Ce nouvel épisode de l’ouvrage de Philippe Mustar est relatif à l’histoire de Criteo, startup déjà mentionnée sur ce blog ici et là.
Pour une fois, je suis en léger désaccord avec une citation du livre (qui n’est pas de l’auteur): « Le profil de l’équipe constituée par les trois créateurs de Criteo est un parfait exemple de celui décrit de façon théorique par Kathleen M. Eisenhardt (professeure de management à Stanford University et co-directrice du Stanford Technology Ventures Program) comme étant « le meilleur possible ». Kathleen Eisenhardt, sur la base de nombreuses recherches sur la question, définit (un peu mécaniquement reconnaît-elle elle-même) ce qu’est une great team :
– elle se compose au départ de trois, quatre ou cinq personnes. Si on est deux, ce n’est pas suffisant tellement il y a de choses à faire dans une start-up et surtout, être deux n’offre pas une assez grande diversité d’opinions, de points de vue. Si l’on est six, sept ou huit, ce n’est plus une équipe, c’est un groupe dont le management et la coordination demandent trop de temps.
– elle est pluridisciplinaire et transversale, c’est-à-dire qu’elle mêle des compétences en ingénierie, en marketing, en finances. Mais, ces compétences doivent être réelles, c’est-à-dire ne pas reposer seulement sur un diplôme, mais sur une expérience effective.
– elle comprend des personnes qui ont déjà travaillé ensemble, cela est un atout important car la création d’une start-up est faite de situations stressantes, qui sont plus faciles à partager avec des gens que l’on connaît.
– enfin, et cela est plus surprenant, les « meilleures équipes » sont celles qui comportent des personnes d’âges variés, non seulement des jeunes de vingt ans mais aussi d’autres qui ont plus d’expérience. Cela permet souvent de voir différents aspects d’un même problème.
Pour Kathleen Eisenhardt, les équipes qui répondent à ces critères sont celles qui fonctionnent le mieux. » [Page 199]
Autant je pourrai être d’accord si on parle de l’équipe de direction, autant je crois qu’au moment de la création, les fondateurs ont des pédigrées différents. Voici ce que j’écrivais dans mon livre en 2008: « Une start-up, c’est un bébé créé par ses parents, les fondateurs. Ils ont la responsabilité de lui permettre de grandir, de s’adapter à un monde en évolution permanente. Malgré ce qui se lit souvent, un fondateur expérimenté ne doit pas nécessairement céder le contrôle de sa société à des experts. Un parent devrait-il confier son premier bébé à d’autres sous prétexte qu’il n’en a jamais eu auparavant ? L’analogie est-elle excessive ? La responsabilité de permettre l’épanouissement n’en demeure pas moins. Les experts seront appelés à l’aide, qu’ils s’appellent médecins, enseignants pour l’enfant, consultants, professionnels pour la start-up. Les fondateurs de Google ont gardé une responsabilité inhabituelle tout au long du développement de Google. Eric Schmidt est devenu CEO, mais il est un partenaire des deux fondateurs, non pas leur supérieur. Les start-up ne se développent pas toujours aussi bien et sans doute, les investisseurs prennent des décisions difficiles lorsqu’ils retirent leur rôle de parent aux fondateurs. L’expérience montre qu’ils ne la prennent bien souvent qu’en dernier recours. Il s’agit peut-être ici de la description d’un monde idéal et chacun sait que toute réalité est complexe. » Et je pourrais ajouter, deux parents est probablement le modèle idéal.
Par contre j’adhère totalement aux sources de l’innovation: La sociologie de l’innovation a montré que les sources de l’innovation, comme celles du Nil, sont multiples et parfois difficiles à identifier. Elle a aussi souligné que les idées de produits ou de services nouveaux sont les choses les plus répandues au monde, et même qu’elles sont à l’origine toujours mauvaises, toujours mal échafaudées et approximatives. Comme le dit Bruno Latour : « Toutes les découvertes importantes naissent inefficaces : ce sont des hopeful monsters, des « monstres prometteurs ». [Page 251] et le texte de Latour sur http://www.bruno-latour.fr/sites/default/files/P-92-PROTEE.pdf. [Une courte parenthèse sur Hopeful Monsters, un terme que je ne connaissais que d’un de mes romans préférés, et j’ai blogué à ce sujet ici.]