C’est un article d’Olivier Alexandre pour la Tribune qui a généré ce post. Ce sociologue du CNRS que j’ai déjà mentionné ici tant j’apprécie ses analyses de la Silicon Valley résume sur sa page LinkedIn une interview intitulée La tragédie est que la Silicon Valley en vient à pousser des programmes réactionnaires.
J’ai voulu répondre sur LinkedIn mais ce site limite la longueur des commentaires. Voilà ce que j’aurais souhaité écrire : Il y aurait peut-être un livre à écrire sur la gauche et la tech, en particulier dans la Silicon Valley. Si la Silicon Valley a toujours été une région progressiste, du moins au nord vers San Francisco et Berkeley, je n’ai pas le souvenir d’avoir rencontré beaucoup de « gens de gauche » à Stanford ou dans les entreprises de la tech. Sans oublier qu’être de gauche aux Etats Unis n’a sans doute pas tout à fait le même sens qu’en Europe. La composante individualiste, voire anarchiste (je préfère ne pas parler des libertariens dont je ne suis pas sûr qu’ils représentent un grand nombre de personnes) reste très forte chez les Républicains et les Démocrates qui semblent toujours un peu se méfier du pouvoir central, pouvoir central dont l’attraction reste une particularité très française au contraire. Il y a bien eu le diner offert par Obama à la Maison Blanche avec l’élite de la tech, https://www.startup-book.com/2011/03/28/the-whos-who-of-silicon-valley/ et il est de manière anecdotique assez amusant de voir dans les dons aux partis (voir par exemple ici https://www.opensecrets.org/industries/contrib?cycle=2024&ind=F2500) que les deux grands fonds historiques du capital risque américain penchent différemment, Sequoia vers les Républicains et Kleiner Perkins vers les Démocrates, même en 2024. Il ne faut tout de même pas s’étonner que les entrepreneurs soient plutôt de droite, cela me semble assez universel.
Quand on regarde en arrière, dans les débuts de la Silicon Valley, il me semble que les grands entrepreneurs du semi-conducteur comme Robert Noyce sont plutôt des Républicains bon teint, qui vont surtout essayer d’influencer Washington pour protéger leur industrie contre la concurrence japonaise. Plus récemment Kleiner Perkins avait recruté Colin Powell comme partenaire (https://www.nytimes.com/2005/07/13/business/colin-powell-joins-venture-capital-firm.html), qui n’était pas connu pour être un ministre très à gauche. Enfin, je n’ai jamais vraiment vu les fondateurs d’Apple ou Google prendre position sur quelque sujet politique que ce soit, mais j’ai noté à quel point toutes ces entreprises depuis Intel à Google avait une « peur bleue » de voir les syndicats s’installer chez eux. La politique semble plutôt absente. Peut-être Fred Turner pourrait nous informer sur le sujet et écrire le livre dont je parle s’il n’existe pas déjà ?
Et un article de blog permet d’aller plus loin, alors je continue. Je parle de temps en temps de politique, comme le tag #politique l’indique mais sans doute pas assez. Je suis à tort ou à raison resté à distance du militantisme et des prises de positions, tout comme d’ailleurs un grand nombre de personnes du monde de la technologie et de la Silicon Valley, je vais y revenir. Mais à nouveau, vous pouvez parcourir les articles liés au tag qui précède. Je viens aussi de commander l’ouvrage intitulé Au delà de l’idéologie de la Silicon Valley après avoir lu celui de la revue Esprit il y a quelques années.
Que dire de plus ? J’ai découvert un autre site qui ne donne pas les montants des dons des personnes aux campagnes politiques, mais un portrait des personnalités de la tech, dont leurs inclinations politiques. C’est assez intéressant. On y trouve les portraits de Larry Page, Sergey Brin, les deux fondateurs de Google, de John Doerr (Kleiner Perkins) et Michael Moritz (Sequoia). les quatre penchent vers le centre gauche ou la gauche du centre, mais de manière plutôt discrète.
Plus récemment une longue analyse de la région montrait qu’elle est plutôt progressiste et démocrate, sauf sur un point celui de la régulation : The vast majority of tech entrepreneurs are Democrats — but a different kind of Democrat (La grande majorité des entrepreneurs de la tech sont des Démocrates, mais un différent type de Démocrate).
J’avais beaucoup aimé Hillbilly Elegy de JD Vance. Je le savais républicain, mais le pensais modéré et anti-Trump. Quelle déception, pour ne pas dire quel triste sire. Alors bravo à Jennifer Aniston pour sa récente critique : Jennifer Aniston criticizes JD Vance for ‘childless cat ladies’ remarks: ‘I pray that your daughter is fortunate enough to bear children’. Il y a aussi les positions (trop?) connues de Peter Thiel ou Elon Musk, mais à nouveau, je ne sais pas s’ils représentent une opinion majoritaire de la tech. Sait-on que Jeff Skoll fondateur de eBay est devenu un producteur de films particulièrement intéressants pour ne pas dire brillants ?
La politique devrait autant appartenir à ceux qui parlent et agissent discrètement qu’à ceux qui parlent si fort qu’on finit par croire qu’ils représentent l’opinion de la majorité…