Archives de l’auteur : Hervé Lebret

Chercheurs et entrepreneurs : c’est possible ! (suite)

Un deuxième article sur ce livre éclairant après celui-ci. Une multitude citations qui rendent ce livre passionnant. L’importance de l’humain; l’entrepreneuriat n’est pas une science. L’expérience du terrain compte sans doute autant que le savoir académique, tant les aventures sont uniques malgré leurs traits communs. Voici quelques nouveaux exemples:

« Les premières rencontres avec les investisseurs sont des dialogues entre êtres humains : on va voir en vous la personne qui prend des risques, qui a la capacité de développer une stratégie et d’exécuter des plans. Trois critères majeurs intéressent les investisseurs : l’équipe, en particulier le CEO [Chief Executive Officer] qui crée et inspire la troupe au quotidien, et ensuite le produit et la taille du marché potentiel. » Pascale Vicat-Blanc.

« Il est essentiel de s’ouvrir le plus tôt possible de son idée, de son projet. Les contacts en amont sont très riches et peuvent être assez simples. » Stéphane Deveaux. [Page 43]

« La création d’une entreprise est d’abord un travail de définition et d’élaboration d’une offre et du positionnement de cette offre dans le marché », explique Éric Simon. « J’ai rencontré une société qui a tout de suite été très enthousiaste. Nous avons dû résoudre de nombreux défis techniques que nous n’avions pas rencontrés dans le monde de la recherche. [Mais ce premier gros client] nous a conduit dans une impasse. […] J’ai tenu bon et j’ai retenu que même si l’on un client important, il faut tout de suite se diversifier pour ne pas être à sa merci. » [Page 55]

Si les études de marché et les formations en marketing sont souvent présentes dans les incubateurs, il n’empêche que certaines expériences restent difficilement transmissibles. Les chercheurs-entrepreneurs insistent sur l’importance du terrain. « Nous avons ainsi fait beaucoup d’entretiens, de visites aux clients, de prospection pour connaître réellement notre marché. C’est la meilleure étude de marchés si l’on compare à l’achat d’études toutes faites. » Benoit Georis, Keeno [Page 61]

Suivent des discussions sur l’importance relative des investisseurs publics et privés si spécifiques à la France. Oui passionnant!

Chercheurs et entrepreneurs : c’est possible !

Voici un livre que je découvre sur des histoires de startup du numérique français, celles issues d’Inria, l’institut national (pour la recherche en informatique et en automatique) dédié aux sciences du numérique. Il est intitulé Chercheurs et entrepreneurs : c’est possible !

Je n’en ai lu que quelques pages mais les citations que j’ai lues sont si parlantes que je ne peux pas m’empêcher d’en extraite quelques exemples :

« Nos amis créaient leur boîte dans la Silicon Valley, comme Bob Metcalfe avec 3Com ou Bill Joy avec Sun. J’ai fait le tour des groupes que je connaissais outre-Atlantique, au MIT, à Berkeley, à Stanford, en leur expliquant notre projte. leur réaction positive nous a confortés dnas l’idée de nous lancer. » La Silicon Valley fut souvent source d’inspiration…

« Ce qui m’intéressait ce n’était pas de faire de la recherche en soi, c’était de faire progresser la technologie pour résoudre des problèmes bien réels. Nous avions de plus en plus de financements ; nous avons fait des configurateurs de satellites pour l’aérospatiale, de ports, de bâtiments et un simulateur stratégique pour les sous-marins nucléaires » dit Pierre Haren, le fondateur de Ilog. Le produit oui, mais avant tout pour des clients…

« Par définition, [nous étions] une société de haute technologie. [… mais ] Comme dans toute création, au début, on fait tout même le ménage ! Nous nous sommes occupés de la démarche commerciale, de l’optimisation de l’offre, et même des locaux. Quand on s’occupe d’une société, on n’est jamais tranquille, on ne prend jamais ses aises. Que l’on soit dix ou dix mille, le responsable est toujours au charbon. » selon Christian Saguez, fondateur de Simulog et d’ajouter « Mon premier conseil aux chercheurs hésitants, c’est de faire la pas de la création sans chercher le confort à tout prix. Vous apprenez la varie vie et c’est toute la beauté d’entreprendre. Avec Simulog on a dû tout inventer et le modèle a marché. »

Une multitude de leçons… Je vais lire la suite très bientôt. Merci à Laurent pour ce cadeau. 🙂

PS: j’en profite pour ajouter un document qui décrit le soutien à l’entrepreneuriat autour d’Inria:
Entrepreneurship Support at and around Inria as of October 2019

The Code de Margaret O’Mara – La Silicon Valley et la reconstruction de l’Amérique

Il y a environ 15 ans, un collègue qui connaissait ma passion pour la Silicon Valley me demandait pourquoi la région devrait survivre et continuer ainsi dans les années, voire les décennies à venir. Je venais d’arriver à l’EPFL et maintenant que je quitte cet endroit où il y a tant de gens que j’aime, je peux donner la même réponse à mon collègue: le talent et le capital réunis là-bas, avec une expertise qui semble ne jamais être perdue et un appétit pour les expériences et le risque sans trop craindre l’échec, du moins son absence de stigmatisation sont les raisons pour lesquelles la Silicon Valley a un avenir radieux. Oui, elle présente de nombreux inconvénients et faiblesses, mais même en cas de crise majeure, il y a toujours, quoi que nous puissions en penser, suffisamment de diversité pour qu’elle continue à briller.

Margaret O’Mara pense probablement la même chose. Au moins, elle a écrit l’une des histoires les plus complètes de la région et décrit brillamment tous ses attributs forts et faibles, positifs et négatifs.

The Code
Silicon Valley and the Remaking of America
de Margaret O’Mara

Vous devez comparer tout cela comme une course de chevaux, explique Morgenthaler. C’est comme ça que la high-tech a fonctionné. Le cheval était la technologie. La course était le marché. L’entrepreneur était le jockey. Et le quatrième et dernier ingrédient était le propriétaire et entraineur – l’investisseur de haute technologie. Vous pourriez avoir le meilleur jockey, mais s’il montait un cheval lent, vous ne gagneriez pas. Même chose si vous avez un cheval rapide, mais un terrible jockey. Sans une bonne technologie, une bonne équipe talentueuse n’irait pas loin. Et la course devait avoir de bons enjeux. Conduire un cheval rapide pour gagner une course locale ne rapporterait pas beaucoup, mais le Derby du Kentucky était une autre affaire. Donc, cela était lié au marché. Celui-ci devaient avoir des clients et une croissance, sans saturation. [Pages 11-12] (Vous pouvez consulter l’archive du Computer Museum archive sur Morgenthaler ici (en pdf).)

Le flot ne portait pas sur le transfert de technologie, mais sur le talent – sur les personnes qui allaient des laboratoires de Stanford aux bureaux de son parc de recherche pour se rendre dans les entrepôts délabrés et les bâtiments de bureaux préfabriqués qui commençaient à s’étendre vers le sud jusqu’à El Camino Real. Partout ailleurs dans les années 1950, le monde universitaire était une véritable tour d’ivoire, entourée de murs imprenables entre ville et robe, entre recherche «pure» et entreprise. A Stanford, ces murs se sont dissous. [Page 32]

« Les inventions viennent d’individus », a observé Regis McKenna, « pas des entreprises. » [Page 152]

« Les bonnes idées et les bons produits se trouvent pas dizaines », [Arthur Rock] a expliqué plus tard. « Une bonne exécution et une bonne gestion – en un mot, les bonnes personnes – sont rares. »

Le commentaire de John Doerr est peut-être plus controversé: beaucoup plus tard, l’un des VC les plus performants et les plus influents de la région, John Doerr, a plongé dans le métier après avoir avoué qu’un facteur majeur guidant ses décisions était la « reconnaissance des motifs ». « Tous semblent être des Blancs, des hommes, des nerds qui ont quitté Harvard ou Stanford et qui n’ont absolument aucune vie sociale. Alors, quand je voyais cette tendance se répéter », a-t-il conclu, « il était très facile de décider d’investir ». [Page 76]

Après l’entrée en bourse de HP en novembre 1957, le cours de son action a augmenté. Pourtant, depuis le début, les deux fondateurs ont consciemment présenté leur entreprise comme une entreprise soucieuse d’améliorer la qualité de son travail. « Je pense que beaucoup de gens supposent, à tort, qu’une entreprise existe simplement pour gagner de l’argent », a dit un jour Packard aux responsables de HP. « Bien qu’il s’agisse d’un résultat important de l’existence d’une entreprise, nous devons aller plus loin pour trouver les véritables raisons de notre existence. » Une éthique non hiérarchique, conviviale et axée sur le changement du monde, associée à une focalisation sans faille sur la croissance du marché et les fondamentaux du business – HP a créé le modèle pour les générations d’entreprises à venir de la Silicon Valley. [Page 33]

Le fabricant de missiles, l’université entrepreneuriale, la sensibilité particulière des entreprises, les réseaux professionnels, l’argent public, la main-d’œuvre d’élite (et homogène): de nombreux ingrédients clés se sont réunis à Palo Alto au milieu des années cinquante. [Page 38]

O’Mara combine des anecdotes, des histoires et des tendances économiques. Par exemple, plus de 500 entreprises sont entrées en bourse en 1969. Seulement 4 en 1975. […] En 1969, le secteur national du capital-risque avait mobilisé plus de 170 millions de dollars en nouveaux investissements. En 1975, il avait amassé de pâles 22 millions de dollars. De plus, un seul investissement sur quatre était allé à des entreprises de technologie. [Page 158]

Elle montre qu’il y avait des milliers d’entreprises similaires (et inconnues) à celle qui sont devenues des succès phénoménaux. Parallèlement à Apple, il y avait eu ProcTech (ou Processor Technology), IMSAI, Cromemco, Xitan, Polymorphic. Vector Graphic, avec un investissement initial de 6 000 dollars en 1976, a atteint 4 000 unités et 400 000 dollars de ventes en 12 mois, et 25 millions de dollars cinq ans plus tard. En 1977, 50 000 ordinateurs personnels étaient utilisés. [Pages 144-6]

(Une brève paranthèse: elle mentionne un livre que je ne connaissais pas: The Innovation Millionaires: How They Succeed by Gene Bylinsky (Charles Scribner’s Sons, New York, 1976.)

Elle illustre également clairement le rôle de l’intervention et du soutien publics. Je ne savais pas par exemple à quel point John Doerr était impliqué dans la lutte contre la proposition 211 en 1996. Cela montre que, malgré l’opinion générale selon laquelle la Silicon Valley n’a aucun intérêt pour la politique, au contraire, de nombreux individus et institutions sont beaucoup plus intéressés que généralement perçu. (Voir Proposition 211 ) [Paragraphe « The Litigator » – Pages 333-8]

De même, Peter Thiel, célèbre libertarien, ardent défenseur des États faibles et du président Trump, illustre bien la complexité de la situation: il est le fondateur (financier) de Palantir, une start-up dont les revenus au moins au début de son histoire, venait du gouvernement… [Pages 384-7]

Mais la culture n’est jamais loin. Lorsque le président russe Medvedev s’est rendu dans la Silicon Valley en 2010 pour tenter de comprendre les secrets de la région, il a conclu qu’il n’y avait tout simplement pas assez d’appétit pour le risque. « C’est un problème de culture, me dit Steve Jobs aujourd’hui. Nous devons changer la mentalité. » [Page 388]

Donc, le succès de Silicon Valley ne s’arrête pas… « À la mi-2018, Facebook avait réalisé 67 acquisitions, Amazon en avait 91 et Google en avait 214. » [Page 391] Rappelons-nous bien que dans le groupe GAFAM, deux entreprises ne sont pas basées dans la Silicon Valley, montrant à quel point la région est puissante, ne serait-ce qu’en termes de perception! (Voici une référence à un ancien post qui montre l’importance des acquisitions: L’A&D de Cisco publiée en 2016.)

C’est également du point de vue architectural mentionné sur la page 392. Avec le nouveau bâtiment de Facebook en 2015, ou Amazon biosphères et Apple Park.

Et bien sûr il y a les nouveaux riches. « Quelques années après son introduction en bourse, Google compte plus de 1 000 employés ou anciens employés disposant d’une fortune de 5 millions de dollars, dont une massothérapeute ». [Page 392]

En conclusion de ma lecture, une dernière citation:

« À mesure que la richesse augmentait, se développa aussi le mythe selon lequel Silicon Valley était capable de générer des entreprises innovantes les unes après les autres. Il s’agissait d’accepter la prise de risque et de ne pas pénaliser les échecs. Il s’agissait de donner la priorité à l’ingénierie – trouver le meilleur talent technique, sans parti pris quant à l’origine ou au pédigré. Il s’agissait de cette « reconnaissance de motif » identifiée avec tant de fatalité par John Doerr, à la recherche du prochain dropout de Stanford ou de Harvard avec une idée folle mais brillante.

Parmi toutes ces affirmations, le dérapage de Doerr est le plus proche du secret de la vallée. « Les investisseurs de la côte ouest ne sont pas plus audacieux parce qu’ils sont des cow-boys irresponsables ou parce que le beau temps les rend optimistes », a écrit Paul Graham, fondateur de l’incubateur technologique le plus influent de la vallée, Y Combinator, en 2007. « Ils sont plus audacieux parce qu’ils savent ce qu’ils font. » Les acteurs puissants de Valley connaissaient la technologie, connaissaient les gens et connaissaient la formule qui fonctionne.

Ils recherchent des « hommes du meilleur niveau » (qui sont très rarement des femmes) dans les meilleurs programmes d’ingénierie et d’informatique du pays, ou dans les jeunes entreprises les plus prometteuses, et qui ont été validés par une autre personne qu’ils connaissent déjà. Ils recherchent ceux qui ont le même feu ardent qu’un Gates ou qu’un Zuckerberg, l’ascétisme et la focalisation de Kapor ou Andreessen ou de Brin et Page. Ils financent ceux qui travaillent sur une version légèrement meilleure que quelque chose qui a déjà été tenté – un meilleur moteur de recherche, un meilleur réseau social. Ils entourent ces entrepreneurs chanceux de soutien et de talents chevronnés; ils placent leurs noms dans les médias et leurs visages sur la scène des meilleures conférences. Ils choissisent des gagneurs et, en raison de l’expérience accumulée et des relations dans la vallée, ceux qu’ils ont choisis gagnent souvent. » [Pages 399-400]

Loonshots ou comment développer les idées folles selon Safi Bahcall

Voici l’un des meilleurs livres sur l’innovation que j’ai lu depuis des années. L’importance des idées folles, quelques ingrédients pour les faire murir, et surtout l’attitude à adopter pour les rendre moins folles. Plus important encore, les idées folles ont beaucoup plus d’impact sur nos vies que nous ne le pensons. À lire absolument. Voici quelques extraits pour vous convaincre …

Loonshot: un projet négligé, largement rejeté, son champion classé comme déséquilibré.

La thèse du Loonshot:
1. Les avancées les plus importantes proviennent des Loonshots, des idées largement rejetées et dont les champions sont souvent déclassés comme fous.
2. Des groupes importants de personnes sont nécessaires pour traduire ces avancées en technologies qui gagnent des guerres, en produits permettant de sauver des vies ou en stratégies qui changent les industries.
3. L’application de la science des transitions de phase au comportement des équipes, des entreprises ou de tout groupe ayant une mission fournit des règles pratiques pour améliorer et accélérer la lecture des échecs.
[Page 2]

Bush a changé la recherche publique de la même manière que Vail a changé la recherche des entreprises. Tous deux ont reconnu que les grandes idées – les avancées qui modifient le cours de la science, des affaires et de l’histoire – échouent plusieurs fois avant de réussir. Parfois, elles survivent par pure chance. En d’autres termes, les avancées qui changent notre monde sont nées du mariage du génie et de la sérendipité. [Page 37]

Mais ceux qui réussissent vraiment – les ingénieurs de la sérendipité – jouent un rôle plus humble. Plutôt que de défendre n’importe quel loonshot, ils créent une structure exceptionnelle pour nourrir de nombreux loonshots. Plutôt que des innovateurs visionnaires, ce sont des jardiniers prudents. Ils veillent à ce que à la fois les loonshots et les franchises soient bien entretenues, qu’aucune ne domine l’autre et que chaque camp entretienne et soutient l’autre. [Page 38]

Comme nous le verrons dans les chapitres suivants, gérer le toucher et l’équilibre est un art. La sur-gestion du transfert provoque un type de piège. La sous-gestion de ce transfert en cause un autre. [Page 42]

Un champion du projet

Du côté créatif, les inventeurs (les artistes) pensent souvent que leur travail doit parler pour lui-même. La plupart trouvent n’importe quel type de promotion désagréable. Du côté des entreprises, les cadres (les soldats) ne voient pas le besoin de quelqu’un qui ne fabrique pas ou ne vend pas de choses – de quelqu’un dont le travail consiste simplement à promouvoir une idée en interne. Mais les grands champions de projets sont bien plus que des promoteurs. Ce sont des spécialistes bilingues, qui parlent couramment le langage artiste et le langage soldat, qui peuvent rapprocher les deux côtés. [Page 63]

Les réponses contrariennes, vécues en toute confiance, créent des investissements très attractifs. [Page 63]

LSC: Listen to the Suck with Curiosity.
LSC, pour moi, est un signal. Lorsque quelqu’un conteste le projet dans lequel vous avez investi des années, le défendez-vous avec colère ou enquêtez-vous avec une véritable curiosité? [Page 64]


Quelques célèbres créateurs de Loonshots…
https://fr.wikipedia.org/wiki/Akira_End%C5%8D
https://fr.wikipedia.org/wiki/Juan_Trippe
https://fr.wikipedia.org/wiki/Edwin_H._Land

Des années plus tard, Land devint réputé pour son proverbe: «N’entreprenez de programme que si l’objectif est manifestement important et si sa réalisation est pratiquement impossible». [Page 96]

Ensuite, l’auteur a une thèse étonnante sur la taille de l’équipe. « Je montrerai que la taille de l’équipe joue le même rôle dans les organisations que la température pour les liquides et les solides. Lorsque la taille de l’équipe franchit un « nombre magique », l’équilibre des incitations se déplace d’une focalisation sur les loonshots vers une focalisation sur les carrières.
Ce nombre magique est

où G est le taux de croissance des salaires avec promotion (par exemple 12%); S décrit la structure hiérarchique – si elle est étroite, chaque responsable dispose d’un petit nombre de reports directs et il y a de nombreuses couches hiérarchiques, alors que si elle est large, il y aura plus de reports directs et moins de hiérarchie – E est le ratio equity qui lie votre paye à la qualité de votre travail. Le dernier paramètre F est le rendement de la politique par rapport à l’adéquation projet-compétence.
Dans de nombreux cas, le nombre magique M est égal à 150… [pages 195-200]
Safi Bahcall a de nombreuses autres descriptions étonnantes, notamment l’importance des lois statistiques de puissance (power law) dans l’innovation [Page 178] ou celle-ci [Page 240]

Pour qu’une pépinière autonome se développe – dans une entreprise ou un secteur – trois conditions doivent être remplies:
1- Séparation de phases: groupes de franchise et de franchise distincts
2- Equilibrage dynamique: échanges homogènes entre les deux groupes
3- Masse critique: groupe de lonnshot suffisamment puissant pour s’enflammer.

Appliquées aux entreprises, les deux premières sont les premières règles Bush-Vail discutées dans la première partie. La troisième masse critique concerne l’engagement. S’il n’y a pas d’argent à payer pour embaucher de bonnes personnes ou pour financer des idées et des projets en début de phase, un groupe non averti dépérira, quelle que soit sa qualité. Pour prospérer, un groupe indépendant doit avoir une réaction en chaîne. Un laboratoire de recherche qui produit un médicament performant, un produit à succès ou des conceptions primées attirera les meilleurs talents. Les inventeurs et les créatifs voudront apporter de nouvelles idées et surfer sur la vague d’une équipe gagnante. Le succès justifiera plus de financement. Plus de projets et plus de financement augmentent les chances de plus de succès – le saut positif d’une réaction en chaîne.

Combien faut-il de projets pour atteindre la masse critique? Supposons que les probabilités soient de 1 sur 10 que n’importe quel tireur d’élite réussisse. Une masse critique pour déclencher la réaction avec une grande confiance nécessite d’investir dans au moins deux douzaines de ces échecs (un portefeuille diversifié de dix de ces loonhsots a 65% de chances de produire au moins un gain; deux douzaines, une probabilité de 92%).

L’innovation de rupture à nouveau [Page 263]

Utilisez « l’innovation de rupture » pour analyser le passé. Encouragez les loonshots pour tester vos convictions.

Dans un article abordant la controverse récente concernant la notion d’innovation de rupture, Christensen explique pourquoi Uber n’est pas disruptif, selon sa définition, et pourquoi l’iPhone a également été conçu comme une innovation incrémentale. Au chapitre 3, nous avons vu qu’American Airlines – un grand acteur établi, et non pas un nouveau venu – a mené l’industrie du transport aérien après la déréglementation en proposant de nombreuses innovations « incrémentales », brillantes et destinées aux clients haut de gamme. Des centaines de jeunes compagnies aériennes à bas coûts, « innovateurs de rupture» , ont échoué.

Si le transistor, Google, l’iPhone, Uber, Walmart, IKEA et le Big Data d’American Airlines, ainsi que d’autres idées transformant le secteur, étaient tous au début des innovations viables et que des centaines d ‘« innovateurs de rupture » ont échoué, peut-être que la distinction entre incrémental et disruptif, bien qu’intéressante d’un point de vue académique ou rétrospectif, est moins essentielle que d’autres notions pour guider les entreprises en temps réel.

C’est au moins pourquoi je n’utilise pas cette distinction dans ce livre. J’utilise la distinction entre le type S et le type P parce que les équipes et les entreprises, ou toutes les grandes organisations, développent des croyances profondes, parfois consciemment, souvent pas, à la fois sur les stratégies et les produits. Peut-être que tout ce que vous êtes certain de savoir sur vos produits ou votre modèle d’entreprise est correct, et que les personnes qui vous racontent une idée folle qui remet en question vos convictions sont erronées. Mais que se passe-t-il si elles ne le sont pas? Ne préféreriez-vous pas découvrir cela dans votre propre laboratoire ou votre étude pilote plutôt que de le lire dans un communiqué de presse publié par l’un de vos concurrents? Combien de risques êtes-vous prêt à prendre en rejetant leur idée?

Nous voulons concevoir nos équipes, sociétés et nations afin de se nourrir des loonshots – de manière à maintenir l’équilibre délicat avec nos franchises – afin d’éviter de devenir comme l’empereur Qianlong. Celui qui a rejeté ces « objets étranges ou ingénieux », les mêmes objets étranges et ingénieux qui sont revenus entre les mains de ses adversaires, des années plus tard, et ont condamné son empire.