Archives de l’auteur : Hervé Lebret

Pourquoi vous ne devriez jamais chercher un cofondateur

Cette question récurrente de la recherche d’un cofondateur me tracasse depuis des années. De même, je n’aime pas l’idée de donner des titres au début d’un projet de startup comme vous pouvez le lire ici : Les titres dans les startups.

Mon argument est que vous ne cherchez pas de cofondateurs. Vous les avez déjà, vous les avez trouvés en parlant de votre projet à des amis ou collègues. C’est un peu comme tomber amoureux, on ne cherche pas à se marier, on rencontre des gens. Point.

Bien sûr c’est un peu facile, car reste la solitude de l’entrepreneur. Mais se marie-t-on juste pour combler la solitude ? Il se trouve qu’en réfléchissant au sujet, je suis tombé sur un excellent article dans lequel je me suis totalement reconnu : Everything You Need to Know About Startup Founders and Co-Founders.

En voici quelques extraits:
– Un fondateur est une personne qui propose une idée et la transforme ensuite en entreprise ou en startup. Si un fondateur crée une entreprise avec d’autres personnes, il est à la fois fondateur et co-fondateur.
– « Fondateur » et « CEO » sont deux […] titres de startup que les gens peuvent porter simultanément. L’un est un titre permanent, tandis que l’autre ne l’est pas. « Vous serez toujours un fondateur ou un co-fondateur. » Assurez-vous toutefois de faire attention à la façon dont vous distribuez les titres de fondateur/co-fondateur. Cela devrait être un titre à vie, alors assurez-vous qu’il va aux bonnes personnes qui ont joué un rôle majeur dans le démarrage de l’entreprise et qui continueront à jouer un rôle dans les années à venir.
– Un membre fondateur peut souvent se sentir similaire à un fondateur ou à un co-fondateur, car il arrive si tôt dans le processus qu’il consacre également des heures folles et peut-être même une réduction de salaire pour faire partie de quelque chose d’important. Mais un membre fondateur de l’équipe est un employé précoce, pas un fondateur. Une différence importante ? Les types de stock que les deux groupes reçoivent. Des actions pour le fondateur sont différentes des attributions de stock options aux employés.
– « Je ne suis pas du tout convaincu que deux personnes puissent trouver une personne qu’elles ne connaissent pas auparavant et devenir un co-fondateur efficace », […] « Je pense que vous feriez mieux de trouver l’argent pour embaucher quelqu’un que de trouver un co-fondateur.
– Si quelqu’un est arrivé un peu plus tard dans le jeu, mais encore tôt – comme avant le premier employé – alors vous traitez de la même manière tout autre co-fondateur ! Si vous choisissez d’ajouter un « co-fondateur » après avoir déjà des employés, les choses peuvent devenir un peu délicates.

Un élément est oublié dans l’article, c’est l’investisseur (friends & family; BA, VC) ou l’institution qui entre à la création et de mon point de vue ils ne sont pas fondateurs parce qu’ils ne contribuent pas (en général) au business…

Enfin le terme de fondateur ne me semble pas avoir d’existence légale. Il n’est attribué que par le groupe de gens qui se reconnaissent comme tel. Il y a pourtant un exemple intéressant, à savoir comment un des fondateurs de Tesla porta plainte contre Elon Musk, en particulier parce qu’il considérait qu’il n’était pas fondateur. La plainte est lisible ici (voir page 28).

PS: pour ceux qui souhaiteraient approfondir, voici quelques posts passés:
Les dilemmes du fondateur. La réponse est “ça dépend !”
Fondateur isolé, fondateur sans expérience.

Une histoire entrepreneuriale du MIT par Jean-Jacques Degroof

Avec une préface impressionnante de Bob Metcalfe (l’inventeur d’Ethernet et cofondateur de 3Com) qui rebaptise à juste titre le MIT une « innoversité », Degroof explique dans From the Basement to the Dome que l’entrepreneuriat est ancré dans l’histoire et la culture du MIT, pas tellement en raison de décisions politiques mais d’événements fortuits.

Sa devise (Mens et Manus, « L’esprit et la main » en latin), son logo, le droit accordé aux professeurs de consacrer 20% de leur temps au conseil depuis les années 20 et la création du comité des brevets en 1932 sont autant d’indices que la pratique est aussi importante que la théorie en sciences de l’ingénieur. L’importance du financement militaire à travers la création de l’OSRD fut également essentielle à la richesse des inventions du MIT.

La culture est illustrée par Ray Stata, cofondateur d’Analog Devices : « C’est comme ‘Un singe voit, un singe fait’. Si vous voyez d’autres personnes créer des entreprises et réussir, vous vous dites : ‘S’ils peuvent le faire, moi aussi.’ Alors que si vous ne voyez pas cela de près et personnellement, il y a une peur et un mystère sur la façon de faire. L’esprit d’entreprise au MIT vous donne confiance. » [Page 17] Et que dire de son expérience dans les affaires : « Je n’ai aucune idée de comment être président, mais je vais passer les douze prochains mois à apprendre. Et si à la fin de ces douze mois vous décidez collectivement, ou si le conseil d’administration décide, que je ne suis pas la personne qui peut assurer le leadership, je me retirerai. Mais en attendant, pendant que j’apprends, vous devez m’aider. » Heureusement, l’approche directe de Stata a fonctionné. « Tout le monde s’y est mis, et il n’y avait alors aucun risque d’échouer. Au cours des douze mois suivants, j’ai appris à être président, et ce processus s’est poursuivi pendant quatre décennies. » [Page 18]

Si vous ne connaissiez pas Ray Stata, vous connaissiez peut-être le bâtiment du campus du MIT portant son nom.

Avant de commencer sa lecture, je me suis demandé si Degroof mentionnerait le débat sur les raisons pour lesquelles la région de Boston n’a pas eu autant de succès que la Silicon Valley. Et il le fait ! Dès le début de son livre, aux pages 24-25. C’est une lecture incontournable et je n’ai pas encore fini. Degroof cite le célèbre Regional Advantage d’AnnaLee Saxenian. Je vous laisserai découvrir ce qu’il écrit.

Ce tableau que j’avais copié il y a longtemps est une autre illustration des différences, non pas tant entre Stanford/Berkeley et MIT/Harvard mais sur le nombre d’entreprises issues (« spin-offs ») d’entreprises établies. Il suffit de comparer ce qui s’est passé chez IBM sur les côtes ouest et est. (PS: Je n’avais pas initialement mentionné la source du tableau; il est extrait de High-Tech Startups and Industry Dynamics in Silicon Valley, Public Policy Institute of California, Junfu Zhang (2003) San Francisco, California.)

Permettez-moi de terminer cette 1ère partie avec une autre citation de Lita Nelsen, ancienne directrice du Technology Licensing Office du MIT : « Les gens me disent : « Est-ce que le MIT a un incubateur ? » Et ma réponse classique a été : « Oui, ça s’appelle la ville de Cambridge. » [Page 26] Cela me rappelle une citation de Richard Newton, un ancien professeur à Berkeley. Il avait écrit en citant un de ses collègues : « La Bay Area est la Corporation. [… Quand les gens changent d’emploi ici dans la Bay Area], ils se déplacent en fait entre les différentes divisions de la Bay Area Corporation. » C’est une explication critique des écosystèmes, il ne s’agit pas tant d’institutions que de fluidité des échanges entre individus.

Doris Lessing à nouveau – à propos des Grands hommes

J’ai écrit dans Testament ou témoignage ? Lessing, Reich, Grothendieck, Jobs, Arles à quel point j’avais aimé lire Le carnet d’or.

Je viens de lire une page étrange qui m’a intrigué. Et encore plus étrange, j’ai découvert que la traduction française (que j’ai découverte en premier) était assez différente de la version originale. Allez sur l’article en anglais pour comparer ou à ma traduction ci-dessous. Voici le texte original (mais allez jusqu’à la fin de l’article pour une autre surprise) :

Mais, ma chère Anna, nous ne sommes pas les ratés que nous croyons. Nous passons notre vie à lutter pour faire accepter à des gens à peine moins sots que nous les vérités que les grands hommes ont toujours sues. Ils ont toujours su, depuis dix mille ans, qu’en enfermant un être humain dans un isolement total on peut faire de lui un ou une bête. Ils ont toujours su qu’un homme pauvre ou terrorisés par la police ou par son propriétaire est un esclave. Ils ont toujours su qu’un homme terrorisé est cruel. Ils ont toujours su que la violence entraine la violence. Et nous le savons. Mais les grandes masses, dans le monde, le savent-elles ? Non. Notre travail consiste à le leur dire. Car les grands hommes ne peuvent pas y perdre leur temps. Leur imagination s’emploie déjà à inventer des moyens de coloniser Vénus ; ils créent déjà dans leur esprit une vision d’une société composée d’être humains libres et nobles. Pendant ce temps, les êtres humains ont dix mille ans de retard sur eux, et sont prisonniers de la peur. Les grands hommes ne peuvent pas y perdre leur temps. Et ils ont raison. Parce qu’ils savent que sommes là, nous, les pousseurs de pierre. Ils savent que nous continuerons à pousser des rochers sur les premiers contreforts d’une immense montagne, pendant qu’ils sont déjà libres au sommet. Ils comptent sur nous, et ils ont raison. Et c’est pour cela que finalement nous ne sommes pas inutiles.

Voici maintenant ma traduction de la version originale, elle est assez différente de la traduction française au Livre de poche !

Toi et moi, Ella, nous sommes les ratés. Nous passons notre vie à nous battre pour que des gens un peu plus stupides que nous acceptent des vérités que les grands hommes ont toujours connues. Ils savent depuis des milliers d’années qu’enfermer une personne malade à l’isolement l’aggrave. Ils savent depuis des milliers d’années qu’un pauvre qui a peur de son propriétaire et de la police est un esclave. Ils le savent. Nous le savons. Mais la grande masse éclairée du peuple britannique le sait-elle ? Non. C’est notre tâche, Ella, la tienne et la mienne, de leur dire. Parce que les grands hommes sont trop grands pour être dérangés. Ils découvrent déjà comment coloniser Vénus et irriguer la lune. C’est ce qui est important pour notre temps. Toi et moi sommes les pousseurs de rochers. Toute notre vie, toi et moi, nous mettrons toutes nos énergies, tous nos talents, à pousser un gros rocher sur une montagne. Le rocher est la vérité que les grands hommes connaissent par instinct, et la montagne est la bêtise de l’humanité. Nous poussons le rocher. Parfois, j’aimerais être mort avant d’avoir obtenu ce travail que je voulais tellement – je le considérais comme quelque chose de créatif.

Je ne sais pas quelle version je préfère, mais j’ai été vraiment assez étonné par ce que Doris Lessing a écrit il y a plus de cinquante ans, d’autant plus que cela me rappelle la citation de Wilhelm Reich dans le post que j’ai mentionné ci-dessus.

Maintenant honte sur moi ! J’ai eu un gros doute et je ne pouvais pas croire que le traducteur était si créatif, alors j’ai regardé à nouveau et j’ai trouvé cette nouvelle partie :

Toi et moi, Ella, nous sommes des ratés. Nous passons notre vie à nous lutter contre des gens à peine plus sots que nous pour leur faire admettre des vérités que les grands esprits ont toujours connues – ils ont su depuis des milliers d’années qu’on aggrave l’état d’un homme malade si on le confine en isolement total. Ils ont su depuis des milliers d’années qu’un homme terrorisé par son propriétaire ou par la police est un esclave. Ils l’on su. Nous le savons. Mais la grande masse éclairée du peuple britannique le sait-elle ? Non. Notre tâche, à toi et à moi, consiste à le leur dire. Car les grands esprits sont trop grands pour qu’on les dérange. Ils sont déjà en train de découvrir comment coloniser Vénus et irriguer la lune. C’estcela qui compte à notre époque. Toi et moi, nous sommes des pousseurs de rochers. Toute notre vie, toi et moi, nous consacrerons notre énergie et tous nos talents à pousser un gros rocher jusqu’au commet de la montagne. Le rocher est la vérité que les grands esprits connaissent d’instinct, et la montagne est la bêtise de l’humanité. Nous poussons le rocher. Je regrette parfois de ne pas être mort avant de pratiquer ce métier qui m’attirait tant – je l’imaginais créatif.

Pourquoi y avait-il Anna et Ella, j’aurais dû y penser tout de suite. La partie sur Ella est à la page 247 et celle sur Anna à la page 711 de ma version. Mon erreur au moins est une indication de l’étrange richesse du roman de Lessing.

La Silicon Valley aura bientôt 65 ans. Devrait-elle être mise à la retraite ? Les dynamiques darwiniennes de la région…

La Silicon Valley aura bientôt 65 ans. 65 ans? Oui, je dis en général que la région a débuté sa croissance avec la fondation de Fairchild Semiconducteur en 1957 (même si le nom ne fut créé qu’en 1971).

SiliconValleyGenealogy-All

La région est de plus en plus critiquée pour de bonnes et mauvaises raisons (voir par exemple ici et ) et peut-être est-elle un peu à bout de souffle. Trop vieille ? Il y a dix ans, j’avais regardé ses « dynamiques darwiniennes » dans innovation darwinienne et lamarckienne – de Pascal Picq. J’y avais noté les dynamiques remarquables de créations (et destructions) d’entreprises. « Vingt des 40 plus grandes entreprises de la région en 1982 n’existaient plus en 2002 et 21 des 40 premières entreprises de 2002 n’avaient pas été créées en 1982. » Je viens donc de refaire l’exercice.

Le tableau plus bas redonne les données de 1982 et 2002, puis celles de 2020. J’aurais dû attendre 2022 et les 65 ans de la Silicon Valley, mais je n’en ai pas eu la patience ! Dix des 40 plus grandes entreprises n’existaient pas en 2000 et sept de plus n’existaient pas en 1995. Seize des top 40 de 2002 n’existent plus en 2021. La région est donc un peu moins dynamique mais cela reste assez remarquable… La retraite me semble lointaine en réalité !

Comme dernière remarque, j’avais mentionné, il y a cinq ans, l’évolution du capitalisme américain dans Les plus grandes (anciennes) start-up des USA et d’Europe et en particulier à travers The Largest Companies by Market Cap Over 15 Years. Vous pourriez comparer ces dynamiques à celles du CAC40 français.

Les quarante plus grandes entreprises de technologie de la Silicon Valley
Les données sont fournies au format jpg à la fin de l’article.

1982 2002 2021 Revenus Capitalisation
1. Hewlett-Packard 1. Hewlett-Packard 1. Apple $294,135 $2,153,363
2. National Semiconductor 2. Intel 2. Alphabet e $182,527 $1,169,351
3. Intel 3. Cisco b 3. Facebook d $85,966 $787,268
4. Memorex 4. Sun bc 4. Intel $77,867 $194,491
5. Varian 5. Solectron c 5. HP Inc. $57,667 $31,545
6. Environtech a 6. Oracle 6. Cisco $48,026 $192,007
7. Ampex 7. Agilent b 7. Oracle $39,403 $191,539
8. Raychem a 8. Applied Materials 8. Tesla d $24,578 $77,574
9. Amdahl a 9. Apple 9. HP Enterprises $26,866 $15,677
10. Tymshare a 10. Seagate Technology 10. Netflix e $24,996 $236,117
11. AMD 11. AMD 11. Gilead $24,689 $74,058
12. Rolm a 12. Sanmina-SCI 12. SYNNEX $23,757 $6,588
13. Four-Phase Systems a 13. JDS Uniphase c 13. PayPal e $21,454 $277,047
14. Cooper Lab a 14. 3Com c 14. salesforce.com e $21,252 $208,200
15. Intersil 15. LSI Logic 15. Applied Materials $18,202 $78,716
16. SRI International 16. Maxtor b 16. NVIDIA $16,675 $328,615
17. Spectra-Physics 17. National Semiconductor c 17. Western Digital $16,327 $16,183
18. American Microsystems a 18. KLA Tencor 18. Adobe $12,868 $241,275
19. Watkins-Johnson a 19. Atmel b 19. Uber d $12,078 $93,549
20. Qume a 20. SGI c 20. Lam Research $11,929 $69,264
21. Measurex a 21. Bell Microproducts bc 21. eBay e $10,713 $36,576
22. Tandem a 22. Siebel bc 22. AMD $9,763 $115,364
23. Plantronic a 23. Xilinx bc 23. Square d $9,498 $106,173
24. Monolithic 24. Maxim Integrated b 24. Intuit $7,717 $99,872
25. URS 25. Palm bc 25. Opendoor d $7,324 $1,221
26. Tab Products 26. Lam Research 26. Sanmina $6,875 $2,117
27. Siliconix 27. Quantum c 27. KLA Tencor $6,073 $40,492
28. Dysan a 28. Altera bc 28. Equinix e $5,999 $63,238
29. Racal-Vadic a 29. Electronic Arts b 29. Electronic Arts $5,670 $41,368
30. Triad Systems a 30. Cypress Semiconductor bc 30. NetApp $5,590 $14,480
31. Xidex a 31. Cadence Design b 31. Agilent $5,530 $36,607
32. Avantek a 32. Adobe Systems b 32. Intuitive Surgical e $4,551 $92,762
33. Siltec a 33. Intuit b 33. ServiceNow d $4,519 $110,315
34. Quadrex a 34. Veritas Software bc 34. Juniper e $4,445 $7,478
35. Coherent 35. Novellus Systems b 35. Workday d $4,318 $57,934
36. Verbatim 36. Yahoo bc 36. Synopsys $3,821 $39,023
37. Anderson-Jacobson a 37. Network Appliance b 37. Autodesk $3,790 $67,066
38. Stanford Applied Eng. 38. Integrated Device 38. Palo Alto Net. d $3,783 $33,851
39. Acurex a 39. Linear Technology 39. Twitter d $3,716 $44,436
40. Finnigan 40. Symantec b 40. Airbnb d $3,378 $94,765


NOTES: Ce tableau a été compilé en utilisant les Business Rankings data de 1982 et 2002 de Dun & Bradstreet puis des données de Blommberg pour 2020. Les entreprises sont classées selon leurs revenus..
a – N’existait plus en 2002.
b – N’existait pas avant 1982.
c – N’existait plus en 2021.
d – N’existait pas avant 2000.
e – N’existait pas avant 1995.

Mêmes données au format jpg et en anglais

Femmes entrepreneurs – une analyse de 800 (anciennes) startups

Je viens de décider d’ajouter une nouvelle analyse à ma récente étude de 800 (anciennes) startups. Bien que le sujet soit important dans l’entrepreneuriat high-tech, je ne l’avais jamais vraiment abordé si ce n’est de manière anecdotique dans ces posts avec le tag #femmes-et-high-tech.


Huit femmes fondatrices ou entrepreneures. Je ne sais pas combien j’en aurais automatiquement reconnues. Et vous?

Et voici les résultats que j’ai trouvés. Mes excuses par avance car ce travail est loin d’être parfait : j’ai essayé d’identifier des fondatrices à partir de leur nom et ce n’est pas toujours facile. Je crois toutefois que je ne dois pas être trop loin de la réalité.

Alors qu’est-ce que cela dit?

– Il y a 76 femmes fondatrices dans 825 entreprises, ce qui indique que 9% de ces anciennes startups avaient une femme fondatrice. Pour ne rien arranger, le nombre total de fondateurs identifiés est de 1644.
– C’est dans le domaine des biotechnologies, qu’elles sont les plus représentées (d’où sans doute leur surreprésentation à Boston, en Suisse, en Californie hors de la Silicon Valley)
– La bonne nouvelle, c’est que ce nombre a atteint 15 % au cours de la dernière décennie. Enfin…
– Maintenant, il n’y a que 31 femmes PDG/CEO, ce n’est que 4% du total (rappelez-vous que les PDG/CEO fondateurs sont un peu plus de 60% des CEO donc c’est encore pire ici puisque certaines de ces femmes PDG ne sont pas fondatrices: Si vous ne coéprenez pas de quoi je parle, regardez ici). En réalité, 20 de ces femmes étaient fondatrices et 11 ne l’étaient pas…

Testament ou témoignage ? Lessing, Reich, Grothendieck, Jobs, Arles

Août est un bon moment pour regarder en arrière. C’est en pensant à cela que je me suis demandé s’il y avait une étymologie commune à testament et témoignage. Apparemment, il n’y en a pas. Peu importe… 1370 posts depuis juillet 2007 (en fait plutôt 700 puisque ce blog est bilingue français-anglais, c’est un par semaine), 600 commentaires (ah ah!) et de nombreuses leçons.

Le mois d’août a aussi été un mois spécial à plusieurs égards, notamment culturel… J’ai lu Le Carnet d’Or de Doris Lessing, un roman remarquable. Voici un extrait : « comme toute autre institution, le Parti communiste continue d’exister grâce à ce processus qui consiste à absorber ses propres critiques – ou bien il les absorbe, ou bien il les détruit. J’ai toujours vu la société, les sociétés, organisées ainsi : une section dirigeante, ou gouvernement, et d’autres sections en opposition; la section la plus forte finit par être transformée ou supplantée par la section opposante. Mais il n’en est rien : soudain je vois tout différemment. Non, il existe un groupe d’hommes endurcis et fossilisés auxquels s’opposent de jeunes révolutionnaires enthousiastes, comme John Butte autrefois – ainsi se crée un ensemble, un équilibre. Et puis un groupe d’hommes endurcis et fossilisés comme John Butte, auquel s’oppose un groupe de gens neufs, à l’esprit vif et critique. Mais le noyau de pensée morte et sèche ne pourrait pas exister si les pousses vivantes de vie neuve ne se transformaient pas rapidement, à leur tour, en bois mort desséché. Autrement dit, moi, « camarade Anna » – et l’intonation ironique du camarade Butte m’épouvante lorsque j’y repense -, je maintiens le camarade Butte en vie, je le nourris, et je me substituerai à lui le moment venu. Et lorsque je pense à cela, estimant que rien n’est ni bien ni mal, ce n’est qu’un processus, une roue qui tourne, la frayeur m’envahit car tout en moi se révolte contre une telle conception de la vie » (traduction de Marianne Véron pour Le livre de poche).

Cela m’a rappelé un autre post en date de mai 2009 sur innovation et révolution que j’ai trouvé un peu similaire. Les entrepreneurs sont les révolutionnaires de notre temps. Et il avait ajouté : « La démocratie fonctionne mieux quand il y a ce genre de turbulences dans la société, quand ceux qui ne sont pas aisés ont une chance de gravir les échelons économiques en utilisant leur intelligence, leur énergie et leurs compétences pour créer de nouveaux marchés ou mieux servir les marchés existants. puis leurs anciens concurrents. » Vous le trouverez ici, Entrepreneurs et Révolution. Aussi une citation de Malcolm Little, que j’avais copiée dans mon livre. « Alors qu’il était à l’école, relate-t-il, son enseignante lui demanda ce qu’il souhaiterait faire quand il serait grand. Avocat, répondit-il. Gênée, elle lui répondit qu’il devrait plutôt songer à être charpentier en raison de ses qualités manuelles, mais surtout de son statut. Ce jour-là, il décida de ne plus accepter ce genre de conseils ».

Le mois d’août a aussi été l’occasion de voir quelques-unes des Rencontres photographiques d’Arles.

Quelques expositions, de gauche à droite et de bas en haut : Masculinités, Pieter Hugo, Jazz Power !, Sabine Weiss, The New Black Vanguard, Thawra ! ثورة Révolution !, Désidération (Anamanda Sîn)

Les Street Artists ont également été actifs en août. Regardez Banksy or Invader. Les artistes montrent le monde tel qu’il est, les crises, de plus en plus sa diversité, ses incertitudes aussi. La transmission, l’acceptation de disparaître ont été ici des thèmes récurrents, une vision plutôt darwinienne du monde. Et c’est pourquoi je voudrais juste mentionner à nouveau quelques autres citations importantes pour moi :

Reich_Ecoute_petit_homme

« Je vais te dire quelque chose, petit homme : tu as perdu le sens de ce qu’il y a de meilleur en toi. Tu l’as étranglé. Tu l’assassines partout où tu le trouves dans les autres, dans tes enfants, dans ta femme, dans ton mari, dans ton père et dans ta mère. Tu es petit et tu veux rester petit. » Le petit homme, c’est vous, c’est moi, c’est nous. Le petit homme a peur, il ne rêve que de normalité, il est en nous tous. Le refuge vers l’autorité nous rend aveugle à notre liberté. Rien ne s’obtient sans effort, sans risque, sans échec parfois. « Tu cherches le bonheur, mais tu préfères la sécurité, même au prix de ta colonne vertébrale, même au prix de ta vie. » Wilhelm Reich déjà publié en mars 2010.

sjobs

Personne ne souhaite mourir. Même ceux qui rêvent du paradis ne veulent pas mourir pour y monter. Et pourtant la mort est la destination que nous partageons tous. Personne n’y a jamais échappé. Et c’est ainsi que cela doit être, parce que la Mort est sans doute la plus belle invention de la Vie. Elle l’agent du changement pour la Vie. Elle nettoie l’ancien pour laisser la place au neuf. Vous êtes le neuf, mais un jour, pas si éloigné, vous deviendrez progressivement l’ancien et vous serez nettoyé. Désolé d’être aussi tragique, mais c’est la vérité. Votre temps est compté, alors ne le gaspillez pas à vitre la vie d’autrui. Ne restez pas prisonnier des dogmes, c’est-à-dire du résultat des pensées d’autrui. Ne laissez pas le bruit des opinions assourdir votre propre voix intérieure. Et plus important encore, ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. Ils savent quelque part déjà ce que vous voulez vraiment devenir. Tout le reste est secondaire. Steve Jobs déjà publié en juillet 2007.

Enfin non pas une citation mais un extrait de texte sur la manière dont Alexandre Grothendieck découvrit lui aussi ce passage douloureux de la jeunesse à la future disparition: En mai 1968, la machine se dérègle. Shourik, comme l’appellent ses proches, se rend à Orsay pour dialoguer avec les « contestataires ». L’anar se fait conspuer par les « enragés ». Le réprouvé se découvre mandarin. « Après, il n’était plus le même » […] « Ça a été une gifle terrible, c’était d’une violence inouïe ». J’ai parlé de ce génie des mathématiques en mars 2016 et août 2020.

Je termine ce post qui peut paraître un peu lugubre avec un lien vers un excellent article sur la confiance en la science : Peut-on apprendre à être plus rationnel ? Il est optimiste, enthousiaste et montre que nous pouvons être réalistes sur le monde et nos limites tout en restant positifs et heureux. Juste un témoignage ou un petit testament fragile.

Données mises à jours sur 800 (anciennes) startups

Comme vous le savez peut-être, je compile régulièrement des tableaux de capitalisation de startup qui ont été introduites en bourse ou qui ont été acquises avec des données sur les actionnaires. La dernière fois que j’ai publié des articles à ce sujet, c’était en avril 2020 avec plus de 600 tableaux de ce type. J’en ai maintenant plus de 800.

Je viens de publier deux articles en utilisant ces données mises à jour :
– L’age des fondateurs et les CEO non fondateurs, le 4 août,
https://www.startup-book.com/fr/2021/08/04/lage-des-fondateurs-et-les-ceo-non-fondateurs/.
– La participation des employés dans une startup – le millionaire en stock options, le 6 août, https://www.startup-book.com/fr/2021/08/06/la-participation-des-employes-dans-une-startup-le-millionaire-en-stock-options/.

Le contenu du pdf inclut:
– Tables de capitalisation individuelles : pages 8-834.
– Quelques statistiques mises à jour : pages 835-850.
– Table des matières : pages 851-860.

Je n’envisage pas de faire une nouvelle analyse. Celle avec 600 tableaux était assez riche je pense. Les tableaux individuels sont disponibles ici:
Equity List 800 Startups – Lebret – Aug2021

ou sur Scribd, mais vous aurez peut-être besoin d’un compte pour en profiter pleinement:

Voici lien vers le document ou vers d’autres sur mon compte Scribd.

La participation des employés dans une startup – le millionaire en stock options

Août est un bon mois pour revenir sur les données et les publications précédentes. Je viens d’en publier une sur l’âge des fondateurs. Voici à nouveau un bref aperçu de ce que les employés peuvent gagner dans les startups en cas de succès. En plus, espérons-le, de ce qu’ils font avec plus de plaisir que dans les grandes entreprises, ils ont généralement accès à des stock-options et l’un des mythes de la Silicon Valley est que dans les startups les plus performantes, tout le monde devient millionnaire.

Il y a quelques années, j’ai publié des données sur la participation des salariés basées sur 600 startups. Jetez un oeil ici. J’ai également commenté un guide sur les stock options dans Rémunération du risque – Un guide sur les stock options par Index Ventures.

Alors, quel pourcentage de participation un employé a-t-il dans une startup ? J’ai regardé ma base de données de 800 startup et j’ai construit les tableaux suivants. Allez aussi à la fin de l’article pour une autre analyse.

Les trois tableaux montrent quelques nuances selon le domaine, la géographie et la période, mais avec une participation d’environ 0,1%, oui, les employés sont proches d’être millionnaires. Maintenant, comme le montre le tableau suivant, la situation peut être différente selon qui vous êtes dans l’entreprise, du manager au junior.

Ce dernier tableau est une version étendue de celui utilisé dans la présentation que je fais sur le partage du capital dans les startups :

L’age des fondateurs et les CEO non fondateurs

L’âge des fondateurs est un sujet récurrent ici, comme vous pouvez le voir avec le tag #age. Dans mon analyse sur des centaines de startups (822 à l’heure actuelle et 600 récemment), je viens de me dire qu’il serait intéressant de voir la corrélation, le cas échéant, entre l’âge des fondateurs et le fait que le CEO soit un de ces fondateurs ou non. Intuitivement, on pourrait penser que les fondateurs les moins expérimentés peuvent induire un PDG non fondateur. Voici donc les résultats :

Les chiffres sont parlants et peuvent semble contre-intuitifs. Une majorité (et souvent une écrasante majorité dans le numérique) des startup ont un CEO fondateur et la moyenne de l’âge des fondateurs est moins élevée dans ce cas. Question de dynamisme, d’envie de l’équipe, je ne sais pas… L’idée que les investisseurs « virent » les fondateurs au plus vite pour les remplacer par des professionnels expérimentés en semble en tout cas pas illustrée par les chiffres. N’hésitez pas à réagir et commenter.

L’entrepreneuriat en action de Philippe Mustar – épisode final

Voici mon dernier article sur l’excellent L’entrepreneuriat en action dont vous retrouverez les 5 articles précédents avec le tag #entrepreneuriat-en-action. Voici quelques notes finales:

Les ingrédients du succès

Mais, ceux qui financent ce projet, ne le font pas seulement pour les compétences et l’expérience des trois entrepreneurs. Ces derniers montrent d’autres qualités qui convainquent de les suivre : leur passion, leur motivation, leur ambition. Les investisseurs savent que ces qualités permettront à l’équipe de garder le cap et de mieux affronter les incertitudes, multiples, qui s’annoncent. À un élève qui demandait à un capital-risqueur quelles sont les trois qualités les plus importantes que doit avoir un projet pour être financé ; celui-ci a répondu : le premier, c’est l’équipe, le deuxième, c’est l’équipe, le troisième, c’est l’équipe. Une autre boutade, commune dans ce milieu, dit que les investisseurs préfèrent financer une bonne équipe avec un mauvais projet plutôt que l’inverse (parce qu’une bonne idée portée par une équipe dont les compétences ne correspondent pas à celles qui sont nécessaires pour la développer a peu de chances d’aller loin ; alors qu’une bonne équipe pourra toujours modifier, transformer ou changer une idée initiale de peu de qualité). La suite de l’histoire montre que ces affirmations, généralement faites sur le ton de la plaisanterie, s’appliquent particulièrement bien à Criteo et que ceux qui les formulent, les capital-risqueurs, devront y croire et s’y accrocher solidement pendant plusieurs années. [Page 220]

Quelques critères expliquant la réussite (selon un des cofondateurs de Criteo):
– Avoir été capable de se concentrer sur un seul produit
– Viser l’excellence dans tous les secteurs de l’entreprise
– Trouver le bon curseur entre la gestion des problèmes quotidiens et l’anticipation du futur
– L’aptitude à prendre des décisions difficiles
– Faire confiance à la technologie

Et enfin Mustar revient sur ce processus de l’innovation qui ressemble à tout sauf à un processus mécanique:
– Un processus long et sinueux, fait de nombreuses transformations
– Un processus émergent
– Un processus expérimental
– Un processus rempli d’incertitudes, de choix à faire, de décisions à prendre
– Un processus collectif et une action distribuée
– Un processus social

Qu’est-ce qu’un entrepreneur ? Nait-on entrepreneur ou le devient-on ?

Mustar aborde dans sa conclusion un sujet vieux comme les startup avec toute l’humilité et la prudence nécessaires, car il semble bien que l’on ne sache pas vraiment (même si nombreux sont ceux qui affirment savoir). A part la définition tautologique, l’entrepreneur est celui qui créée (et bâtit) une entreprise, il semble bien difficile de trouver des traits et qualités communs spécifiquement aux entrepreneurs. Malgré tout, j’ai un peu de mal avec son rappel de l’affirmation de Peter Drucker. “Most of what you hear about entrepreneurship is all wrong. It’s not magic; it’s not mysterious; and it has nothing to do with genes. It’s a discipline and, like any discipline, it can be learned.” « Ce que vous entendez sur l’entrepreneuriat est généralement faux. Ce n’est en rien magique ; ce n’est en rien mystérieux ; et cela n’a rien à voir avec les gènes. C’est une discipline et, comme toute discipline, cela peut s’apprendre. » [Page 287]

Je suis un peu plus à l’aise avec le point de vue de Komisar dans Comment peut-on enseigner l’entrepreneuriat high-tech selon Randy Komisar

Il n’y a pas une condition monolithique de l’entrepreneur. Même au sein du très petit nombre de primo-entrepreneurs que j’ai interrogé apparaît une gamme très variée de rapports à l’entrepreneuriat. Ce qui les caractérise, au-delà de la grande diversité de leurs profils, de leur tempérament, de leur façon de se comporter, c’est plus une envie de faire, d’apprendre, de réussir, une grande capacité de travail, d’écoute des autres, de l’ambition… mais cela n’est en rien propre aux entrepreneurs. On retrouve ces mêmes envies ou aptitudes chez des salariés, des cadres de grandes entreprises, des responsables d’associations caritatives, des sportifs, des artistes, etc. [Page 289]

Ce parcours avec ces jeunes ingénieurs m’a permis de me départir d’une conception de l’entrepreneuriat qui sépare d’un côté un entrepreneur ou une équipe, et de l’autre une activité de création d’un nouveau produit et d’une entreprise. L’entrepreneur et l’entreprise se construisent ensemble, dans le même mouvement. [Page 290]