Janvier est le mois où nous publions nos statistiques de start-up à l’EPFL et c’est l’occasion pour les médias de nous contacter pour discuter de la question. J’ai eu l’occasion de partager mes vues avec Danny Baumann, de l’AGEFI, et je trouve qu’il a fait une excellente synthèse de notre échange. La voici:
L’EPF de Lausanne crée depuis dix ans en moyenne quinze start-up par an. Hervé Lebret dresse une liste de quelques pistes à suivre.
DANNY BAUMANN
Les chiffres sont tombés avant hier (L’Agefi du 6 janvier): les chercheurs des Ecoles polytechniques fédérales de Lausanne et Zurich ont créé 43 entreprises en 2015, dont 18 à Lausanne. L’Innovation Park de L’EPFL croît année après année, pour preuve les quelques 700 emplois créés depuis son lancement en 1991. Fintech, biotech, medtech sont dans la bouche de tous mais comment réussir à créer et, surtout, faire perdurer une start-up dans un monde que l’on sait en constante évolution? Il n’y évidemment pas de solution miracle, comme nous l’explique Hervé Lebret, spécialiste de l’innovation et enseignant à l’EPFL.
La réussite d’une start-up dépend d’un nombre incalculable de paramètres. Il faut que ces éléments soient comme un alignement parfait de planètes pour que le succès soit au rendez-vous. Des facteurs aléatoires, comme la chance, font partie intégrante de ce processus. L’EPFL donne un soutien financier, huit à dix bourses par année, sous la forme d’Innogrant. Lancé en 2005 avec le soutien de Lombard Odier, ces Innogrant consistent en un salaire de maximum 100.000 francs. Ceci ne garantit en aucun cas la réussite d’une start-up mais représente une belle rampe de lancement.
Hervé Lebret dresse une liste de quelques pistes à suivre. Pour commencer, la vision globale est indispensable. Avoir un objectif international plutôt que local. L’avenir d’une start-up tout de suite être anticipé: elle atteint en effet sa maturité au bout de cinq à sept ans. « A partir de ce moment-là, soit elle se fait reprendre par les mastodontes comme Google ou Apple ou elle poursuit son développement via les marchés actions. Elle reste rarement au stade de la PME de 20-30 employés », ajoute Hervé Lebret. Selon lui, 90% à 99% de ces jeunes sociétés disparaissent dans les dix ans.
Un autre aspect majeur: ne pas être frileux sur le marché. « Un entrepreneur d’une start-up doit garder à l’esprit que sa société doit être en perpétuelle croissance », continue-t-il. Être Ambitieux et faire confiance aux investisseurs potentiels, pour une levée de fonds, quitte à perdre un peu du contrôle de son entreprise. Un passage obligé pour la croissance. En moyenne, 100 millions de francs sont investis par année, de fonds privés, dans les start-up de l’EPFL. Mais comment trouver des investisseurs ? La course aux prix est un excellent moyen de faire connaître son produit. Les deux premières années sont plutôt de la survie, c’est à ce moment-là que les différentes récompenses sont indispensables. « Les prix c’est bien, mais après deux ans, il ne faut pas oublier de passer en mode croissance », exprime-t-il. Beaucoup font l’erreur de perdre l’objectif global de vue et reste ainsi trop petit dans le marché alors que le développement de l’entreprise est vital.
Un bon recrutement est un atout majeur dans la réussite. Vient alors la question du salaire à verser. Le collaborateur nouvellement recruté doit être conscient que la rétribution perçue sera plus faible que dans une entreprise importante. Les stock-options peuvent être une bonne alternative pour compenser la différence de salaire. Reste toujours le problème de la fiscalité des stock-options qui sont aujourd’hui vu comme un revenu même s’ils ne rapportent rien. Il faudrait pouvoir trouver une entente sur un statut spécial «start-up» dans la loi. La problématique fait débat depuis quelques années déjà.
D’autres éléments sont encore importants pour un entrepreneur comme la flexibilité, la création d’un réseau dense, avoir des mentors ou encore, cela sonne comme une évidence, avoir la passion pour son produit.
Des facteurs macro-économiques font également leur entrée. Pour n’en citer qu’un, mais essentiel, principalement en Suisse, la migration. Sur les 90 Innogrant distribués par l’EPFL depuis 2005, 75% d’entre eux ont fini entre les mains d’entrepreneurs étrangers. Et ce n’est pas une question de discrimination. La Suisse a besoin de cerveaux étrangers. Un long débat politique.
Pour l’EPFL, la création de startup, ou plutôt d’emplois dans celles-ci, est un atout majeur. Pas tant d’un point de vue financier mais plutôt d’image. Économiquement parlant, les revenus proviennent des licences accordées (ils reçoivent des participations ou royalties en échange) aux différentes entités ou encore lors de la vente de l’une des start-up, soit environ 1% de la valeur de transaction. [Vous pouvez lire l’article Que demandent les universités aux start-up pour une licence de propriété intellectuelle ?] L’image, elle, est bien plus notable. Faire passer le message d’une innovation constante, aux yeux du monde entier, est un point vital pour l’EPFL et pour le pays.
Un cas d’école d’une start-up ambitieuse à l’EPFL.
Yann Tissot et Simon Rivier, co-fondateurs de L.E.S.S.
La jeune société L.E.S.S. (Light Efficient Systems) est l’exemple parfait d’une start-up de l’EPFL en pleine croissance. La fibre optique de la société permet de générer un nouveau système de lumière qui ne laisse pas indifférent le secteur de l’automobile ou encore les fabricants d’ordinateurs.
Yann Tissot, président et co-créateur, a reçu une bourse Innogrant de l’EPFL en 2011. Fort de cet investissement, la start-up a été créée en juin 2012. A partir de ce moment-là, l’ambition et la passion du jeune entrepreneur ont fait la différence. Entre tour du monde pour faire connaitre son produit et course aux prix comme Entrepreneurship Prize de la fondation W.A. de Vigier, Strategis Prize competition ou encore le prix de la 2e meilleure start-up suisse en 2014 [puis la #1 in 2015 !]. Des récompenses qui lui ont permis de survivre et de trouver des investisseurs. En avril 2015, une vitale levée de fonds de trois millions est conclue avec VI Partners, supervisé par Alain Nicod, ainsi qu’auprès de différents business angels.
Aujourd’hui, L.E.S.S. compte neuf collaborateurs et a été tout proche d’atteindre le million de chiffre d’affaires l’année dernière. Le revenu estimé pour 2016 sera de l’ordre de quelques millions de francs. – (DB)