J’ai récemment fait une sortie sur l’écosystème d’innovation académique français dans Entrepreneur en résidence, entrepreneur en série et quoi d’autre ? Je viens d’avoir accès à une interview de Théau Peronnin, co-fondateur et CEO de Alice & Bob. L’analyse qu’il donne de l’écosystème d’innovation français peut sembler provocatrice, mais l’auteur touche du doigt des sujets qui mériteraient d’être entendus, qui ne sont pourtant pas nouveaux, mais pas résolus… En voici de brefs extraits :
« Je ne veux pas être trop critique car il y a beaucoup de bonne volonté. Mais à un moment donné, il faudra que les Satt disparaissent. »
La critique se veut constructive, mais pour moi, les Satt ont un positionnement maladroit par construction quand il s’agit de monter une spin-off d’une université. Une Satt a en effet deux rôles : elle est à la fois responsable de la valorisation des actifs de propriété intellectuelle de l’université, devant lui faire gagner de l’argent, et elle doit en même temps encourager la naissance de start-up qui vont, elles, essayer de négocier les tarifs de transfert de technologie dans les meilleures conditions possible. Elle est donc à la fois juge et partie, ce qui n’est pas très sain d’un point de vue économique. Dans notre cas, c’est parce que le projet est né au sein d’un groupement de laboratoires entre l’ENS de Lyon, l’ENS de Paris, les Mines-Paristech, le CNRS, le CEA et Inria, qu’on a pu aller voir chacun des services de valorisation et leur demander de jouer le jeu du consortium.
C’est une des faiblesses françaises, un mille-feuille administratif où chaque volonté de simplifier conduit à une nouvelle structure sans que les anciennes disparaissent. Le mal grandit au lieu de disparaître…
« Je pousse pour des templates, non négociables, déterminés à l’avance, qui donnent confiance au personnel administratif et permettent d’avancer. »
Même entre les organismes (CEA, CNRS et Inria par exemple), les politiques de valorisation de la recherche sont complètement orthogonales : Inria, qui vient du monde du logiciel, veut se « débarrasser » de sa PI à toute vitesse en faisant un peu de cash à chaque fois, sans poser de question. Le CEA qui vient de l’innovation matérielle, a en tête ses brevets de semi-conducteurs qui peuvent potentiellement être une pépite pendant 40 ans, et va se battre, de peur de lâcher de la pépite et s’en mordre les doigts. Et au final, on a abouti à ce qui se fait aujourd’hui sur le marché : le consortium possède de l’ordre de 5 % de la start-up.
Le template, le modèle transparent qui donnerait confiance. voilà une proposition simple et exprimée dans de nombreux rapports et commissions. En vain…
Peronnin a raison, il y a beaucoup de bonne volonté. Mais en réalité pas suffisamment. Nicolas Colin parlait d’écosystèmes toxiques quand la compréhension des enjeux était insuffisante dans What Makes an Entrepreneurial Ecosystem? En réalité, il y a une sur-ingénierie autour de l’innovation, trop de structures par peur, sans doute’ d’une mauvaise utilisation de l’argent public… Il faudrait simplifier, simplifier et comme je le disais récemment, mettre la majorité de l’effort et des moyens sur les talents, aussi bien dans la recherche que dans l’innovation (et pour moi cela veut dire entrepreneuriat) et ne consacrer qu’une infime minorité de ces efforts et moyens sur leur gestion. Sans doute plus facile à dire qu’à faire…