Mon collègue Andrea vient de me mentionner cet article exceptionnel sur la Silicon Valley et son manque d’intérêt, pour ne pas dire sa méfiance, de la politique. Il a été publié dans le New Yorker en mai 2013 et est intitulé: Changer le monde – la Silicon Valley transfère ses slogans et son argent vers la sphère de la politique de George Packer (voici le lien vers l’article du New Yorker).
« Dans la Silicon Valley, le gouvernement est considéré comme lent, composé de médiocres, et criblé de règles obsolètes et inefficaces. » Illustration de Istvan Banyai.
Tout cela n’est pas si éloigné d’un post récent que j’ai publié : Les péchés capitaux de la Silicon Valley. L’analyse des George Packer est cependant bien plus profonde et subtile et tout à fait fascinante. Je ne vais pas analyser l’article, vous devez le lire, même si c’est un long article, et pour vous y vous encourager, en voici cinq extraits rapidement traduits:
– « Quand ils parlent de la raison pour laquelle ils ont lancé leur entreprise, les gens dans la high-tech ont tendance à parler de changer le monde « , commente M. Green. « Je pense que c’est réellement sincère. Mais d’autre part, ces gens sont tellement déconnectés de la politique. En partie parce que les principes de fonctionnement de la politique et les principes de fonctionnement de la technologie sont complètement différents. » Alors que la politique est transactionnelle et opaque, basée sur des hiérarchies et des poignées de main, explique M. Green, la technologie est empirique et souvent transparente, basée sur les données.
– Morozov , qui est âgé de vingt-neuf ans et a grandi dans une ville minière en Biélorussie, est le plus féroce critique de l’optimisme technologique en Amérique. Il démonte sans relâche la langue de ses adeptes . « Ils veulent être ouvert, ils veulent être perturbateurs, ils veulent innover » m’a dit Morozov. « L’objectif avoué est, à bien des égards, le contraire de l’égalité et de la justice. Ils pensent que tout ce qui vous aide à contourner les institutions est, par principe, responsabilisant ou libérateur. Vous pourriez ne pas être en mesure de payer pour les soins de santé ou votre assurance, mais si vous avez une application sur votre téléphone qui vous alerte sur le fait que vous avez besoin de faire plus d’exercice ou que vous ne mangez pas assez sainement, ils pensent qu’ils résolvent le problème. »
– Un système de « production par les pairs » pourrait être moins égalitaire que ces vieilles bureaucraties méprisées, dans lesquelles « une personne pouvait obtenir les points d’entrée appropriés et ainsi acquérir une place socialement qu’elle vienne d’une famille riche ou pauvre, d’une famille instruite ou ignorante. » Autrement dit, « les réseaux de pairs » pourraient restaurer la primauté de « formes de capital à base de classe et purement sociales » et nous renvoyer à une société où ce qui importe vraiment, c’est qui vous connaissez, pas ce que vous pourriez accomplir. (…) La Silicon Valley est peut-être la seule région où les Américains n’aiment pas reconnaître le fait qu’ils viennent de milieux modestes. Selon Kapor, ils auraient alors à admettre que quelqu’un les a aidés en cours de route, ce qui va à l’encontre de l’image de soi de la Vallée.
– « Il y a cette attitude pleine de conneries, cette attitude ridicule ici, selon laquelle si quelque chose est nouveau et différent, ce doit être vraiment bien, et qu’il doit toujours y avoir une nouvelle façon de résoudre les problèmes qui dépasse les anciennes limitations, les potins de blocage. Et avec un soupçon du genre « Nous sommes plus intelligents que tout le monde ». C’est non-sens total. »
– « C’est l’une des choses dont personne ne parle dans la vallée, » m’a dit Marc Andreessen. Essayer de lancer une start-up est «absolument terrifiant. Tout est contre vous. » Beaucoup de jeunes s’éteignent sous la pression. Comme capital-risqueur, il voit plus de trois mille personnes par an et finance seulement vingt d’entre eux. «Notre travail quotidien est de dire non aux entrepreneurs et de tuer leurs rêves » ajoute-t-il. Pendant ce temps, « chaque entrepreneur doit prétendre dans toutes ses interactions que tout va bien. A chaque soirée où vous allez, à chaque recruteur, à chaque entrevue. il faut dire « Oh , c’est fantastique! » mais à l’intérieur, votre âme vient d’être disloquée, non? C’est un peu « tout le monde vit dans le meilleur des mondes. »