dérouler l’écran du mur, puis connecté son Apple TV. Nous allions regarder les deux derniers épisodes de la première saison « Halt and Catch Fire » d’AMC, qui décrit une société fictive appelée Cardiff, qui entre dans la guerre des ordinateurs personnels des années quatre-vingt. La résonance pour Andreessen était claire. En 1983, dit-il, « j’avais douze ans, et je ne savais rien des startups ou du capital-risque, mais je savais tous de ces produits. » Il a utilisé le TRS-80 de Radio Shack de la bibliothèque de son école pour construire une calculatrice pour ses devoirs de mathématiques. » […] « Les meilleures scènes sont avec Cameron quand elle est seule dans le sous-sol, à coder. » Je lui ai rétorqué que j’ai trouvé qu’elle est le caractère le moins satisfaisant: sous-écrite, incohérente, manquant de motivation plausible. Il sourit et répondit: «Parce qu’elle est l’avenir. »

Selon l’article de Wikipedia à propos de la série, « le titre de l’émission fait référence au code d’instruction HCF, dont l’exécution provoquerait l’arrêt de l’unité centrale de l’ordinateur (« catch fire – s’enflammer » est une exagération humoristique). » La série ne traite peut-être pas d’entrepreneuriat et de start-up, mais il y est question de rébellion, de mutinerie. Il y a un beau moment où l’un des héros va convaincre ses deux collègues de poursuivre l’aventure alors qu’ils sont sur le point d’arrêter. Ils sont certainement en quête de quelque chose.

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Je n’ai en définitive pas vu beaucoup de films et de vidéos sur mon sujet favori alors laissez-moi essayer de récapituler:
– Je commence avec Something Ventured, un documentaire sur les premiers jours de la Silicon Valley, de ses entrepreneurs et des capital-risqueurs.
The Startup Kids est un autre documentaire sur les jeunes entrepreneurs du web. Souvent très émouvant.
– Le Silicon Valley de HBO est plus drôle que HFC mais peut-être pas aussi bon. Seul l’avenir le dira.
– J’ai vu The Social Network, qui semble être le meilleur film de fiction sur tout cela, mais
– Je n’ai pas vu les deux films sur Steve Jobs. Ce n’est apparemment pas la peine de regarder Jobs (2013), mais je vais probablement essayer de ne pas manquer de Steve Jobs (2015)

Donc, en conclusion, visionnez la bande annonce.

La table de capitalization de Compaq lors de son IPO

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L’innovation selon Walter Isaacson (4ème partie) – vol… ou partage?

Combien de fois vais-je dire à quel point est extraordinaire le livre de Walter Isaacson The Innovators – How a Group of Hackers, Geniuses, and Geeks Created the Digital Revolution ? Et combien de messages vais-je écrire à ce sujet ? Voici la 4e partie ! Isaacson montre comment la collaboration dans le logiciel a contribué à une création de valeur unique. Cela peut signifier partager mais aussi voler!

Gates se plaignit aux membres du Homebrew Computer Club à ce sujet: Deux choses surprenantes sont apparentes cependant 1) la plupart de ces « utilisateurs » n’a jamais acheté le BASIC (moins de 10% de tous les propriétaires d’Altair), et 2) Le montant des redevances que nous avons reçus de la vente aux amateurs fait que le temps passé sur le BASIC Altair vaut moins de 2$ de l’heure. Pourquoi? Comme la majorité des amateurs doit en être conscient, la plupart d’entre vous volent le logiciel. Le matériel doit être payé, mais le logiciel est quelque chose à partager. Qui se soucie si les gens qui y ont travaillé sont payés? Est-ce juste? Une chose que vous ne aites pas en volant les logiciels est de revenir vers MITS pour les problème que vous auriez eu. MITS ne fait pas d’argent en vendant des logiciels. […] Ce que vous faites c’est un vol. Je serais reconnaissant envers toute personne prête à payer. [Page 342 et http://www.digibarn.com/collections/newsletters/homebrew/V2_01/gatesletter.html]

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Mais Isaacson nuance: Il y avait encore une certaine audace dans la lettre. Gates était, après tout, un voleur en série de temps d’utilisation d’ordinateur, et il avait manipulé les mots de passe pour pirater les comptes depuis la huitième (en high school) jusque sa deuxième année à Harvard. En effet, quand il a affirmé dans sa lettre que lui et Allen avaient utilisé du temps à l’ordinateur équivalent à plus de 40’000$ pour faire le BASIC, il a omis le fait qu’il n’a jamais réellement payé pour cet usage. […] Aussi, bien que Gates ne l’ait pas apprécié à l’époque, le piratage généralisé de Microsoft BASIC a aidé sa jeune entreprise sur le long terme. En se répandant si vite, le icrosoft BASIC est devenu un standard, et d’autres fabricants d’ordinateurs ont dû acheter une licence. [Page 343]

Et que dire de Jobs et Wozniak? Tout le monde connaît comment des « phreaks » du téléphone avaient créé un dispositif qui émettaient la tonalité fréquentielle juste pour tromper le système de Bell et accéder à des appels interurbains gratuits. […] « Je n’ai jamais conçu un circuit dont je sois plus fier. Je pense toujours qu’il était incroyable ». Ils le testèrent en appelant le Vatican, avec Wozniak essayant de se faire passer pour Henry Kissinger pour parler au pape; il avait fallu un certain temps, mais les fonctionnaires du Vatican avaient finalement réalisé qu’il s’agissait d’une farce avant de réveiller le souverain pontife. [Page 346]

Gates, Jobs et l’interface graphique

Et le plus grand vol de tous a peut-être été le GUI – Graphical User Interface. Mais qui a volé? Plus tard, quand il a été critiqué pour avoir pillé les idées de Xerox, Jobs a cité Picasso: « Les bons artistes copient, les grands artistes volent. Et nous avons toujours agi sans vergogne quand il s’agit de voler de grandes idées. Xerox était une boîte de photocopieurs qui n’avait aucune idée de ce qu’un ordinateur pouvait faire. [Page 365]

Toutefois, lorsque Microsoft copia Apple pour Windows, ce fut une autre histoire… Au début des années 1980, avant l’introduction du Macintosh, Microsoft avait une bonne relation avec Apple. En fait, le jour où IBM a lancé son PC en août 1981, Gates était visitait Jobs chez Apple, ce qui était une chose courante depuis que Microsoft faisait la majorité de ses revenus en développant des logiciels pour l’Apple II. Gates était encore le suppliant dans la relation. En 1981, Apple avait 334 millions de dollars de revenus, par rapport aux 15 millions $ de Microsoft. […] Jobs avait un souci majeur à propos de Microsoft: il n’avait aucune envie de se faire copier l’interface graphique utilisateur. […] Sa crainte que Gates volerait l’idée était quelque peu ironique, étant donné que Jobs lui-même avait chipé le concept à Xerox. [Pages 366-67]

Les choses allaient empirer … « Eh bien, Steve, je pense qu’il y a plus d’une façon de voir les choses. Je pense plutôt que nous avions tous les deux ce riche voisin du nom de Xerox et je me suis introduit dans sa maison pour voler le téléviseur et j’ai découvert que tu l’avais déjà volé. » [Page 368]

Stallman, Torvalds, logiciel libre et open-source

Il y aurait d’autres oppositions. Le groupe de hackers qui a grandi autour de GNU [logiciel gratuit de Stallman] et Linux [logiciel open source de Torvalds] a montré que les incitations émotionnelles, au-delà des récompenses financières, peuvent motiver la collaboration volontaire. « L’argent est pas la plus grande des motivations », a déclaré Torvalds. « Les gens sont à leur meilleur quand ils sont motivés par la passion. Quand ils ont du plaisir. Cela est aussi vrai pour les dramaturges, les sculpteurs et les entrepreneurs que pour les développeurs logiciels. « Il y a aussi, consciemment ou non, un certain égoïsme dans tout cela. « Les pirates sont aussi motivés, en grande partie, par l’estime qu’ils peuvent gagner aux yeux de leurs pairs, à améliorer leur réputation, à élever leur statut social. Le développement open source offre cette chance aux programmeurs. » Gates dans sa « Lettre aux Hobbysts », se plaint du partage non autorisé de Microsoft BASIC, et a demandé sous forme de réprimande: « qui peut se permettre de faire un travail professionnel pour rien? ». Torvalds trouve ce point de vue un peu étrange. Lui et Gates étaient de deux cultures très différentes, le milieu universitaire radical teinté de communisme d’Helsinki face à l’élite des affaires de Seattle. Gates a peut-être fini avec la plus grande maison, mais Torvalds a récolté l’adulation anti-establissement. « Les journalistes semblent aimer le fait que, tandis que Gates vit une maison high-tech, je suis en train de trébucher sur les jouets de ma fille dans une maison de trois chambres avec une mauvaise plomberie dans un ennuyeux Santa Clara, » dit-il avec une conscience de soi ironique. « Et que je conduis une Pontiac poussive. Et je réponds au téléphone. Qui ne voudrait pas m’aimer? » [Pages 378-79]

Ce qui ne fait pas « d’ouvert » un ami de « libre ». Les différends sont allés au-delà de la simple forme et sont devenus, à certains égards, idéologiques. Stallman était possédé par une clarté morale et une aura inflexible, et il a déploré que « toute personne encourageant l’idéalisme est aujourd’hui confrontée à un grand obstacle: l’idéologie dominante encourage les gens à rejeter l’idéalisme comme « irréaliste ». Torvalds, au contraire, était un pratique sans vergogne, comme un ingénieur. « J’étais à la tête des pragmatistes, » a t-il dit. « J’ai toujours pensé que les gens idéalistes sont intéressants, mais un peu ennuyeux et effrayants. » Torvalds a admis « ne pas être exactement un grand fan » de Stallman, expliquant: « Je n’aime pas trop les gens qui ont une préoccupation unique, et je pense que les gens qui voient le monde en noir et blanc ne sont ni très gentils ni finalement très utiles. Le fait est qu’il n’y a pas seulement deux points de vue à tout problème, il y a presque toujours une variété d’approches, et « ça dépend » est presque toujours la bonne réponse à une question importante. Il croit aussi qu’il doit être permis de gagner de l’argent avec le logiciel open-source. « L’open-source doit laisser une place à tout le monde. Pourquoi le business, qui alimente tant l’avancement technologique de la société, devrait-il être exclu ? ». Le logiciel peut vouloir être libre, mais les gens qui l’écrivent peuvent vouloir nourrir leurs enfants et récompenser leurs investisseurs. [Page 380]

Les Innovateurs par Walter Isaacson – Partie 3 : (Silicon) Valley

L’innovation est aussi question de modèles d’affaires – le cas Atari

L’Innovation dans la (Silicon) Valley, après la puce, a vu l’arrivée des jeux, des logiciels et de l’Internet. « Alors qu’ils travaillaient sur les premières consoles de Computer Space, Bushnell entendit dire qu’il avait de la concurrence. Un diplômé de Stanford nommé Bill Pitts et son copain Hugh Tuck du California Polytechnic étaient devenu accros à Spacewar, et ils avaient décidé d’utiliser un mini-ordinateur PDP-11 pour le transformer en un jeu d’arcade. […] Bushnell n’eut aucun respect pour leur plan de dépenser $20’000 pour l’équipement, y compris un PDP-11 qui serait dans une autre pièce et relié par des tonnes de câble à la console, puis de faire payer dix cents le jeu. «Je fus surpris de voir combien ils étaient ingnorants du modèle d’affaires», a t-il dit. « Surpris et soulagé. Dès que j’ai vu ce qu’ils faisaient, je savais qu’ils ne seraient pas une concurrence ».
Le Galaxy Game de Pitts et Tuck a débuté à la coffeehouse de Tresidder à Stanford à l’automne 1971. Les étudiants se rassemblaient chaque nuit comme des croyants devant un sanctuaire. Mais peu importe combien ils étaient prêts à jouer, il n’y avait aucun moyen que la machine soit rentable, et l’entreprise a finalement fermé. « Hugh et moi étions tous deux ingénieurs et nous ne faisions pas du tout attention aux questions business, » a concédé Pitts. L’innovation peut être déclenché par le talent de l’ingénieur, mais elle doit être combinée avec des compétences managériales pour « mettre le monde en feu ».
Bushnell fut capable de produire son jeu, Computer Space, pour seulement $1000. Il fit ses débuts quelques semaines après Galaxy Game dans le bar Dutch Goose à Menlo Park, près de Palo Alto et il s’en vendra le nombre respectable de 1’500 exemplaires. Bushnell était l’entrepreneur idéal: inventif, bon ingénieur, et compétant sur les questions entrepreneuriales et la demande client. Il était aussi un grand vendeur. […] Quand il est entré dans le petit bureau loué par Atari à Santa Clara, il a décrit le jeu à Alcorn [le co-fondateur d’Atari], a esquissé quelques circuits, et lui a demandé de construire la version arcade de celui-ci. Il a dit Acorn qu’il avait signé un contrat avec GE pour produire le jeu, ce qui était faux. Comme beaucoup d’entrepreneurs, Bushnell n’avait aucune honte à déformer la réalité dans le but de motiver les gens. » [Pages 209-211]

L’innovation nécessite d’avoir trois choses: une bonne idée, le talent d’ingénierie pour l’exécuter, et le sens des affaires (plus la détermination à faire des deals) pour le transformer en un produit réussi. Nolan Bushnell eut le trio gagnant quand il avait vingt-neuf ans, ce qui explique pourquoi, plutôt que Bill Pitts, Hugh Truck, Bill Nutting, ou Ralph Baer, il est resté dans l’histoire comme l’innovateur qui a lancé l’industrie du jeu vidéo. » [Page 215]

Vous pouvez également alors écouter Bushnell directement. Le passeg est extrait de SomethingVentured et l’histoire d’Atari commence à l’instant 30’07 « jusqu’à 36’35 » (vous pouvez aller directement sur YouTube pour le bon timing).

Le débat sur l’intelligence des machines

Le chapitre 7 traite des débuts de l’Internet. Isaacson contribue aussi à un sujet qui redevient un débat depuis quelque temps: le possible remplacement par les machines et l’ordinateur en particulier de l’humain avec ou malgré son intelligence, sa créativité et ses capacités d’innovation. Je me sens proche d’Isaacson que je cite, page 226: « Licklider était du côté de Norbert Wiener, dont la théorie de la cybernétique était basée sur l’étroite collaboration entre humains et machines travaillant, plutôt que de leurs collègues du MIT, Marvin Minsky et John McCarthy, dont la quête de l’intelligence artificielle impliquait la création de machines qui pourraient apprendre par elles-mêmes et remplacer la connaissance humaine. Comme l’expliquait Licklider, l’objectif raisonnable était de créer un environnement dans lequel les humains et les machines « coopéreraient pour prendre des décisions. » En d’autres termes, ils grandiraient ensemble. « Les humains fixeront les objectifs, formuleront les hypothèses, détermineront les critères et feront les évaluations. Les machines et ordinateurs feront le travail automatisable qui doit être fait pour préparer la voie vers des idées et des décisions dans les domaines scientifiques et techniques. »

Le dilemme de l’Innovateur

Dans le même chapitre, qui tente de décrire qui étaient les inventeurs (plus que les innovateurs) dans le cas de l’Internet – J.C.R. Licklider, Bob Taylor, Larry Roberts, Paul Baran, Donald Davies, ou même Leonard Kleinrock – et pourquoi il a été inventé – un mélange de motivation entre l’objectif militaire de protection des communications en cas d’attaque nucléaire et l’objectif civil d’aider les chercheurs dans le partage des ressources – Isaacson montre encore une fois le défi de convaincre les acteurs établis.

Baran est entré en collision avec une des réalités de l’innovation, qui est que les bureaucraties enracinées sont réfractaires au changement. […] Il a essayé de convaincre AT&T de compléter son réseau à commutation de circuits pour la voix savec un réseau de données à commutation de paquets. « Ils se sont battus bec et ongles », a t-il rappelé. « Ils ont essayé toutes sortes de choses pour l’arrêter. » [AT&T sera aller aussi loin que l’organisation d’une série de séminaires qui impliquera 94 intervenants] « Maintenant voyez-vous pourquoi la commutation de paquets ne fonctionnera pas? » Baran répondit simplement : « Non ». Une fois de plus, AT&T a été freinée par le dilemme de l’innovateur. La société rechigna à envisager un tout nouveau type de réseau de données, car elle avait tellement investi dans ses circuits. [Pages 240-41]

[Davies] utilisa un bon vieux mot anglais pour eux: les paquets. En essayant de convaincre le General Post Office d’adopter le système, Davies rencontra le même problème que Baran avait vécu lorsqu’il avait frappé à la porte d’AT&T. Mais ils ont tous deux trouvé un soutien à Washington. Larry Roberts non seulement accepta leurs idées; il adopta également le mot paquet.

L’entrepreneur est un rebelle (qui aime le pouvoir)

Un pirate informatique « hard-core », Steve Dompier, proposa de descendre à Alburquerque en personne pour y trouver une machine de MITS, qui avait de la difficulté à suivre les commandes. Au moment de la troisième réunion du Homebrew en avril 1975, il avait fait une découverte amusante. Il avait écrit un programme pour trier les nombres, et tandis qu’il l’utilisait, il écoutait une émission de la météo sur une radio transistor basse fréquence. « La radio a commencé à faire zip-zzziiip-ZZZIIIPP à différents moments », et Dompier se dit: « Eh bien, vous savez quoi! Mon premier périphérique! » Puis il fit quelques expériences. « J’ai essayé d’autres programmes pour voir à quoi cela ressemblait, et après environ huit heures à bidouiller, j’avais un programme qui pouvait produire des sons musicaux et effectivement faire de la musique ». [Page 310]

« Dompier publia son programme musical dans le numéro du People’s Computer Company, ce qui amena une réponse historiquement remarquable d’un lecteur perplexe. « Steven Dompier a un article sur le programme musical qu’il a écrit pour l’Altair dans le People’s Computer Company, » écrivit Bill Gates, un étudiant en congé de Harvard pour écrire des logiciels pour MITS à Albuquerque. « L’article donne le listing de son programme et des données musicales pour ‘The Fool on the Hill’ et ‘Daisy’. Il n’explique pas pourquoi cela fonctionne et je ne vois pas pourquoi. Est-ce que quelqu’un le sait? » La réponse simple est que l’ordinateur, en lançant les programmes, produisait des interférences qui pouvaient être contrôlées par des boucles temporelles et transformées sous forme d’impulsions de tonalité par une radio ondes moyennes.
Au moment où sa requête a été publiée, Gates s’était lancé dans une dispute plus fondamentale avec le Homebrew Computer Club. Cela est devenu l’archétype de l’affrontement entre l’éthique commerciale qui croyait aux informations exclusives, représentée par Gates [et Jobs] et l’éthique des hacker du partage librement des informations, représentée par la population du Homebrew [et Wozniak]. » [Page 311]

Isaacson, par sa description de Gates et Jobs, explique ce qu’est un entrepreneur.

« Oui, maman, je pense, » répondit-il. « As-tu déjà essayé de penser? » [P.314] Gates était un obsessif en série. […] Il avait un style confrontationnel [… et il] savait le faire dégénérer en insulte comme «la chose la plus stupide que j’ai jamais entendue . » [P.317] Gates a utilisé le pouvoir dans sa future relation avec Allen. Voici comment Gates l’a décrit, « Voilà, j’ai dit « Ok, mais je vais être aux commandes. Et je vais vous habituer à ce que je sois aux commandes, et il sera difficile de discuter avec moi à partir de maintenant à moins que je ne sois aux commandes. Si vous me mettez aux commandes, je suis aux commandes de cela et de tout ce que nous faisons. » [P.323] Comme beaucoup d’innovateurs, Gates était rebelle juste par principe. [P.331] « Un innovateur est probablement un fanatique, quelqu’un qui aime ce qu’ils fait, travaille jour et nuit, peut ignorer des choses normales dans une certaine mesure, et donc être considéré comme un peu déséquilibré. […] Gates était aussi un rebelle avec peu de respect pour l’autorité, un autre trait des innovateurs. [P.338]

Allen avait supposé que son partenariat avec Gates serait cinquante-cinquante. […] Mais Gates avait insisté pour être aux commandes. « Ce n’est pas juste si tu as la moitié. […] Je pense que ça devrait être 60 à 40. » […] Pire encore, Gates insista pour revoir la répartition deux ans plus tard. « Je mérite plus de 60 pour cent. » Sa nouvelle demande était que la répartition soit 64-36. Né avec un gène de la prise de risque, Gates pouvait disparaître tard dans la nuit en conduisant à des vitesses terrifiantes sur les routes de montagne. «J’ai décidé que c’était sa façon de se défouler.», a déclaré Allen. [P.339]

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Gates arrêté pour excès de vitesse en 1977. [P.312]

« Il y a quelque chose d’indéfinissable chez un entrepreneur, et je l’ai vu avec Steve, » s’est souvenu Bushnell. « Il était intéressé non seulement par l’ingénierie, mais aussi par tous les aspects commerciaux. Je lui ai appris que si vous agissez comme si quelque chose est possible, alors cela va marcher. Je lui ai dit, fais semblant de maîtriser totalement et les gens supposent que tu l’es ». [P.348]

Le concept de l’entrepreneur comme un rebelle n’est pas nouveau. En 2004, Pitch Johnson, l’un des premiers VC dans la Silicon Valley a écrit «Les entrepreneurs sont les révolutionnaires de notre temps. » Freeman Dyson a écrit Portrait du scientifique en rebelle. Et vous devriez lire l’analyse de Nicolas Colin sur les écosystèmes entrepreneuriaux: Capital + savoir-faire + rébellion = économie entrepreneuriale. Oui des rebelles qui aiment le pouvoir …

Les ingrédients d’un écosystème entrepreneurial selon Nicolas Colin

Analyse passionnante de Nicolas Colin (The Family) dans son article What makes an entrepreneurial ecosystem? Si le sujet vous intéresse, c’est à lire absolument.

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En résumé, les écosystèmes entrepreneuriaux ont besoin de 3 ingrédients – je cite:
– Du capital: par définition, aucune nouvelle entreprise ne peut être lancée sans argent et infrastructures pertinentes (du capital engagé dans des actifs tangibles);
– Du savoir-faire: vous avez besoin d’ingénieurs, de développeurs, de designers, de vendeurs: tous ceux dont les compétences sont nécessaires pour le lancement et la croissance des entreprises innovantes;
– De la rébellion: un entrepreneur conteste toujours le statu quo. Sinon, ils innoveraient au sein de grandes entreprises établies, où ils seraient mieux payés et auraient accès à plus de ressources.

Cela me rappelle deux « recettes » que je cite souvent. D’abord « les 5 ingrédients nécessaires aux clusters high-tech: »
1. des universités et les centres de de la recherche de très haut biveau;
2. une industrie du capital-risque (institutions financières et investisseurs privés);
3. des professionnels expérimentés de la haute technologie;
4. des fournisseurs de services tels que avocats, chasseurs de têtes, spécialistes des relations publiques et du marketing, auditeurs, etc.
5. Enfin et surtout, un composant critique mais immatériel: un esprit de pionnier qui encourage une culture entrepreneuriale.
“Understanding Silicon Valley, the Anatomy of an Entrepreneurial Region”, par M. Kenney, plus précisément dans le chapitre: “A Flexible Recycling” par S. Evans et H. Bahrami

Deuxièmement, Paul Graham dans How to be Silicon Valley?? «Peu de start-up se créent à Miami, par exemple, parce que même s’il y a beaucoup de gens riches, il a peu de nerds. Ce n’est pas un endroit pour les nerds. Alors que Pittsburgh a le problème inverse: beaucoup de nerds, mais peu de gens riches. » Il ajoute également à propos des échecs des écosystèmes: « Je lis parfois des tentatives pour mettre en place des «parcs technologiques» dans d’autres endroits, comme si l’ingrédient actif de la Silicon Valley étaient l’espace de bureau. Un article sur Sophia Antipolis se vantait que des entreprises comme Cisco, Compaq, IBM, NCR, et Nortel s’y étaient établi. Est-ce que les Français n’ont pas réalisé que ce ne sont pas des start-up? »

Beaucoup d’amis toxiques des écosystèmes entrepreneuriaux n’ont pas compris tout cela. Mais pour ceux qui ont compris, la construction d’écosystèmes vivants reste un véritable défi: amener la rébellion, la culture, en diminuant la peur de la prise de risque sans stigmatiser (pas récompenser – ici, je suis en désaccord avec Colin) l’échec reste très difficile à faire alors que le savoir-faire et le capital ne sont pas non plus faciles à amener mais c’est faisable en y travaillant.

Enfin, je copie ses diagrammes qui montrent les combinaisons idéales et moins idéales du capital, du savoir-faire et de la rébellion, en ajoutant mon exercice pour la Suisse.

NicolasColin-NationalEcoCompar

La Suisse est probablement 80% Allemagne et 20% France… Un récent article du journal Le Temps aborde cette difficulté de l’animation des espaces entrepreneuriaux: Les start-up se multiplientau cœur des villes (journal au format pdf, en accès peut-être limité).

SwissNationalEcoCompar

(Un bref ajout le 29 octobre 2015) – La meilleure description de la Suisse a été donnée par Orson Welles. Cela explique beaucoup de choses…

« L’Italie sous les Borgia a connu 30 ans de terreur, de meurtres, de carnage… Mais ça a donné Michel-Ange, de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et de paix. Et ça a donné quoi ? … Le coucou! » dans Le troisième homme, dit par Holly Martins à Harry Lime.

Les Innovateurs de Walter Isaacson (suite) : Silicon (Valley)

Ce que je lis à la suite de mon post récent La complexité et la beauté de l’innovation selon Walter Isaacson est probablement beaucoup plus connu: l’innovation dans la Silicon Valley, aux débuts du Silicium – Fairchild, Intel et les autres « Fairchildren ». J’ai ma propre archive, de belles affiches de cette période, l’une à propos de la généalogie des start-up et entrepreneurs, avec un zoom sur Fairchild et un sur Intel et une autre sur la généalogie des investisseurs.

Des entrepreneurs…

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SiliconValleyGenealogy-Fairchild

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« Il y avait des problèmes internes à Palo Alto. Les ingénieurs ont commencé à faire défection, ensemençant ainsi la vallée avec ce qui est devenu connu sous le nom Fairchildren: des entreprises qui ont germé à partir de spores émanant de Fairchild. » [Page 184] « L’artère principale de la vallée, une route animée nommée El Camino Real, était autrefois la route royale qui reliait vingt et une des églises de la Mission de la Californie. Au début des années 1970 – grâce à Hewlett-Packard, au Stanford Industrial Park de Fred Terman, à William Shockley, à Fairchild et aux « Fairchildren » – elle a connecté un couloir animé de sociétés de haute technologie. En 1971, la région a obtenu un nouveau surnom. Don Hoefler, un chroniqueur pour le journal hebdomadaire Electronic News, a commencé à écrire une série de colonnes intitulées « Silicon Valley Etats-Unis » et le nom est resté. » [Page 198]

…Et des investisseurs

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« Dans les onze ans qui avaient suivi l’aide fournie aux huit traîtres pour former Fairchild Semiconductors, Arthur Rocck avait aidé à construire quelque chose qui était destiné à être presque aussi important à l’ère du numérique que la puce: le capital-risque. » [Page 185 ] « Quand il avait cherché un soutien pour les huit traîtres en 1957, il avait sorti un seule feuille de papier et avait écrit une liste numérotée de noms, puis méthodiquement téléphoné à chacun, barrant les noms comme il descendait la liste. Onze ans plus tard, il prit une autre feuille de papier pour y écrire le nom personnes qui seraient invitées à investir et combien des 500’000 actions disponibles à 5$ il offrirait à chacun. […] Il leur a fallu moins de deux jours pour réunir l’argent. […] « Tout ce que je devais dire aux gens était que c’était Noyce et Moore. Ils n’avaient pas besoin de savoir grand chose d’autre. » [Pages 187-88]

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La culture Intel

« Il y eut à Intel une innovation qui eut presque autant d’impact sur l’ère du numérique que toute [autre]. Cela aura été l’invention d’une culture d’entreprise et d’un style de gestion qui était l’antithèse de l’organisation hiérarchique des entreprises de la cote Est. » [[Page 189] « La culture Intel, qui imprégna la culture de la Silicon Valley, est un produit de ces trois hommes. [Noyce, Moore et Grove]. […] Elle était dépourvue de caractères hiérarchiques. Il n’y avait pas de places de stationnement réservées. Tout le monde y compris Noyce et Moore travaillait dans des « cubicles » semblables. […] « Il n’y avait pas de privilèges », a rappelé Ann Bowers, qui était le directeur du personnel et épousa plus tard Noyce, [elle deviendrait alors le premier directeur des ressources humaines de Steve Jobs] « Nous avons commencé une forme de culture d’entreprise qui était complètement différente de tout ce qui avait existé auparavant. C’était une culture de la méritocratie.
Ce fut aussi une culture de l’innovation. Noyce avait une théorie qu’il a développé après avoir été bridé par la hiérarchie rigide à Philco. Plus le lieu de travail est ouvert et non structuré, croyait-il, plus rapidement surgissaient de nouvelles idées qui seraient ensuite diffusées, raffinées et appliquées. » [Pages 192-193]

L’humour suisse et les start-up

Voici un rappel rafraichissant sur le monde des start-up. La réalité n’est pas aussi rose, mais je ne me souviens pas d’un message aussi drôle. A apprécier sans modération…

L’émission 26 minutes plus tôt: Les start-up vaudoises ont le vent en poupee rebondissait sur le nouveau top 100 des start-up suisses, où les start-up vaudoises et en particulier celles issues de l’EPFL excellaient… évidemment la définition de l’excellence pour 26 minutes est très particulière.

Reid Hoffmann sur le succès de la Silicon Valley : pas les startup, mais le scaleup

Dans son article d’introduction sur le cours qu’il donne à Stanford, Reid Hoffman explique de manière convaincante pourquoi la Silicon Valley est toujours en tête dans l’innovation high-tech: la Silicon Valley n’est plus unique dans sa capacité à lancer des start-up. Aujourd’hui, de nombreuses régions du monde possèdent tous les ingrédients nécessaires. Il y a à travers le monde de jeunes et brillants diplômés des universités techniques. Le capital risque est devenu global. Et les entreprises technologiques ont des centres R&D dans de nombreuses régions du monde. Il y a même eu une expansion globale de certains des éléments les plus subtils comme une acceptation de la culture de l’échec des entreprises risquées. Et la croyance en l’esprit d’entreprise se répand partout dans le monde – la création d’une culture réceptive dans de nombreuses villes. Alors, pourquoi la Silicon Valley continue-t-elle à produire autant d’entreprises capables de transformer les industries ? Le secret est passé des start-up au « scaleup ».

L’article complet est CS183C: Technology-enabled Blitzscaling: The Visible Secret of Silicon Valley’s Success. J’ai regardé la 1ère session. La voici avec les diapositives:

Et en voici quelques unes que je aimées:

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La complexité et la beauté de l’innovation selon Walter Isaacson

Les Innovateurs de Walter Isaacson est un grand livre en raison de sa description équilibrée du rôle des génies ou des innovateurs de rupture autant que du travail d’équipe dans l’innovation incrémentale. « La prise en compte de leur travail d’équipe est importante parce que nous ne nous focalisons pas souvent sur le rôle central de leur compétence dans l’innovation. […] Mais nous avons beaucoup moins d’histoires de créativité collaborative, qui est en fait plus importante à comprendre pour l’évolution de la technologie aujourd’hui. » [Page 1] Il va aussi plus loin: « J’explore aussi les forces sociales et culturelles qui fournissent l’atmosphère favorable à l’innovation. Lors de la naissance de l’ère numérique, cela a inclus un écosystème de recherche qui a été nourri par les dépenses du gouvernement et géré par une collaboration militaro-industrielle. Et ceci fut combiné avec une alliance informelle de coordinateurs de communautés, de hippies avec un esprit de commune, de bricoleurs amateurs, et de pirates anarchisants, dont la plupart se méfiaient de l’autorité centrale. » [Page 2] « Enfin, je fus frappé par la façon dont la créativité la plus authentique de l’ère numérique est venue de ceux qui étaient en mesure de relier les arts et les sciences. » [Page 5]

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L’ordinateur

J’ai été un peu moins convaincu par le chapitre 2 car j’ai le sentiment que l’histoire de Ada Lovelace et Charles Babbage est bien connue. Je peux me tromper. Mais j’ai trouvé le chapitre 3 sur les premiers jours de l’ordinateur plus original. Qui a inventé l’ordinateur? Probablement beaucoup de personnes différentes dans des endroits différents aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne, autour de la Seconde Guerre mondiale. « Comment ont-ils développé cette idée au même moment alors que la guerre maintenait leurs deux équipes isolées ? La réponse tient en partie au fait que les progrès de la technologie et de la théorie ont lieu quand le moment est mûr. En parallèle à de autres nombreux innovateurs, Zuse et Stibitz étaient familiers avec l’utilisation de relais dans les circuits téléphoniques, et il était logique de les relier à des opérations binaires en mathématiques et en logique. De même, Shannon, qui était aussi très familier avec les circuits téléphoniques, serait en mesure d’effectuer les tâches logiques de l’algèbre booléenne. L’idée que les circuits numériques seraient la clé de l’informatique devenait rapidement évidente pour les chercheurs un peu partout, même dans des endroits isolés comme le centre de l’Iowa ». [Page 54]

Il y aurait une bataille légale autour de brevets que je ne connaissais pas. Lisez les pages 82-84. Vous pouvez également lire ce qui suit sur Wikipedia : « Le 26 Juin 1947, J. Presper Eckert et John Mauchly ont été les premiers à déposer un brevet sur un dispositif de calcul numérique (ENIAC), à la grande surprise de Atanasoff. L’ABC [Atanasoff-Berry Computer] avait été examiné par John Mauchly en Juin 1941, et Isaac Auerbach, ancien élève de Mauchly, prétendit que cela avait influencé son travail plus tard sur l’ENIAC, bien que Mauchly ait nié ceci. Le brevet ENIAC ne fut pas accordé avant 1964, et en 1967, Honeywell poursuivit Sperry Rand dans une tentative de casser les brevets ENIAC, en faisant valoir l’ABC comme art antérieur. La Cour de district des États-Unis pour le district du Minnesota rendit son jugement le 19 Octobre 1973, indiquant dans « Honeywell v. Sperry Rand » que le brevet ENIAC était un dérivé de l’invention de John Atanasoff. » [Le procès avait commencé en Juin 1971 et le brevet sur l’ENIAC a donc été invalidé]

J’ai aussi aimé son bref commentaire sur les compétences complémentaires. « Eckert et Mauchly ont servi de contrepoids l’un pour l’autre, ce qui les rend typique de tant de duos de leaders de l’ère numérique. Eckert motivait les personnes ayant une passion pour la précision; Mauchly tendait à les calmer et à se sentir aimés. » [Pages 74-75]

Les Femmes dans la Science et la Technologie

C’est dans le chapitre 4 sur la programmation que Isaacson se consacre au rôle des femmes: « L’éducation [de Grace Hopper] n’était pas aussi rare qu’on pourrait le penser. Elle était la onzième femme à obtenir un doctorat en mathématiques de l’Université de Yale, la première l’ayant obtenu en 1895. Ce n’était pas du tout rare pour une femme, en particulier si elle était issue d’une famille ayant réussi, d’obtenir un doctorat en mathématiques dans les années 1930. En fait, c’était plus courant que ce ne le serait une génération plus tard. Le nombre de femmes américaines qui ont obtenu des doctorats en mathématiques pendant les années 1930 était de 133, soit 15 pour cent du nombre total de doctorats en mathématiques américains. Au cours de la décennie 1950, seulement 106 femmes américaines ont obtenu des doctorats en mathématiques, ce qui était un petit 4 pour cent du total. (Pour la première décennie des années 2000, les choses avaient plus que rebondi et il y avait 1600 femmes qui ont obtenu un doctorat en mathématiques, soit 30 pour cent du total.) » [Page 88]

Sans surprise, dans les premiers jours du développement informatique, les hommes travaillaient plus dans le matériel alors que les femmes seraient dans le logiciel. «Tous les ingénieurs qui ont construit le matériel de l’ENIAC étaient des hommes. Moins relatée par l’histoire était un groupe de femmes, six en particulier, qui se révéla être presque aussi important dans le développement de l’informatique moderne. » [Page 95] « Peu de temps avant sa mort en 2011, Jean Jennings Bartik relate fièrement le fait que tous les programmeurs qui ont créé le premier ordinateur à usage général étaient des femmes. «Malgré notre venue à une époque où les possibilités de carrière des femmes ont été généralement assez limitées, nous avons contribué à initier l’ère de l’ordinateur. » Cela est arrivé parce que beaucoup de femmes à cette époque avaient étudié les mathématiques et leurs compétences étaient recherchées. Il y avait aussi une ironie implicite: les garçons avec leurs jouets pensaient que l’assemblage matériel était la tâche la plus importante, et donc le travail d’un homme. «La science et l’ingénierie américaine était encore plus sexiste qu’elle ne l’est aujourd’hui,» a dit Jennings. «Si l’administration de l’ENIAC avait su que la programmation serait essentielle au fonctionnement de l’ordinateur électronique et à quel point elle se révélerait complexe, ils auraient pu être plus hésitants à donner un rôle important aux femmes. » [Pages 99-100]

Les sources de l’innovation

« Les chapitres historiques de Hopper étaient concentrés sur les personnalités. Ce faisant, son livre soulignait le rôle des individus. En revanche, peu de temps après que le livre de Hopper fut achevé, les dirigeants d’IBM commandèrent leur propre histoire du Mark I qui donnait le crédit principal aux équipes d’IBM à Endicott, New York, équipes qui avaient construit la machine. » Les intérêts d’IBM seraient mieux servis en remplaçant l’histoire individuelle par l’histoire de l’organisation», a écrit l’historien Kurt Beyer dans une étude de Hopper. « Le lieu de l’innovation technologique, selon IBM était l’entreprise. Le mythe de l’inventeur solitaire radical travaillant dans un laboratoire ou un sous-sol a été remplacé par la réalité d’équipes d’ingénieurs dans une organisation sans visage contribuant à des progrès incrémentaux. »Dans la version d’IBM de l’histoire, le Mark I contenait une longue liste de petites innovations, comme le compteur de type cliquet et l’alimentation redondante des cartes, que le livre d’IBM attribuait à une foule d’ingénieurs peu connus qui travaillaient de manière collaborative à Endicott.
La différence entre la version de l’histoire de Hopper et d’IBM est plus profonde qu’un différend sur qui devrait recevoir le plus de crédit. Elle montre des perspectives fondamentalement contrastées sur l’histoire des innovations. Certaines études technologiques et scientifiques soulignent, comme Hopper l’a fait, le rôle des inventeurs créatifs qui font des sauts innovants. D’autres études soulignent le rôle des équipes et des institutions, telles que le travail de collaboration fait à Bell Labs et sur le site d’IBM à Endicott. Cette dernière approche tente de montrer que ce qui peut ressembler à des sauts créatifs – le moment de type Eureka – sont en fait le résultat d’un processus évolutif qui se produit lorsque les idées, les concepts, les technologies et les méthodes d’ingénierie mûrissent ensemble. Aucune des deux façons de regarder l’avancement technologique n’est, prise seule, complètement satisfaisante. La plupart des grandes innovations de l’ère numérique est née de l’interaction de personnes créatives (Mauchly, Turing, Von Neumann, Aiken) avec des équipes qui ont su mettre en œuvre leurs idées. »
[Pages 91-92]

L’innovation de rupture et l’innovation incrémenatle d’après Google

Cela me semble très proche de ce que j’ai lu apropos de Google et mentionné dans l’article L’importance et la difficulté de la culture dans les start-up : Google à nouveau… : « Pour nous, l’innovation implique à la fois la production et la mise en œuvre d’idées nouvelles et utiles. Comme « nouveau » est souvent juste un synonyme fantaisiste pour inventif, il faut aussi préciser que pour quelque chose fasse preuve d’innovation, il doit offrir des fonctionnalités inventives, et il doit aussi être surprenant. Si vos clients vous demandent quelque chose, vous n’êtes pas innovant quand vous leur donnez ce qu’ils veulent; vous êtes juste à l’écoute. Voilà une bonne chose de dite, mais ce n’est pas être novateur. Enfin «utile» est un adjectif plutôt décevant pour décrire cette innovation « chaude », nous allons donc ajouter un adverbe et dire radicalement utile. Voilà: pour qu’une chose fasse preuve d’innovation, elle doit être nouvelle, surprenante, et radicalement utile. » […] « Mais Google ajoute également plus de cinq cents améliorations à son moteur recherche chaque année. Est-ce innovant? Ou incrémental? Elles sont nouvelles et surprenantes, bien sûr, mais si chacune d’eux par elle-même est utile, il est peut-être exagéré de dire radicalement utile. Mettez-les toutes ensemble, cependant, et elles le sont. […] Cette définition plus inclusive – l’innovation ne concerne pas seulement les choses vraiment nouvelles, les très grandes choses – est importante car elle offre à chacun la possibilité d’innover, plutôt que de la réserver au domaine exclusif de ces quelques personnes dans ce bâtiment hors campus [Google[x]] dont le travail est d’innover. » [How Google Works – Page 206]

Comment pouvons-nous encourager l’entrepreneuriat étudiant?

J’étais à Eindhoven aujourd’hui pour l’excellent programme d’EVP (20 jeunes entrepreneurs de 4 universités techniques européennes ont passé deux semaines sur 4 campus pour le développement de leurs projets). J’ai eu deux moments inspirants: le 1er par le maire d’Eindhoven qui a fait un grand discours sur l’importance de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Le 2ème eut lieu lors d’une réunion de 20 personnes pour débattre sur la façon de favoriser l’esprit d’entreprise dans les universités.

Les efforts d’Eindhoven pour l’entrepreneuriat et l’innovation

Le maire d’Eindhoven, Rob van Gijzel, a expliqué que Philips avait été à peu près tout pour Eindhoven depuis des décennies (les emplois, bien sûr, les écoles, les hôpitaux, le PSV …), mais beaucoup d’emplois ont été délocalisés, et Philips a souffert. Il a mentionné que l’espérance de vie des sociétés du Fortune 1000 est passée de 70 à 12 ans (ce sont des notes que j’ai prises après coup et je peux me tromper, mais l’esprit y est) et que l’espérance de vie d’un produit est de 2 ans pour Philips aujourd’hui.

Donc, en tant que maire, c’est sa mission de réfléchir à l’avenir, pas seulement au présent. Eindhoven s’épanouit parce qu’il y a NXP et ASML (Spin-offs de Philips), parce qu’ils ont le plus grand R & D centre de Samsung extérieur de la Corée, et une antenne de la Singularity University. Rob van Gijzel sait inhabituellement beaucoup de choses sur la technologie pour un politicien! Peut-être parce qu’il est à Eindhoven … et Eindhoven met beaucoup d’énergie et d’argent dans les universités, les accélérateurs, les start-up et aussi le campus de haute technologie d’Eindhoven (www.hightechcampus.com) qui, Eindhoven l’espère, créera beaucoup d’emplois à haute valeur ajoutée. Les grandes entreprises établies, les PMEs, les start-up et les universités semblent travailler ensemble dans la même direcction. Je suis sûr que ce n’est pas parfait, mais l’effort est impressionnant!

Eurotech sur l’entrepreneuriat

Mon deuxième moment d’inspiration a eu lieu au cours d’une réunion d’Eurotech sur l’entrepreneuriat. Pour une fois, ce ne fut pas le débat habituel des start-up contre les entreprises établies, d’une croissance contrôlée contre une croissance rapide, mais nous avons eu une discussion sur la façon de vraiment aider les étudiants intéressé(e)s par les start-up, ce qui est important, l’exposition à ou l’enseignement de l’esprit d’entreprise,

Juste quelques notes:

« dès le début vous devez trouver l’inspiration, vous êtes intéressés et vous allez où sont ces fous qui font des start-up » … « c’était la chose à faire» … «Je suis entrepreneur parce que ma mère m’a poussé à être responsable et indépendante, alors j’ai essayé et échoué à deux reprises, puis réussi une fois « .

C’est un effort à long terme, vous enseignez, vous exposez, vous inspirez, et « vous les infectez avec le virus » avec éventuellement une longue incubation. Mais devons-nous le faire tôt ou tard, de façon obligatoire ou facultative, filtrer les bons entrepreneurs ou exposer/enseigner à tout le monde…

« Vous devez enseigner l’entrepreneuriat en dehors de la classe … »

Donc, vous avez besoin d’un écosystème convivial, où l’université a son rôle (même s’il n’est pas clair exactement, mais elle en a un!) « Les jeunes entrepreneurs doivent savoir qu’ils ne doivent pas payer pour des avocats, ils ont besoin de trouver des amis qui sont avocats, ou qui ont une expertise juridique. » Vous avez besoin de briser les barrières, aider les gens à se rencontrer et de trouver les personnes dont ils ont besoin, aussi briser les barrières régionales parce que le soutien régional se concentre sur le développement local, qui n’est pas nécessairement le meilleur ami d’un entrepreneur qui a besoin de penser globalement. Les écosystèmes doivent être ouverts, les gens ont besoin de se déplacer, où se trouvent le talent et l’argent.

Nous avons donc confirmé qu’il n’y avait pas un accord général sur la manière stratégique de promouvoir l’entrepreneuriat … mais qu’il est très important …

Sur France Culture, « Le transhumanisme, c’est de la science fiction »

De temps en temps, j’écris un bref article qui n’a rien à voir avec les start-up. Quoi que… J’écoutais ce matin France Culture qui invitait le philosophe André Comte-Sponville. A l’instant 8:13 de la video qui suit commence une séquence sur le transhumanisme que le philosophe va commenter. Je la retranscris aussi plus bas. J’avais déjà eu l’occasion d’aborder le sujet lors de d’une autre édition de la même excellente émission, le 9 mai 2014: Ray Kurzweil raconte n’importe quoi. Je persiste et signe par chroniqueurs interposés!


Les Matins / Philosopher contre les fanatismes par franceculture

A la question « André Comte-Sponville, voulez-vous prendre le bus de l’immortalité », celui-ci répond :
« Non merci ! C’est évidemment exclu. Alors certains plus sérieusement, je pense à Laurent Alexandre, nous annoncent qu’on va bientôt vivre 1000ans. Et son livre s’appelle La mort de la mort. C’est évidemment un contre-sens. Parce que, que vous mourriez à 90 ans ou à mille ans, vous n’en mourrez pas moins. On vivrait davantage mais on ne mourrait pas moins. Quant à l’idée saugrenue, je dirais, de supprimer la mort, à nouveau, c’est une impossibilité. Aucun corps humain, aucun corps vivant ne résistera à la combustion, ne résistera à la noyade. Si vous passez 15 jours sous l’eau, je vous jure que transhumanisme ou pas, vous serez mort. Aucun être humain ne survivra à une balle tirée en plein front. Autrement dit, quand bien même on arriverait, et Dieu sait que ce n’est pas demain la veille, ça relève de la science-fiction, mais quand bien même, on arriverait à vaincre toutes les maladies et la vieillesse, autrement dit on ne mourrait plus que par accident, et bien tôt ou tard, comme sur un temps infini, tout le possible arrive nécessairement, on aurait un accident et on finirait quand même par mourir. Simplement, ce qui se passerait, comme on ne mourrait plus que par accident, nous serions en vérité perpétuellement mort de trouille. Ce qui m’autorise à prendre ma voiture aujourd’hui, c’est que je sais de toute façon que je vais mourir et donc mourir d’un cancer ou d’un accident de voiture, au fond la différence n’est pas essentielle. Si je ne peux plus mourir que par accident ou par assassinat, je serai perpétuellement mort de trouille. Bref ça fera une société de vieillards qui ne pourraient plus faire d’enfants sinon la surpopulation serait atroce, une société de vieillards et de trouillards. Et bien ça n’est mon idéal de civilisation ni de l’humanité.
– Du coup, le transhumanisme vous fait peur ?
– Non, encore une fois cela relève de la science-fiction. Que les sciences et les techniques prennent de plus en plus de place dans notre vie, qu’elles puissent un jour modifier la nature humaine, ça c’est vrai. On n’en est pas là pour l’instant, mais ça peut venir et donc il est légitime d’y réfléchir. J’ai envie de dire que les urgences sont ailleurs. Nous serons neuf milliards et demi, peut-être dix milliards en 2050, personne ne sait comment nous allons nourrir dix milliards de personnes. La question des ressources en eau douce et en terres arables, la question du réchauffement climatique, sont des questions bien plus urgentes que la question du transhumanisme.

MesLivres-Cynthia-Fleury

Je saute du coq à l’âne. Voici les écrits d’une autre philosophe française dont la clarté de pensée et la vision sont exceptionnelles. A lire absolument. le monde des start-up a lui aussi besoin de courage, d’éthique et de morale. Cynthia Fleury nous explique merveilleusement bien pourquoi tout individu et toute société en ont aussi besoin… Les mensonges du transhumanisme et de nos sociétés et de nos individus doivent être combattus!