J’ai plutôt la mémoire courte mais quand je m’intéresse à un sujet je m’y accroche pendant quelques jours. Après avoir trouvé des interviews fort instructives de Don Valentine (que je n’ai pas eu le courage de traduire et donc le lien précédent renvoie sur la partie anglaise de mon blog), j’ai poussé plus loin et retrouvé l’interview que j’avais utilisée dans mon livre oÛ il compare Jobs à Ho CHi Min. (« We financed Steve in 1977 at Apple. Steve was twenty, un-degreed, some people said unwashed, and he looked like Ho Chi Min. But he was a bright person then, and is a brighter man now »).
Il y explique aussi pourquoi il pense que la Silicon Valley est un phénomène unique. Voilà ce qu’il dit:
« Aucun doute. C’est une question difficile. Et année après année, j’ai eu des centaines de visiteurs de tous les pays du monde, de presque tous les états américains. Ils voulaient tous comprendre et copier ce qui a permis l’existence et la réussite de la Silicon Valley. Tous ou la plupart s’intéressaient à la création d’emplois qui lui est liée. Mais si vous regardez le capital risque, il ne fonctionne que dans deux endroits. Il ne fonctionne pas hors des USA, et seulement à Boston et sa région et dans la Silicon Valley pour les USA. En résumé, aucune autre région n’a jamais créé d’entreprises de taille conséquente avec autant de visibilité et de succès.
Vous pouvez parler du climat. Vous pouvez mentionner des universités de grande qualité. Vous pouvez ajouter que le capital risque y est plus fort et plus expérimenté qu’ailleurs. Mais la mystique de la réussite reste difficile à expliciter en six ou sept idées simples. Il y a un peu de magie derrière ce succès et le fait que cela a marché à un moment particulier. Le capital risque date des années soixante, il n’a donc qu’un quart de siècle [l’interview date de 2004…] Il est encore jeune et c’est une forme un peu secrète d’ingénierie financière. Nous ne nous considérons d’ailleurs pas comme des investisseurs. Nous nous voyons comme des bâtisseurs d’entreprises, et même des bâtisseurs d’industrie. Mais surtout il y a une mentalité et une attitude très différente de l’idée traditionnelle de vendre et acheter des choses. ce n’est pas un lieu où vous achetez des choses. C’est un lieu où vous bâtissez des choses. Et vous [en tant qu’investisseur] faites partie de l’équipe de fondateurs qui crée une entreprise à partir de rien et même de nouvelles industries parfois. Et aujourd’hui, ceux qui savent faire cela sont très nombreux ici.
Mais si vous parcourez la planète, Research Triangle en Caroline du Nord devait devenir un autre de ces endroits magiques. Mais pouvez-vous citer une grande société qui a été créée là-bas? Vous pouvez aller ailleurs. A Seattle, par exemple. il y a un grand succès. Il y en a même peut-être deux. Et là-bas, ils comptent Nike. Mais que s’y est-il passé à part Microsoft et Nike dans les derniers 25 ans? La réponse est pas grand chose. [Bon… il oublie Amazon!] De nombreuses start-up ont été créées. Beaucoup de choses s’y passent, mais pas beaucoup de succès monumentaux. Je veux dire qu’il est quand même incroyable qu’un tel nombre de start-up ait atteint une telle proéminence, avec des revenus de l’ordre du milliard de dollars dans cette minuscule, minuscule vallée. Cela reste donc une énigme de savoir quels ingrédients doivent être retenus et copiés. J’ai essayé d’expliquer une fois au Vice-Premier Ministre de Singapour qui essayé de rentrer chez lui avec des idées et je lui ai dit que c’était un état d’esprit. Cela ne se met pas dans le bagages. Il vaut sans doute mieux envoyer des personnes dans la Silicon Valley jusqu’à ce que leur ADN soit changé si bien que quand ils rentrent à Singapour, ils pourront transmettre leur ADN à travers leur attitude et leur capacité à prendre des risques. Dans un pays comme le Japon, si vous lancez une entreprise qui échoue, vous perdez la face. Certains se suicideraient si cela arrivait. »
« Alors qu’ici, si vous commencez et échoué, vous aurez appris de votre échec (du moins les meilleurs apprennent). Il n’y a pas le stigma de l’échec. En Irlande, je ne peux pas croire qu’avec les difficultés économiques que quelqu’un quitterait un bon travail pour prendre le risque de se lancer, voire d’échouer. Et dans un pays comme l’Allemagne, tant il y a de rigidités, vous seriez ostracisé, j’imagine, si vous essayiez quelque chose et que vous échouiez. Du point de vue de l’environnement, l’autre ingrédient, que j’ai oublié de mentionner, et c’est encore plus vrai aujourd’hui que ça ne l’a jamais été, est une communauté bâtie sur les migrations. A peut près tout ceux qui ont lancé ou contribuer à lancer ces futurs succès sont venus d’un autre état. Noyce venait de l’Iowa. Il avait étudié à Grinnell College. Gordon Moore est sans doute l’exception puisqu’il était né en Californie. Nous avons une Histoire faite de [et par des] migrants qui viennent de tout le pays et dans les dix dernières années encore plus, avec une très forte contribution de l’Asie du Sud Est. Il ne se passe pas un mois sans que Sequoia ne lance une start-up qui emploie des Indiens. Des gens fabuleusement éduqués, des entrepreneurs brillants qui viennent d’un système économique si différent du notre qu’il est difficile pour moi de le comprendre, bien que tous les deux mois je reçois la leçon de quelque entrepreneur qui m’explique que je ne comprends pas mon propre système. Il est difficile de comprendre à quel point il est unique et donc qu’il n’existe nulle part ailleurs. Il y a donc ici quelque chose qui différent et perçu comme tel par ceux qui migrent ici à dessein. »