L’auto-citation est un exercice délicat mais comme il ne m’arrive pas souvent de donner mon point de vue dans les media, j’imagine que cela reste acceptable… Le Journal Le Temps m’a demandé mon point de vue sur les récente acquisitions de spin-off de l’EPFL. J’en extrais quelques messages.
Par contre, ce qui m’inquiète c’est qu’en Europe, je n’ai jamais vu naître de sociétés technologiques de type Google, Apple ou Cisco.
– Pourtant, on peut citer SAP en Allemagne ou le service de téléphonie via Internet Skype…
– Oui mais [à l’exception de SAP] il n’y a pas eu de gros succès en Europe dans la technologie ces cinquante dernières années. Certes, Microsoft a racheté Skype pour 8,5 milliards de dollars et Logitech vaut 2 milliards en bourse et compte 6000 employés. Mais, en comparaison avec les Etats-Unis, les poids lourds du secteur sont évalués à plus de 170 milliards de dollars et comptent plus de 50 000 employés. Il y a un décalage d’un facteur dix entre les deux continents et cela me perturbe depuis vingt-cinq ans. J’ai des doutes et des craintes sur l’avenir de l’Europe.
– Comment expliquez-vous ce décalage?
– Je pense que c’est essentiellement culturel. Un jeune ingénieur qui écoute ses parents va travailler chez Nestlé ou Novartis et il y reste. Les Américains ont des parents ou grands-parents issus de l’immigration. La tradition du changement est intégrée et l’échec est accepté.
– Quels sont les risques face à une telle situation?
– Si l’on ne se renouvelle pas, c’est la mort de l’Europe. On y est presque, regardez la France. C’est une inquiétude que j’ai pour mes deux enfants. Il faut créer un Google sur sol européen pour que l’économie puisse se renouveler. Sans la présence d’un important groupe technologique, les start-up innovantes se feront systématiquement racheter par des groupes américains. Yahoo! a repris le français Kelkoo, le danois Navision appartient désormais à Microsoft, le suédois MySQL à Oracle et le français ILOG à IBM.
Pour les spin-off de l’EPFL, c’est pareil. La société d’imagerie médicale Aïmago a été rachetée par le groupe américain Novadaq Technologies pour 10 millions de dollars. Sensima Technology, active dans la production de capteurs magnétiques, a été intégrée au sein de Monolithic Power Systems (MPS) basée à San José en Californie. Seule Jilion a été rachetée par le français Dailymotion, qui a intégré leur technologie vidéo sur leur site. Et maintenant, c’est Intel. Or, lorsque ces sociétés sont rachetées, c’est tout un savoir-faire et des emplois qui peuvent disparaître. Il y a un risque de perte de richesse.
Le reste de l’article est disponible sur le site web du journal Le Temps.