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Xavier Niel – Une sacrée envie de foutre le bordel

J’avais écouté Xavier Niel sur France Culture le 6 décembre dernier et j’avais eu la confimraiton d’un personnage relativement atypique. Interrogé en particulier sur Elon Musk, l’entrepreneur donna une réponse que je recopie du site Xavier Niel distingue chez lui l’entrepreneur, « probablement le meilleur du monde », et le personnage, « complètement fou et potentiellement dangereux ». Il loue sa volonté d’envisager des économies pour l’État américain : « s’il applique ces économies d’une manière raisonnée, pour baisser le coût de fonctionnement de l’État américain, je suis sûr que ça se passera très bien. Si, après, on commence à déborder, c’est n’importe quoi ! », nuance-t-il. Selon Xavier Niel, ce n’est pas tant le fait de payer 45 milliards Twitter pour s’approprier le réseau social qui pose un problème, mais plutôt le fait que le produit prenne l’image de son propriétaire, « ce qui à ce moment-là est moins emballant », considère le patron de Free. Le prix ne me choque pas s’il met en place un plan qui va faire que cette société dégage de l’argent. La finalité d’une société, c’est qu’elle agrège trois parties : des salariés, des clients et des actionnaires. Par conséquent, il faut que ces trois parties soient contentes. Or, les clients ne sont pas contents dans son cas ». Dans le dialogue qu’il établit avec Jean-Louis Missika, on retrouve un personnage assez passionant qui emploie les « ouai » et « nan » comme s’il était encore le gamin de Crétail d’où il a grandi. Le personnage est milliardaire mais son parcours ne l’a pas empêché de (ou peut-être l’a aidé à) rester les pieds sur terre contrairement à certains de ses homologues de la Silicon Valley.

J’ai aimé ce livre qui ne donne pas de conseils mais permet de comprendre certaines choses du personnage et de sa vision de l’entrepreneuriat. Un premier exemple : Je crois que la jeunesse d’esprit est essentielle. On la trouve plus souvent chez les jeunes, parce que quand on vieillit, on s’embourgeoise, on se sclérose. La jeunesse d’esprit permet de créer des trucs incroyables. T’as pas encore les contraintes qui s’imposent à toi quand tu veillis. Avec l’âge, la société t’impose des limites, tu n’as plus l’optimisme ou le rapport au risque que tu as dans la jeunesse. Alors que quand t’as 20 ans, que tu sors de ton école, t’as envie de bouffer le monde; t’as envie de faire des trucs de ouf. [Page 35]

Au delà des explications habituelles sur ce monde, Niel exprime un optimisme à toute épreuve. Quand j’ai commencé à investir dans les startup, j’étais persuadé que tous les entrepreneurs allaient cartonner, qu’ils allaient tous créer des boîtes énormes. Bon, y a eu quelques désillusions, mais tu vois le truc. Dans un autre genre, je pensais que Poutine agitait la menance d’une invasion de l’Ukraine mais ne passerait jamais à l’acte. Tout comme j’ai pensé que le Covid serai terminé en 3 jours, et que le Brexit n’aurait jamais lieu. Je suis une catastrophe ambulante en matière de prévisions, parce que je suis trop optimiste. Il y a des gens qui emploient le mot « génie » pour parler de moi ; c’est ridicule, je ne suis absolument pas un génie. J’ai deux forces, qui sont basées justement sur mon absence d’intelligence : la simplification des problèmes, et la naïveté. […]
JLM : Et quand ça rate ?
XN : Et quand ça rate, j’oublie et je passe à autre chose. Parce que si tu te laisses décourager par tes échecs, ou si t’écoutes tous ceux qui te disent « c’est impossible », tu ne fais rien. […] Quand j’ai créé Station F, j’espérais accueillir 1000 start-up. Et François Hollande, à qui je présente le projet, me dit : « Mais vous êtes sûr qu’il y a 1000 start-up en France ?  » Et bah, tu sais quoi, à l’époque, je m’étais jamais posé la question ! Pourtant c’est une question logique, j’aurais dû y penser, faire une étude de marché, ce genre de trucs.
[Page 39]

L’important c’est pas le projet, c’est le fondateur. [Page 133]

Avec Kima, ouais, on a une méthode. On répartit les risques. On investit de petits montants – environ 150000 euros – dans une centaine de start-up chaque année. Entre les échecs et les reventes, on doit être à 1500 participations.
JLM : Moins d’une cinquantaine qui marchent sur 1500, ça ne fait pas beaucoup…
XN : Ca fait partie du jeu. oui, tu te trompes, et tu te trompes souvent. […] On ne finance pas le succès, on finance le progrès. […] De tous mes investissements, [Square] est la performance la plus spectaculaire. Je crois qu’on a fait x1000. […]

Les Américains que je connais qui ont eu du succès avec leur start-up, ils étaient tous développeurs. [Page 139]

Non seulement ils avaient eu l’idée de leur produit, mais ils avaient aussi développé eux-même leur logiciel, leur site ou leur appli. Google, Facebook, Snapchat, ils ont tous été créés comme ça : par des gens qui codaient leurs propres produits. D’où cette idée qu’une start-up a plus de chances de réussir quand y a un codeur parmi ses fondateurs. C’est pour ça que j’ai créé 42.
[alors que] les fondateurs de licornes, je les adore hein, mai ils ont toujours un peu les mêmes têtes : trois mecs blancs qui ont fait une école de commerce [page 145]

Etre entrepreneur c’est [page 146]

choisir ce que tu fais de la journée. Si t’as pas envie de faire un truc, tu le fais pas. Tu crées ton propre job. Y a pas de plus grande liberté. Ca va, c’est assez convaincant ?
JLM : Plutôt. Mais tu oublies la pression…
XN : L’important c’est pas ça. l’important c’est ce que tu es capable de créer. […] Pour moi cette volonté de créer quelque chose à partir d’une idée, de regrouper des gens différents pour apporter quelque chose à la société, créer de la valeur, inventer un produit différent, aider les plus démunis. L’entrepreneuriat, c’est une démarche, un état d’esprit. T’as pas besoin de monter une boîte pour être entrepreneur. Tu lances une asso, un projet, un compte sur les réseaux sociaux avec une vraie ligne éditoriale ? Pour moi t’es un entrepreneur. L’entrepreneuriat, ça ne concerne pas que le business. Tu peux être entrepreneur dans l’humanitaire, le social, l’éducation, l’environnement, et j’en passe.

Un désir de revanche ? [Page 204]

Le goût du jeu se suffit à lui-même. Pas besoin de faire de la psychologie. Tout le monde aime jouer; ce sont les terrains de jeu qui différent. Le mien a été le marché des télécoms. Tout est un putain de jeu. Un jeu éternel, auquel les gens jouent depuis le commencement du monde. Alors je joue, et quel que soit le jeu, je veux gagner. Je veux être le premier. C’est plus ou moins long, parfois tu te fais doubler. Et puis tu te rattrapes. C’est ce qui donne du piment à la vie.

[…] Quand j’essaie de comprendre pourquoi j’ai raté, ce n’est pas parce que je regrette d’avoir perdu de l’argent. C’est parce que je veux être numéro un. […] Nan, j’aime gagner tout court. L’argent n’est que le signal que tu as gagné une partie, parce que tu joues avec de l’argent. [Page 205]

Niel n’est pas naïf. C’est même un combattant. Quand il est revenu à Créteil parler aux mômes C’est pas simple d’accrocher leur attention. On est plutôt des blancs, des vieux, voire des vieux cons. Alors j’ai un truc pour les réveiller. Je leur dit : « Voilà, moi aussi, je suis allé à l’école à Créteil, et après je suis allé en prison. » Et là d’un seul coup, les mômes se réveillent. [Page 22] Il reconnait aussi « Moi, depuis tout petit, je voulais gagner de l’argent » [page 15] alors que ses premiers mots de l’entretien sont « Franchement, j’ai eu l’enfance la plus heureuse du monde. On était une famille très unie. Je te jure, tout était parfait. j’étais tellement heureux que je pensais que j’étais le roi du monde, et que mes parents me le cachaient pour que je puisse avoir uen vie normale. »

Mes amis les plus proches sont des entrepreneurs, des Américains dont certains ont créé des réseaux sociaux ou d’autres sont investisseurs. J’aime les entrepreneurs parce qu’ils sont différents, parce qu’ils ont un petit grain, parce que je me fais pas chier avec eux : les gens me voient comme un milliardaire, mais moi, je me vois comme un entrepreneur. [Page 222]

Comment expliquer les débordements des entrepreneurs ? [Page 227]

JLM : Quand Elon Musk défie Mark Zuckerbeg pour un combat de MMA, tout le monde rigole mais il ridiculise l’écosystème. De façon moins visible, les prises de position de Peter Thiel ou de Marc Andreessen sont tout aussi sulfureuses, et donnent le sentiment d’une caste qui se croit au-dessus du commun des mortels. Tu les connais un peu, comment expliques-tu ces débordements ?

XN : Les gens que t’as cités sont super différents les uns des autres. T’en as qui sont un peu fous et qui estiment disposer d’une intelligence supérieure. Et t’en as d’autres qui sont un peu des enfants dans la cour de récré. C’est … spécial : mais ça n’empêche pas qu’ils aient leur charme et qu’ils soient intéressants. […] Mais ils ne sont pas tous comme ça. Et d’ailleurs ils ont quitté la Silicon Valley. C’est uen partie de l’écosystème. Très bruyante certes, mais une partie seulement.

JLM : Les autres on ne les entend plus. Ils sont aux abonnés absents.

XN : C’est faux, ils font juste autre chose. Et puis si tu prendds le patron actuel de Google, Sundar Pichai, c’est un immigré indien qui ne s’estime pas supérieur au reste de l’humanité. Je ne connais pas ses idées politiques, mais je suis sûr qu’elles sont assez différentes de celles d’Elon Musk. […] Elon Musk ne représente que lui-même. Il s’est enfermé dans un personnage d’extrémiste transgressif et je ne sais pas comment il va s’en sortir. Parce qu’à force de dire des conneries, vient le moment où tu le payes. La moralité c’est que tu peux être à la fois un entrepreneur brillant et un sale con.

Tu sais quand tu parles avec eux, tu te retrouves dans un monde irréel, où l’innovation de rupture est toujours pour demain matin. Combien de fois j’ai entendu dire que la fusion nucléaire, c’est dans un an. Pareil pour la captation de carbone. C’est ce qui fait la force des entrepreneurs : pour eux, si on on n’essaie pas, on n’a aucune chance de réussir. Alors il essayent, encore et encore. C’est pour ça que, malgré tous leurs défauts, j’aime autant ces gens.

En guise de conclusion

J’ai déjà abordé le sujet des dérives de la Silicon Valley, par exemple ici. Ses excès m’attristent et pourtant, j’ai une fascination certaine pour les réalisations de ses entrepreneurs. C’est sans doute la même raison pour laquelle j’ai aussi apprécié la lecture de Une sacrée envie de foutre le bordel. On pourra ne pas être du tout d’accord avec Xavier Niel. On pourra ne pas être d’accord avec tout ce que dit Xavier Niel. Le livre est riche en anecdotes passionantes et aussi en points de vue discutables, il faut simplement se souvenir que l’homme est optimiste et défend la liberté presque sans limite. Sa limite est la loi, et encore… pas à ses débuts.

Je fais un pas de côté. Ma chérie m’a fait découvrir les débuts du groupe MGMT à travers un article de FIP MGMT : une vidéo magique de « Kids » en 2003 fait surface

Le livre de Xavier Niel a un peu cet effet. On retrouve souvent l’enfant derrière le milliardaire, son ton, ses passions. On découvre que l’entrepreneur est un cataphile. Il s’y aventure environ une fois par mois; beaucoup plus quand il était jeune …

La dernière phrase du livre [page 300] : Putain, c’est quand même indécent, la chance que j’ai eue !

PS. Pour ceux que politique et Silicon Valley intéressent, un séminaire tout au long du premier semestre 2025 semble avoir un programme alléchant : Capitalisme numérique et idéologies.

Silicon F…! Valley

C’est un podcast de de France Culture qui m’a fait connaître la nouvelle série d’Arte, Silicon Fucking Valley. J’en extrais deux phrases : « Des histoires parfois connues mais toujours nécessaires à rappeler pour participer à notre culture numérique et permettre a tout à chacun de pouvoir un peu décoder notre monde connecté » et « J’ai eu un peu plus de mal avec le rythme parfois effréné des épisodes coincés dans 15 petites minutes. Une voix off, très présente qui accompagne un peu trop le spectateur qui gagnerait par moment à respirer pour trouver le temps de construire sa propre pensée. L’écriture épouse les recettes des vidéos publiées sur les réseaux sociaux dont l’objectif est de capter l’attention. »

Et j’ai envie d’ajouter sans, j’espère, passer pour le grincheux de service que la série est parfois paresseuse à force d’inexactitudes, certes sans grande importance mais tout de même:
– pourquoi dire que le campus de Stanford (7km2) fait le tiers de la surface de Paris (qui fait 100km2) ?
– pourquoi dire que les diplômes de cette université sont remis sur le Quad alors qu’ils sont plutôt remis dans le stade où Steve Jobs a fait son célèbre discours (1er article de ce blog) ?
– pourquoi dire que les frais de scolarité se montent à $80’000 alors qu’ils sont de $65’000 tout de même (en oubliant d’ajouter qu’au niveau Master, je pense qu’une majorité d’étudiants a une bourse ou un sponsor…) ?
– pourquoi dire que le Computer History Musuem est à Menlo Park alors qu’il est à Mountain View ?

Si l’on oublie ces détails et ce rythme forcené, alors, oui, il y a des choses très intéressantes. Vous y découvrirez donc Luc Julia et Adam Cheyer à l’origine de Siri issu du SRI (voir CALO), une startup vendue à Apple pour « $200M selon la rumeur » et qui ne m’a pas laissé de très bons souvenirs car l’EPFL aurait dû toucher une plus grosse part du gateau lors de cette vente. Julia a raison, c’était de la daube. Le F… word est de circonstance !

Vous y découvrirez aussi Curious Marc. On vous rappelle aussi ce que fut la « Mother of All Demos » (à l’étrange acronyme). Et plus sérieusement l’évolution récente avec les GAFAs. En voici deux illustrations : le nombre d’acquisitions de chacun de ses acteurs et le montant des amendes payées en Europe et aux USA.


Il y est aussi question de capital-risque et de la mythique San Hill Road

Et malgré toutes les bêtises pour ne pas dire plus du fondateur de Tesla, la série confirme ce que j’avais découvert il y a quelques années sur la démographie des parkings : Le phénomène Porsche et les spin-offs universitaires ! Ou le phénomène Tesla ?

Mais l’épisode le plus touchant reste le 6e sur les écarts de richesse, « pour un développeur tech, il y a six pauvres qui font le ménage, servent dans les cafétérias, assurent la sécurité, conduisent les Google bus » et ont le choix entre faire 6h de route par jour ou dormir dans une tente ou un camping car sur le bord de la route. Le titre est alors parlant, Silicon Fucking Valley.

PS (24/11/2024) : comme je le mentionne souvent, le meilleur documentaire que je connaisse sur la région reste SomethingVentured, voir https://www.startup-book.com/fr/2012/02/08/something-ventured-un-film-passionnant/

Les géants de la tech : rien ne change sauf leur nom !

J’adore les données et j’aime les analyser au niveau micro (tableaux de capitalisation) et macro (chiffre d’affaires, revenus, employés). Mais je suis surpris de découvrir que je n’avais pas posté à ce sujet depuis 2021 :
Tesla, Google et Facebook ne semblent pas souffrir de la crise, montraiyt la croissance de ces géants en février 2021,
Les plus grandes sociétés de technologie en Europe et aux USA en 2020 comparait environ 30 entreprises américaines et 15 européennes en janvier 2021.

Ce que j’ai mis à jour ci-dessous ne montre pas beaucoup de changement, sauf peut-être que Google est Alphabet et Facebook est Meta. Tesla n’a pas changé de nom mais Twitter est X ! Donc, sans trop de commentaires, voici d’abord les plus grandes entreprises technologiques en Europe et aux États-Unis en 2024 :


La conclusion est la même : les entreprises américaines sont environ 10 fois plus grandes en termes de capitalisation boursière et de ventes, et 5 fois plus grandes en termes de nombre d’employés. Je crains même que l’écart ait grandi… J’aime aussi les trois graphiques suivants qui illustrent les similitudes dans la croissance des entreprises.



Peut-être que tout cela n’est pas si bon que ça et a contribué à la destruction de la planète sans que nous en soyons conscients. Peut-être que l’innovation ne résout pas grand-chose et détruit beaucoup. Ce ne sont que des chiffres qui donnent matière à réflexion.

Au-delà de l’idéologie de la Silicon Valley

J’avais mentionné dans mon post précédent cette anthologie d’articles établie par Loup Cellard et Guillaume Heuguet. Constituée de six articles (dont 5 traduits) et d’une longue introduction des auteurs, il s’agit d’une plongée des plus intéressantes dans ce que représente cette région d’un point de vue historique et politique.

Voici donc ce que j’ai noté ou retenu :

– les auteurs nuancent l’influence de la contre-culture dans les origines de la Silicon Valley. « Le pouvoir économique et la culture de L’innovation technique de la région précédent de loin le mouvement hippie. » [page 18] puis « les contrats gouvernementaux ou l’existence d’un surplus de capital devraient sans doute se voir accorder autant d’importance que les imaginaire utopiques » [page 19].

– Les auteurs vont plus loin quant aux velléités idéologiques des entrepreneurs de la Silicon Valley. J’ai déjà exprimé un certain scepticisme sur le sujet mais le débat reste intéressant. Les auteurs mentionnent à ce sujet un autre ouvrage que je ne connais pas Une histoire politique de la Silicon Valley de Fabien Benoit. Je ne crois pas que l’affirmation qui suit soit correcte : « L’université de Stanford, spécialisée en sciences dures, a la particularité de ne pas réclamer de droits de propriété intellectuelle sur les brevets pourtant développés dans ses murs. » [Page 19] Le sujet est pourtant connu (voir ici) et je suis surpris d’une telle affirmation. Mariana Mazzucato est aussi appelée à la rescousse de l’argumentaire et si j’ai là aussi exprimé des nuances fortes, on ne peut guère douter de l’influence de Fred Terman, de HP et du MIT bien avant l’émergence de la contre-culture.

– Dans la même introduction, il est rappelé la lettre ouverte de Bill Gates aux Hobbystes du Homebrew Computer Club.

Cette introduction des auteurs est passionnante et on a à nouveau la confirmation de la complexité de la genèse de la région où des hippies à la Wozniak et des ingénieurs à la Noyce ont collaboré souvent dans le plus grand respect. (Cf à nouveau cet article pour les curieux, The tinkerings of Robert Noyce)

– Les articles sur le design sont surprenants tant le sujet a été à la mode (et m’avait jusqu’ici laissé circonspect et silencieux). Le chapitre De si vieilles promesses de Fred Turner est une analyse intéressante des liens entre prototypage et puritanisme protestant ! Celui de Ruha Benjamin intitulé Le design est complice va beaucoup plus loin. J’en retire les affirmations fortes qui suivent : « Design Thinking is Bullh*t » et l’auteur « exhorte les praticien.nes à éviter le jargon et les mots-clés à la mode et à s’engager davantage dans l’autocritique : quels sont les effet théoriques et pratiques de l’utilisation du langage du design pour décrire tous nos espoirs, nos rêves, cos critiques et nos visions du changement ? Qu’est-ce qui est gagné et par qui dans le processus qui revient à associer des choses aussi hétérogènes sous la rubrique du design? » […] Je pense que l’une des raisons pour lesquelles il règne est qu’il a réussi à plier tout et n’importe quoi sous ses ailes agiles.

– Les auteurs sont très critiques de certaines personnalités de la région qu’ils associent au monde ancien. Les réactionnaires investissent de Charlie Tyson est une analyse intéressante de Peter Thiel qui aimerait se présenter comme un intellectuel. Et de conclure « L’homme lui-même reste un mystère […] qui nous offre le spectacle d’un esprit brillant logé dans une personnalité difforme, un homme qui a transformé sa philosophie de salon en une vision imposée du monde ». Le chapitre suivant, Le Capital ne risque rien de Fabien Foureault est une description assez correcte de l’histoire du capital-risque. Le seul reproche que je ferai est que le passage des racines américaines à l’histoire de l’activité en France en oublie un peu les risques pris par les pionniers dans les années 60 et 70. La critique du capital-risque reste bien argumentée comme suit. Sur trois critères majeurs, le VC est critiqué :
+ un caractère dysfonctionnel qui empêche la stabilité par des cycles d’emballement et d’effondrement (boom & burst)
+ une utilité sociale absente en allant vers une rentabilité à court terme qui oublie les enjeux fondamentaux (climat, santé abordable)
+ Une activité peu rentable, au mieux avec un faible rendement de 8% sur le long terme. J’ai découvert un chercheur, Ludovic Phalippou, très critique du Private Equity en général dont l’absence de transparence conduit à des performances sans doutes très surestimée. Je vous encourage à lire How Ludovic Phalippou Became the Bête Noire of Private Equity. Le post-sciptum fera sans doute sourire les amateurs et les connaisseurs du capital-risque français…

– Que dire alors des deux derniers chapitres ? Ils sont tout simplement passionnants. Tout d’abord L’optimisation remplace le progrès de Orit Halpern et Robert Mitchell. J’avais l’intuition que l’optimisation, sujet qui m’est cher puisqu’il fut au cœur de ma thèse de doctorat, touchait aux limites du progrès. On ne cherche plus le meilleur, mais à être smart, intelligent, que ce soit la ville, la mobilité, l’éducation et la guerre. Le meilleur étant inaccessible, on cherche simplement à faire mieux, et souvent tout en minimisant les ressources et les coûts… et à être résilient, que les auteurs décrivent comme étant la capacité non pas à être robuste dans un système stable, mais à survivre et gagner dans un système incertain et en déséquilibre. La disruption n’est pas loin. La conclusion du chapitre peut faire peur : « au lieu de rechercher des réponses utopiques à nos interrogations concernant l’avenir, nous nous concentrons sur des méthodes quantitatives et algorithmiques et sur la logistique : comment déplacer les choses du point A au point B, plutôt que de se demander où elles devraient arriver (ou si elles devraient même se trouver là) » [page 129].

– Le dernier chapitre s’intitule L’apocalypse remplace l’utopie de Dave Karpf. Il y est question du longtermisme. « La valeur morale de la vie humaine d’aujourd’hui n’est pas différente de celle des post-humains potentiels qui pourraient venir à exister dans un lointain avenir. A partir de ce postulat, ils en viennent à des conclusions fantasques et contre-intuitives. Ils affirment que la croissance économique, le progrès technologique et la prévention des risques existentiels, c’est à dire des risques susceptibles d’anéantir l’Humanité (frappes d’astéroïdes, super virus mortels, intelligence artificielle hostile, etc) comptent au plus haut point pour l’Humanité. Améliorer la situation de l’Humanité d’aujourd’hui en s’attaquant aux inégalités systémiques, en guérissant le cancer et en prévenant le paludisme sont des initiatives de moindre importance. Les humains d’aujourd’hui ne sont que les précurseurs d’un avenir post-humain disséminé dans l’espace. » Les promoteurs de telles idées sont connues et l’auteur parle d’Idéologie californienne. J’aimerais penser qu’elles en sont que dans la t^te de quelques esprits déformés. L’auteur conclut ainsi : « Nous devrions dès lors reconnaître le longtermisme comme un mouvement de pensée pernicieux. C’est une philosophie qui dit que nous ne devons pas nous préoccuper du sort, de la dignité ou des injustices subies par des personnes qui vivent aujourd’hui, parce que ces personnes ne comptent pas plus que celles qui vivront dans des millénaires. […] C’est une recette qui excuse trop facilement la cruauté, la souffrance et les préjudices sociaux.

Il s’agit donc d’un petit ouvrage passionnant, qui ne décrit pas la Silicon Valley, mais à travers ses racines et ses ailes, quelques uns de ces excès le plus étonnants. Et comme je le disais dans mon précédent post, cela ne représente pas forcément la majorité, mais du moins une minorité, peut-être infime mais sans aucun doute très et trop visible.

PS: pour ceux qui ne seraient pas intéressés par les longues analyses, voici une vidéo assez drôle

La gauche et la tech dans la Silicon Valley

C’est un article d’Olivier Alexandre pour la Tribune qui a généré ce post. Ce sociologue du CNRS que j’ai déjà mentionné ici tant j’apprécie ses analyses de la Silicon Valley résume sur sa page LinkedIn une interview intitulée La tragédie est que la Silicon Valley en vient à pousser des programmes réactionnaires.

J’ai voulu répondre sur LinkedIn mais ce site limite la longueur des commentaires. Voilà ce que j’aurais souhaité écrire : Il y aurait peut-être un livre à écrire sur la gauche et la tech, en particulier dans la Silicon Valley. Si la Silicon Valley a toujours été une région progressiste, du moins au nord vers San Francisco et Berkeley, je n’ai pas le souvenir d’avoir rencontré beaucoup de « gens de gauche » à Stanford ou dans les entreprises de la tech. Sans oublier qu’être de gauche aux Etats Unis n’a sans doute pas tout à fait le même sens qu’en Europe. La composante individualiste, voire anarchiste (je préfère ne pas parler des libertariens dont je ne suis pas sûr qu’ils représentent un grand nombre de personnes) reste très forte chez les Républicains et les Démocrates qui semblent toujours un peu se méfier du pouvoir central, pouvoir central dont l’attraction reste une particularité très française au contraire. Il y a bien eu le diner offert par Obama à la Maison Blanche avec l’élite de la tech, https://www.startup-book.com/2011/03/28/the-whos-who-of-silicon-valley/ et il est de manière anecdotique assez amusant de voir dans les dons aux partis (voir par exemple ici https://www.opensecrets.org/industries/contrib?cycle=2024&ind=F2500) que les deux grands fonds historiques du capital risque américain penchent différemment, Sequoia vers les Républicains et Kleiner Perkins vers les Démocrates, même en 2024. Il ne faut tout de même pas s’étonner que les entrepreneurs soient plutôt de droite, cela me semble assez universel.

Quand on regarde en arrière, dans les débuts de la Silicon Valley, il me semble que les grands entrepreneurs du semi-conducteur comme Robert Noyce sont plutôt des Républicains bon teint, qui vont surtout essayer d’influencer Washington pour protéger leur industrie contre la concurrence japonaise. Plus récemment Kleiner Perkins avait recruté Colin Powell comme partenaire (https://www.nytimes.com/2005/07/13/business/colin-powell-joins-venture-capital-firm.html), qui n’était pas connu pour être un ministre très à gauche. Enfin, je n’ai jamais vraiment vu les fondateurs d’Apple ou Google prendre position sur quelque sujet politique que ce soit, mais j’ai noté à quel point toutes ces entreprises depuis Intel à Google avait une « peur bleue » de voir les syndicats s’installer chez eux. La politique semble plutôt absente. Peut-être Fred Turner pourrait nous informer sur le sujet et écrire le livre dont je parle s’il n’existe pas déjà ?

Et un article de blog permet d’aller plus loin, alors je continue. Je parle de temps en temps de politique, comme le tag #politique l’indique mais sans doute pas assez. Je suis à tort ou à raison resté à distance du militantisme et des prises de positions, tout comme d’ailleurs un grand nombre de personnes du monde de la technologie et de la Silicon Valley, je vais y revenir. Mais à nouveau, vous pouvez parcourir les articles liés au tag qui précède. Je viens aussi de commander l’ouvrage intitulé Au delà de l’idéologie de la Silicon Valley après avoir lu celui de la revue Esprit il y a quelques années.

Que dire de plus ? J’ai découvert un autre site qui ne donne pas les montants des dons des personnes aux campagnes politiques, mais un portrait des personnalités de la tech, dont leurs inclinations politiques. C’est assez intéressant. On y trouve les portraits de Larry Page, Sergey Brin, les deux fondateurs de Google, de John Doerr (Kleiner Perkins) et Michael Moritz (Sequoia). les quatre penchent vers le centre gauche ou la gauche du centre, mais de manière plutôt discrète.

Plus récemment une longue analyse de la région montrait qu’elle est plutôt progressiste et démocrate, sauf sur un point celui de la régulation : The vast majority of tech entrepreneurs are Democrats — but a different kind of Democrat (La grande majorité des entrepreneurs de la tech sont des Démocrates, mais un différent type de Démocrate).

J’avais beaucoup aimé Hillbilly Elegy de JD Vance. Je le savais républicain, mais le pensais modéré et anti-Trump. Quelle déception, pour ne pas dire quel triste sire. Alors bravo à Jennifer Aniston pour sa récente critique : Jennifer Aniston criticizes JD Vance for ‘childless cat ladies’ remarks: ‘I pray that your daughter is fortunate enough to bear children’. Il y a aussi les positions (trop?) connues de Peter Thiel ou Elon Musk, mais à nouveau, je ne sais pas s’ils représentent une opinion majoritaire de la tech. Sait-on que Jeff Skoll fondateur de eBay est devenu un producteur de films particulièrement intéressants pour ne pas dire brillants ?

La politique devrait autant appartenir à ceux qui parlent et agissent discrètement qu’à ceux qui parlent si fort qu’on finit par croire qu’ils représentent l’opinion de la majorité…

La stratégie du Cafard selon Serge Kinkingnéhun

Je suis régulièrement les publications de Serge Kinkingnéhun dont je note les affirmations fortes telles que « I apply the properties of the cockroach to startups to make them invulnerable » alors j’ai parcouru avec délice son récent livre La stratégie du Cafard, dont le sous-titre est aussi fort : « Cafard peut-être, mais je crée des startups rentables »

Alors pourquoi aimer tant les cafards (plutôt que les licornes) ? L’auteur fait référence a un article de Catarina Fake datant de septembre 2015 : The Age of the Cockroach dont je traduis un bref extrait : Une épidémie arrive qui va tuer les licornes. Des valorisations gonflées et insoutenables, un marché boursier fragile, une Chine faible et les conséquences d’un enthousiasme excessif sont tous des signes d’inévitabilité. Qui survivra ? Comme toujours, les Cafards moins glamour, mais très robustes.

Il aurait pu citer Paul Graham qui dès 2008 écrivait sur son blog : Heureusement, la manière de protéger une start-up contre la récession est de faire exactement ce que vous devriez faire de toute façon : la gérer au moindre coût possible. Depuis des années, je dis aux fondateurs que la voie la plus sûre vers le succès est d’être les cafards du monde de l’entreprise. La cause immédiate du décès dans une startup est toujours le manque d’argent. Ainsi, moins votre entreprise coûte cher à exploiter, plus il est difficile de la tuer. Et heureusement, gérer une startup est devenu très bon marché. Une récession la rendra encore moins coûteuse. Et à ce sujet, le fondateur d’AirBnB était fier d’être traité comme tel par le fondateur de YCombinator : Étonnamment, Paul [Graham] nous avait dit : « Si vous parvenez à convaincre les gens de payer 40 dollars pour une boîte de céréales à 4 dollars, vous pourrez peut-être inciter des étrangers à rester chez d’autres étrangers. » Il aimait aussi le fait que nous soyons résilients, nous traitant de « cafards ». Au milieu d’un hiver nucléaire d’investissement, il croyait que seuls les cafards survivraient, et apparemment, nous en faisions partie. Plus ici.

Serge Kinkingnéhun dédie son livre à tous les entrepreneurs qui veulent rester libres ! en ajoutant Vivre libre ou mourir. Veut-il indiquer qu’être un cafard est une manière d’être heureux parce qu' »invulnérable » ? L’auteur rappelle avec pertinence un certain nombre de fondamentaux de l’entrepreneuriat. Son chapitre 2 est intitulé Une startup c’est d’abord une entreprise [Page 20]. Pourtant ce n’est pas exactement ce que Steve Blank explique ici. Qu’une startup soit une entreprise ou une entreprise en devenir, il y a un consensus sur la nécessaire survie de l’organisation et que sa nourriture principale est l’argent dont l’usage doit être optimal.

Serge Kinkingnéhun donne une multitude d’excellents conseils tels que la réponse au titre du chapitre trois Quand démarrer sa startup ? [Page 103] : le plus tard possible, c’est à dire lorsque des rentrées d’argent exigent la création d’un compte en banque. Il explique Comment vendre sans produit ni service (Page 27]. Il explique aussi Comment trouver des financements non dilutifs [Page 129] Et de citer de nombreux exemples tels que KFC, Free de Xavier Niel, MailChimp, CoolMiniOrNot (CMON) pour ce qui est de la stratégie de crowdfunding pour cette dernière.

Je ne dois pas donner l’impression d’une fascination démesurée pour les cafards. En effet ! Le livre reste très focalisé sur une situation particulière et bien française; à savoir que la puissance publique à coup de subventions (les bourses multiples) et de fiscalité favorable (le Crédit Impôt Recherche par exemple) permet la survie des entreprises. Je ne suis pas sûr qu’elle favorise la croissance, même lente. De plus les exemples donnés sont toujours fascinants mais pas forcément exemplaires. Cmon, Mailchimp, Free semblent avoir été possibles parce que les fondateurs avaient (eu) une activité entrepreneuriale facilitant le lancement de la nouvelle. Le monde de l’alimentation et ou de la grande distribution montre une très grande proportion d’entreprises non cotées comme indiqué sur Wikipedia, entreprises qui à leur manière ont sans doute commencé comme les cafards de Serge Kinkingnéhun.

En réalité les entrepreneurs sont souvent des cafards. Dans la high-tech, il n’y a pas eu que MailChimp. Il y a eu GoDaddy, Navision, ou plus célèbre encore Oracle ou Microsoft, des entreprises qui ont pu croître de leurs revenus sans faire l’usage de levées de fonds (ou très faibles). Il ne fait aucun doute qu’il s’agit bien de la manière la plus solide de croître. Je ne suis pas convaincu que toute la technologie mondiale aurait pu arriver à ce stade sans le modèle particulier du capital-risque dont l’auteur montre bien les limites. Les investisseurs sont impatients, parfois incompétents. Il vaut donc mieux savoir avec qui on traite et comment.

Mais je reste prudent sur le fait que l’inventivité et la frugalité seraient des alternatives exclusives aussi prometteuses que ce que le capital-risque a apporté au monde de la technologie depuis une cinquantaine d’années. Le VC a une histoire et une raison d’être. Il a des excès aussi. Mais je continue à penser que son existence découle d’une nécessité de trouver un moyen de lancer une entreprise avant que les revenus des clients soient envisageables. Intel, Apple, Google sont sans doute nés de cette contrainte. L’inventivité et la créativité ont fait aussi partie de leur histoire. Je ne suis donc pas convaincu que l’on puisse systématiquement créer des startup rapidement rentables.

(Et autre parenthèse qui mériterait un article, j’aime tout aussi peu les licornes qui sont le résultat d’une déviance du monde du financement des startups, par l’arrivée d’acteurs exubérants qui ont oublié ou ne connaissaient pas les règles du financement des startup, basées en effet sur l’inventivité et la frugalité… c’est un autre sujet. Vous pouvez par exemple aller sur How Venture Capitalists Are Deforming Capitalism.)

Autre nuance d’importance : je ne suis pas entrepreneur et Serge Kinkingnéhun l’est. Il n’y a sans doute pas non plus une seule typologie d’entrepreneurs comme l’auteur l’indique. Ce qui est important est que les actes soient en harmonie avec la personnalité, les ambitions, les intentions des acteurs.

PS: Dans un article sur LinkedIn, l’excellent et drôle Michael Jackson mentionne la rareté des IPOs dans le logiciel depuis quelques années.

Les raisons d’une telle rareté ont à voir avec le financement des startups et les modes de sortie sur les marchés tels que le Nasdaq. Il serait intéressant de vérifier combien d’entre elles furent des cafards. je n’ai pas la réponse. D’une manière plus large, j’ai noté que sur les plus de 900 startup dont j’ai recréé la table de capitalisation, seules 6 n’avaient pas levé de fonds auprès d’investisseurs privés.

Comment créer Google selon Paul Graham

J’ai (comme souvent) beaucoup aimé un article publié par Paul Graham sur son blog en mars dernier, intitulé How to Start Google. Alors je me suis décidé à le traduire et le publier ici (en informant Paul Graham de mon intention…) Voici donc.

Comment Créer Google

Mars 2024 – Paul Graham, traduit en juin 2024

(Ceci est une présentation donnée à des jeunes de 14 et 15 ans sur que faire aujourd’hui s’ils envisagent de créer une startup plus tard. De nombreuses écoles pensent qu’elles devraient dire quelque chose sur les startups à leurs étudiants. Et bien voici ce que je pense qu’elles devraient leur raconter.)

La plupart d’entre vous pensent sans doute que quand vous êtes lâchés dans le soi-disant monde réel, vous devrez trouver un travail. Ce n’est pas vrai, et aujourd’hui je vais vous donner la combine à utiliser pour éviter d’avoir jamais à trouver un travail.

La combine est de lancer sa propre entreprise. Ce n’est donc pas une combine pour éviter de travailler, parce que si vous lancez votre propre entreprise, vous travaillerez plus dur que si vous aviez un travail ordinaire. Maus vous éviterez de nombreuses choses ennuyeuses qui viennent avec un travail, y compris un bois qui vous dit quoi faire.

C’est plus excitant de travailler sur son propre projet que sur celui de quelqu’un d’autre. Et vous pouvez aussi devenir beaucoup plus riche. En fait, c’est la façon classique de devenir vraiment riche. Si vous regardez les listes des gens les plus riches qui sont publiées de temps en temps dans la presse, presque tous le sont devenus en lançant leur entreprise.

Lancer son entreprise peut dire beaucoup de choses, depuis lancer un salon de coiffure à créer Google. Je vais parle ici d’un des extrêmes du spectre. Je vais vous raconter comment commencer Google.

Les entreprises comme l’extrême de Google sont appelées des startups quand elles sont jeunes. La raison pour laquelle je les connais et que ma femme Jessica et moi avons lancé quelque chose appelé Y Combinator, qui est basiquement une usine à startup. Depuis 2005, Y Combinator a financé plus de 4000 startups. Et donc nous savons exactement ce qu’il faut pour lancer une startup, parce que nous avons aidé des gens à le faire depuis 19 ans.

Vous avez peut-être pensé que je plaisantais quand j’ai dit que j’allais vous raconter comment créer Google. Vous vous êtes peut-être dit « Comment pourrions-nous créer Google ? » Mais c’est exactement ce que les personnes qui ont créé Google ont pensé avant de le faire. Si vous aviez dit à Larry Page et Sergey Brin, les fondateurs de Google, que l’entreprise qu’ils étaient sur le point de lancer vaudrait un jour mille milliards de dollars, leur tête aurait explosé.

Tout ce que vous savez quand vous commencez à travailler à une startup c’est que cela semble en valoir la peine. Vous ne pouvez pas savoir si elle deviendra une entreprise valant des milliards ou qui fera faillite. Donc quand je dis que je vais vous raconter comment lancer Google, je veux dire que je vais vous raconter comment arriver au point où vous pouvez créer une entreprise qui a autant de chance d‘être Google que Google avait d’être Google. [1]

Comment aller d’où vous êtes aujourd’hui au point de pouvoir lancer une startup qui sera un succès ? Il faut trois choses. Il faut être bon dans un quelconque domaine technologique, il faut une idée de ce que vous allez bâtir, et il faut des cofondateurs avec qui lancer l’entreprise.

Comment devient-on bon dans une technologie ? Et comment choisir la technologie dans laquelle s’investir ? il se trouve que les deux questions ont la même réponse : en travaillant sur des projets personnels. N’essayez pas de deviner si l’édition de gènes, les LLM ou les fusées vont devenir la technologie la plus valable à maîtriser. Personne ne peut deviner une chose pareille. Travaillez simplement sur ce qui vous intéresse le plus. Vous travaillerez bien plus dur à quelque chose qui vous intéresse qu’à quelque chose sous prétexte que vous pensez qu’il faille le faire.

Si vous n’êtes pas sûr de la technologie dans laquelle vous investir, investissez-vous dans la programmation. Cela a tété la source de la startup moyenne dans les trente dernières années, et cela ne va sans doute pas changer dans les 10 qui viennent.

Ceux parmi vous qui prennent des cours d’informatique à l’école doivent se dire, maintenant, OK, voilà une chose réglée. On nous a déjà tout appris sur la programmation. Mais désolé, ce n’est pas assez. Il vous faut travailler à des projets personnels, pas se contenter de suivre des cours à l’école. Vous pouvez être bon en classe sans vraiment apprendre à programmer. Je dirais même que vous pouvez obtenir un diplôme en informatique d’une des meilleures universités et n’être même pas bon en programmation. C’est la raison pour laquelle les entreprises technologiques vous font passer des tests de programmation avant de vous recruter, indépendamment de votre université ou de vos notes. Elles savent que les résultats aux examens ne prouvent rien.

SI vous voulez vraiment apprendre à programmer, il vous faut travailler à des projets personnels. Vous apprenez beaucoup plus vite de cette façon. Imaginez que vous développiez un jeu et qu’il y ait quelque chose que vous vouliez ajouter, et vous ne savez pas comment faire. Vous allez l’apprendre beaucoup plus vite que si vous l’étudiez en classe.

Vous n’avez pourtant pas besoin d’apprendre à programmer. Si vous demandez ce qui compte en matière de technologie, cela inclut pratiquement tout ce que vous pouvez décrire en utilisant les mots « faire » ou « fabriquer ». Alors la soudure en fait partie, ou la couture, ou la vidéo. Tout ce qui vous intéresse le plus. La différence essentielle est de savoir si vous produisez ou si vous vous contentez de consommer. Etes vous en train de développer des jeux vidéo ou vous contentez -vous d’y jouer ? C’est la différence.

Steve Jobs, le fondateur d’Apple, a passé du temps pendant son adolescence à étudier la calligraphie – un genre d’écriture esthétique que le vois dans les manuscrits médiévaux. Personne, même pas lui, ne pensait que ça l’aiderait dans sa carrière. Il le faisait parce que ça l’intéressait. Mais il se trouve que ça l’a beaucoup aidé. L’ordinateur qui a fait d’Apple quelque chose d’énorme, le Mackintosh, est sorti juste au moment où les ordinateurs sont devenus assez puissants pour présenter à l’écran une typographie similaire à celle des livres imprimés plutôt qu’aux lettres du style des ordinateurs que l’on voit dans les jeux à 8 bits, et l’une de raisons est que Steve était l’une des quelques personnes dans le monde de l’informatique qui s’était vraiment investir dans le graphisme.

Ne croyez pas que vos projets doivent être sérieux. Ils peuvent être aussi frivoles que vous le souhaitez tant que vous construisez des choses qui vous passionnent. Il est probable que 90% des codeurs commencent par fabriquer des jeux. Eux et leurs amis aiment jouer aux jeux vidéo. Alors ils fabriquent ce genre de choses qu’eux et leurs amis désirent. Et c’est exactement ce que vous devriez faire à 15 ans si vous souhaitez un jour créer une startup.

Vous n’avez pas à faire juste un projet. En réalité, il est bon d’apprendre plein de choses. Steve Jobs ne s’est pas contenté d’apprendre la calligraphie. Il a aussi appris l’électronique, qui avait encore plus de valeur. Peu importe ce qui vous intéresse. (Vous voyez un pattern ici ?)

Donc c’est la première des trois choses dont vous avez besoin, devenir bon dans un domaine technologique. Vous le ferez de la même manière que pour le violon ou le football : par la pratique. Si vous vous lancez dans une startup à 22 ans, et que vous commencez à écrire vos propres programmes maintenant alors au moment de vous lancer, vous aurez passé au moins les 7 années précédentes à écrire du code, et on peut être bon dans n’importe quel domaine après l’avoir pratiqué pendant 7 ans.

Supposons que vous ayez 22 ans et que vous avez réussi : vous êtes alors bon dans un domaine de la technologie. Comment allez-vous trouver des idées de startup ? (Sur le sujet, voir le lien) Cela peut sembler être la partie difficile. Même si vous êtes devenu un bon programmeur, comment avoir l’idée pour lancer Google ?

En réalité, il est facile d’avoir des idées de startup une fois que vous êtes bon dans une technologie. Une fois que vous êtes bon dans une technologie, quand vous regardez le monde, vous voyez des lignes pointillées autour de choses qui manquent. Vous commencez à être capable de voir à la fois des choses qui manquent à partir de la technologie elle-même et tous les problèmes qui pourraient être fixés en l’utilisant ; et chacun d’eux est une startup potentielle.

Dans la ville proche de notre maison, il y a un magasin avec un signe avertissant que la porte est difficile à fermer. Le signe est là depuis plusieurs années. Pour les gens dans le magasin, cela doit être comparable à ce phénomène naturel et mystérieux d’une porte difficile à fermer, et tout ce qu’on peut faire est de placer un signe avertissant les clients. Mais tout charpentier qui regarderait cette situation penserait « Pourquoi ne pas juste aplanir la partie qui frotte ? »

Une fois que vous êtes bon en programmation, tous les bouts de code manquants dans le monde commencent à ressembler à une porte difficile pour un charpentier. Je vais vous donner un exemple concret. A la fin du 20e siècle, les universités américaines avaient l’habitude de publier des annuaires papier avec tous les noms des étudiants et leur information personnelle. Quand je vais vous dire comment ces annuaires s’appelaient, vous allez comprendre de quelle startup je parle. Ils s’appelaient des Facebooks (en français des trombinoscopes, car ils avaient en général le visage, la trombine, la « face » de chaque étudiant à côté de son nom.

Alors Mark Zuckerberg arrive à Harvard en 2002 et l’université n’a toujours pas mis le trombinoscope, le facebook en ligne. Chaque résidence avait un trombinoscope en ligne, mais il n’y en avait pas un pour l’université dans son ensemble. L’administration d l’université avait organisé avec sérieux des réunions sur le sujet, et aurait probablement résolu le problème une dizaine d’années plus tard. La plupart des étudiants n’avaient pas consciemment remarqué quoi que ce soit. Mais Mark est un codeur. Il regarde la situation et se dit « Mais c’est idiot. Je pourrais écrire un programme pour régler le problème dans la nuit. Laissons les gens charger leur propre photo et combinons alors les données dans un nouveau site pour toute l’université ». Et il le fait. Et presque littéralement dans la nuit, il a des milliers d’utilisateurs.

Bien sûr, Facebook n’était pas encore une startup. C’était juste …un projet. Et voici à nouveau ce mot. Les projets ne sont pas juste la meilleure façon d’apprendre une technologie. Ils sont aussi la meilleure source d’idées de startup.

Facebook n’a rien d’inhabituel de ce point de vue. Apple et Google ont aussi commencé comme des projets. Apple n’était pas censée devenir une entreprise. Steve Wozniak voulait juste fabriquer son propre ordinateur. Ce n’est devenu une entreprise que lorsque Steve Jobs a dit « Eh, je me demande si on ne pourrait pas vendre les plans de cet ordinateur à d’autres personnes ». C’est ainsi qu’Apple a commencé. Ils ne vendaient même pas d’ordinateurs, juste les plans de de l’ordinateur. Pouvez-vous imaginer à quel point cette entreprise semblait boiteuse ?

Idem pour Google. Larry et Sergey n’essayaient pas de créer une entreprise au début. Ils essayaient juste de faire un bon moteur de recherche. Avant Google, la plupart des moteurs de recherche n’essayaient pas de trier les résultats trouvés par ordre d’importance. Si vous cherchiez « rugby », ils vous donnaient juste toutes les pages web qui contenaient le mot « rugby ». Et le web était si petit en 1997 qu’en réalité ça fonctionnait ! Enfin à peu près. Il n’y avait peut-être que 2à ou 30 pages avec le mot « rugby » mais le web croissait exponentiellement, ce qui signifiait que cette manière de faire des recherches devenait exponentiellement plus foireuse. La plupart des utilisateurs pensaient « Ouah, je vais devoir passer beaucoup de temps à regarder les résultats pour trouver ce que je cherche. » La porte est dure à ouvrir. Mais tout comme Mark, Larry et Sergey étaient des codeurs. Ils ont regardé cette situation et pensé « Mais c’est idiot. Certaines pages sur le rugby comptent plus que d’autres. Essayons de les trouver et de les afficher en premier ».

Il est évident a posteriori que c’était une grande idée de startup. Ce n’était pas évident à l’époque. Ce n’est jamais évident. Si cela avait été une bonne idée de lancer Apple ou Google ou Facebook, quelqu’un d’autre l’aurait déjà eue. C’est pourquoi les meilleures startups viennent de projets qui n’étaient pas destinés à devenir des startups. On n’essaie pas de lancer une entreprise. On suit simplement son intuition de ce qui est intéressant. Et si on est jeune et bon dans une technologie alors l’intuition inconsciente de ce qui est intéressant est meilleure que les idées conscientes de ce qui pourrait être une entreprise de qualité.

Alors il est critique, si vous êtes un jeune fondateur, de faire des choses pour que vous-même et vos amis les utilisiez. La plus grosse erreur des jeunes fondateurs est de fabriquer quelque chose pour quelque groupe mystérieux d’autres gens. Alors que si vous pouvez faire quelque chose que vous et vos amis désiraient vraiment – quelque chose que vos amis n’utilisent pas simplement par loyauté envers vous, mais qu’ils seraient vraiment tristes de perdre si vous l’arrêtiez – alors vous avez certainement le germe d’une bonne idée de startup. Peut-être que cela ne vous semble pas avoir ce potentiel. Il n’est peut-être pas évident de faire de l’argent avec. Mais croyez-moi, il y a un moyen.

Ce dont vous avez besoin pour une idée de startup, et c’est tout ce dont vous avez besoin, c’est quelque chose que vos amis veulent vraiment. Et ces idées ne sont pas difficiles à voir une fois que vous avez atteint un bon niveau dans un domaine technologique. Il y a des portes qui coincent partout. [2]

Enfin, pour le troisième et dernier élément nécessaire, il vous faut : un cofondateur, ou des cofondateurs. La startup idéale a deux ou trois fondateurs, donc il vous faut un ou deux cofondateurs. Comment les trouver ? Savez-vous déjà ce que je vais vous dire maintenant ? C’est toujours la même chose : des projets. Vous trouvez des cofondateurs en travaillant sur des projets avec eux. Ce qu’il vous faut chez un bon cofondateur c’est qu’il soit bon à ce qu’il fait et que vous travailliez ben ensemble, et la seule façon d’en juger, c’est de travailler avec lui sur des choses.

A ce point de mon discours, je vais vous raconter quelque chose que vous n’avez peut-être pas envie d’entendre. Il est vraiment important d’être bon en classe, même pour les cours qui ne sont que de la mémorisation ou des bavardages sur la littérature, parce qu’il est nécessaire d’être bon dans en classe pour entrer dans une bonne université. Et si vous désirez vous lancer dans une startup, vous devrez essayer d’aller dans la meilleure université possible, parce que c’est là que se trouvent les meilleurs cofondateurs. C’est aussi là que se trouvent les meilleurs employés. Quand Larry et Sergey ont lancé Google, ils ont commencé à recruter toutes les personnes les plus brillantes qu’ils avaient connu à Stanford, et ce fut un vrai avantage pour eux.

La preuve empirique de ce point est claire. Si vous regardez où il y a le plus grand nombre de startup réussies, c’est à peu près la liste des universités les plus sélectives.

Je ne crois pas que les noms prestigieux de ces universités soient la cause du plus grand nombre de startup qui en sortent. Ni que ce serait en raison d’une meilleure qualité de l’enseignement. Ce qui explique cela est la difficulté d’y entrer. Il faut être plutôt brillant et déterminé pour entrer au MIT ou à Cambridge, alors si vous réussissez à y entrer, vous rencontrerez d’autres étudiants dont un grand nombre de gens brillants et déterminés. [3]

Il n’est pas obligatoire de lancer une startup avec quelqu’un que vous avez rencontré à l’université. Les fondateurs de Twitch se sont rencontrés quand ils avaient sept ans. Les fondateurs de Stripe, Patrick et John Collison, se sont rencontrés lorsque John est né. Mais les universités sont la source principale de cofondateurs. Et parce qu’elles sont le lieu où se trouvent les cofondateurs, elles sont aussi le lieu où se trouvent les idées, parce que les meilleures idées émergent de projets que vous ferez avec les gens qui vont devenir vos cofondateurs.

Par conséquent, la liste des choses nécessaires pour aller de là où vous êtes jusqu’à la création d’une startup est assez courte. Il faut que vous soyez bon dans un domaine de la technologie, et le moyen d’y arriver est de travailler sur vos projets personnels. Et vous devez travailler aussi bien que possible en classe pour entrer dans une bonne université parce c’est là que se trouvent les cofondateurs et les idées.

C’est tout, juste deux choses, fabriquer quelque chose et être bon en classe.

Notes

[1] La combine rhétorique dans cette phrase est que « Google » se réfère à différentes choses. Je veux dire : une entreprise qui a autant de chances de croître que Google l’a finalement fait, comme Larry et Sergey auraient raisonnablement pu s’attendre à ce que Google le fasse au moment où ils l’ont lancé. Mais je pense que la version originale est plus drôle.

[2] Faire quelque chose pour vos amis n’est pas la seule source d’idées de startup. C’est juste la meilleure source pour des jeunes cofondateurs, qui ont le moins la connaissance de ce d’autres personnes désirent et dont les désirs personnels sont les plus prédictifs de la demande future.

[3] De manière assez étrange, ceci est particulièrement vrai dans des pays comme les Etats Unis où les admissions en bachelor sont mal faites. Les départements d’admission américains demandent aux candidats de passer à travers des filtres arbitraires qui ont peu de rapport avec leurs capacités intellectuelles. Mais plus le test est arbitraire, plus il devient un test de la détermination et de l’ingéniosité. Et ce sont les deux qualités les plus importantes chez les fondateurs de startup. Alors les départements d’admission américains sont meilleurs à sélectionner les fondateurs qu’ils ne le seraient s’ils étaient meilleurs à sélectionner les fondateurs.

Puis Paul Graham ajoute des remerciements à Jared Friedman, Carolynn Levy, Jessica Livingston, Harj Taggar et Garry Tan pour avoir lu des brouillons de son texte.

Qu’attendre d’un investisseur ?

Je profite à nouveau de questions qui me sont posées pour écrire un post (après celui sur l’impact de la personnalité des fondateurs sur le succès des startups). J’aurais pu intituler ce poste « qu’attendent les investisseurs ? », j’aborde un peu les deux sujets. Cette fois, je copie une partie du message que j’ai reçu :

Contexte : Juste histoire de partager avec toi la dynamique d’investisseurs (très early stage) qui tournent autour de mon projet. J’ai reçu 10+ sollicitations, parfois d’investisseurs qui veulent faire un call de prise de contact (pour suivre l’évolution dans 6 mois typiquement). Certains affichent leur investment thesis upfront (attentes parfois stratosphériques). J’essaie de ne pas perdre trop de temps avec de telles sollicitations, pour focus sur mon produit (et product-market-fit, *la priorité* !), mais que penses-tu de cette typologie d’investisseurs ? Très early, qui favorisent la page blanche au PMF mais avec des attentes énormes (100x potential ROI).
(Je sais que plusieurs porteurs vivent un peu la même chose en ce moment). J’imagine mal comment un founder peut sereinement chercher son PMF en ayant onboardé ce type de VC et sous leur pression (100x et non pas 10 ou 20x !)…
Questions :
1) Sont-ils intrinsèquement plus ou moins mauvais que les financeurs plus « courants » (5x- 7x sous ~5ans, ou 10x sous 7-10ans) ? (Je grossis le trait exprès, bien sûr).
2) L’alternative à moins forte pression serait une collection exclusivement constituée de BAs et/ou BA-Networks, mais l’absence d’institutionnels en SEED donne-t-elle un mauvais signal aux VCs? Signe de trop peu d’ambitions? de potentiel manque d’attractivité initiale ?
3) Il y a une forte tendance à de « leaner startups » qui donnent de moins en moins d’equity en pre-seed / seed (y compris à YC). Les institutionnels veulent pourtant souvent une part à double-digit equity. Quelle est ta vision / ton expérience en VCs Européens ? Is leaner (equity shared) better or less attractive? De très nombreuses startups (même à YC) ne donnent pas plus de 10% of total equity across the SEED round (+ les 7% initiaux de YC, ou autres SAFEs plus ou moins équivalents).

J’ai répondu un peu rapidement ainsi et je vais ajouter un peu plus notamment une première : une mise à jour de mon pdf de cap tables, qui en comprend plus de 900 cette fois…

C’est une vrai mauvaise question ! Mais je ne suis pas entrepreneur, je suis un mentor !
La chose principale est la valeur ajoutée de ton investisseur dans deux dimensions :
– Le montant investi.
– La qualité des conseils.
On pourrait presque dire que si l’une des deux dimensions est nulle alors l’autre doit être forte, et on peut donc accepter que l’une soit faible.
Tu rêves d’avoir un VC ou un BA réputé (son nom et sa qualité), cela a sans doute un prix !
Ensuite plus le montant est faible plus le multiple espéré est grand. Si tu mets 10k tu espère faire x1000, si tu mets 100K tu espères faire x100 si tu mets 1M tu espère faire x10
En réalité c’est plutôt le stage, en series D, E,F, c’est dans sans doute 2x-3x, en A, B c’est 10x, en seed, c’est 100x, en pre-seed c’est 1000x
– Google avait David Cheriton et Andy Bechtolsheim comme BAs, ils ont mis 100k, je crois qu’ils ont gagné 400M…
– Sequoia et KP ont mis $12M et ont du se faire $2B
(voir page 47 du pdf, $85/$0,06 et $85/0,52 pour les multiples à l’IPO mais ils sont sortis minimum six mois plus tard et je pense que ça valait au moins 3x ou 4x de plus)
Sur le dernier point pas simple non plus, mais Stanford avait environ 2% de Google à la création ce qui est inhabituellement faible et c’est paradoxalement leur plus gros grain, on voit la diversité des critères

Alors permettez-moi d’ajouter quelques points. Je pensais que Paul Graham (YCombinator) aurait fourni des réponses sur son blog paulgraham.com mais je n’ai pas trouvé de réponse. Cependant, il continue d’écrire de grandes choses comme :
– Comment démarrer Google (mars 2024) https://paulgraham.com/google.html
– Des retours superlinéaires (octobre 2023) https://paulgraham.com/superlinear.html

Les deux figures qui suivent illustrent les explications qui précédent. Le pdf donne donc plus de 900 cap tables qui peuvent illustrer la diversité des multiples (théoriques à l’IPO).
Enfin, il est tout de même assez rare qu’un investisseur contacte en direct un entrepreneur (même si cela peut arriver aussi). Le contact est plutôt établi par un tiers qui connaît à la fois l’entrepreneur et l’investisseur institutionnel, par exemple le Business Angel ou le mentor…

Enfin le pourcentage donné en contrepartie d’un investissement n’est pas non plus linéaire. Il dépend du stade d’avancement de la société bien sûr mais du montant lui-même !
– pour 100k, on donner typiquement 5-15%,
– pour 1M c’est plutôt 40% (ou parfois moins; récemment notamment),
– pour 10M et plus on retombe à des montants de l’ordre de 10%.
Cela peut semble contrintuitif et cela montre que les pourcentages ne sont pas le résultat d’une comptabilité mais d’une négociation.
J’ajoute deux cap tables de startup françaises récentes, Mistral AI et H.ai qui montrent que des levées de fonds exceptionnelles induisent des valorisations exceptionnelles et donc des pourcentages inhabituels. Celles-ci ont été construites avec des hypothèses données par les médias ou des données provenant de documents de l’entreprise.

– Le BA, business angel, est un individu fortuné qui inevstit son propre argent (en général au moins 100k par startup. En dessous on parle plutôt de F&F (friends & family);
– Le VC (venture capital ou capital risque) investit des fonds de tiers (fonds de pension, entreprises, banques, assurances, individus très fortuns) en général avec un minimum de 1 million par startup
– Le PE, private equity, est un investisseur institutionnel qui prend moins de risques (même si les entreprises son cotées mais en général bénéficiaires ou avce un ch chiffre d’affaires stable). Il investit de gros monatnts mais n’attend pas des retours sur investissement aussi élevs que le VC.

Equity_List-Herve_Lebret-June_2024

La science des startups : l’impact des personnalités des fondateurs sur le succès de l’entreprise

Lorsqu’un de mes jeunes collègues (merci Amine !) a mentionné un article intitulé The Science of Startups: The Impact of Founder Personalities on Company Success (La science de startups: l’impact des personnalités des fondateurs sur le succès de l’entreprise), j’ai été intrigué pour ne pas dire intéressé. Vous pouvez retrouver la version publiée sur Nature ici et celle sur arXiv .

Quand je repense aux 741 articles de ce blog, 118 sont étiquetés avec « fondateurs », venant seulement en deuxième position après Silicon Valley. La plupart d’entre eux traitent de faits et de chiffres, mais 38 d’entre eux mentionnent le terme personnalité. Par exemple:
– Connaissances, compétences et personnalité des entrepreneurs (datant de mars 2021) https://www.startup-book.com/fr/2021/03/19/connaissances-competences-et-personnalite-des-entrepreneurs/ où il est affirmé « Il y a un caractère entrepreneurial. »
– Les dilemmes du fondateur – La réponse est « Ça dépend ! » (datant de décembre 2013) https://www.startup-book.com/fr/2013/12/12/les-dilemmes-du-fondateur-la-reponse-est-ca-depend/ où l’affirmation est « Il n’y a pas de véritable modèle pour devenir fondateur (âge, expérience, influences de l’enfance, personnalité, situation familiale, situation économique), mais les influences précoces et les motivations naturelles semblent être importantes. »
– Larry Page et Peter Thiel – 2 (différentes ?) icônes de la Silicon Valley (date octobre 2021) https://www.startup-book.com/fr/2021/10/30/larry-page-et-peter-thiel-2-icones-differentes-de-la-silicon-valley/
et je conseillerais à toute personne intéressée par le sujet de lire le livre Founders at Work. J’ai mis mes longues notes sur ce superbe livre à la fin de cet article.

Ce nouvel article est long et un peu complexe. J’ai donc simplement pris des notes directement dans le texte et les ai traduites puis collées ici. Mais l’article vaut la peine d’être lu si vous avez le temps et si vous êtes intéressé.

L’attention s’est de plus en plus portée sur les facteurs internes liés à l’équipe fondatrice de l’entreprise, notamment leurs expériences et échecs antérieurs, leur centralité dans un réseau mondial d’autres fondateurs et d’investisseurs ainsi que la taille de l’équipe. […] Les effets de la personnalité des fondateurs sur le succès des nouvelles entreprises sont pour la plupart inconnus. […] Nous montrons ici que les traits de personnalité du fondateur sont un élément important du succès ultime d’une entreprise.

[…]

Les principales facettes de la personnalité qui distinguent les entrepreneurs qui réussissent comprennent une préférence pour la variété, la nouveauté et le début de nouvelles choses (ouverture à l’aventure), être le centre d’attention (niveaux de modestie faibles) et être exubérant (niveaux d’activité plus élevés). Cependant, nous ne trouvons pas une seule personnalité de type Fondateur ; au lieu de cela, six types de personnalité différents apparaissent, les startups fondées par un « Hipster, Hacker et Hustler » ayant deux fois plus de chances de réussir. Nos résultats démontrent également les avantages d’équipes plus grandes et aux personnalités diverses dans les startups.

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Dans cet article, nous analysons une variété de déterminants du succès des startups au niveau de l’entreprise, du fondateur et de l’équipe de fondateurs, qui sont par nature expérimentales, à haut risque et susceptibles d’échouer. Premièrement, nous examinons une série de déterminants du succès d’une startup au niveau de l’entreprise, notamment la localisation, le secteur d’activité et l’âge de la startup, afin d’explorer dans quelle mesure ces facteurs sont associés au succès. Ensuite, en nous appuyant sur nos précédentes recherches sur l’adéquation profession-personnalité, nous utilisons une vaste collection de données publiques sur les startups de Crunchbase pour examiner les profils de personnalité détaillés des fondateurs.

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Facteurs de réussite d’une startup au niveau de l’entreprise. Au niveau localisation, les chances de succès sont les plus élevées aux États-Unis, au Japon, en Europe occidentale et dans les pays scandinaves. Les entreprises des secteurs des paiements et des logiciels ont de grandes chances de succès. Les chances de succès sont positivement liées à la maturité d’une entreprise, les entreprises âgées de sept ans ou plus ayant de plus grandes chances de succès.

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La combinaison de fondateurs et de leurs personnalités joue-t-elle un rôle dans le succès des startups, et existe-t-il des preuves à l’appui de l’opinion largement répandue dans la communauté des investisseurs en capital-risque selon laquelle les startups ont besoin de trois types de fondateurs : un hacker, un hustler et un hipster ?

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Dans le monde de la technologie, les rôles catégoriques des Hackers (programmeurs et développeurs informatiques habiles) et des Hustlers (dirigeants entrepreneurs capables de convaincre les clients et les investisseurs de nouveaux produits et idées) existent depuis des décennies, avec […] des tensions d’opposition. Par exemple, lorsque Steve Jobs a annoncé qu’il prendrait un congé maladie chez Apple en janvier 2009, Mat « Wilto » Marquis l’a décrit comme un hacker et un hustler dans un tweet de bons vœux. Cependant, la première utilisation de Hacker et Hustler en collaboration avec Hipster dans le contexte du rêve putatif du fondateur d’une startup a été inventée par l’influent capital-risqueur Elias Bizannes en 2011. Elle a ensuite été popularisée en 2012 par un discours lors de l’influente conférence technologique South by Southwest par Rei Inamoto et dans un article ultérieur de Forbes « The Dream Team : Hipster, Hacker, and Hustler ». Hipster est un terme général utilisé pour décrire les membres d’une sous-culture urbaine de nombreuses villes des États-Unis et d’autres pays qui sont soucieux du design et privilégient les modes non traditionnelles, les aliments branchés et la musique alternative. Bizannes a récupéré le terme pour refléter ce qu’il percevait comme le besoin croissant pour les startups à succès d’avoir un fondateur doué en design, doté d’une imagination esthétique et de connaissances privilégiées (Hipster), en plus des rôles traditionnels de quelqu’un doué pour vendre des choses (Hustler) et pour la création de produits technologiques (Hacker).

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Même si des recherches récentes ont démontré que de nombreux employés exerçant les mêmes professions partagent des traits de personnalité similaires, être fondateur d’une startup n’est pas un métier conventionnel. Nous avons déduit les traits de personnalité dans 30 dimensions (Big 5 facets) d’un large échantillon mondial (n = 4 400) de fondateurs de startups à succès.

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En utilisant deux échantillons ensemble : des entrepreneurs à succès et des employés à succès (peu susceptibles d’être des fondateurs), nous avons formé et testé un classificateur d’apprentissage automatique pour distinguer et classer les entrepreneurs des employés et vice-versa en utilisant uniquement des vecteurs de personnalité déduits. En conséquence, nous avons constaté que nous pouvions prédire correctement les entrepreneurs avec une précision de 77 % et les employés avec une précision de 88 %. Ainsi, sur la base des seules informations sur la personnalité, nous prédisons correctement tous les nouveaux échantillons invisibles avec une précision de 82,5 %.

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L’esprit d’aventure : la caractéristique clé

Nous avons exploré plus en détail quelles caractéristiques de la personnalité sont les plus importantes pour distinguer les entrepreneurs qui réussissent des employés qui réussissent et avons constaté que le sous-domaine ou la facette de l’esprit d’aventure au sein du domaine des Big 5 de l’ouverture était à la fois significative et avait l’effet le plus important. L’aspect de la modestie dans le domaine des Big 5 de l’agréabilité et du niveau d’activité dans le domaine des Big 5 de l’extraversion a été l’effet le plus important suivant. Il a été constaté que les trente dimensions de la facette Big 5 étaient significativement différentes dans leur distribution, dix caractéristiques ayant des tailles d’effet importantes. […] L’esprit d’aventure dans le cadre des Big 5 est défini comme la préférence pour la variété, la nouveauté et le démarrage de nouvelles choses.

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Six types de fondateurs de startup

Une fois que nous avons compris que les fondateurs de startups ont des traits de personnalité distinctifs qui diffèrent de ceux des employés ordinaires, nous avons examiné s’il existait des types de personnalité distincts parmi les fondateurs de startups.

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Nous avons découvert des tendances claires de regroupement dans les données. Ensuite, une fois que nous avons établi les clusters de données fondateurs, nous avons utilisé le clustering hiérarchique agglomératif, une technique de regroupement « ascendante » qui traite initialement chaque observation comme un cluster individuel, puis les fusionné pour créer une hiérarchie de schémas de cluster possibles avec un nombre différent de groupes. Et enfin, nous avons identifié le nombre optimal de clusters en fonction des résultats de quatre mesures de performances de clustering différentes. Nous avons constaté que le nombre optimal de groupes de fondateurs de startups, en fonction de leurs caractéristiques de personnalité, est de six (étiquetés de 0 à 5).

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Ensemble, ces six différents types de fondateurs de startups représentent un cadre que nous appelons le modèle FOALED de types de fondateurs, un acronyme de Fighters, Operators, Accomplishers, Leaders, Engineers et Developers. Chaque type de personnalité fondateur a sa facette distincte. Nous observons également un noyau central de caractéristiques corrélées qui sont élevées pour tous les types d’entrepreneurs, notamment l’intellect, l’esprit d’aventure et le niveau d’activité.

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En analysant les six types de fondateurs de startups dans notre modèle FOALED dans le paysage plus large de la profession et de la personnalité, nous identifions trois types à caractériser comme types de hackers (combattants, opérateurs et développeurs) et deux comme hustlers (réalisateurs et leaders). Le type restant a une personnalité différente de celle des Hackers et des Hustlers. Il s’agit plutôt d’un expert en la matière dont les connaissances approfondies du domaine et les atouts en matière de conception en matière de résolution de problèmes peuvent être considérés comme une sorte de Hipster (ingénieur). Lorsque nous avons ensuite exploré les combinaisons de types de personnalité parmi les fondateurs et leur relation avec la probabilité de succès de l’entreprise, ajustées pour une série d’autres facteurs dans une analyse multifactorielle, nous avons constaté des chances de réussite significativement accrues pour Hipster, Hacker et Hustler dans les équipes de la fondateurs.

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Notre modélisation montre que les entreprises comptant plusieurs fondateurs ont plus de chances de réussir, comme l’illustre la figure 3a, qui montre que les entreprises comptant trois fondateurs ou plus ont plus de deux fois plus de chances de réussir que les entreprises fondées seules. Les avantages d’équipes de fondateurs plus grandes et plus diversifiées peuvent être observés dans les différences apparentes entre les entreprises qui réussissent et celles qui échouent, en fonction de l’empreinte combinée de personnalités de leurs équipes illustrées dans la figure 3b. Ici, les valeurs maximales au sein de chaque startup pour chaque trait du Big 5 pour l’un de ses cofondateurs sont cartographiées, et la répartition de celles-ci entre les entreprises à succès – celles qui ont été introduites en bourse, ont été acquises ou ont acquis une autre entreprise et les autres entreprises est indiquée. […] Nous avons constaté que dix combinaisons de fondateurs avec différents types de personnalité étaient significativement corrélées à de plus grandes chances de réussite d’une startup lorsque l’on tenait compte d’autres variables du modèle. Le coefficient de chacun de ces facteurs est illustré concernant d’autres caractéristiques qui se sont également révélées significativement associées au succès dans la figure 3c.

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Nous avons appris grâce à cette recherche qu’il n’existe pas un type de « personnalité entrepreneuriale » idéale mais six types différents. De nombreuses startups à succès ont plusieurs cofondateurs combinant ces différents types de personnalité. Les startups sont, dans une large mesure, un sport d’équipe ; à ce titre, la diversité et la complémentarité des personnalités comptent dans l’équipe de fondateurs. Cela a un impact considérable sur les chances de succès de l’entreprise. Bien que toutes les startups présentent un risque élevé, le risque diminue avec le nombre de fondateurs, en particulier s’ils ont des traits de personnalité distincts. Notre travail démontre les avantages de la diversité au sein de l’équipe fondatrice des startups. Une plus grande prise de conscience de ces avantages pourrait contribuer à créer des startups plus résilientes, capables d’innover et d’avoir un impact plus important.

Plus de chiffres

Y a-t-il quelque chose à conclure ? Les auteurs ont-ils raison ou tort ? Cela peut-il être utilisé pour la prédiction ? Je ne sais pas. Les auteurs admettent eux-mêmes qu’il y a des biais dans leurs recherches (elles se basent sur les comptes Twitter des fondateurs…). Il m’a manqué uen analyse de la relation entre les fondateurs et je suis un peu sceptique quant au fait qu’il vaut mieux avoir plus de fondateurs pour commencer avec 3 ou 4. D’après mon expérience, une équipe de 2 fondateurs est idéale (vous pouvez consulter ma longue série d’études sur les données des startups ici. Mais qui suis-je pour le dire aujourd’hui !! Ce qui est sûr c’est que l’article est intéressant et son ambition est à saluer !

Founders at Work - May08

Le chaos qu’est Internet : SBF, JKS et plus encore

Parfois, je vois des coïncidences frappantes dans des choses qui n’ont apparemment aucun lien. Cela m’aide à rédiger des posts (inutiles ?)… ici le chaos d’Internet est réapparu dans un procès contre un fondateur de startup, dans la littérature et dans le street art, trois sujets qui me sont chers.

Le procès contre un fondateur de startup est celui de Sam Bankman-Fried (SBF). Bien sûr, il y a eu des tonnes d’articles à ce sujet, y compris l’une de mes références préférées, le New Yorker :
– Sept. 2023 : The Parent Trap. Inside Sam Bankman-Fried’s family bubble.
– Nov. 2023 : Will Sam Bankman-Fried’s Guilty Verdict Change Anything?.
Mais aussi CNN, Mars 2024 : Sam Bankman-Fried sentenced to 25 years in federal prison
Sans oublier des articles français:
– Le Monde, mars 2024 : Le fondateur de FTX, Sam Bankman-Fried, condamné à vingt-cinq années de prison pour avoir détourné l’argent de ses clients.
– La RTS, mars 2024 : Sam Bankman-Fried, « le roi déchu des cryptos », est condamné à 25 ans de prison.

Et bien sûr, cela fait suite aux scandales deElisabeth Holmes ou de Adam Neumann. Il y a eu d’autres histoires, même si moins connues, comme Cadence vs. Avant! ou Stanford vs. Cisco (plus ici). Technology including the Internet has brought debatable things including crooks and I believe it is just an enlarged illustration of human nature, but it does not excuse anything…

La littérature me ramène à ma fascination actuelle pour Jón Kalman Stefánsson (JKS). Dans ma dernière lecture j’ai trouvé ceci :

Le sexe est le contenu le plus populaire sur le Net, pourtant, très peu de gens avouent regarder de la pornographie.
Ah ça, putain d’Internet ! Si je me souviens bien, tu es poète – est-ce que les gens comme toi sont parvenus à décrire le phénomène, est-ce qu’il existe des poèmes réussissant à cerner cette monstruosité, cette divinité ? Je crois que je saurais tirer profit de ce genre de poésie. Ma petite Gunna affirme que seuls les poèmes permettent de cerner ce qui constitue l’essence humaine.
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En tout cas, tu as mis le doigt sur le problème tout à l’heure. Le Net. Tu sais ce que c’est m’a demandé à Gunna il y a bien longtemps, à l’époque où le monde commençait juste à entrevoir ce qu’était cette toile. Non, ai-je répondu, je n’en ai aucune idée. L’Internet, c’est le chaos, à-t-elle dit. Ah, ah, le désordre, tu as sans doute raison. Non, ce n’est pas le désordre, à-t-elle corrigé avant de citer un vieux livre grec qu’elle lisait à l’époque. Elle passe son temps à lire et elle essaie toujours de m’en faire profiter, comme si ça servait à quelque chose. En tout cas, ce livre explique, que c’est à l’aube des temps qu’est né le Chaos, et ce Chaos était une sorte de dieu ou de personnage. J’ai oublié les détails.
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Ce que Gunna voulait souligner à propos de l’Internet, c’était qu’il avait quelque chose de mythologique, c’était à la fois le vide et le commencement de tout. Ce qui s’est plus tard vérifié. N’est-ce pas ? Le Net est un peu comme un nouveau ciel au-dessus de nos têtes – et on y trouve aussi de nouveaux mondes souterrains.
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Je parlais du Net, de ce nouveau ciel, de ces nouveaux mondes souterrains. C’est un changement radical. Tellement radical que, pour la première fois, l’homme n’a pas besoin de mourir pour savoir ce qu’est l’enfer puisque l’enfer est monté jusqu’à nous et qu’il envahit la réalité numérique. Le diable sait exploiter la technologie. Il parait que son domaine est doté d’une excellente connexion.
ça n’aurait pas déplu à Dante.

Par hasard, j’ai découvert qu’un des artistes de rue que j’apprécie, Infinipi, avait un autre nom, Kaotica et il a choisi ce nom quand, en tant qu’informaticien, il est entré dans le monde d’Internet. Vous pouvez écouter (bientôt) son podcast ici. Le street art n’est pas très loin de la technologie. Invader s’est inspiré des jeux vidéo et a ensuite créé l’une des applications Internet les plus innovantes que j’ai vues au cours des dix dernières années.

Le chaos, en effet…