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La biotechnologie et les start-up – Partie 3 : Genentech

J’aurais sans doute dû commencer cette série sur la biotech avec Genentech (voir la partie 1 : Amgen et la partie 2, traitant de statistiques sur les start-up biotech). Genentech ne fut pas la première start-up en biotechnologie, c’était Cetus, mais Genentech est vraiment celle qui a lancé et défini cette industrie. Tout cela a vraiment commencé avec la collaboration entre Cohen et Boyer. Genentech aurait aimé obtenir une licence exclusive sur leur brevet sur l’ADN recombinant, mais les universités ne pouvaient pas accepter autant pour des raisons économiques que pour des raisons politiques. Genentech était une petite start-up inconnue et l’ingénierie génétique un sujet très sensible à l’époque. Swanson avait essayé d’offrir des actions de Genentech à Stanford et UCSF (l’équivalent de 5% des actions existantes à l’époque)

Notez que j’ai déjà parlé ici de Genentech dans Bob Swanson et Herbert Boyer: Genentech. Mais ce nouvel article suit ma lecture de Genentech – The Beginnings of Biotech par Sally Smith Hughes.

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Chronologie:
– Novembre 1972 : réunion de Cohen et Boyer lors d’une conférence à Hawaï
– Mars 1973 : 1ères expériences conjointes en laboratoire
– Novembre 1973 : publication scientifique
– 4 novembre 1974 : dépôt de brevet
– Mai 1975 : Cohen devient un conseiller de Cetus
– Janvier 1976 : réunion entre Swanson et Boyer
– 7 avril 1976 : fondation de Genentech
– Août 1878 : première insuline produite
– Q2 1979 : 4 projets de recherche avec Hoffmann – La Roche (interféron), Monsanto (hormone de croissance animale), Institut Mérieux (vaccin de l’hépatite B) et en interne (thymosine).
– Juillet 1979 : première hormone de croissance humaine
– Octobre 1982 : approbation par la FDA de l’insuline produite par Genentech
– Octobre 1985 : approbation par la FDA hormone de croissance humaine

Je dois admettre que je n’avais jamais entendu parler du site web (http://bancroft.berkeley.edu/ROHO/projects/biosci) de la Bibliothèque Bancroft et son programme d’études en sciences biologiques et biotechnologiques « dont la pièce maîtresse est une collection en constante expansion d’histoires orales sur les biosciences et les biotechnologies [avec] des interviews en profondeur, entièrement indexées de scientifiques de nombreuses disciplines, des cadres, des avocats, et d’autres personnalités de la biotechnologie. »

L’invention de nouvelles pratiques commerciales et scientifiques sur une très courte période

Swanson avait été séduit: « Cette idée [du génie génétique] est absolument fantastique; elle est révolutionnaire; elle va changer le monde; c’est la chose la plus importante dont j’ai jamais entendu parler. » [… Mais Swanson était presque seul.] « Cetus était pas seule dans son hésitation quant à l’application industrielle de la technologie de l’ADN recombinant. Les sociétés pharmaceutiques et chimiques, des institutions conservatrices dans l’âme, avaient également des réserves. » [Page 32] « Quelles que soient les applications pratiques que je pouvais voir de l’ADN recombinant… c’était à un horizon de cinq à dix ans, et, par conséquent, il n’y avait pas d’urgence pour commencer, d’un point de vue scientifique. » [Page 32] « Je maintiens toujours » se souvient Boyer, « que notre plus grande qualité était notre naïveté … Je pense que si nous avions su tous les problèmes que nous allions rencontrer, nous aurions réfléchi à deux fois avant de nous lancer… La naïveté était l’ingrédient supplémentaire de la biotechnologie. » [Page 36]

Le livre montre l’importance des collaborations scientifiques. Non seulement avec Boyer à UCSF, mais par exemple avec un hôpital de Los Angeles. Une licence a été signée avec l’Hôpital City of Hope qui incluait une redevance de 2% sur les ventes des produits basés sur la technologie sous licence. « […] négocia un accord entre Genentech et City of Hope qui donnait à Genentech la propriété exclusive de tous brevets basés sur collaboration en cours et payait le centre médical une redevance de 2 pour cent sur les ventes de produits issus de la recherche. » [Page 57]

Même si en l’an 2000, City of Hope avait reçu 285M $ en redevances, l’hôpital n’était pas satisfait du résultat. Après de nombreux procès, la Cour suprême de Californie en 2008 accorda un montant additionnel de 300M $ à City of Hope. Ainsi, le livre montre que ces collaborations ont aussi créé de nombreux litiges juridiques. [Page 58]

En quelques années, Genentech put synthétiser la somatostatine, l’insuline, l’hormone de croissance humaine et l’interféron. Il est fascinant de lire à quel point ces années furent intenses, incertaines, stressantes pour Swanson, Perkins, Boyer et le petit groupe d’employés de Genentech et de ses partenaires académiques (Goeddel, Kleid, Heyneker, Seeburg, Riggs, Itakura, Crea), entre autres en raison de la concurrence émergente d’autres start-up (Biogen, Chiron) et les laboratoires universitaires (Harvard, UCSF).

« Le 25 Août, 1978 – quatre jours après l’exploit de Goeddel sur l’insuline – les deux parties ont signé un accord de plusieurs millions de dollars sur vingt ans pour la recherche et développement. Pour un paiement initial de $500,000 dans la licence, Lilly a obtenu ce qu’elle voulait: les droits mondiaux exclusifs pour la fabrication et la vente de l’insuline humaine en utilisant la technologie de Genentech. Genentech devait recevoir 6 pour cent et City of Hope 2 pour cent des redevances sur les ventes de produits. » [Page 94]

Ils ont réussi à négocier une condition contractuelle qui limite l’utilisation de Lilly des bactéries modifiées de Genentech à la seule fabrication de l’insuline. La technologie resterait la propriété de Genentech, du moins ils l’espéraient. En fait, le contrat, et cette clause en particulier, fut à l’origine d’un litige prolongé. En 1990, les tribunaux attribuèrent à Genentech plus de 150 millions $ dans une décision déterminant que Lilly avait violé le contrat de 1978 par l’utilisation d’un composant de la technologie de l’insuline de Genentech pour faire son propre produit de l’hormone de croissance humaine. [Page 95]

Perkins pensait que la redevance de 8 pour cent était exceptionnellement élevée, à un moment où les redevances sur les produits pharmaceutiques étaient de l’ordre de 3 ou 4 pour cent. « C’était une royalty plutôt exorbitante, mais nous avions signé de toute façon – Lilly avait hâte d’être le premier (avec l’insuline humaine) » […] Le modèle grande entreprise – petite entreprise que Genentech et Lilly promulguèrent en biologie moléculaire allait devenir la forme d’organisation prééminente dans une industrie de la biotechnologie en devenir. [Page 97]

L’invention d’une nouvelle culture

Malgré sa jeunesse, Swanson réussit à maintenir tout le monde concentré sur une recherche axée sur le produit. Il continua à avoir peu de tolérance à investir du temps, des efforts et de l’argent sur une recherche qui ne soit pas liée directement à la création de produits commercialisables. « Nous étions intéressés à faire quelque chose d’utilisable que vous pourriez transformer en un médicament, injectable chez les humains, pour des essais cliniques. » Quelques années avant sa mort prématurée, Swanson avait remarqué : «Je pense que l’une des choses que je faisais le mieux en ces temps-là, était de nous garder très concentrés sur la formulation d’un produit. » Son style de gestion orienté vers un but différait nettement de celui des proches concurrents de Genentech. [Page 129]

Mais dans le même temps Boyer garantirait un niveau de recherche de haute qualité en encourageant les employés à écrire les meilleurs articles scientifiques possibles. Cette garantie fit la réputation de Genentech dans le monde académique.

Une culture prenait forme chez Genentech qui n’avait pas d’équivalent dans l’industrie ni dans les universités. Les entreprises high-tech dans la Silicon Valley et le long de la route 128 dans le Massachusetts partageaient son accent sur l’innovation, une recherche accélérée, et la création et la protection de propriété intellectuelle. Mais les industries électroniques et informatiques, et tout autre secteur industriel sur ce sujet, avaient négligé les liens proches, significatifs et durables avec la recherche universitaire que Genentech utilisa dès ses débuts et qui continuèrent à définir l’industrie des biotechnologies d’aujourd’hui. Presque tous les éléments dans le projet de recherche de l’entreprise – de ses scientifiques à ses fondements intellectuels et technologiques – étaient nés de décennies de connaissances de base scientifique accumulées et générées dans des laboratoires académiques. […] Sur l’insistance de Boyer, les scientifiques avaient été encouragés à publier et à s’engager dans la vaste communauté scientifique. [Page 131]

Mais les valeurs académiques avaient dû s’accommoder des réalités des entreprises: sur l’insistance de Swanson, la recherche devait conduire à des brevets solides, des produits commercialisables, et des profits. La culture de Genentech était en résumé un hybride de valeurs académiques alignées avec les objectifs et les pratiques commerciaux. [Page 132]

Swanson était le chef, supporter mais insistant, d’esclaves, exhortant les employés au-delà de leurs limites apparentes: « Bob voulait tout. Il disait: Si vous n’avez pas plus de choses dans votre programme que vous ne pouvez accomplir, alors vous ne faites pas assez d’efforts. Il voulait que vous ayez une liste assez longue pour que vous ne puissiez pas tout faire, et pourtant il voulait que vous essayiez. » […] Des start-up naissantes ne pourraient concurrencer les géants pharmaceutiques qu’en étant avant tout plus innovantes, agressives, et le pied au plancher. Dès le début Genentech avait réuni ces attributs en quantité. Swanson attendait – exigeait – beaucoup de tout le monde. Son attitude était comme Roberto Crea l’a rappelé: « Allez-y; soyez là les premiers; nous devons battre tout le monde … Nous étions petits, sous-capitalisés, et relativement inconnus de tout le monde. Nous devions faire mieux que quiconque pour gagner la légitimité de cette nouvelle industrie. Une fois que nous l’avions fait, nous voulions maintenir notre avance. » […] Comme l’a dit Perkins « Bob ne serait jamais accusé de manquer d’un sentiment d’urgence. » […] Même Ullrich, malgré l’inconfort d’un européen face au rude comportement américain, finit par se laisser séduire par cette culture inébranlablement engagée, du « c’est possible » de Genentech. [Page 133]

De nouvelles stratégies de sortie

Initialement Kleiner pensait que Genentech serait acquise par une grande entreprise pharmaceutique. C’était juste une question de temps. Il avait approché Johnson & Johnson et « lancé l’idée d’un prix d’achat de 80 millions $. L’offre est tombée à plat. Fred Middleton [le vice-président pour les finances de Genentech], présent aux négociations, spécula que J&J n’avait pas « la moindre idée de quoi faire avec cette technologie [de l’ADN recombinant] – ne savait certainement pas ce qu’elle valait. Ils ne pouvaient pas l’adapter au moule du Band-Aid ». Les dirigeants de J&J ne savaient pas comment valoriser Genentech, car il n’y ait aucune norme de comparaison ni la moindre histoire de bénéfices. » [Page 140]

Perkins et Swanson firent une tentative de plus pour vendre Genentech. A la fin de 1979, Perkins, Swanson, Kiley et Middleton avaient pris un avion pour Indianapolis pour rencontrer le PDG et d’autres cadres d’Eli Lilly. Perkins avait proposé un prix de vente de 100 millions $. De l’avis de Middleton, Lilly était paralysée par une mentalité conservatrice de « pas inventé ici », une opinion soutenue par la réputation de l’entreprise pharmaceutique de se baser principalement sur sa recherche interne et seulement à contrecœur sur des contrats externes. La technologie de la société était trop nouvelle, trop expérimentale, trop peu conventionnelle pour une industrie pharmaceutique conservatrice pour l’adopter en toute confiance. [Page 141]

Lorsque Genentech eut développé avec succès l’interféron, une nouvelle opportunité se présenta. L’interféron avait été découvert en 1957 et imaginé utile pour prévenir les infections de virus. En novembre 1978, Swanson signa une lettre d’intention confidentielle avec Hoffmann – La Roche, puis un accord formel en janvier 1980. Ils furent également chanceux : « Heyneker et un collègue avaient assisté à une réunion scientifique, dans laquelle l’orateur – au grand étonnement de tout le monde étant donné l’intensité de la concurrence – avait projeté une diapositive d’une séquence partielle d’interféron de fibroblastes. Ils avaient téléphoné l’information à Goeddel, qui avait relayé instantanément l’ordre de séquence à Crea. […] Crea commença à construire les sondes nécessaires. […] Goeddel bâtit une « bibliothèque » de milliers et de milliers de cellules bactériennes, puis chercha celles portant le gène de l’interféron. En utilisant la séquence partielle que Pestka récupéra, Goeddel clona des séquences d’ADN entières pour les fibroblastes et l’interféron leucocytaire. […] En juin 1980, après le dépôt d’un brevet, Genentech en annonça la production en collaboration avec Roche. » [Page 145] Genentech pourrait envisager d’aller en bourse et après une autre bataille entre Perkins et Swanson, Genentech se décida à le faire. Perkins avait vu que l’année 1980 était parfaite pour une IPO pour les entreprises de biotechnologie, mais Swanson avait entrevu les défis que cela impliquerait pour une jeune entreprise sans revenu ni produit.

De nouvelles sources d’inspiration

La période 1980-1981 verra la création d’une pléthore de sociétés entrepreneuriales basées sur la biologie – Amgen, Chiron, Calgene, Molecular Genetics, Integrated Genetics, et des entreprises de moindre importance – toutes inspirées par l’exemple de Genentech d’un nouveau modèle organisationnel pour la recherche biologique et pharmaceutique. Avant que la fenêtre d’IPO ne se referme en 1983, onze entreprises de biotechnologie en plus de Genentech et Cetus, étaient allés en bourse *. […] Mais ce ne sont pas seulement les institutions qui avaient été transformées. L’IPO de Genentech avait transformé Herb Boyer, un « gars d’une petite ville, essentiellement peuplée de de cols bleus, dans le premier multi-millionaire industriel de la biologie moléculaire. Pour des scientifiques admiratifs et vivant des maigres salaires universitaires dans une relative obscurité, il est devenu un remarquable source d’inspiration pour leur propre recherche qui pourrait être réorientée et leur réputation renforcée. Si Herb le modeste – juste un gars de Pittsburgh, comme un collègue l’avait noté – pouvait fonder une entreprise à succès avec toutes les récompenses et la renommée que cela implique, pourquoi ne le pourraient-ils pas ? [Page 145]

*: Selon une source, les entreprises IPO mise en bourse étaient Genetic Systems, Ribi Immunochem, Genome Therapeutics, Centocor, Bio-Technology General, California Biotechnology, Immunex, Amgen, Biogen, Chiron, and Immunomedics. (Robbins-Roth, From Alchemy To Ipo: The Business Of Biotechnology)

Comme suite à ces trois articles, il se pourrait que j’en écrive un quatrième sur les licences académiques dans la biotechnologie si et quand je trouve un peu de temps…

Lorsque l’entrepreneuriat rencontre le street art

De temps en temps, je poste des articles qui ne sont pas liés aux start-up ou à l’entrepreneuriat, mais à d’autres sujets tels que le Street Art par exemple. Maintenant se présente l’occasion de joindre les deux grâce à Banksy. Et en plus, je peux même parler des migrants (qui sont une composante essentielle de l’entrepreneuriat). Banksy a récemment créé l’œuvre de Street Aart qui suit:

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Banksy a expliqué: « On nous amène souvent à penser que l’immigration est un fardeau pour les finances publiques. Mais Steve Jobs était le fils d’un immigrant syrien. Apple est l’entreprise qui fait le plus de profits au monde, et paye 7 milliards de dollars d’impôts par an. Et tout ça ne peut exister que parce qu’on a laissé entrer un jeune homme originaire de Homs (Syrie). » Dois-je ajouter quelque chose sur l’importance des migrants dans la haute technologie ? Si oui, il suffit de lire à nouveau AnnaLee Saxenian, Migrations, Silicon Valley, et Entrepreneuriat.

La biotechnologie et les start-up – Partie 2

Après une brève analyse d’Amgen à travers le livre de Gordon Binder – Science Lessons – voici une description plus statistique du monde de la biotech. J’envisage une troisième partie sur Genentech comme conclusion de cet ensemble. Depuis plusieurs années, je construis manuellement des tables de capitalisation de start-up grâce en général à leur documents d’entrées en bourse. Elles contiennent sans doute des erreurs tant l’exercice demande attention et précision, mais j’imagine que ces éventuelles erreurs sont moyennées. J’en suis aujourd’hui à plus de 350 cas, qui sont tous publiés sur slideshare.

A la fin de ce document, j’ai ajouté quelques données synthétiques dont j’extrais ce qui suit. Souvenez-vous que mon échantillonnage est fait au fil de l’eau, il n’est donc pas totalement aléatoire ni statistiquement neutre…

La biotechnologie représente une part non négligeable de mes données, j’y reviens plus bas. Les levées de fonds VC ne sont pas plus importantes que les autre domaines, ce qui peut paraître surprenant mais cela tient au fait qu’une start-up biotech va en bourse en terme de maturité bien avant les start-up des autres domaines. D’ailleurs leur niveau de vente ($11M en moyenne) est bien inférieurs aux autres ($114M pour la moyenne de l’ensemble). De plus elles comptent 71 employés contre 521 pour l’ensemble. Le cas d’Amgen illustrait qu’en fait l’IPO ressemble plus à un tour de VC complémentaire qu’à une validation par le marché. Par contre le premier tour est bien plus conséquent, sans doute en raison des ressources nécessaires pour des preuves de concept initiales. Par contre les pertes sont similaires aux autres domaines (hors logiciel et internet).

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Petite parenthèse sur les fondateurs et le partage d’equity. Ils sont beaucoup plus âgés (45 ans) que la moyenne (38 ans) et seuls s’en approchent les fondateurs des start-up medtech. Sans doute en raison des spécificités du domaine (longueur des études universitaires et difficultés à inventer sans une longue expérience). Autre conséquence des dynamiques du domaine (y compris les incertitudes), les fondateurs gardent moins d’equity à l’IPO et les investisseurs obtiennent une plus grande part.

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Je reviens maintenant à l’industrie biotech à travers sa géographie tout d’abord puis sa chronologie plus loin. Une évidence – l’importance de la région de Boston et de la côte est des USA en général – et peut-être une surprise – l’importance tout aussi grande de la Silicon Valley et de la Californie plus généralement. On croit souvent que la région de Boston est le lieu de la biotechnologie, ce qui est vrai relativement aux autres domaines, mais la côte ouest est tout aussi créative et entrepreneuriale.

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Enfin il serait faux de croire que l’internet a fait disparaître la biotech. Les périodes indiquées ici représentent les années de création des start-up. La biotech est le premier domaine (plus du tiers) depuis les années 2000 alors qu’elles représentaient mois d’un quart auparavant. A nouveau souvenez-vous que mon échantillon n’est pas statistiquement validé…

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Elon Musk et la recette secrète de l’entrepreneuriat (selon Tim Urban)

Un de mes étudiants (merci !) vient de m’envoyer un lien vers des articles étonnants sur Elon Musk. Je n’avais jamais entendu parler de l’auteur, Tim Urban, ni de son blog Wait But Why mais je vais certainement suivre son travail à partir d’aujourd’hui.

Tim Urban a écrit quatre articles sur « l’entrepreneur vivant le plus remarquable. » Ils sont écrits en angals et sont intitulés
Partie 1: Elon Musk: l’homme le plus radical du monde – http://waitbutwhy.com/2015/05/elon-musk-the-worlds-raddest-man.html
Partie 2: Comment Tesla va changer le monde – http://waitbutwhy.com/2015/06/how-tesla-will-change-your-life.html
Partie 3: Comment (et pourquoi) SpaceX colonisera Mars – http://waitbutwhy.com/2015/08/how-and-why-spacex-will-colonize-mars.html
Partie 4: Le chef et le cuisinier: la recette secrète de Musk – http://waitbutwhy.com/2015/11/the-cook-and-the-chef-musks-secret-sauce.html
Ces quatre articles représentent des centaines de pages si vous les imprimez. Sans blague! J’ai lu la partie 4 et cela a été un véritable choc (positif). Tim Urban explique les qualités entrepreneuriales de Elon Musk. Je vous en donne simplement quelques extraits:

« Je pense que généralement le processus de pensée des gens est trop attaché aux conventions et aux analogies avec leurs expériences antérieures. Il est rare que les gens essaient de penser à quelque chose sur la base des premiers principes. Ils diront: « Nous faisons cela que parce que cela a toujours été fait de cette façon. » Ou ils ne font pas parce que « Eh bien, personne n’a jamais fait cela, donc cela doit être une mauvaise idée. » Mais c’est juste une façon ridicule de penser. Vous devez construire votre raisonnement de bas en haut – « en utilisant les premiers principes » est la phrase qui est utilisée en physique. Vous regardez les fondamentaux et construisez votre raisonnement en conséquence, et ensuite vous voyez si vous arrivez à une conclusion qui fonctionne ou qui ne fonctionne pas, et il se peut que cela soit différent ou non de ce que les gens ont fait dans le passé. » […] Musk est un chef impressionnant sans aucun doute, mais ce qui fait de lui une telle personnalité hors du commun, ce n’est pas qu’il est impressionnant – c’est que la plupart d’entre nous ne sommes pas du tout des chefs. […] « Quand j’étais enfant, j’avais vraiment peur du noir. Puis j’ai appris à comprendre que l’obscurité signifie simplement l’absence de photons dans les longueurs d’onde visibles de 400 à 700 nanomètres. Puis je me suis dit que c’était vraiment stupide d’avoir peur d’un manque de photons. Alors je n’ai plus eu peur de l’obscurité après cela. » Voilà tout simplement un chef enfant qui apprécie la réalité d’une situation et décide que sa crainte était mal placée. En tant qu’adulte, Musk a dit ceci: « Parfois, les gens craignent trop la création d’une entreprise. Vraiment, quel est le pire qui puisse arriver? Tu ne vas pas mourir de faim, tu ne vas pas mourir de froid – quel est le pire qui puisse arriver? » Même citation, non? […] Voilà la recette secrète d’Elon Musk. Ce qui explique pourquoi la vraie histoire ici n’est pas celle de Musk. C’est la notre. […] Les gens croient que penser en dehors du cadre et des conventions requiert de l’intelligence et la créativité, mais cela demande surtout de l’indépendance. Lorsque vous ignorez simplement le cadre et de construisez votre raisonnement à partir de zéro, que vous soyez brillant(e) ou non, vous vous retrouvez avec une conclusion unique – qui sortira ou non du cadre.

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Puis Tim Urban cite Steve Jobs et son célèbre discours à Stanford en 2005 (je crois) : « Quand vous grandissez, vous avez tendance à vous dire que le monde est comme il est et votre vie est juste de vivre votre vie à l’intérieur de ce monde. Essayez de ne pas trop cogner contre les murs. Essayez d’avoir une vie de famille agréable, avoir du plaisir, économiser un peu d’argent. Voilà une vie très limitée. La vie peut être beaucoup plus ample une fois que vous découvrez un fait simple. Et le voici: Tout ce que vous appelez la vie autour de vous a été faite par des gens qui n’étaient pas plus intelligents que vous. Et vous pouvez la changer, vous pouvez l’influencer, vous pouvez construire vos propres choses que d’autres personnes peuvent utiliser. Une fois que vous avez compris ceci, vous ne serez jamais la même personne ».

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Et tout cela me rappelle environ un essai que j’ai mentionné dans la conclusion de mon livre, un essai que Wilhelm Reich, le grand psychanalyste, rédigea en 1945 : « Écoute, Petit Homme! » est un magnifique essai, petit par la taille, grand par l’inspiration. « Je vais te dire quelque chose, petit homme : tu as perdu le sens de ce qu’il y a de meilleur en toi. Tu l’as étranglé. Tu l’assassines partout où tu le trouves dans les autres, dans tes enfants, dans ta femme, dans ton mari, dans ton père et dans ta mère. Tu es petit et tu veux rester petit. » Le petit homme, c’est vous, c’est moi, c’est nous. Le petit homme a peur, il ne rêve que de normalité, il est en nous tous. Le refuge vers l’autorité nous rend aveugle à notre liberté. Rien ne s’obtient sans effort, sans risque, sans échec parfois. « Tu cherches le bonheur, mais tu préfères la sécurité, même au prix de ta colonne vertébrale, même au prix de ta vie. »

Tim Urban a tout à fait raison et vous devez lire son article sur les dogmes et les tribus. Il m’a fait aussi penser à mes récentes lectures de la grande philosophe français Cynthia Fleury et comment nous devons permettre l’équilibre entre les individus et les groupes et pourquoi la démocratie est un joyau fragile des sociétés …

PS: J’ai totalement oublié de mentionner une vidéo qu’une de mes collègues (merci à elle cette fois! 🙂 ) a mentionné il y a quelques jours. Par une de ces belles coïncidences de la vie, elle décrit l’une des raisons pour lesquelles selon Tim Urban certaines personnes sont des «cuisiniers» (des suiveurs ou des innovateurs incrémentaux) et d’autres des «chefs» (des innovateurs disrupteurs). Appréciez !

La biotechnologie et les start-up – Partie 1 : Amgen

Je ne sais pas grand-chose des biotechnologies (mon expérience est dans les technologies de l’information). Bien qu’une start-up soit une start-up, j’ai toujours eu le sentiment que la biotechnologie est un monde différent. On lit souvent qu’il faut facilement dix ans pour développer un médicament, de sorte que les start-up en biotechnologie ne vendent aucun produit pendant plus longtemps encore (avec des revenus éventuels ne provenant que de collaborations R&D avec les grandes sociétés pharmaceutiques). On entend aussi parler d’introductions en bourse, bien avant qu’un quelconque produit soit sur le marché – quelque chose d’inhabituel dans le monde de l’informatique (sauf pendant la bulle Internet). Enfin, les besoins de financement en capital-risque semblent être beaucoup plus grands que dans les technologies de l’information.

J’ai déjà écrit des articles sur le sujet et vous pouvez les trouver sous le tag biotech, mais je prévois d’écrire bientôt trois nouveaux posts, liés à des lectures et des analyses récentes:
– Ce post traite de ma lecture de Science Lessons – What the Business of Biotech Taught Me About Management par Gordon Binder, ancien PDG d’Amgen et Philip Bashe.

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– Je vais ensuite donner une mise à jour de cap. tables avec plus de 350 entreprises (partie 2) et j’en profiterai pour me concentrer sur les entreprises de biotechnologie.
– Finalement, je devrais lire bientôt un autre livre, Genentech – les débuts de la Biotech par Sally Smith Hughes. Espérons qu’il sera aussi bon que celui sur Amgen. (voici le résultat de cette lecture, partie 3 – Genentech).

Le business de la biotech

Amgen est probablement la plus grande entreprise de biotechnologie aujourd’hui (avec une capitalisation boursière proche de 100 milliards de $ en 2015). « La société a fait ses débuts sur le Nasdaq le 17 juin 1983. Considérant qu’Amgen ne possédait pas de produits à l’époque, aller en bourse semblait prématuré pour certains observateurs. Et c’était vrai; une introduction en bourse n’était pas du tout dans l’agenda initial. Mais nos autres sources de capitaux s’étaient recroquevillées comme un feuillage pendant la saison sèche de Californie du Sud, laissant l’appel public comme notre seule option ». [Page 6]

L’arme secrète d’Amgen

« Dès le début, Amgen a été un aimant pour les surdoués, les hommes et les femmes innovantes. Comment une organisation attire-t-elle des employés exceptionnels? […] Certes, nous avons offert des salaires et des avantages attrayants ; et les options d’achat d’actions mises à disposition de chaque employé d’Amgen ont motivé sans aucun doute certaines personnes à rester alors qu’autrement, elles auraient cherché des occasions ailleurs. Comme de nombreuses études l’ont cependant montré, les salaires et avantages ne suffisent pas à fidéliser des employés à long terme. Il y a quelque chose de plus profond, quelque chose qui parle à l’âme même d’une entreprise. […] Parce que la culture d’une société se dégage de ses valeurs, nous avons interviewé des centaines de membres du personnel dans toutes les unités d’Amgen pour apprendre quelles sont les valeurs qu’ils croyaient constituer le noyau de cette culture. Aujourd’hui, il semble que chaque entreprise sous le soleil (ou sous un nuage) a un ensemble de valeurs. Certaines sont rédigées par le PDG, et d’autres sont concoctées par les relations publiques ou le département des ressources humaines. Parfois, elles sont écrites par des consultants qui ne travaillent même pas dans l’entreprise. Plus souvent encore, la déclaration ne reflète pas vraiment les valeurs des organisations; c’est soit une liste de ce que la société aspire à être ou un outil de relations publiques pour impressionner les clients, les fournisseurs, et les investisseurs. » [Page 9]

« Comme Amgen a grandi de façon exponentielle, nous avons constamment lutté avec le même dilemme auquel sont confrontées les entreprises les plus florissantes à un certain point: comment rester agiles lorsque vous n’êtes plus une petite start-up. Vous le faites par la décentralisation du pouvoir, bien sûr, mais aussi en établissant une culture entrepreneuriale qui embrasse le changement et encourage l’innovation. Pour cela, la direction doit donner du pouvoir à ses employés, puis les soutenir à 100 pour cent, parce les créateurs ne proposent pas d’idées librement si ils croient secrètement qu’ils seront destitués au premier flop de leur projet prometteur. Dans une industrie comme la biotechnologie, les échecs abondent. Si Amgen n’avait pas suivi son principe – « Les employés doivent avoir la liberté de faire des erreurs, » – nous n’aurions pas survécu. » [Page 14]

Les financements d’Amgen

Amgen a été créée le 8 avril 1980. Puis Bowes le cofondateur et 1er investisseur a « cajolé six venture-capitalistes à investir à peu près 81’000 $ chacun pour l’amorçage. » [Page 18] George Rathmann est devenu le PDG et seul employé de l’entreprise. Lorsque la société a eu besoin d’un vrai financement de série A, Rathmann était convaincu qu’il fallait beaucoup plus que le typique million du premier tour et chercha $15M. Aucun VC n’aurait accepté, alors il a convaincu d’abord des grandes entreprises. Abbott investit $5M (qui aurait une valeur de $700M en 1990). Tosco ajouta $3,5M. Et le fonds New Court (géré par Rothschild) suivra alors pour investir $3M. Le tour atteignit au total $19,4M le 23 janvier 1981. Puis l’introduction en bourse a apporté $42M en 1983, mais ce fut seulement un autre commencement car plus de financements publics suivraient: $35M en 1986 pour le «secondaire» et $120M pour un troisième financement l’année suivante.

Voici la table de capitalisation d’Amgen au moment de l’IPO:
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Bien que les start-up biotech aient des horizons plus longs que les entreprises en IT, l’intensité extraordinaire des activités est très similaire. Binder montre des exemples tels que l’IPO d’Amgen (chapitre 2), la découverte de l’EPO (chapitre 4) et son approbation par la FDA (chapitre 5). Il y a cependant une différence majeure. En biotech, il est question de science et de recherche. « Il est juste de dire que dans de nombreuses entreprises, sinon la plupart, les équipes de ventes et marketing dominent dans l’élaboration des stratégies d’entreprise; les scientifiques ou les créatifs peuvent être derrière le volant, mais en fait les gens de la vente et de la commercialisation définissent la feuille de route, aboyant les directions depuis le siège du passager. Pas dans le domaine de la biotechnologie et certainement pas chez Amgen où même la localisation de l’entreprise a été choisie pour attirer des scientifiques du meilleur niveau. Notre siège social est situé plus ou moins à égale distance des trois centres de recherche principaux dans le sud de la Californie: l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), l’Université de Californie à Santa Barbara (UCSB), et l’Institut de technologie de Californie (Caltech), à Pasadena ». [Pages 57-58]

Les partenaires d’Amgen

« Le succès est la capacité de survivre à vos erreurs. » George Rathman

Le chapitre 6 (« des partenariats au paradis – et dans cet autre endroit ») est à lire absolument. Binder explique l’importance des bons et des mauvais partenaires et cela, à nouveau, est lié aux valeurs et à l’éthique. Binder affirme que les gestionnaires sont beaucoup plus prudents quand ils embauchent quelqu’un que quand ils signent un partenariat.

« Notre recherche d’un partenaire pour l’entreprise commença ici, aux USA. À notre grande surprise, pas une seule entreprise pharmaceutique américaine n’a montré le moindre intérêt. […] Abbott Laboratories, un des investisseurs initiaux d’Amgen, a eu l’occasion d’être impliqué dans le projet Epogen. Le CEO et président Bob Schoellhorn déclina l’offre. Il avait été influencé par le chimiste en chef d’Abbott, qui ne pensait apparemment pas beaucoup de bien des médicaments à base de protéines de grande taille. Comme nous allions le découvrir plus tard, le biais n’était pas unique à Abbott; en fait, il a dominé l’industrie pharmaceutique traditionnelle. Le représentant d’une autre entreprise nous a informés que ses patrons avaient refusé l’offre sur Epogen parce que le marché était trop petit; leur département d’étude de marché avait prédit des ventes qui ne seraient jamais supérieures à 50 millions de $ par an. (Pour mémoire, le médicament génère 10 milliards de $ de revenus annuels. Quelles études de marché!) » [Page 126]

Leur premier partenaire serait Kirin, la compagnie de bière japonaise avec laquelle la confiance, la transparence et une bureaucratie minimale ont contribué à la construction d’un grand partenariat. Cela n’a pas été le cas avec Johnson & Johnson. « A ce jour, le mépris pour l’ancien partenaire d’Amgen est si profond que de nombreux employés proclament fièrement que leurs maisons sont à « 100 pour cent sans J&J ». Considérant que Johnson & Johnson et ses nombreuses entreprises vendent plus d’un millier de produits, du Band-Aids au Tylenol, ceci a tout d’un exploit. » [Page 133]

Amgen a également des partenaires académiques: « Memorial Sloan-Kettering possédait un mélange d’environ deux cents protéines. Mais ils n’avaient pas la technologie pour les séparer. Amgen l’avait. [… Amgen] a découvert le gène humain qui produit le G-CSF, situé sur le chromosome 17. Une fois isolé, le gène a été cloné en utilisant le même procédé que pour l’EPO humaine. Sloan-Kettering Memorial avait déposé un brevet faible, ne sachant pas ce qu’ils avaient exactement. Par conséquent, dit mon avocat général, Amgen était légalement libre de gérer son projet, sans avoir à payer une redevance à MSKCC. Cela ne me semblait pas éthique; sans Sloan-Kettering, nous aurions trébuché de nombreuses fois pour trouver le filgrastim (nom générique de Neupogen). Nous avons donc négocié une licence avec une redevance modeste. » [Pages 143-44]

Enfin, du moins pour cet article, voici la courbe de croissance d’Amgen – revenus et profits. Quand une start-up de biotechnologie est un succès, les chiffres sont impressionnants …

Amgen-Sales-Profits

Dix pistes pour innover dans des temps incertains

Suite à mon post d’hier intitulé Invention, entrepreneuriat et innovation voici une courte présentation que j’ai faite hier sur la culture de l’innovation. Je l’avais déjà mentionnée dans un post précédent (sans les diapositives): Le prochain Google sera-t-il européen (ou suisse) ? La réponse de Fathi Derder. Derder, un homme politique suisse, a écrit un livre – Le prochain Google sera suisse (à 10 conditions) – expliquant ce que la Suisse a besoin de changer dans ses conditions-cadres générales. C’est un livre important. Quand je parle aux étudiants et jeunes entrepreneurs, je me concentre plus sur l’importance de la culture de l’innovation. Ce que vous pouvez découvrir plus bas. En espérant que vous apprécierez!

Invention, entrepreneuriat et innovation

« Tout ce qui ne se vendra pas, je ne veux pas l’inventer » – Thomas Edison

Cet article a été suscité par une discussion avec des collègues au sujet de ce qu’est vraiment l’innovation. Je dois admettre que la conversation m’a aidé à clarifier et à corriger quelques idées fausses (qui étaient les miennes!) Je vais donc essayer d’expliquer en quoi les trois concepts d’invention, d’entrepreneuriat et d’innovation diffèrent et comment ils sont liés. Du moins de mon point de vue.

Invention - Entrepreneuriat - Innovation

Alors permettez-moi de commencer par des définitions:

Invention: quelque chose de nouveau, qui n’existait pas antérieurement et qui est reconnu comme le produit d’une intuition ou d’un génie unique. Un produit de l’imagination. Quelque chose qui n’a jamais été fait avant. « Quelque chose de nouveau sous le soleil ». Une découverte préexiste à son découvreur, par opposition à l’inventeur et son invention.

Innovation: la mise en œuvre réussie et l’adoption par la société de quelque chose de nouveau. Donc, une innovation est la commercialisation ou l’adoption (si à but non lucratif) d’une invention.

Entrepreneuriat: action de créer de la richesse et/ou de l’emploi par la création d’une entreprise (selon wikipedia). L’entrepreneur perçoit une (nouvelle) opportunité d’affaires et rassemble les ressources pour la mettre en œuvre, idéalement avec succès. Lorsque l’entrepreneur réussit à mettre en œuvre quelque chose de nouveau, il/elle est un innovateur. Mais il/elle n’a pas besoin d’être un innovateur, il/elle peut aussi être un imitateur.

La différence est donc claire entre invention et innovation. Il y a toujours une invention avant une innovation, mais un innovateur n’a pas à être un inventeur. Cela montre également que l’entrepreneur n’a pas à inventer, ni à innover. Wikipedia illustre très bien la distinction entre invention et innovation.

Ma plus grande erreur a été de dire « les grandes entreprises n’innovent plus ». Je me suis trompé. Bien que les entreprises établies imitent souvent, beaucoup d’entre elles innovent. Elles inventent plus rarement et peu sont réellement entrepreneuriales. Mais pour innover, il est préférable d’être établi. Laissez moi expliquer.

Permettez-moi pour cela de revenir sur mon sujet favori: « Une start-up est une organisation formée pour rechercher un modèle d’affaires reproductible et multipliable. » Ceci est la meilleure définition que j’ai trouvée à ce jour et elle vient de Steve Blank. Ceci explique magnifiquement que toutes les entreprises ne sont pas des start-up (par exemple quand elles ont un modèle d’affaires clair dès le premier jour et/ou si elles ne cherchent pas le passage à l’échelle – « scalable » ou multipliable). Cela explique également quand une entreprise n’est plus une start-up. Elle peut alors innover.

Une autre idée fausse est de confondre la recherche et développement (R&D) avec l’innovation. La recherche porte sur l’invention ou la découverte. Le développement suit. L’innovation vient après. Breveter appartient plutôt au domaine de l’invention qu’à celui de l’innovation. Tout cela explique aussi pourquoi j’ai tant de doutes sur les mesures de l’innovation. Elles donnent des entrées – inputs- (tels que les inventions ou la R&D) plus que ce que l’innovation est vraiment, un résultat – output.

Invention - Innovation

Alors, comment ces trois concepts sont-il liés? Relisez, la citation d’Edison ci-dessus. Dans le passé, les grandes entreprises innovantes telles que IBM ou Bell Labs inventaient. Elles avaient de grands laboratoires de R&D. Xerox était célèbre pour sa capacité inventive et sa faible innovation. Et Apple a « volé » beaucoup de ses inventions et innové à sa place. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises établies se tournent vers les universités pour trouver des inventions qu’elles licencent. Ou elles collaborent avec des partenaires (i.e. l' »innovation ouverte »). Cependant, le risque et l’incertitude liés à l’invention ainsi qu’au fait de trouver un marché pour de nouvelles choses rend l’innovation difficile sans l’esprit d’entreprise…

Entrepreneuriat - Innovation

L’entrepreneuriat est un excellent moyen de favoriser l’innovation. Les entrepreneurs voient une opportunité et acceptent l’incertitude et la prise de risque. Lorsque cela est fait en interne, cela est appelé l’intrapreneuriat. Nespresso est un exemple (même si au début Nestlé n’a pas encouragé son intrapreneur – qui par ailleurs était aussi l’inventeur). Les entreprises cessent d’être des start-up (en raison même de la définition donnée plus haut) quand elles innovent! En effet, elles sont souvent achetées (M&A) par de plus grandes entreprises établies qui savent en général bien mieux comment commercialiser – innover.

Invention - Entrepreneuriat

Je devais ajouter l’intersection entre l’invention et l’entrepreneuriat. Mais est-ce logique? Je ne suis pas sûr. Il y a toutefois une industrie qui a combiné les deux concepts sans un réel besoin d’innovation: la biotechnologie. L’industrie est surtout une activité entrepreneuriale qui développe l’invention grâce aux essais cliniques. Dans la biotechnologie, les entreprises innovent rarement (Genentech ou Amgen étaient deux exceptions – avec quelques autres entreprises qui ont réussi à commercialiser leurs molécules) parce qu’elles sont souvent acquises par des entreprises pharmaceutiques ou quand bien même signent des licences de leurs produits aux plus grands acteurs. En fait de nombreuses start-up sont dans la même situation. En réalité, les entreprises inventent très rarement. Les inventions sont produites avant que les entreprises soient établies, au moins dans le domaine high-tech.

L’extrait du livre Science Lessons: What the Business of Biotech Taught Me About Management de Gorden Binder, ancien PDG d’Amgen est intéressant:
Modèle Biotech

Inventeurs, entrepreneurs et innovateurs

Inventeur - Entrepreneur - Innovateur

Pour les mêmes raisons décrites plus haut, peu de personnes ont les trois attributs. Chez Apple, Wozniak était un inventeur. Jobs était un entrepreneur et un innovateur. Mais Bill Gates ou Larry Page et Sergey Brin, les fondateurs de Google, sont de rares cas d’inventeurs, d’entrepreneurs et d’innovateurs combinés. Cependant Brin et Page ont inventé à Stanford puis créé Google pour mettre en œuvre avec succès leur invention.

Alors permettez-moi de terminer avec une magnifique définition de l’innovation donnée dans How Google Works [Page 206]: « Pour nous, l’innovation implique à la fois la production et la mise en œuvre d’idées nouvelles et utiles. Comme « nouveau » est souvent juste un synonyme fantaisiste pour inventif, il faut aussi préciser que pour quelque chose fasse preuve d’innovation, il doit offrir des fonctionnalités inventives, et il doit aussi être surprenant. Si vos clients vous demandent quelque chose, vous n’êtes pas innovant quand vous leur donnez ce qu’ils veulent; vous êtes juste à l’écoute. Voilà une bonne chose de dite, mais ce n’est pas être novateur. Enfin «utile» est un adjectif plutôt décevant pour décrire cette innovation « chaude », nous allons donc ajouter un adverbe et dire radicalement utile. Voilà: pour qu’une chose fasse preuve d’innovation, elle doit être nouvelle, surprenante, et radicalement utile. » […] « Mais Google ajoute également plus de cinq cents améliorations à son moteur recherche chaque année. Est-ce innovant? Ou incrémental? Elles sont nouvelles et surprenantes, bien sûr, mais si chacune d’elle par elle-même est utile, il est peut-être exagéré de dire radicalement utile. Mettez-les toutes ensemble, cependant, et elles le sont. […] Cette définition plus inclusive – l’innovation ne concerne pas seulement les choses vraiment nouvelles, les très grandes choses – est importante car elle offre à chacun la possibilité d’innover, plutôt que de la réserver au domaine exclusif de ces quelques personnes dans ce bâtiment hors campus [Google[x]] dont le travail est d’innover. »

L’innovation est complexe. Dois-je vous rappeler les défis que Clayton Christensen – The Innovator’s Dilemma – Geoffrey Moore – Crossing the Chasm – ou Steve Blank – The Four Steps to the Epiphany – ont brillamment décrits pour expliquer pourquoi l’innovation reste un peu magique…

Défis de l'innovation

PS: pouvez-vous être un entrepreneur sans inventer et innover? Bien sur! Non seulement les petites entreprises et les artisans qui utilisent leur savoir-faire pour une vie décente. Vous avez juste besoin d’imiter. Les opérateurs téléphoniques tels que Vodafone ou Bouygues Telecom se font une concurrence acharnée sans nécessité d’inventer ni d’innover. Ils copient d’autres opérateur téléphoniques. (Bon, ils innovent parfois aussi…) Dans le monde des start-up, les frères Samwer sont célèbres pour copier/coller les réussites américaines et les adapter au marché européen. Vous pouvez trouver de nombreuses références en ligne et les clones qu’il ont créés comprennent Alando (eBay), Zalando (Zappos, EasyTaxi (Uber), Pinspire (Pinterest), StudiVZ (Facebook), CityDeal (acquired by Groupon), Plinga (Zynga), and Wimdu (Airbnb). Voir aussi Quand Samwer n’était pas encore Samwer et écrivait un livre – bien avant Rocket Internet et ses clones.

L’art comme réponse à la tragédie de la vie

Ce blog parle des Start-up. Mais de temps en temps, je prends la liberté de toucher à d’autres sujets. Souvent sur l’Art. Ce sera encore le cas ici. Et aussi lorsque des événements tragiques se produisent. Vendredi dernier, Paris a été frappé à nouveau. Et je n’ai pas de réponse, mais simplement dire que je crois en la paix et l’amour, pas la guerre et la haine. Mon frère m’a envoyé deux belles photos qu’il a prises récemment à Paris. Elles signifient beaucoup.

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Mon ami Dominique m’a envoyé une citation de René Girard dans «Achever Clausewitz», 2007, Gallimard Champs, pages 57/58 « Ces échecs de résolution [de conflit] sont fréquents quand deux groupes « montent aux extrêmes » : nous l’avons vu dans le drame yougoslave, nous l’avons vu au Rwanda. Nous avons beaucoup à craindre aujourd’hui de l’affrontement des chiites et des sunnites en Irak et au Liban. La pendaison de Saddam Hussein ne pouvait que l’accélérer. Bush est, de ce point de vue, la caricature même de ce qui manque à l’homme politique, incapable de penser de façon apocalyptique. Il n’a réussi qu’une chose : rompre une coexistence maintenue tant bien que mal entre ces frères ennemis de toujours. Le pire est maintenant probable au Proche Orient, où les chiites et les sunnites montent aux extrêmes. Cette escalade peut tout aussi bien avoir lieu entre les pays arabes et le monde occidental. Elle a déjà commencé : ce va et vient des attentats et des « interventions » américaines ne peut que s’accélérer, chacun répondant à l’autre. Et la violence continuera sa route. L’affrontement sino-américain suivra…. »

Donc ma réaction est ailleurs. J’ai reçu des e-mails vendredi soir et samedi de la communauté des Space Invader pour vérifier que tout le monde allait bien. Ceux qui aiment l’art urbain cherchent les œuvres pour les prendre des photos. Invader, lui-même, était dans le même état d’esprit en Janvier dernier. Il est maintenant en train d’envahir New York, avec une cinquième vague. En suivant avec son travail en cours, je vois l’art comme une réponse à la tragédie de la vie.

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Voici mon propre travail en cours:

ainsi que ma carte (si je vous ai donné accès – Invader demande aux gens de ne pas donner inidcations à des gens qui détruisent son travail).

Créer une culture européenne de l’innovation selon Marcel Salathé

Régulièrement mais pas assez souvent je lis des gens qui appellent l’Europe à se réveiller et à réagir. Récemment, c’était Nicolas Colin dans Qu’est-ce qu’un écosystème entrepreneurial ? Mais maintenant, je me souviens aussi de Risto Siilasmaa dans Il faut chérir l’entrepreneuriat et de mon propre Europe, réveille-toi ! Le dernier en date Marcel Salathé sur la création d’une culture européenne de l’innovation. Un autre article à lire absolument. Merci Marcel! Alors permettez-moi de le citer longuement.

Salathe-Blog

L’enjeu est l’avenir de l’Europe. Et nous, les innovateurs, les entrepreneurs, les scientifiques, les militants et les artistes, nous devons agir et prendre possession de cet avenir. Parce que si nous ne le faisons pas, l’Europe continuera sa trajectoire descendante et deviendra ce qu’elle est déjà dans de nombreux lieux – un musée d’histoire.
[…]
Le secteur des technologies de l’information et de la communication est aujourd’hui le moteur économique dominant de la croissance. Pensez Apple, Google, Facebook, Amazon, Uber. Vous remarquez quelque chose? Pas une seule société européenne. Seulement 1 dollar sur 4 dans ce secteur vient de sociétés européennes, et tous les indicateurs pour l’avenir pointent vers le bas. Certains chiffres sont encore plus désastreux: lorsque vous listez les 20 premiers leaders mondiaux de sociétés Internet qui sont cotées, vous savez combien sont européenne? Zéro. Et parmi toutes les sociétés cotées en bourse dans l’économie numérique, 83% sont américaines, et seulement 2% sont européens. 2%!
[…]
Alors, où est le problème? Certains disent que c’est le financement par les VCs, ce qui est seulement partiellement vrai. Oui, la culture du financement VC est probablement moins mure en Europe qu’aux États-Unis, en particulier pour les tours A, B et C. Mais l’argent trouve les bonnes idées et les opportunités de marché d’une manière ou d’une autre. D’autres disent que c’est tout simplement le marché européen et la réglementation européenne. Je pense que c’est une illusion. Regardez Airbnb, la start-up américaine qui a maintenant une valorisation de plus de 25 milliards de dollars. Elle a commencé avec trois personnes chez YCombinator en Californie, mais elle génère maintenant plus de la moitié (!) de ses revenus en Europe. Et je rappelle que San Francisco est probablement l’un des pires environnements réglementaires. AirBnB est actuellement confronté à d’énormes batailles à San Francisco, et un juge californien a récemment statué sur les employés d’Uber, provoquant un mini-tremblement de terre dans cette économie de partage en plein essor. En effet, la Californie est probablement l’un des États américains les plus réglementé, et pourtant elle s’en sort extrêmement bien.
Je pense que le problème est en fait assez simple. Mais il est plus difficile à corriger. C’est tout simplement nous. Nous, les gens. Nous, les entrepreneurs. Nous, les consommateurs. Je l’ai vécu dans la région de la baie de San Francisco depuis plus de trois ans. Ce qui est remarquable dans cette région ne sont pas ses lois, ni ses règlements, son marché, ou son infrastructure. Ce qui est vraiment remarquable est que presque tout le monde fait une société d’une manière ou d’une autre. Presque tout le monde veut être un entrepreneur, ou les soutient. Presque tout le monde est en train de construire l’avenir. En effet, vous pouvez presque sentir physiquement ce que l’environnement exige de vous. Lorsque quelqu’un vous demande à ce que vous faites professionnellement, et que vous ne répondez pas en disant que vous faites une entreprise, ils vous regardent bizarrement, comme pour dire, « alors qu’est-ce que tu fais ici? »

[…]
Ce n’est pas un point trivial selon moi. L’autre jour, j’étais à Turin en Italie, et j’avais désespérément besoin d’un café. Je suis entré dans le premier café sur mon chemin, où on m’a servi un cappuccino délicieux, avec un croissant au chocolat qui me fait toujours saliver quand j’y pense. Étais-je tout simplement chanceux? Nullement – tous les cafés sont bons là-bas. Parce que l’environnement l’exige. Bien sûr, vous pouvez ouvrir un café de faible qualité à Turin si vous voulez, mais vous aurez probablement à déposer le bilan avant que vous ayez le temps de dire Buongiorno. L’environnement ne peut tout simplement pas accepter la mauvaise qualité. Dans un autre domaine, j’ai eu la même expérience personnelle quand j’étais un postdoc à l’Université de Stanford. En regardant en arrière, j’y ai écrit mes meilleurs papiers et les plus cités. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence. Chaque matin, alors que je marchais à travers le campus jusqu’à mon bureau, je sentais l’exigence de l’environnement pour faire le travail le plus novateur – et si je le faisais pas, alors qu’est-ce que je faisais là?
Donc, ceci est mon message pour vous. Je vous demande de créer ces environnements, à la fois en faisant le meilleur et le plus innovant que vous pouvez, mais aussi en exigeant la même chose de tout le monde autour de vous. Ces deux choses vont de pair; elles créent un cercle vertueux.

[…]
Ne pas demander la permission, demander pardon si nécessaire. Si vous attendez l’autorisation, il vous faudra attendre le reste de votre vie. La plupart des règles existent pour une raison simple: pour protéger l’établi. Ne demandez pas la permission, faites.
[…]
Orson Welles a le mieux décrit pourquoi demander la permission est mortel.

[…]
Alors s’il vous plaît, laissez-nous vivre tous dans le futur et construire ce qui manque – ici en Europe. Je suis malade d’inquiétude que la meilleure façon pour moi de vivre à l’avenir est d’acheter un billet pour San Francisco. Tout comme le moyen le plus facile pour les Américains de revivre le passé est d’acheter un billet pour l’Europe, riche en histoire. Je vous demande de devenir encore plus ambitieux, plus audacieux, et plus exigeants, à la fois vis-à-vis de vous-même, mais aussi encore plus important de votre environnement.

Salathé parle aussi de modèles. Le sien était le fondateur de Day Interactive, une start-up suisse, qui est est allée en bourse en 2000, avant d’être achetée par Adobe pour 250M$ en 2010. A venir… sa table de capitalisation.

DayInteractiveIPO

Les Innovateurs d’Isaacson (la fin) – l’avenir est-il aux machines qui pensent?

Il est toujours très triste de terminer la lecture d’un grand livre, mais Isaascon termine magnifiquement le sien avec des considérations (datant du 19ème siècle!) sur le rôle des ordinateurs selon Ada Lovelace. « Ada pourrait aussi avoir raison de se vanter qu’elle avait vu juste, au moins jusqu’à présent, dans son affirmation plus controversée qu’aucun ordinateur, peu importe sa puissance, ne serait jamais vraiment une « machine qui pense ». Un siècle après sa mort, Alan Turing l’avait surnommé « l’opposition de Lady Lovelace » et avait essayé de la contrer en fournissant une définition opérationnelle d’une machine qui penserait. […] Mais il s’est écoulé plus de soixante ans, et les machines qui tentent de tromper les gens sur son test sont, au mieux, engagées dans des conversations maladroites plutôt que dans de réelles pensées. Certainement aucune n’a passé la barre placée par Ada de pouvoir « originer » des pensées par elle-même. […] Les fans d’intelligence artificielle ont longtemps promis, voire menacé, que les machines comme HAL pourraient bientôt émerger et prouver qu’Ada avait tort. Telle était la promesse de la conférence de 1956 à Dartmouth organisée par John McCarthy et Marvin Minsky, où le domaine de l’intelligence artificielle a été vraiment lancé. La conférence conlut qu’une percée arriverait environ vingt ans plus tard. Ce ne fut pas le cas. » [Page 468]

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Ada, comtesse de Lovelace, 1840

John von Neumann a réalisé que l’architecture du cerveau humain est fondamentalement différente. Les calculateurs numériques comptent en unités précises, alors que le cerveau, en admettant que nous le comprenons, est aussi en partie un système analogique qui traite d’un continuum de possibilités, […] non seulement données binaire de style « oui-non » , mais il répond également par « peut-être » et « probablement » et ien utilisant une infinité d’autres nuances, y compris par une perplexité occasionnelle. Von Neumann a suggéré que l’avenir de l’informatique intelligente pourrait exiger l’abandon de l’approche purement numérique et la création de « procédures mixtes ». [Page 469]

« Intelligence Artificielle »

Les discussions sur l’intelligence artificielle ressurgirent un peu, au moins dans la presse populaire, après que le Deep Blue d’IBM, la machine spécialisée dans le jeu d’échecs, a battu le champion du monde Garry Kasparov en 1997, puis que Watson, son ordinateur de question-réponse en langage naturel a gagné à Jeopardy! Mais […] ce ne sont pas des percées de l’intelligence artificielle comparables à l’intelligence humaine, et le PDG d’IBM a été le premier à l’admettre. Deep Blue a gagné grâce à la force brute. […] A une question sur « bizarrerie anatomique» de l’ancien gymnaste olympique George Eyer, Watson répondu « Qu’est-ce qu’une jambe? » La bonne réponse était qu’Eyer n’avait qu’une jambe. Le problème était de comprendre « bizarrerie », a expliqué David Ferrucci, qui a dirigé le projet Watson chez IBM. « L’ordinateur ne savait pas qu’une jambe manquante est plus étrange que tout autre chose. » […] « Watson n’a pas compris les questions, ni ses réponses, ni que certaines de ses réponses étaient correctes et d’autres, fausses, ni qu’il jouait un jeu, ni qu’il a gagné – parce qu’il ne comprend rien, selon John Searle [un professeur de philosophie de Berkeley]. « Aujourd’hui, les ordinateurs sont de brillants idiots » d’après John E. Kelly III, le directeur de la recherche d’IBM. « Ces réalisations récentes ont, ironiquement, souligné les limites de l’informatique et de l’intelligence artificielle, » ajoute le professeur Tomaso Poggio, directeur du Centre « Brain, Minds, Machines » au MIT. « Nous ne comprenons pas encore comment le cerveau donne lieu à l’intelligence, et nous ne savons comment construire des machines qui sont aussi intelligentes que nous. » Demandez à Google « un crocodile peut-il jouer au basket? » Et il n’en aura aucune idée, même si un jeune enfant pourrait vous le dire, en riant de la question. [Pages 470-71] J’ai fait l’expérience sur Google et devinez quoi. Il m’a donné l’extrait du livre d’Isaacson…

Le cerveau humain combine non seulement les processus analogiques et numériques, il est également un système distribué, comme l’Internet, plutôt qu’un système centralisé. […] Il a fallu quarante ans aux scientifiques pour cartographier l’activité neurologique du nématode long d’un millimètre, avec 302 neurones et 8000 synapses. Le cerveau humain dispose de 86 milliards de neurones et jusqu’à 150 mille milliards de synapses. […] IBM et Qualcomm ont chacun divulgué des plans pour construire des processeurs informatiques « neuromorphiques », c’est à dire ressemblant au cerveau, et un consortium de recherche européen appelé le Human Brain Project a annoncé qu’il avait construit une micropuce neuromorphique qui incorpore « cinquante millions de synapses en plastique et 200000 modèles de neurones biologiquement réalistes sur une seule plaquette de silicium de 8 pouces. […] Ces dernières avancées pourraient même conduire à la « Singularité », un terme que von Neumann a inventé et que le futuriste Ray Kurzweil et l’écrivain de science-fiction Vernor Vinge ont popularisé, terme qui est parfois utilisé pour décrire le moment où les ordinateurs ne seront pas seulement plus intelligents que les humains mais pourront aussi se concevoir pour être super-intelligents, et qu’ils n’auront plus besoin de nous mortels. Isaacon est plus sage que moi (qui pense que ces idées sont stupides) quand il ajoute: «Nous pouvons laisser ce débat aux futuristes. En effet en fonction de votre définition de la conscience, il se peut que cela ne se produise jamais. Nous pouvons laisser « ce débat » aux philosophes et aux théologiens. « L’ingéniosité humaine », a écrit Léonard de Vinci « ne concevra jamais d’inventions plus belles, ni plus simples, ni plus utiles que la Nature ne le fait ». [Pages 472-74]

Les ordinateurs comme un complément à l’homme

Isaacson ajoute: « Il y a cependant une autre possibilité, celle que Ada Lovelace aimerait. Les machines ne remplaceront pas les humains, mais seraient plutôt destinées à devenir leurs partenaires. Et l’homme apporterait son originalité et sa créativité » [page 475].

Après avoir expliqué que dans un tournoi d’échecs en 2005 que « le vainqueur final n’a pas été un grand maître, ni un ordinateur dernier cri, pas même une combinaison des deux, mais deux amateurs américains qui ont utilisé trois ordinateurs en même temps et ont su pour gérer le processus de collaboration avec leurs machines » (page 476) et que « pour être utile, l’équipe d’IBM a réalisé que [Watson] doit interagir [avec des humains] d’une manière qui rende la collaboration agréable, » (page 477) Isaacson spécule un peu plus:

Supposons, par exemple, que la machine présente un jour toutes les capacités mentales d’un être humain: donner l’impression de reconnaître les formes, de percevoir les émotions, d’apprécier la beauté, de créer de l’art, d’avoir des désirs, de bâtir valeurs morales, et de poursuivre des objectifs. Une telle machine pourrait être en mesure de passer un test de Turing. Elle pourrait même passer ce que nous pourrions appeler le test d’Ada, qui est qu’elle pourrait sembler «originer» ses propres pensées qui iraient au delà ce que nous les humains l’avons programmé à faire. Il y aurait, toutefois, encore un autre obstacle avant que nous puissions dire que l’intelligence artificielle a triomphé de l’intelligence augmentée. Nous l’appellerions le test Licklider. Il irait plus loin que demander si une machine peut reproduire toutes les composantes de l’intelligence humaine en demandant si la machine accomplit ces tâches mieux quand en agissant complètement seule ou lorsqu’elle travaille en collaboration avec les humains. En d’autres termes, est-il possible que les humains et les machines travaillant en partenariat seront indéfiniment plus performants qu’une machine d’intelligence artificielle indépendante ? Dans ce cas, alors, la « symbiose homme-ordinateur », comme l’a nommée Licklider, restera la gagnante. L’intelligence artificielle n’a pas besoin d’être le Saint-Graal de l’informatique. L’objectif pourrait être à la place de trouver des façons de optimiser la collaboration entre les capacités humaines et celles des machines – pour forger un partenariat dans lequel nous laissons les machines faire ce qu’elles font le mieux, et elles nous laissent faire ce que nous faisons de mieux. [Pages 472-74]

La science poétique d’Ada

Lors de sa dernière apparition du genre, pour l’iPad2 en 2011, Steve Jobs a déclaré: « Il est dans l’ADN d’Apple que la technologie seule ne suffit pas – que c’est la technologie mariée avec les arts, mariée avec les sciences humaines, qui nous donne le résultat qui rend notre cœur joyeux ». L’inverse de cet hymne aux humanités, cependant, est également vrai. Les gens qui aiment les arts et les humanités devraient essayer d’apprécier les beautés des mathématiques et de la physique, tout comme Ada. Sinon ils seront abandonnés à l’intersection des arts et des sciences, où l’essentiel de la créativité à l’âge numérique se produit. Ils laisseront le contrôle de ce territoire aux ingénieurs. Beaucoup de ceux qui célèbrent les arts et les sciences humaines, qui applaudissent vigoureusement les hommages à leur importance dans nos écoles, proclament sans vergogne (et parfois même blaguent) qu’ils ne comprennent pas les mathématiques ou la physique. Ils vantent les vertus de l’apprentissage du latin, mais ils sont désemparés quand il s’agit d’écrire un algorithme ou de différencier le BASIC du C ++, le Python du Pascal. Ils considèrent que celles et ceux qui ne connaissent pas la différence entre Hamlet et Macbeth sont des Philistins, mais ils pourraient joyeusement admettre qu’ils ne connaissent pas la différence entre un gène et un chromosome, ou entre un transistor et un condensateur, ou entre une équation intégrale et une équation différentielle. Ces concepts peuvent paraître difficiles. Oui, mais alors, c’est aussi vrai pour Hamlet. Et comme Hamlet, chacun de ces concepts est beau. Comme une équation mathématique élégante, ils sont les expressions des gloires de l’univers. [Pages 478-79]

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La dernière page du livre d’Isaacson présente l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci, 1492